Un Rêve d'Or [Post Unique]

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Cette chute. Elle semble si longue. Interminable. Le corps est bloqué, par la pression du mouvement de l'air contre sa silhouette. Non. Il y a autre chose. Rien de tout ceci. Non … Le sol approche. Violemment. Peut-être … Peut-être que cela pourrait … finalement ne pas être un mal ? Cette époque … Cette nouvelle apparence du Sanctuaire … Ce renouveau. Ces révolutions autour du soleil, autour de son propre axe. Des années qui se sont écoulées, une mer de sable, recouvrant les vestiges de ces anciennes civilisations. Des cités incroyables – certaines nommées, d'autres dont le nom a été effacé de l'Histoire elle-même. De grandes choses. De grandes idées. Pensées. Une envie de construire un futur. Un Idéal, qui fait maintenant face au Réel.

Sa respiration se bloque. Le sang brûle dans sa chair. Son cerveau cherche. Il s'étire. Se tord. Comme pour trouver une réponse. Dans ce laps de temps à la fois éternel et si court. Dans ce paradoxe, le sol approche. Plus. Bien plus vite. Bien plus dangereusement.

Ses yeux s'ouvrent brutalement. Se redressant avec la même vigueur, une toux vient à le déranger. Posant sa main contre sa bouche, un goût métallique vient lentement accompagner sa langue. Il respire. Oui. Il inspire. Expire. Oui. Mais lorsqu'il tousse, c'est du sang qui vient se mélanger à sa salive. Des humeurs qui viennent tâcher sa main. Pour le moment, il ne fait que regarder cette main souillée. Dans les traces de sang, il observe cette chute. Retrouver les souvenirs de celle-ci. S'y perdre. Encore une fois … acteur et spectateur de cette vision. Une transe … Sans doute n'était-ce que l'unique réponse à cette énigme.
Mais si la transe était bien cela … Pourquoi n'est-il pas sur les hauteurs de Star Hill ? Pourquoi n'est-il pas allongé sur la roche, face au mausolée des secrets du Sanctuaire ? Pourquoi … est-il … Là ? Car maintenant, qu'il observe ce qui l'entoure … C'est un Sanctuaire vivant qui l'entoure. Non pas les vestiges, les ruines d'un antique lieu de culte. Mais bien une vie, qu'on peut facilement imaginer à cette époque.

L'ambiance … n'est pas celle du vestige, oui. Mais bien celle des premiers temps. La lune brille, haut dans le ciel – et pourtant, une certaine vie continue de se manifester. Oui. Il n'y a pas qu'un Temple. Pas qu'un Sanctuaire. Il y a une véritable cité – antique. Une cité dont Rodorio n'est plus qu'un fragment, perdu. Une cité sous la protection d'Athéna – comme l'est Athènes à cette même époque. Athènes et d'autres. Le Saint se redresse. Avance. Un peu. Pour mieux observer. Pour essayer … d'attraper une quelconque preuve de mensonge dans cette vision. Sa propre énergie jouerait-elle avec lui ? Avec ses souvenirs ? Avec son évidence besoin de revoir ceci ?

« Tu crois que cela vient des Spectres ? » Une voix résonne. Il se retourne. Vers celle-ci. Connaissant ce sujet de discussion. Connaissant cette réalité. Ce réel. Deux Saints avancent sur cette rue pavée. Parlant de la situation. Ils échangent. Sur les derniers assauts à travers différentes régions du monde – de ce monde encore bien petit aux yeux de beaucoup, à l'époque. Ils parlent de la Victoire. De la Sage Guerrière. De ce qu'il faudrait faire pour éviter un conflit. Ils espèrent, encore. Tout comme lui a espéré que le monde avait quelque peu changé – dans ses racines. Mais lui sait, qu'ils peuvent espérer, que cela n'apportera rien. Ils parlent, aussi. En se posant toujours cette question : sont-ce les Spectres qui attaquent. Lui, encore, sait la réponse. Non … ce ne sont pas eux.
Ils avancent donc. Ne semblent pas le regarder. Non … Ne semblent pas le voir. Ils finissent par le traverser. Comme s'il n'était qu'une image éthérée. « Que … ? » Ils continuent de parler. Ignorant ce qu'ils viennent de traverser – ne pouvant en considérer l'existence.

Des souvenirs. Des réminiscences de cette époque.
Nous étions alors des Saints. En proie à un conflit. Tu en faisais partie. Tu as observé ce conflit.

Le Troyen tourne alors ses yeux vers l'origine de ces murmures. Cette même silhouette en armure. Ce même fantôme sans visage. Qui observe, simplement. Quelques volutes, arabesques éthérées, semblant apparaître et disparaître depuis ce corps fantasmagorique. Et Damian observe. Avant d'approcher. De quelques pas. Puis s'arrête. Un instant. Avant d'observer son visage dans le reflet d'une flaque d'eau de pluie. Toujours ces cicatrices. Toujours cet œil sans lumière. Sans couleur. Tu vois … Tu n'es qu'en train de voyager dans un rêve. Le rêve d'une vie passée. De liens passés. De moments. De détresses. De terreurs. D'amour. De fierté. De droiture. Ce murmure. Qui continue de résonner. Alors que le Saint observe cette surface réfléchissante. L'odeur de pluie vient déranger ses narines. Un miracle ne peut se produire qu'une fois – c'est ce qui en fait un miracle. N'est-ce pas ce que tu disais … Apprenti ?

Son regard – celui du Rêveur – se redresse. Il avance. Pour finir devant cette armure. « Je suis nostalgique. Oui. Bien. J'ai le mal de l'époque. Oui. D'accord. Et alors ? » L'Armure reste silencieuse un instant. Damian sent sa mâchoire se serrer. « Pourquoi ne devrais-je pas l'être … ? Pourquoi ne pourrais-je pas l'être … ? » Sa voix semble lentement devenir plus jeune. Alors qu'il continue. Fixant ce visage sans traits, sans regards. « Mon serment … Je l'ai toujours prononcé. Je l'ai toujours en mémoire. Alors pourquoi devrais-je simplement oublier ? Pourquoi ne pourrais-je pas comparer ? Pourquoi ne pourrais-je pas regarder ce qui était avant ? Ce qui existe maintenant ? Cela me détourne-t-il de ma mission ? Cela fait-il de moi quelqu'un de plus faible ? Cela me fait-il bafouer mon serment ? » Son œil retrouve une couleur. Pendant un instant. Il sent même ce froid disparaître.

Et il s'arrête. S'arrête. Une nouvelle toux. Du sang, à nouveau mélangé à sa salive. Alors que ce souvenir de son visage disparaît. Alors que le froid revient. Qu'il se surprend … à apprécier qu'il revienne. Non … Tout cela … Tout cela n'a rien de cohérent. Qu'est-ce qui est vrai ? Qu'est-ce qui est faux ? Qu'est-ce qui est …

Est-ce véritablement … de la nostalgie … ? Sa respiration se fait un peu plus rapide. Fragile. Est-ce uniquement de la nostalgie. Tout … Il lève les yeux. Vers ce visage sans traits. Vers ce fantôme. Tout sera toujours bien meilleur pour toi, dans le passé. Oui. Il est essentiel d'aimer son passé. D'apprendre de celui-ci. Mais qu'en est-il, lorsque celui-ci devient une entrave supplémentaire … ? N'est-ce pas … une faiblesse ?
Le fantôme reste maintenant silencieux. Tourne le visage vers d'autres images. Qui avancent. D'autres souvenirs, qui échangent entre eux. Damian reconnaît alors son propre visage. Encadré par une capuche sombre. Un léger sourire aux lèvres, alors qu'il hoche doucement la tête. « Et toi, Damian … ? » Une autre voix. La deuxième silhouette. Qui l'accompagne, les mains dans son dos. « Où vas-tu en mission aujourd'hui ? » Oui … C'est bien lui. Aeropos, dont le corps est lui aussi couvert d'un manteau de voyage. « Égypte. Le Grand Pope m'a demandé d'enquêter sur certaines preuves. La Victoire … La Victoire serait peut-être là bas, selon des informations. » Oui. Il se souvient bien de cet instant. De ce moment.

Une surprise, sur le visage de celui qui deviendra bientôt le nouveau Pope. Une agréable surprise. Avant que son sourire ne disparaisse, doucement. « C'est une bonne nouvelle. Nous aurons besoin de toutes les forces disponibles. » Ils s'observent. Ils savent, l'un comme l'autre. Qu'il n'est pas nécessaire d'espérer. Pire. Qu'actuellement, la situation n'est pas à leur avantage. Leur ennemi rampe. Se faufile dans des ombres. Il connaît. Mais eux, ne connaissent pas cet ennemi – une stratégie payante. « Nous ne pourrons pas éviter le conflit. Nos forces commencent déjà à faiblir dans les terres de l'Est. Les Étoiles d'Hadès ne bougent pas. Les Cuirasses d'Arès sont pour le moment en dormance. Poséidon ? » Sans doute – mais ce n'était pas le cas. Oui. Ils ne savaient pas. Ils savaient juste une chose.

C'est que le souhait de leur ennemi était de les affaiblir. Pour ensuite les conquérir.

Ils se regardent. Un instant. L'Ancien Damian détourne alors les yeux. Il prononce alors. Quelques mots. Un murmure. Juste pour lui. Une vérité, qu'ils partagent. Une force. Qui est la leur. Un secret. Qu'ils aiment ressentir. L'un contre l'autre.
Cela lui fait du bien. De lui dire. Parfois. Ce jour-là, il lui a dit. Avant de partir rejoindre l'Égypte. Quand il est revenu. Il le lui a sûrement dit - à travers un murmure. Un baiser, peut-être. Accepter de se sentir faible.

Ces souvenirs s'effacent, lentement. Dans cette cité antique, toujours debout, elle. Alors que l'Armure se met sur le côté de son Porteur. Le fantôme observe. Il ne dit. Il attend. « Il y a fort longtemps. Bien avant les Guerres Saintes. Il est dit que l'être humain était une créature terrible. Puissante. Zeus lui-même en aurait eu peur. » L'Armure écoute. Sans un mot. Oui, l'histoire est connue. « Pour éviter toute rébellion, il aurait scindé en deux les êtres humains. Deux corps. Deux âmes. Bien entendu … rien n'a jamais prouvé une telle époque, mais … Suite à cela, il est dit que les deux fragments d'âmes – ces âmes sœurs – seraient en quête perpétuelle. Pour se retrouver. L'un et l'autre. » Un mythe. Une histoire. Une légende. Un conte. Une allégorie. D'une forme de lien – amour, fraternité, qu'importe.

Damian avance. D'un pas tranquille. Une de ses mains venant caresser une volute éthérée qui danse près de lui. Il ferme les yeux. Alors qu'un nouveau murmure résonne, doucement. Tu n'as plus cette quête. Car tu n'as plus rien à chercher. « Arrêtez … » Tu dois l'accepter. Cette époque est révolue. Tu en es l'ultime témoin – seule Athéna peut se souvenir de ce que tu as pu observer de ce monde. Il a avancé. Sans toi. Et maintenant … Tu dois avancer – sans cette quête. Tu peux avancer. Mais une partie de toi, sans doute, ne le désire pas. Oui. En fait … sans doute … pour elle … serait-il mieux de retourner auprès des morts. En espérant pouvoir le retrouver.

« Doutez-vous de ma loyauté, Maître ? »

Un silence. Alors que le fantôme sans visage observe les environs. Il ne dit plus rien. Il reste, juste, simplement, là. Présent. Peut-on demander à un être humain de ne pas opposer le devoir et l'émotion ? Bêtise. L'être humain est composé de ce chaos étrange, de cette force, cette entropie. Ce mouvement. Damian. Fils de Troie. N'a jamais eu à douter de sa propre loyauté – il a douté des méthodes, parfois trop idéalistes, mais jamais de sa propre loyauté. Cela … personne ne pourrait le lui enlever.
Pourtant. Il se le dit. Oui. Au fond de lui. Gelé dans cette partie de son âme défunte. Vivante, dans cette partie de son cœur de nouveau chaud. Il y a cette chose. Ce lien. Cette existence. Ce souvenir.

Apprenti … Tu es le seul à mettre en doute ta propre capacité à être. Parce qu'une partie de toi veut retrouver ce qui est perdu. Parce qu'une partie de toi n'est maintenant plus qu'un froid funeste. Mais plus tu penses ceci … Plus tu te plonge dans ce rêve où rien de tout cela n'arrive … Plus tu t'imagine à Ses côtés, à travers la Mort … Plus ton corps, ton âme, rejette cela.

Il pointe alors du doigt cette main, souillée par le sang. Il n'y aura pas d'autres miracles. Tu es maintenant Damian, dont l'âme est scindée. Mais tu es aussi Damian. Le témoin d'une époque révolue. L'âme sœur d'une âme qui cherche le repos. Ne mérite-t-il pas de se reposer, lui aussi ?

Le Troyen ferme doucement les yeux. Alors que le givre, lentement, vient dévorer cette image. Cette rêverie. Une nouvelle douleur. Dans la poitrine. Bien plus violente. Plus forte. Plus terrifiante. Pour la première fois, depuis longtemps, il pose ses genoux à terre. Non pas comme signe de devoir, de respect. Mais bien par faiblesse. Le sang souille le sol. Il gèle, au simple contact de ce froid. Il tremble. « J'ai fais un serment … J'en ai appelé à Styx … J'en ai appelé à Athéna … Pour qu'elle soit témoin de cela. » Alors pourquoi n'acceptes-tu pas cette époque. « Je … Il … » Le Troyen a honte. Peur de dire ces quelques mots. « Il me manque … Je voulais juste … le prendre dans mes bras une dernière fois … »
Un dernier désir. Égoïste. Une dernière pensée. Personnelle. Qui s'est liée, en un instant, à cette idée. Qu'il aurait pu … Qu'il aurait pu le retrouver, là où les Morts résident. Mais … Non … Ce n'est pas là sa place. Cela ne peut pas l'être. Pas après tout cela. Pas après ces mots. Pas après ce châtiment, qu'il a accepté de subir. Encore. Encore. Toujours. La force d'être debout. La force de pouvoir regarder cela. Cette souillure permanente. La force de l'accepter. La force d'avancer …

Tu n'as pas à partir en quête de cette âme sœur disparue.
« Car elle s'est déjà endormie auprès de moi … »
Tu n'as pas à redouter de vivre avec seulement une partie de ton âme.
« Car de cette brisure peut naître une force … »

Les yeux, lentement. Se ferment. La rêverie se brise, en de multiples éclats, qui l'accompagnent dans une ombre. Lueurs. Qui vont et viennent. Qui dansent. Des étoiles. Des souvenirs. Des vies. Des âmes. Des fragments cristallins. Tout ceci fini par disparaître.

Alors que le goût métallique reste dans la bouche. Tandis que ses yeux s'ouvrent. Doucement, il se redresse. La fraîcheur est moins présente – l'obscurité, elle, est moins nocturne. Le sol d'un temple. Comment … Comment est-il arrivé ici … ? Un son, cristallin. Alors que l'Armure de l'Autel lévite tranquillement au-dessus de lui. Qu'il se redresse. Tend une main … Mais l'Armure ne vient pas.
Il croit l'entendre. Il croit qu'elle communique. Lorsque quelques mots apparaissent dans son esprit. Il est temps de changer. Un peu. D'avancer. En tant que témoin de brisure et d'union. D'idéal du passé et du Réel de demain. L'Armure, doucement, disparaît dans un faisceau de lumière. Alors que le dernier fragment de lien entre elle et son ancien porteur s'efface.

Face à Damian, une Armure d'Or. Gemini. L'Âme des Gémeaux. Sa représentation. Sa force. Interprétation d'un sentier, entre de nombreuses volontés. Cosmiques. Spirituelles. Émotionnelles.
Jamais, l'Ancien Autel n'a eu de frère – outre ses frères et sœurs de batailles. Jamais, son esprit s'est scindé en deux antagonistes. Sans doute est-il une autre forme de Gémeaux. Alors. Doucement. Il avance. Ses yeux se ferment. Alors qu'il pose un genoux au sol.

Et doucement. Il ressent. Ces forces. Qui viennent caresser le cosmos doré de l'armure. Union et Brisure. Idéal et Réel. Lentement, les morceaux de l'armure viennent le recouvrir. Alors que ses yeux restent fermés. Pour sentir ces différentes existences, traverser son âme. Pour entendre, d'une autre façon, le cosmos. Plus lointain. Plus vaste. Au-delà des Constellations. Au-delà des frontières de cet espace. Il sent. Ce froid qui vient caresser l'armure d'or. Se lover entre les enchevêtrements métalliques. Il sent. Cette absence d'âme se remplir d'une force. Cette âme sœur, s'endormir, bercer par le scintillement et la musique cristalline de l'Or.

Damian. Fils de Troie. Chevalier d'Or des Gémeaux.