Mise au point !

Au Domaine, désirant quand même annoncer mon retour aux maîtres des lieux, je traversais les différents endroits le plus tranquillement possible. Grâce à ma connaissance des prédominances, j’étais parvenu à faire disparaître ma fatigue physique et à me soigner un tant soit peu. Malheureusement, la récupération totale de mes énergies physiques et cosmiques prendraient encore pas mal de temps. Bah ! J’en avais l’habitude… À force de faire des allers retours entre la vie et la mort, récupérer était devenu un moyen de s’entraîner afin d’améliorer ses compétences. Devant moi, se trouvait la Fosse de la Milady. Un sourire moqueur se dessinait sur mon visage à la pensée de la Lady dans le gosier du Dragon. Ce fut l’une des très rares satisfactions lors de ce combat. Je continuais mes pas lorsque je me mis à entendre une conversation assez houleuse entre la Cardinale et un Berserker qui devait être son soldat personnel. Je n’avais pas tout suivi mais, en substance, elle semblait vraiment furieuse contre lui tandis que l’autre se complaisait en de vaines excuses. Pour le coup, bien que je ne le connaisse pas ou peu, mon estime pour lui frisa le zéro absolu. Il a fait une bourde, il se tait et il essaie d’arranger les choses comme un vrai guerrier. D’après ce que je pouvais comprendre, il semblait que celui-ci n’avait pas participé au combat contre le Dragon alors qu’il se trouvait dans le coin. C’était son affaire mais, dorénavant, s’il avait dans l’idée de me chercher querelle, je le pulvériserais sans problème. Je dis ça mais bon, dans le fond, si vraiment il voulait s’amender, et surtout s’il se faisait éjecter du Régiment de la Dame au Thé, il faudrait peut-être faire preuve d’un très léger sens de la compassion. Après tout, suivre la Voie du Combat n’est pas donné à tout le monde : il est plus facile d’abandonner et de lâcher plutôt que d’assumer ce que l’on est. Soupirant, je lui proposerais mon aide une seule fois. S’il la refuse, il se débrouillera. S’il l’accepte, j’en ferais un combattant sans peur et sans reproche. Calamity pourra me remercier. Mais, bon, en l’état, j’aurais besoin de la Milady pour réparer ma bonne vieille armure. Je faisais donc mon apparition devant les deux protagonistes. Regardant Calamity, j’avais toujours ce petit sourire moqueur. Il n’y avait plus de méchanceté en tout cas. Mais railler la Cardinale était mon petit plaisir coupable. Et, elle ne se privait pas pour m’envoyer des roses aussi. Nous étions tous les deux les Guerriers les plus forts du camp. Sauf qu’elle avait un rang supérieur à moi. Mais qu’en avais-je à faire puisque, en face d’elle, il y avait du répondant.

Hé Bien Milady… Te voilà drôlement énervée… C’est parce que je t’ai envoyé valser dans le gosier du Dragon ? Il paraît, pourtant, que la Bave de Lardon rend la peau plus belle et plus délicate au toucher…

Je me tournais vers ce qui semblait être le fameux Flagello. Le Toutou de la Calamité. Comme si avoir un singe ne lui suffisait pas, avait-elle besoin d’en avoir deux ? Le contemplant longuement, je finis par soupirer, lâchant un soupir exprimant un mélange de mépris et d’insouciance.

Flagello n’est-ce pas ? C’est toi qui as abandonné Deimos et la Milady en plein combat ? Vraiment minable de ta part. La Lady a été gentille avec toi, tu m’aurais fait un coup pareil, je t’aurais tué sans l’ombre d’un seul remord. Tout paillasson que je suis, ceux qui se prétendent des vrais guerriers alors qu’ils ne sont que des mauviettes ne méritent même pas ma pitié. M’enfin bon… Puisque nous sommes du même camp, si tu as besoin de soutien pour redorer ton blason, je t’aiderais. Mon offre ne tient qu’une fois. Tu acceptes, tant mieux pour toi. Tu refuses, je m’en lave complètement les mains…

Croisant son regard un court instant, je me dirigeais comme si de rien n’était vers Calamity. Je la dévisageais de haut en bas.

En tout cas, tu n’es pas allé faire un tour aux enfers et Deimos semble toujours dans le coin d’après ce que je peux ressentir. Mission accompli puisque vous êtes toujours vivant même si tu n’as pas la grande forme. Que s’est-il passé après que le Lardon Pourri m’ait envoyé en Enfer ?

Tu fais ce que tu veux l’ami. Profites bien de ta vie de Banni... Tu devrais apprendre pas mal de chose sur le monde qui t’entoure et sur toi-même. Je suis bien placé pour savoir cela. Mais, rassures toi, ton blason n’est pas vraiment si sale qu’il n’y paraît. Un petit coup de chiffon et il n’y paraîtra plus grand-chose…

Ainsi, Flagello avait fait son choix. Puisqu’il refusait l’aide que je lui proposais, c’était à lui de voir. J’avais autre chose à faire en ce qui me concernait. S’il voulait se débrouiller tout seul, c’était sa décision et je m’en lavais les mains. Même si, encore une fois, je venais de me rendre compte que je montrais un peu trop de compassion pour une personne que je ne connaissais ni d’Adam, ni d’Ève.  Le fait qu’il appartienne au même clan que moi faisait-il ressurgir une certaine forme de pitié à son égard ? Une forme de compassion pour un guerrier qui  avait jeté à la poubelle comme un détritus ?  Je chassais cette idée rapidement de ma tête en soupirant. Depuis que j’avais acquis l’élément lumière, il m’arrivait de songer à des aspects de la vie qui était bizarre. À quel point cette histoire avec Grell m’avait changé ? Je commençais tout juste à l’appréhender et je me demandais à quel point cela me transformerait à l’avenir. Tout le savoir, que j’avais acquis auparavant, revenait dans mon cervelle comme un véritable tourbillon. Et, je me rendais compte que j’avais un peu moins de certitudes qu’auparavant. Choquant ! Mais, j’abandonnais cette réflexion pour me concentrer sur la Milady.

Au moins, elle était mon petit plaisir personnel. J’aimais bien la titiller et elle semblait aimer bien me railler. Au moins, à priori, aucun de nous deux ne le prenait mal. Car, il est assuré que je ne toucherais jamais la peau de cette Gamine de peur de me salir les mains. En plus, elle serait capable de s’imaginer des choses qui n’ont pas lieu d’être. Au moins, j’avais eu la confirmation que la mission était un plein succès. Tant mieux, je n’étais pas mort pour rien et ils étaient encore vivants. Je la regardais jouer son rôle de cheftaine autoritaire. Un homme ne devrait jamais être l’esclave d’un autre mais s’il n’était pas capable de se défendre, c’est qu’il ne méritait pas mieux que d’être le toutou à son maître.

Et je n’ai vraiment pas du tout envie de le savoir d’ailleurs Milady. Au moins, je ne suis pas mort pour rien : vous êtes vivants, la mission est un succès et c’est tout ce qui compte.

Observant son manège avec une certaine forme de distance, j’observais les portes s’ouvrir devant moi. Me grattant les cheveux en soupirant, j’avais compris ce petit jeu et entrais plus profondément dans le domaine. Puisque cela était une invitation, je n’allais pas particulièrement refuser.  Mon armure était dans un état pitoyable et cela m’arrangerait peut être qu’elle soit réparé. Mais, je ne ferais pas de demande particulière car c’est la Lady qui déciderait si elle doit être réparé ou pas. D’ailleurs, en l’entendant demander à son esclave de confectionner une boisson rapide et un petit verre de vin, je grimaçais. La bouffe d’esclave est la pire qui soit. Elle commençait à m’ennuyer sérieusement avec ses ordres. Être poli, ne toucher à rien, me tenir calmement. Elle me prenait pour un arriéré ou quoi ? Quoiqu’elle n’avait pas tort car, avec mon caractère de cochon, je serais bien fichu de lui casser un ou deux vases rien que pour l’ennuyer. Mais puisqu’elle faisait quand même un effort, il était correct que j’en fasse aussi. Silencieusement, je la suivais jusqu’à l’endroit où elle voulait m’emmener. Là, je pris mon aise en me posant dans un coin, mettant une petite distance entre nous. Ni trop loin pour lui montrer quand même que j’acceptais une relative proximité avec elle. Ni trop près pour qu’elle ne s’imagine pas certaines choses sur moi. Je m’étonnais de ce petit geste et de cette attitude que je venais de prendre. Ça ne me ressemblait pas du tout. Au moins, on verrait si elle comprendrait ou pas.

Bien… Alors Lady… Tu veux me parler de quoi ?

Clair… Direct… Précis…Concis… Net et sans bavure… J’attendais que la Miss « Hihi » me parle de ce qui pourrait m’avantager ou pas.  

Il y a des choses que je tenais à garder absolument secrète. Notamment, le fait qu’avoir appris l’élément lumière avait déclenché bien plus de surprises que je n’aurais crues. Si, un jour, on m’avait dit que j’étais doué de compassion pour les gens, j’aurais ris au nez de l’incrédule qui m’aurait sorti cette sornette. Pour, finalement, me rendre compte qu’il n’avait pas tort et que le crétin de service n’était pas lui mais bien moi. Tel est pris qui croyait prendre en somme. Dans tous les cas, pour le coup, je faisais vraiment en sorte de toujours donner cette image de barbare  puérile aux yeux des autres. Je ne leur faisais pas confiance. Étant le Paillasson de service, et même si cela me déplaisait fortement, je n’avais pas à me préoccuper  de la situation de mes supérieurs directs. Ici, dans ce camp, mon seul devoir était de protéger  Arès et ses enfants.  C’est tout. Tel était ma science du combat de ne jamais rien laisser paraître de mes sentiment et de mon attitude si tel était mon désir. Je pouvais l’appliquer tout aussi bien dans la vie de tous les jours mais cela serait donné un indice à mes « collègues ». Et, en dehors de Calamity, les autres ne méritaient pas que je m’intéresse à eux. Cela a toujours été ma ligne de conduite, je ne voyais pas pourquoi je changerais. Mais, peut-être, me trompais-je ?

Tu as raison Lady ! Toi et moi, on ne sera jamais les meilleurs amis du monde. Avant tout, je suis un guerrier et non un soldat. T’obéir m’est impossible car  je ne me soumets qu’aux dieux. En l’occurrence, ici, il s’agit d’Arès, Phobos et de Deimos. Pour le reste, rare sont les humains devant qui j’ai fléchi un tant soit peu. Et, à chaque fois, lorsque j’acceptais cet état de fait, c’est parce qu’ils étaient digne de mon respect. Comme tu peux t’en douter, ils ne sont pas nombreux du tout, c’est même une espèce très rare. Partant de ce point-là, pourquoi devrais-je t’obéir ? Pourquoi devrais-je obéir aux autres ?

Au début, j’avais toujours pensé que les Hommes n’avaient pas besoin des dieux. Pourtant, il fallait bien admettre que certains valaient certainement le coup qu’on croit à eux. Pour ma part, j’ai cru – et je continue de croire en secret – que Cronos et sa famille méritent amplement qu’on donne sa vie pour eux.  Maintenant, je suis au service d’Arès et de ses enfants. Je donnerais ma vie pour eux. Du moins, car c’est mon devoir.  Je me moque de leur idéal et de leur vision de ce monde. Cela ne me concerne pas plus que ça. Mais, ne m’a-t-on pas appris que les apparences sont toujours trompeuses ? Que ce qui est bien pour l’un est mauvais pour l’autre et vice versa ? Partant de cela, qui suis-je pour les juger ? Si tant est qu’un jour, j’eus la simple idée de vouloir tenter de les comprendre. Ils ne m’ont point donné l’envie de les comprendre et leurs attentes sont faciles : servir, combattre et mourir. Au bout du compte, cela me convient.


Ma manière de combattre avait été stupide ? Qu’en ai-je à faire ? Je ne m’embarrasse guère de questions stratégiques en combat. Quand je lutte, je donne tout ce que j’ai avec la volonté de ne jamais abandonner et de mourir en tant que guerrier et non en tant que pleutre. Quel que soit mon adversaire, qu’il comprenne bien que peu importe ses coups, je me relèverais toujours pour lui faire face et continuer de le harceler. Si je ne peux le tuer, je veux le pousser dans ses derniers retranchements. De toute façon, j’ai encore des comptes à régler avec certains autres guerriers. Non pas par vengeance mais pour remettre les pendules à l’heure, histoire qu’ils comprennent bien que je rends toujours la pareille avec les intérêts et au centuple.

Quant à la question de combat, qu’importe après tout ! J’affronte un adversaire pour le battre. La Gloire et les Honneurs m’importent peu car, pour moi, tout se résume à combattre et survivre. Et, si je dois me rendre en Enfer, alors, je m’y rendrais sans problème. Mon seul but est de devenir toujours plus fort et plus puissant.

Pour l’instant, mon armure et moi cohabitions en parfaite synchronisation. Pour la simple et bonne raison qu’elle et moi avions les mêmes valeurs. Nous étions deux fous dans un monde d’illusion. Un jour viendra où nous nous séparerions mais, lorsque ce jour viendra, c’est parce que je l’aurais décidé. Même réduite en morceaux, alors que j’étalais les morceaux devant moi en un petit tas bien négligé, je pouvais sentir qu’elle voulait elle aussi ressusciter pour se remettre au travail. Une armure de malade pour un dégénéré taille XXL. Comme moi, elle en voulait toujours plus. Elle savait bien qu’elle n’évoluerait peut être jamais mais tant que nous étions ensemble, elle me protégerait. Si l’armure du pégase blanc paraît indomptable, celle du Noir est un véritable cauchemar pour celui qui a un esprit faible. En conséquence, comme moi, elle se moquait bel et bien de ce qu’on pensait d’elle car le Pégase Noir est un concentré de liberté envoyant des météores de doigts d’honneur aux autres.      

Qu’importe après tout que cette armure soit noble ou pas car je me moque de sa valeur. Mais connais-tu l’origine du Pégase Noir d’ailleurs ? Pas de l’armure mais l’histoire de cette constellation ?

L’odeur du thé se dégageait et semblait faire plaisir à la Milady. Pour moi, cela n’avait aucune signification particulière. Je l’observais prendre bien soin de choisir ses mots : se doutait-elle simplement qu’elle n’en paraissait plus que stupide ? Mais, cela arrangeait parfaitement mes affaires en un sens : tant que je n’aurais pas décidé si elle méritait mon respect, je continuerais à jouer à la perfection le rôle de benêt de service. Tant que j n’aurais pas décidé en mon âme et conscience que je pouvais donner ma vie pour elle, je persévérai dans cette démonstration maîtrisé du Guerrier bête et à l’ouest… Tout en lui offrant, de temps en temps de subtiles perches afin de constater, finalement, si elle vaut le coup qu’on sacrifie sa vie pour elle. Car, à bien des égards, et même si je devais changer d’avis sur elle, jamais, je ne serais un mouton faiblard qui perdra son honneur de guerrier pour une personne qui ne mérite pas tout ce que je m’apprête à lui offrir.

Tu me parles de respecter les autres Berserkers ? À part toi, les autres sont faibles. Ce ne sont pas de vrais guerriers et encore moins de fiers combattants. Pourquoi devrais-je les respecter ? Que peuvent-ils m’apporter de plus ? Pourquoi devrais-je les servir alors que je suis capable de tous les battre en combat loyal et singulier ? Ils sont jeunes et inexpérimentés et pourtant ils ont des responsabilités. Qu’ont-ils à m’apprendre que j ne sache pas ? À quoi bon être un bon serviteur si on est incapable de protéger ses maîtres ? Alors, Lady, peux-tu répondre à mes interrogations ? Peux-tu me prouver que j’ai tort ?

Tant que je ne parviendrais pas à trouver le bon équilibre entre ce qu’ils attendent de moi et mon esprit libre, je n’obtiendrais jamais ce que je désire.  Je ne refusais pas de la nourriture qu’elle soit bonne ou mauvaise. Je me saisissais d’un morceau de viande et le mangeais calmement et lentement. J’avais besoin de graisses et de protéines pour fortifier mon corps car cela faisait trop longtemps que je ne me nourrissais que de plantes, légumes et fruits. Je chassais ma viande pour mon propre compte et cuisinais à ma manière.

Je sais pourquoi je n’ai pas eu de responsabilité. Je le sais très bien. Je ne colle pas pour l’instant au principe car je suis trop épris de liberté. Il faut croire que, en ce bas monde, nous sommes l’esclave des dieux. Pourtant, il faudra bien que les choses évoluent un jour…   Car si j’ai une dette envers Nagash à honorer, j’en ai également une à ton égard pour mon comportement te concernant à Corona. C’était stupide, je l’avoue…

Mes derniers mots s’évanouirent en un murmure à peine inaudible. Je venais tout juste de reconnaître mes torts mais je ne devais pas encore être prêt pour exprimer pleinement et à haute voix certaines choses. J’attendais la suite de la conversation en posant mon regard sur la Cardinale.  Peut-être penserait-elle que je suis arrogant ? En vérité, j’étais très réaliste sur ma condition et sur celles des autres. Je ne cherchais pas à dissimuler une quelconque vérité ou une certaine forme de mensonge. Je me montrais tel que j’étais. Du moins en apparence, attendant que se révèle alors en plein jour cette certitude que je me trompe sur le compte des autres… Ou pas…

Flash du Passé:

Cela prenait tout son sens lorsque j’y repensais alors que j’étais en train de manger calmement en face de la Cardinale. À vrai dire, têtu comme j’étais, je souhaitais toujours embrasser cette liberté à plein poumon. Surtout ici, je me rendais compte à quel point, on n’était point libre d’accomplir ce que l’on désirait. Dans le fond, après tout, était-ce si grave que cela ? Encore une fois, je devais me résoudre à mettre de l’eau dans mon moulin si je voulais parvenir à atteindre mon objectif.  Comme le disait si bien la Lady, étais-je vraiment incapable de penser par moi-même ? Faisais-je partie de cette troupe de mouton ? À vrai dire, j’étais plutôt un loup solitaire qui était prêt à dévorer à chaque instant ce petit troupeau sans que cela ne pose le moindre problème. Pouvait-on me considérer comme un leader naturel ? Moi-même, je ne le savais pas et je ne cherchais même pas à le savoir. J’avais ma propre façon de penser et ma propre façon de réagir. Ce qui était sûr, c’est que je pouvais être considéré comme un être dangereux car imprévisible. Suivre les ordres des dieux était un acte normal. Me rabaisser auprès d’êtres faibles était un dur labeur. Il serait si simple de tous les éliminer. Je commençais véritablement à en avoir marre d’être le paillasson du coin : je rongeais mon frein le plus calmement possible. Mais, à bien des égards, j’étais comme une bombe atomique qui était prêt à exploser à n’importe quel instant.  

Puis, en un sens, je pris le temps de réfléchir un peu sur la question. Il est vrai que je n’ai jamais connu la discipline militaire et encore moins ce fameux sens de l’organisation. En quoi cela se révélait-il si essentiel ? Bien entendu, je saisissais pleinement l’importance du schéma tactique dans une guerre. Une discipline militaire couplée à une stratégie permettrait de mieux exploiter mes capacités ?  Je ne voyais vraiment pas l’utilité de cette réflexion : après tout, il ne m’était pas interdit de tenter cette approche et de voir où cela m’amènerait. Bien que la Milady ne fût pas ma tasse de thé, j’étais, toutefois, bien conscient qu’il fallait, parfois, changer son fusil d’épaule pour parvenir à ses fins. De toute façon, qu’est ce qui m’empêchait d’opter pour une nouvelle vision et de faire machine arrière si cela ne me convenait pas ? Avalant mon dernier morceau de viande, je posais mon regard déterminé sur celui de la Miss.

Admettons que tu ais raison Lady…  Admettons que j’essaye… je dis bien que j’essaye hein ?... De suivre tes conseils… Si… Par le plus grand des hasards, j’acceptais de me fondre dans cette fameuse discipline militaire, me garantis-tu donc que je pourrais accéder à ce que je ne peux avoir actuellement ?  Si je fais l’effort de tenter de respecter les ordres de mes supérieurs, m’assures-tu d’une évolution qui irait vers le sens de ma recherche de puissance ?

Car, hormis la cohésion, le sens de la discipline et un sens de la réflexion, fondamentalement, ils sont faibles. Si nous sommes attaqués, ils seront morts rapidement sans avoir rien fait pour ce camp. Même moi, qui suis censé être au plus bas de l’échelle, je serais capable de tous les tuer avec une véritable aisance. Nous ne pourrons pas compter éternellement sur Phobos, Deimos et Arès pour nous défaire de nos probables adversaires. Nous ne pourrons pas uniquement compter sur la Lady. Ma réflexion était peut être simpliste mais très réaliste. Pourtant, je décidais de faire confiance à la Lady. Sa réponse déterminerait mon comportement envers les autres. Faire un tout petit pas en avant ne me dérangeait pas. D’ailleurs, je m’étonnais moi-même de ce genre d’initiative. Avant, j’aurais tout envoyé balader et je me serais contenté de profiter du système pour parvenir à mes propres moyens, quitte à tuer un des membres de mon propre camp, arguant que ce n’était rien que de vaines brebis inutiles.   Et quand quelque chose est inutile, on le jetait à la poubelle et on l’oubliait rapidement. Là, je décidais de tenter une nouvelle approche, tout à fait inconnu pour moi. Je décidais d’emprunter un chemin véritablement obscur sans véritablement savoir où cela me mènerait.  Aventurier sans peur et sans reproche dans l’âme, je n’avais peur de rien donc pourquoi ne pas essayer et voir ce que cela donnait ? À bien y réfléchir, était-ce une des nombreuses facettes qu’offrait la Lumière ?

En d’autres termes… Puis-je te faire confiance ou pas ? Et puis-je faire confiance aux autres ?

Elle n’avait vraiment pas tort. Bien que je porte une grande affection pour cette armure, elle ne pouvait plus me protéger correctement. Nous avions fait un très long chemin ensemble mais, dorénavant, il était temps de se séparer. Avec un petit poil de regret, je constatais simplement et pragmatiquement qu’il était temps de passer à autre chose.    

Il est vrai que cette armure est véritablement faible. Elle n’est plus capable de supporter ma puissance et devient de jour en jour un véritable poids. Si les armures des maître ont si puissantes que cela, comme tu sembles l’affirmer avec tellement d’assurance, alors je veux en avoir une autre. Car si le Pégase Blanc a toujours symbolisé le courage par la Loyauté, le Pégase Noir symbolise l’obstination par le Chaos. Lady ! Si je décide de te suivre, me promets-tu une armure bien plus puissante que celle que je porte actuellement ?

Regardant silencieusement le Petit Singe de la milady faire son manège, je posais mon regard sur la lady, quand soudain, je ressentis une présence que je n’avais plus vue depuis très longtemps. Finalement, elle était de retour. Un sourire naquit sur mon visage alors que je pris un verre de vin et que j’en bus le contenu lentement.

Lady… Je serais toi, je prendrais bien soin de Mister Monkey car ma plus vieille amie est de retour…

On ne fait jamais ce que l’on veut dans la vie ? Lorsque Cronos m’avait offert la liberté, à quoi avais-je donc songé ? Si je garde l’espoir de voyager à travers ce monde comme un loup solitaire, affrontant seul de nombreux adversaires, devais-je nécessairement passer par le stade de soumis dans cette fameuse discipline militaire qui me rebutait ? Car, si effectivement, j’étais prêt à faire des efforts pour atteindre mon objectif, c’est-à-dire acquérir la puissance absolue par n’importe quel moyen, j’avouais avoir encore du mal à courber l’échine devant un être plus faible que moi. Hormis Arès, Phobos et Deimos qui était, naturellement mes nouveaux maîtres pour lesquels je sacrifierais un millier de fois ma vie, et à part la Milady qui avait une certaine forme de charisme dont je ne m’expliquais pour l’instant pas la raison, j’éprouvais les pires difficultés à envisager une sorte de soumission devant ces êtres aussi faibles. C’était plus fort que moi : il fallait impérativement être plus puissant que moi pour que je puisse reconnaître une personne en tant que supérieur.

En y repensant, je comprenais parfaitement le sens de cette expression que l’Ancêtre m’avait rabâché de nombreuses fois. Ma liberté s’arrête-t-elle vraiment là où commence celle des autres ? En m’invitant à rejoindre le camp des Berserkers, qu’est-ce que Cronos avait voulu me faire comprendre ? Qu’attendait-il de moi ? Ne devait-ce pas être l’ultime épreuve de mon entraînement ?   Si je recoupe ces idées avec les paroles de la Lady et les différentes réflexions de mes nouveaux maîtres, cette discipline militaire était-elle ma dernière épreuve ? Qu’étais-je censé comprendre dans le fond ? Qu’est-ce qu’obéir à plus faible que moi me rapporterait ? Sens de la Cohésion ? Stratégie ? Je me savais machiavélique lorsque je le souhaitais. J’avais appris l’art de la stratégie guerrière par le biais de ma longue expérience. C’est juste que cela ne me plaisais pas car je préférais l’honnêteté loyale et véritable d’un affrontement direct entre deux adversaires. Loin  de toute forme  de réflexion, je préférais un vrai combat de Guerrier qu’un affrontement entre Soldat. Pouvais-je combiner les deux ? Je n’en savais strictement rien du tout. Au début, je pensais que tout m’étais du. Après tout, qu’importe la confiance ! Pour mes nouveaux maîtres, je pensais que seule la force comptait. Maintenant, je dois prendre en compte d’autres réflexions qui ne me convenait guère. Avais-je le choix pour autant ? Non ! Absolument pas !  À bien, y réfléchir, cela devait être une étape.  Dans tous les cas, de manière réaliste, il était clair que j’étais dans une impasse. Mon chemin s’obscurcissait et j’avais le choix entre avancer malgré tout ou reculer. J’étais connu pour affronter les pires difficultés de face.

Je sais parfaitement que je suis le Paillasson de votre Domaine. Malgré tout, tout au plus bas de l’échelle que je suis, il est un fait indéniable que je peux mettre un terme à la vie de ceux et celles qui souhaiteraient obtenir un poste plus rapidement que moi. Pourtant, je reconnais que mon armure a atteint sa limite et ne peut plus supporter efficacement mon nouveau style de combat. Être affaibli ne me pose aucun souci car je peux me rétablir rapidement. Et, comme je l’ai déjà dit, si cela correspond à mes intérêts, je n’hésiterais pas à mettre de l’eau dans mon moulin. Alors, je veux bien faire l’effort de participer à cette fameuse discipline militaire… Mais à l’unique condition que les résultats soient visibles…

Je soupirais en me préparant à cette nouvelle épreuve que je ne connaissais vraiment pas. Cela allait être vraiment compliqué car, ici, il n’était pas question de combattre pour déterminer qui serait le plus fort. Là, très clairement, j’allais devoir me fondre dans un collectif alors que je n’étais pas fait du tout pour ça.  Pour sûr que ce serait la croix et la bannière rien qu’en pensant au fait que je devrais, éventuellement, composer avec des éléments faibles qui se ferait massacrer au premier combat venu. Ce n’était pas pour tout de suite que je pourrais me mesurer à de véritables adversaires de valeurs. En attendant, les choses seraient beaucoup plus simples si je pouvais être dans mon élément : recevoir une mission, la mener à son bien et passer à la suivante.  De préférence seul mais je ne me faisais aucune illusion quant au fait que je devrais accompagner ou être accompagné par ses supposés supérieurs. Cela avait le don de franchement m’énerver et de me mettre hors de moi. Mais, comme je n’aurais pas le choix, je devrai certainement faire gré contre mauvaise fortune.  

Car, je ne suis pas connu pour être patient avec les vermisseaux. Mais, je pense, qu’avec un minimum d’effort, je pourrais au moins faire en sorte qu’ils en sortent un peu grandi. De toute façon, j’ai une dette envers toi et j’entends bien l’honorer rapidement. Comme avec Nagash… Du moment qu’il n’en abuse pas… Je ferais en sorte qu’Arès me reconnaisse rapidement et je vais donc prendre tout ceci comme une nouvelle épreuve qui m’est imposé. Cela risque d’être très compliqué mais j’aime les défis… Ceci dit, Lady…

Je me rapprochais d’elle en prenant un verre de vin que je me mis à boire lentement. Puis, je reposais le verre sur la table et me penchais vers elle avec un sourire à la fois bien étrange.    

J’aime bien ton armure Lady… Je sais qu’il en existe trois autres comme la tienne. Je pense que cela me conviendrait parfaitement d’en avoir une comme ça.  Je veux bien que tu en parles aux maîtres pour moi. Ton Maître d’Arme n’est pas si défectueux que cela. Mais, il est un Soldat et non un Guerrier. Et c’est pareil pour tout le monde, toi inclus Milady. Quant à moi, je suis un Guerrier mais non un Soldat. Je suis peut-être un cancrelat mais j’ai eu le privilège d’avoir vu beaucoup de choses jusqu’à présent…

Avoir été le disciple de Cronos et de sa famille m’avait conféré un immense savoir que je souhaitais garder pour moi. Ou bien l’utiliser pour mon propre avantage. Néanmoins, puisque je devais faire un effort pour m’immiscer dans cette fameuse discipline militaire, peut-être devais considérer les choses autrement dès à présent. J’étais en face d’elle alors que je dévoilais un peu plus ma véritable personnalité.  

Comme l’existence de nombreuses constellations dont tu ignores même l’existence. Ou bien de nombreuses relations avec des divinités que tu ne connais pas. Tu n’as qu’un Maître d’Arme Lady et il fera tout pour se racheter. Et il ressortira de cette épreuve grandi si on lui donne un coup de main. Obtiens moi une Armure comme la tienne et je ferais de Flagello un véritable Guerrier dont tu n’auras rien à reprocher. Le marché est honnête et nous avons tous les deux à y gagner. Et pas que nous d’ailleurs si tu vois ce que je veux dire…

Loin d’être un barbare stupide, je lui montrais progressivement que je disposais d’une certaine intelligence froide, combinée à une certaine forme d’entraide. Auparavant, je ne l’utilisais que pour mes propres idéaux. Maintenant, j’allais tenter une toute nouvelle approche. De toute manière, la Cardinale n’avait point tort dans le fait que je n’avancerais pas dans ce nouveau système si je continuais ainsi. La Lumière avait été bénéfique avec moi dans le sens où avait été révélé mon sens de la compassion pour les autres.

Avant, je me servais des autres pour mon propre intérêts. Lorsque j’ai appris l’élément « Lumière », certains aspects enfouis de ma personnalité se sont réveillés. Soyons clairs : obéir à un autre humain m’est pour l’instant impossible. Mais, je peux, éventuellement, commencer par apprendre ce que je sais aux autres Berserkers. C’est tout de même un bon début. Et, je peux faire en sorte de t’enseigner certaines choses que tu ne sais pas.  Service rendu pour service rendu en quelques sortes. Pour le moment, il ne faut pas trop m’en demander plus : ma vie solitaire me convenait parfaitement et je dois m’adapter à un nouveau style de vie aux antipodes de mes habitudes.

C’est alors qu’elle fit enfin son apparition. Ma plus vieille amie entra dans la Fosse et s’approcha de nous. Une panthère noire mesurant maintenant deux mètres de haut alors qu’elle faisait le double auparavant.  Elle s’avançait vers moi, ces yeux jaunes si intimidants pour ceux et celles qui ne la connaissaient pas. Quelque part, elle faisait vraiment peur.  Encore une fois, je pouvais sentir cette sensation divine à travers elle. Après tout, Itzmana avait été la protectrice d’une Divinité reculée que j’avais affrontée auparavant. Je me tournais vers elle et me dirigeais vers ma vieille copine. Soit elle me sautait dessus, soit elle m’accueillait comme à la bonne vieille époque. Si elle pouvait parler, nous pourrions discuter entre nous. En attendant, sans aucune peur, je m’approchais vers elle tandis qu’elle s’assit sur le sol et posa son regard sur moi. Lorsque je lui caressais affectueusement la tête, elle se mit à ronronner un court instant avant d’émettre une série de longs grognements intimidants. Elle m’avait quitté lorsque j’avais cédé au côté obscur de mon être. Maintenant, elle revenait me voir. Ma Vieille Amie avait beaucoup de reproche à me faire et si elle pouvait parler, je ferais amende honorable et regretterait volontiers le tort que je lui avais causé. Il n’y avait qu’avec elle avec qui je me sentais bien. En tout cas, elle se redressa et se dirigea vers la Lady. Je ne bougeais pas pour autant. Seulement, un haussement d’un sourcil lorsque je la vis s’asseoir devant la Lady et grogner doucement un court instant avant de s’allonger au sol en posture de soumission. Du moins, c’est ce qu’on aurait pu croire…

Je te présente Itzmana, ma plus vieille amie en ce monde. Et la présence divine que tu dois ressentir en elle est celle d’Ixchel. Mais comme tu es intelligente, tu dois savoir qui c’est. On dirait bien qu’elle aussi veut me montrer le chemin…

En tout cas, quoique fasse Mister Monkey ou bien Calamity, mon animal de compagnie revint vers moi et s’allongea sur le sol sagement et silencieusement. On aurait dit que tout était réuni pour que j’avance vers ce chemin obscur dont je ne percevais rien du tout à un mètre de moi. C’était une nouvelle épreuve dont je me serais bien passé mais, comme je ne reculais jamais devant l’adversité, j’avais pris la décision d’avancer malgré tout. Avec, toujours en moi, cette interdiction d’échouer et de tout faire pour réussir.

Ne t’inquiète pas Lady… Itzmana ne volera pas ta réserve de viande car elle sait beaucoup mieux se tenir que moi. Tu n’aimes pas les autres divinités ? C’est bien ton problème car ils ont aussi beaucoup de choses à nous apprendre. Concernant ta demande, voilà une bien étrange invitation. Un Paysan dans la demeure d’une Noble… J’accepte donc ton invitation. Dormir non loin de toi devrait être une expérience enrichissante…

Encore une fois, je la taquinais avec un sourire complice et un regard entendu alors que je posais un genou tout en caressant mon animal de compagnie. Puis, je me redressais doucement tout en me dirigeant vers la lady, avec un air diablement sérieux.  

Quand est-ce que j’ai dit que je voulais des résultats visibles immédiatement Lady ? Je comprends parfaitement la logique de ce domaine. Je l’ai saisi dès le départ à vrai dire mais cela ne me convenait pas du tout à l’époque. Et, j’ai eu quelques obligations à gérer qui étaient bien plus essentielles que les désirs de tout un chacun ici. «Reculer pour mieux sauter » dit-on n’est-ce pas ? Maintenant que je suis à peu près libre de toute forme d’exigence, il est bien temps de passer aux choses sérieuses…

Je m’assis sur la table en face d’elle tandis qu’Itzmana nous sondait du regard pendant un long moment avant de poser son regard sur le petit singe.  Puis, ma vieille amie baissa son museau sur le sol et ferma les yeux, semblant dormir. Belle intention quand on sait, comme moi, qu’elle nous écoutait silencieusement.  

Arès n’est pas différent des autres Dieux de ce monde. Il peut donner comme il peut reprendre.  Il offre aux méritants. Il refuse aux mécréants. Depuis le début, mon but est de rejoindre le régiment de la terreur et de posséder l’Armure du Cardinale de la Terreur. Mon but est de me mettre au service de Deimos. Et tu sais pourquoi ? Parce que, plus que n’importe quel humain en ce groupe, j’incarne cette réalité. Sans aucune émotion malgré tout. Et, ce qui est formidable dans cette histoire, c’est que les Dieux, eux-même, n’ont jamais pris le temps de percevoir ce qu’il y avait au fond de moi. Même s’ils ont eu un bref aperçu, je le concède.  Après tout, comme tu le dis si bien, ne suis-je pas le cancrelat du clan ?

J’émis un sourire bien étrange, symbole de la démonstration d’un être inquiétant. Ou pas, c’est selon. Car, maintenant que j’étais dégagé des dernières épreuves que je devais passer, j’avais toute la latitude pour m’occuper personnellement de mon évolution au sein du domaine d’Arès et de ses fils.  Je présentais une toute nouvelle détermination: mon comportement et ma réflexion sont liés au côtés réaliste que je porte à la vie. Si je peux éprouver quelques sentiments de compassion ou de compréhension envers les autres, il n’en demeurait pas moins que je restais toujours un guerrier dangereux, ne connaissant aucune limite dans l’exécution de sa mission et de ses objectifs.  

À tort ou à raison, si tu regardes bien derrière moi, tu verras un océan infini de sang, de boyaux, de souffrances et de peur derrière moi. J’ai tué des innocents et des meurtriers sans émettre aucune forme de sentiments. Maris, femmes et enfants, j’ai commis les pires atrocités que tu puises imaginer. Et, tu vois, s’il fallait recommencer, je n’hésiterais pas un seul instant. Mais bien entendu, tu me rétorqueras peut être que ce n’est pas la façon de procéder ? Après tout, peut être que les maîtres cherchent une terreur “juste” au lieu d’une terreur “sanglante et anarchique” ? Désirent-ils aussi l’incarnation du Châtiment de la Terreur à cause de la Colère ? En définitive, crois moi sur parole quand je t’assure que personne ne se doute vraiment de quoi je suis capable car prétendre que je suis arrogant sur ce sujet, c’est très mal me connaître.

Croisant mes mains entre mes jambes au niveau de mes genoux, voilà encore une étrange révélation qui devrait achever de convaincre la cardinale de la calamité que les apparences sont toujours bien trompeuses. Et si elle n’était pas convaincu, j’avais encore de la marge.

Ton Maître d’Arme n’a pas besoin d’un autre berserker lady ! Il a besoin de retrouver des valeurs de véritables guerriers et surtout son honneur de soldat banni. Après ce que tu lui as fait subir,  il doit voyager en ce monde en train de se morfondre quelque part. Il trouvera certainement la réponse mais nous n’avons guère le temps de nous priver d’un combattant car il est en train de se faire son mea culpa quelque part u sein de ce monde. Alors, je vais m’occuper de son cas à ma manière. Intelligente comme tu es, tu comprendras facilement qu’il n’est guère dans mon intérêt d’avoir un “compagnon” inutile. Et, tu saisiras aussi qu’il est dans mon avantage que tout se passe pour le meilleur des mondes au sein de ce clan...

Un autre aspect de ma personnalité, que j’avais bien pris soin de dissimuler, fit son apparition quand se révéla en moi une capacité à diriger les autres. Je n’étais pas un leader né mais j’avais acquis cette faculté via mon expérience. Je savais pertinemment comment diriger des hommes car j’avais pu l’observer par moi-même. Aussi bien les qualités que les défauts. Au bout du compte, le Cancrelat se révélait être autre chose. Car, je voulais faire comprendre, implicitement ou explicitement, à la Cardinale, que j’étais prêt à tout pour obtenir ce que je voulais. Et, pourquoi pas à dévoiler ce que j’étais réellement aux yeux des autres si cela servait mes ambitions. Après tout, il ne sert à rien de cacher trop longtemps ce que l’on est car cela se révèle toujours à un moment ou à un autre. Et, je tenais absolument à garder le contrôle de mes actes et de ma destinée malgré tout.

Hé oui...Lady... J’ai encore quelques projets à accomplir comme tuer certains chevaliers d’Athéna par exemple. Mais, je sais être patient: il est plus excitant de combattre un adversaire à arme égal que de le châtier ou de lui offrir un simulacre de combat alors que je ne suis pas en pleine possession de mes moyens... Quant au reste, j’ai été très clair sur mes intentions et sur ma volonté. Je servirais Arès et ses fils. À défaut d’obéir aveuglément aux ordres des Non-Méritants, je ferais tout ce qui est en mes capacités pour leur porter assistance...

Voilà que j’avais réussi à agacer la Milady alors que je voulais entreprendre d’aider son inutile déchet de maître d’Arme. Et une table de cassée alors que je trébuchais, manquant de tomber sur les fesses pour finalement me rétablir lestement sur les jambes. Puisqu’elle voulait vraiment que l’Autre nabot se débrouille par ses propres moyens, c’était sa responsabilité. Moi, je m’en lavais les mains. Juste que je n’apprécierais guère de combattre avec un Faible. Itzmana ouvrit un œil et se mit à grogner férocement. Non contre la Lady mais contre moi-même. Un bruit d’avertissement, résonnant dans la grande salle à en faire plier d’effroi les moins téméraires du coin. Au moins, le message était clair de la part des deux femelles du coin. Je soupirais et secouais la tête.

C’est toi que ça regardes Milady ! Tu veux laisser le Saule Pleureur se lamenter ? C’est toi qui en auras la responsabilité en espérant qu’il plie sans jamais se rompre. C’est ta décision, c’est toi qui vois…

Que personne ne doute jamais de ma motivation ! Je serais un jour le Cardinal de la terreur quoiqu’il se passe et quoiqu’il m’en coûte et surtout quel que soit le temps que ça prendra. Étrange réflexion quand on sait, qu’auparavant, j’étais prêt à tout et n’importe quoi pour obtenir ce que je voulais. Cela devait être l’influence de la Lumière en moi. À bien y penser, je n’étais certainement pas au bout de mes surprises. Calamity m’avait offert un choix : entrer sous ses ordres ou bien rester tel que j’étais. Autrefois, je l’aurais envoyé balader et j’aurais cherché à atteindre mes objectifs par des moyens peu recommandables quitte à me mettre tout le monde à dos.  J’aurais pu détruire un camp entier pour avoir un petit bout de métal. Dorénavant, je mesurais quel était l’importance d’une stratégie sur le moyen et long terme. Ni plus ni moins, il s’agissait d’une épreuve bien plus compliqué que celle que j’avais eu à accomplir jusqu’à maintenant : mon ennemi, c’était moi. La source de ma victoire ? La compréhension de la Lumière en tant que source de progression. De quoi ? je commençais à peine à en comprendre la signification. Ce combat, je ne le gagnerais pas en un round. Il me faudrait vraiment du temps… cependant, au fond de moi, quel que soit la raison d’ailleurs de la lady, je n’en avais strictement rien à faire. Je décidais de poser rapidement un genou à terre avant de me relever rapidement. Une flexion rapide mais qui signifiait que j’acceptais de me soumettre. Bien entendu, pour atteindre mes propres objectifs…  

Tu me demandes de plier genou devant toi ? Soit… Je veux bien te reconnaître comme mon unique supérieur humain pour le moment.  Je décide de te faire confiance et de me soumettre à toi… En espérant ne jamais avoir à le regretter par la suite… Tout en te demandant aussi de ne pas trop abuser de ce pouvoir que tu as sur moi non plus…

C’est alors que le Dieu de la Terreur fit son apparition. Posant un genou à terre en signe de soumission, puis me redressant rapidement, je vis Itzmana jeter un regard en sa direction, attendre qu’il passe à côté d’elle et se mettre en position de soumission devant lui. Puis, elle reprit sa position couchée et semblait s’endormir comme à son habitude. Après tout, une folle accompagnée par un dégénéré était un spectacle assez saisissant qui devait peser son lot de cacahouètes. M’avait-il vu me soumettre à la Lady ? C’était le cadet de mes soucis. J’appris qu’un nouveau combat se préparait. Pas de chance pour moi, et il me confirma ce que m’avait suggéré auparavant le Cardinale, je ne devais plus m’en prendre aux Chevaliers du Sanctuaire et aux Guerrier d’Asgard. Je grimaçais de colère un court instant puis repris une maigre contenance me disant que j’avais de quoi faire pencher la balance de mon côté. Bien entendu, Arès avait battu cet adversaire inconnu et c’était le moindre de mes soucis. J’étais content, point barre. Mais, je n’en ferais pas tout un fromage car je sais très bien qu’on peut tout perdre du jour au lendemain sur une simple erreur commise. En regardant celui qui le suivait, Nagash, je me montrais le plus neutre possible. Il ne semblait pas content de me voir et je pouvais le comprendre. Mais, il ne faudrait surtout pas qu’il ose me chercher des soucis. Dans ce cas-là, Paillasson ou pas, je me ferais un plaisir de le remettre à sa place. Je sais, j’ai encore beaucoup de travail à accomplir. Au moins, j’eus un ordre simple et qui m’intéressait fortement. Tuer Amphitrite, la femme de Poséidon, une déesse ! J’aurais un très beau combat à mener et j’étais tout émoustillé rien qu’à l’idée de penser à mes poings frappant son corps de déesse. Un beau combat comme ça ne se refuse pas ! Si ce n’est que je devais faire équipe avec ce minable de Nagash. Mais, comme j’avais une dette envers lui, je pouvais considérer ceci comme un juste retour des choses pour ne plus rien lui devoir. C’est alors que je regardais le Fils d’Arès dans les yeux et que j’acquiesçais, symbole de mon acceptation de ce devoir.  

Il en sera fait selon ton désir Deimos. Considères d’ores et déjà qu’Amphitrite est du passé. Combattre avec Nagash n’est pas ma tasse de thé mais si tel est ton ordre, je m’y plierais…

De l’art de m’énerver ! Pour la sérénité de la Lumière, on reverrait cela plus tard. Car, le comportement de Nagash me fit entrer dans un bel état de colère. Il voulait jouer dans la même cour que moi ou quoi ? Il m’assénait un reproche et se contentait de me prendre de haut comme ça ? Pour qui se prenait-il ? Si j’avais décidé de me soumettre à la lady, il n’en était pas de même pour ce cafard ! Alors qu’il se tournait vers Calamity pour lui demander de réparer son armure, ma réplique ne se fit pas attendre. Je me dirigeais vers lui d’un pas furieux, le prenais par le col et le retournais violemment en face de moi. À cet instant, je retrouvais ma part d’ombre colérique qui s’échappait de moi. Pas de transformation, ni de yeux rougeoyants mais une aura irascible et impitoyable naquit en moi.

Je te dois une dette Nagash mais n’abuse pas de ma patience. J’ai mis pas mal de divinité en colère durant mon passé et il n’est guère étonnant qu’un ou une d’eux ou elle ait désiré me punir à ce moment-là. Ce n’était pas de chance. Sinon, crois-moi bien que j’aurais terminé ce que tu avais bien commencé.   Maintenant, si tu prends les choses ainsi, et puisque tu te montres sincère…

Je l’avais poussé peut être un peu trop loin de moi. Mais, dans l’état de furie où je me trouvais, je n’en avais strictement rien à faire. Au fond de moi, je savais bien que je devais me contrôler mais c’était plus fort que moi, je n’y arrivais pas. Avec un regard dégoûté, je l’observais tout en me déplaçant vers lui avec un pas déterminé. On aurait presque pu croire que j’allais le tuer sur place.  

Je suis plus puissant que toi : ta faiblesse cosmique est affligeante et ton pouvoir vital est insuffisant. Si on devait combattre à la loyal et au sommet de notre forme, il ne fait aucun doute que je mettrais un terme à ta vie. La seule différence entre toi et moi est ce rang supérieur  et cette armure. Et, là tout de suite, tu ne mérites même pas que j’exécute le moindre de tes désirs. Dans cette histoire, le boulet, c’est toi ! En plus…

Je pouvais me la jouer perso mais je n’avais pas d’autres choix que d’obéir à Deimos sans discuter. Ma colère retomba progressivement mais surtout très lentement.

Deimos, Fils d’Arès et donc ton maître absolu, nous a donné une mission et tu dois obéir sans discuter. Que ça te plaise ou non, les choses sont ainsi et tu dois faire avec. Nous allons débusquer cette Amphitrite, nous allons la tuer et nous retournerons victorieux au sein de notre domaine avec la fierté du devoir accompli. Quand nous serons en face d’elle, je protégerai tes arrières et tu en feras de même. Malgré ta faiblesse pathétique, nous unirons nos deux forces et nous tuerons coûte que coûte cette adversaire, quitte à n’être rien de plus que des déchets ayant la peau sur les os ! Maintenant, respectes ton soi-disant comportement de leader envers moi et cesses de jouer au sale gosse !

Histoire de lui faire comprendre quel était son rôle ! Car, quand on est supposé diriger un être inférieur, on ne se comporte pas comme un simplet qui demande des exigences à un dieu ! Et c’est moi qui penses ça et qui le fait ressentir complètement aux autres. Je posais mon front contre le sien avec un regard meurtrier tout en le saisissant par le col. Je mettais du temps à me calmer mais, au moins, comparé à avant, la pression retombait clairement. Néanmoins, il fallait mettre les choses au clair de suite.

Dernier point : je t’ai dit que j’avais une dette envers toi mais je peux très bien ne plus l’avoir. Je te préviens devant Deimos et Calamity ici présent : fais-moi un seul coup à l’envers et je te tuerais personnellement. Je m’arrangerais pour qu’il ne reste plus rien de toi qu’un tas de chair et d’os. Donc, si tu meurs, ce sera soit au cours du combat contre Amphitrite soit parce que tu m’auras fait un coup bas. Maintenant, les choses sont dites !

J’aurais bien voulu le pousser par terre mais, je me contentais de lâcher son col tout en frappant sa joue avec un dernier sourire mauvais alors que je pris la peine de m’éloigner un long moment de la scène afin de me trouver un endroit pour me calmer. Itzmana se leva alors et me rejoignit. Elle frotta sa tête conter ma jambe gauche en grondant doucement alors que je lui caressais la tête. J’avais encore BEAUCOUP de chemin à accomplir pour être un bon soldat. Au moins, vis-à-vis de Calamity, les choses étaient claires et, mine de rien, je l’aimais bien cette fichue Lady. En y repensant, ça aurait pu se terminer en combat de charpie. J’avais conscience qu’elle avait fait de gros effort et moi aussi j’en avais fait.  Un long moment se déroula alors que je revins vers les autres. Il était absolument hors de question que je m’excuse auprès de Nagash. Itzmana se posa dans un coin  et ferma les yeux. Je regardais Deimos car, après tout, il avait le droit de comprendre ce qui s’était passé au sanctuaire. Et Calamity aussi…

Désolé pour la scène entre l’autre et moi. Il m’a énervé, je me suis emporté… Au sanctuaire d’Athéna, la dernière fois, Nagash et moi avions affronté Orion du Bélier. Il est mort au combat et il était prévu que je prenne sa succession immédiatement pour mettre un terme à la vie du Chevalier d’or et venger le trépas de Nagash. Hors, comme je l’ai dit avant, j’ai beaucoup d’ennemis parmi les Dieux de ce Monde. J’ai été happé par un vortex alors que j’allais attaquer cet adversaire. La conséquence de tout ça est que je n’ai pu me servir du sacrifice de Nagash. Il a le droit d’être en colère mais je n’y suis pour rien car il y a des choses que je ne contrôle pas. Deimos. Que décides-tu ? Mon armure est en miette. Souhaites-tu que la Milady répare mon armure sur le champ et que je me repose un moment afin d’être au sommet de mes capacités afin de battre cette déesse ? Ou bien souhaites-tu me donner une nouvelle armure ? C’est toi qui vois.

J’attendais la réponse du Dieu de la Terreur. Ce serait à lui de décider car, j’étais à son service. Tiens ?! Ne commencerais-je pas à devenir un tout petit peu un bon soldat ? Pas croyable !