La renaissance du Printemps [PV Abel]

Une brume pourpre aux volutes violines apparut au coeur d'une contrée où la neige régnait en maîtresse. Peu à peu, s'extirpant d'une dimension que seuls les Dieux savaient maîtriser, les contours de deux êtres se distinguèrent au travers de l'intense blizzard qui soufflait tout autour d'eux. Tout d'abord flous, puis de plus en plus nets, balayés par le vent violent qui faisait rage tout autour d'eux, mélangé d'air glacial et de petits cristaux de gel, Perséphone et son guerrier se matérialisèrent au sein de cet univers qui n'avait rien à envier à la plus froide saison d'Asgard.

Avait-elle choisi cet endroit à cause de sa récente entrevue avec le dieu nordique ? A vrai dire pas du tout.

Alors qu'elle s'adressait à Abel, les paupières de la Souveraine des Enfers se ferment doucement. Contrastant presque violemment avec l'aura qui avait émané d'elle dans le Palais, c'est une énergie d'émeraude aux reflets d'or qui pare la Divinité dite Infernale, à cet instant.
Se propageant tout autour d'elle, couvrant le sol qui l'entoure, cette aura naturelle se répand peu à peu. De quelques centimètres, elle couvre bien vite plusieurs mètres, jusqu'à ce que son étendue soit si vaste qu'il n'est plus possible de discerner jusqu'où elle va.

Le vent s'apaise alors que l'oeuvre du Printemps se met doucement en marche. Les cristaux de glace qui soufflaient à leurs oreilles disparaissent pour laisser la place à une pluie très fine, moins dure, moins froide, moins cinglante. L'épais manteau neigeux se met à fondre alors que de fins brins d'herbe se mêlent à la blancheur persistante du sol.

Elle semble sûr d'elle alors que pourtant, à aucun moment, le Guerrier n'eut demandé d'audience ou laissé paraître, de quelle que manière que ce soit, qu'il souhaitait une entrevue privée..

(c) Codage par Asmareth pour Never Utopia

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a la langue bien pendue celui-ci. A chaque mot, à chaque phrase prononcée par la Divinité du Printemps, il avait une répartie ou un avis sur le sujet. Dans un certain sens, il avait un petit côté Alessio dans sa façon de trouver à redire sur tout. Mais sa façon de s'exprimer et son phrasé n'avaient rien en commun avec le Griffon. Et cela était heureux car un seul exemplaire suffisait largement aux Enfers.

Décidément, c'était la journée. Cela arrivait fort peu souvent que l'on ose lui dire de telles choses et il était vrai qu'elle y était parfaitement insensible par ailleurs. Mais force était de constater que cela était rare qu'on lui fasse pareil compliment deux fois dans la même journée, venant d'une autre bouche que de celle de son époux ou de... Alessio.

Un léger sourire se distingua sur ses lèvres alors que ses paupières restaient closes et qu'elle poursuivait son oeuvre printanière. Elle imaginait sans mal la réaction d'Hadès si un spectre osait lui dire "une seule règle, ma règle" en sa présence.

Lorsqu'il commença à tourner autour d'elle comme un frelon autour d'un essaim d'abeilles qu'il estimerait à son goût, son attitude eut le don d'agacer la souveraine au plus haut point. Pourtant, ne changeant en rien son attitude ni la tache à laquelle elle s'adonnait, la divinité le laissa s'exprimer sans l'interrompre.
Un soupir s'extirpa brièvement de sa poitrine à ses premiers mots. Tiens donc... un cousin de Kazuki peut être ? Décidément, les déicides semblaient s'être donnés rendez-vous en Enfers. N'auraient-ils pas pu choisir le Sanctuaire...? Au moins ils se seraient rendus utiles.

Sa dernière question lui fit ouvrir les yeux spontanément, alors qu'un gigantesque palmier poussa à quelques mètres d'eux, s'élevant à plusieurs dizaines de mètres du sol. Lâchant un sifflement de contrariété face à cette végétation qui n'avait strictement rien à faire dans ce pays et sous ce climat, la Divinité cessa pour un temps de faire renaître le Printemps. Vu comme la discussion s'engageait, il y aurait bientôt une forêt de cactus en Norvège.

Perséphone croisa les bras sur sa poitrine alors que l'aura qui l'entourait baissa d'intensité jusqu'à disparaître. Ses prunelles violines se posèrent sur le guerrier dont elle ignorait toujours le nom. Cela viendrait... à un moment ou à un autre.

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Les traits diaphanes de la déesse se teintèrent d'une pointe d'amertume lorsqu'il ouvrit la bouche en rond, sans qu'aucun son ne s'en extirpe pour autant. Eh oui... étaient-ils fort nombreux à haïr les dieux au plus profond de leur être, mais étaient-ils tout aussi nombreux à ne pas avoir une raison valable justifiant la hauteur de cette haine viscérale.

Elle le dévisagea longuement après ces quelques mots. La souffrance, la privation du libre arbitre, la rancoeur... sont des sentiments qui provoquent bien des dégâts. En soi mais aussi autour de soi. Il est systématique que les personnes en proie à ce genre d'émotions, en fassent pâtir leurs proches ou leur entourage. Les dommages collatéraux sont fort nombreux dans ces cas là.

Coré laissa ses bras retomber mollement le long de ses flancs alors qu'elle jetait un bref coup d'oeil au palmier qui s'était élevé vers le ciel désormais plus clément. Combien étaient-ils... Combien de palmiers avaient poussé à des endroits où ils n'avaient pas leur place. Abel était comme l'un d'eux. Il avait été planté dans une terre qui n'était pas la sienne, à une place qui ne lui correspondrait peut être jamais, mais à laquelle il tentait tant bien que mal de s'adapter avec les armes qui étaient les siennes.

Les mots qu'elle s'entendit prononcer la surprirent elle-même. Depuis combien de temps... avait-elle perdu de vue l'objectif qu'elle s'était fixé... Depuis combien de temps, avait-elle oublié le rôle qu'elle s'était attribué auprès des guerriers de son époux. Bien trop longtemps, il semblerait.
Ses prunelles brillantes délaissèrent le palmier pour se reposer sur celui qui se trouvait à quelques pas d'elle.

A cet instant, Perséphone ne put s'empêcher de penser à Kazuki. Il avait parcouru beaucoup de chemin ces dernières années, et on ne saurait décemment le comparer à ce qu'il était avant. L'évolution était indéniable. Cependant... il n'était pas le dernier à toujours vouloir devenir plus fort, quitte à mesurer sa force à celle de Dieux infernaux comme celui de la Mort.

Ressentant le trouble qui envahissait le coeur et l'esprit de son spectre, Perséphone fit quelques pas en brisant la distance qui s'était installée entre eux. L'une de ses mains se détacha de son flanc, alors que sa paume vient se poser sur le tissu qui recouvrait son épaule, son armure reposant à quelques mètres d'eux.

A ces mots, l'esprit de la Reine s'égara quelques instants vers Alessio. Oui... contre toute attente, même lui en était capable. Et si le Griffon en était doté, tout le monde le pouvait à son tour.

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Uune légère expression satisfaite passa brièvement sur les traits opalins de la Divinité du Printemps alors qu'elle acquiesçait en silence au nom prononcé. Elyn, bien évidemment.
Elle ne le connaissait que depuis peu. Elle ne la connaissait pas du tout. Et pourtant... Il est dans les attributions de Perséphone de savoir décrypter la nature. D'en comprendre les états d'âme, d'en anticiper les phases, d'en provoquer les cycles. Les humains... avaient trop souvent tendance à oublier que, quelle que soit leur condition, ils faisaient partie intégrante de cette même nature.
Coré ne se contentait pas de faire renaître le Printemps sur Terre. Cette renaissance impactait également n'importe quel être vivant en ce monde, qu'ils soit humain, végétal, animal, minéral et même... divin.

Elle le fixa avec attention. Jugement ? Non... constatation. L'âme d'Elyn suintait d'émotions qu'elle avait beaucoup de mal à retenir. Celle d'Abel lui était un peu similaire, sur certains points du moins. Mais elle n'était pas sûr qu'il s'en rende compte de lui même. Il aurait à le comprendre. Car il n'est jamais bon de tout dire. Les hommes ont à tracer leur propre voie, suivre leur propre chemin.

Les iris violins de la déesse suivirent la courbe de son épine dorsale, lorsque son corps se plia, ses genoux rencontrant le sol sans réelle délicatesse, dans un mouvement franc et déterminé.
Elle ne souffla mot. Patience est mère de vertu, même si elle avait oublié cela durant les mois qui venaient de s'écouler. Et puis... elle savait déjà ce qu'il allait lui dire. La situation en elle-même n'était pas très importante, ce qui l'était d'avantage, c'était les évènements qui allaient suivre cette situation.
Prêter allégeance est à la portée de n'importe quel imbécile venu. Mais tenir sa parole, tenir ses engagements et les remplir quel que soit le problème rencontré, là c'était déjà autre chose.

Elle avait un peu de mal à croire que l'on puisse passer de déicide à fidèle vassal en un claquement de doigts, mais pourquoi pas... elle lui laisserait le bénéfice du doute. Et enfin... il venait de lui donner son nom. Il en aura mis du temps...

Sa voix s'éleva avec autant de solennité que la sienne. Un serment était un moment important, pour autant qu'il soit tenu, ce que l'avenir leur révélerait tôt ou tard.
Lorsqu'il reprit la parole, semblant hésiter quelques secondes, les paupières du Printemps se froissèrent de manière presque imperceptibles. C'était la deuxième fois qu'Abel employait les mêmes mots que Kazuki. Qu'est-ce qu'il pouvait bien y avoir entre ces deux là... A moins qu'ils soient similaires au point de les faire paraître pour des frères...

Elle avait pourtant fait la promesse de laisser Lenalee s'en aller lorsque le Juge du Garuda lui en avait fait la demande. Mais les situations étaient différentes... Lenalee était sous sa protection et Kazuki avait maintes fois prouvé sa valeur. Qui plus est il n'était pas n'importe qui.
Par ailleurs, Perséphone s'était réellement mise en situation difficile en lui promettant une telle chose. Hadès ne revenait jamais sur un pacte, pas sans une énorme contrepartie du moins. Et il n'appréciait pas du tout voir ses guerriers se volatiliser dans la nature les uns après les autres. Un pacte avec les Enfers impliquait de recevoir une grande puissance, mais le prix à payer était lourd de conséquences, dont celle-ci : on ne sort pas du joug d'Hadès, jamais.

Elle resta de longues minutes en silence. Que répondre à quelqu'un qui éprouvait soudainement une si grande vague de remords, qu'il était prêt à tout pour se racheter...

En un claquement de doigts, une grosse racine s'extirpa du sol et claqua sèchement le front du spectre, l'obligeant ainsi à relever la tête.

Un sourire amusé se dessina alors sur les traits de la divinité infernale. Dieux ou humains, les hommes tous les mêmes.

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Abel lui rappelait ce petit côté assez particulier que possédait chaque être humain de ce monde. Ce maelstrom de sentiments plus ou moins contradictoires qui venaient s'entrechoquer, et cette capacité qu'avaient certains d'entre eux, à remettre en questions leurs idéaux jusqu’à lors immuables, ou leur comportement, dès que l'on appuyait au bon endroit ou prononçait les bons mots.
La frontière entre influençable et réaliste était toujours assez mince dans ces conditions. Mais dans le cas où ses mots n'auraient porté qu'en termes d'influence, le naturel reviendrait au galop, tôt ou tard.

Le surplis retrouva sa place originelle sur les épaules de son maître alors qu'Abel énonça une nouvelle demande, bien plus facile à accorder, contrairement à la précédente.

A peine eut-elle achevé ces quelques mots que la Divinité ferma les paupières à nouveau. Étendant les bras vers le ciel mais paumes tournées vers la terre, l'aura d'émeraude de Coré reprit son labeur afin que le Printemps renaisse sur les terres du Nord de l'Europe.
Sa concentration était intense, cependant les quelques mots que lui adressa Abel lui parvinrent. Durant quelques secondes elle ne répondit ni ne changea d'attitude. Le mot "pourquoi" résonnait dans son esprit en boucle, prenant doucement mais sûrement de plus en plus d'ampleur.
La visite de Thor avait au moins eu l'effet de lui faire écarter la discussion qu'elle avait eue avec Hypnos quelques minutes auparavant. Avoir à s'occuper d'Abel avait également contribué à ce qu'elle n'y pense plus.
Mais maintenant qu'il posait des questions sur la raison de son départ soudain...


Au simple souvenir de ces quelques mots prononcés par le Sommeil, l'énergie qui auréolait la Divinité du Printemps devint d'un pourpre profond. Des volutes de fumée noire se dégageaient de son corps tels de fins serpents, se répandant tout autour d'elle en contaminant tout ce qu'ils touchaient. La nature qui venait de renaître se mit inexorablement à mourir tout autour d'eux. Le palmier qui se dressait fièrement, bien qu'étranger à ce climat inhabituel, se ternit. Ses larges feuilles d'un vert profond devinrent grisâtres, jusqu'à ce que l'arbre se transforme en souche morte dont il ne restait pratiquement plus rien.

Ces mots furent prononcés d'une voix presque inaudible, alors que les mâchoires de Perséphone se crispaient. Les poings étroitement refermés sur eux-mêmes étaient agités de légers tremblements de colère.
Il semblait assez évident que, bien que tout ce qui vivait autour d'eux était en train de mourir, la Déesse essayait de se maîtriser. Elle ne pouvait pas se permettre de réitérer le coup d'éclat dramatique du Palais des Enfers. Ici ils étaient sur la terre et celle-ci n'était pas en mesure de résister bien longtemps aux assauts violents de sa colère. Tout comme, bien qu'elle soit investie de pouvoirs prodigieux, Perséphone n'était pas sa mère et encore moins Gaïa. Elle aurait déjà beaucoup de mal à réparer les dégâts qu'elle était en train de provoquer.

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La rancune de Perséphone envers la trahison de son époux était tenace. Il est vrai que cela faisait bien peu de temps qu'elle avait appris la vérité, tout était encore très frais, la plaie était bien plus qu'à vif.
Mais pourrait-elle jamais réellement pardonner une telle chose...? Même après des siècles ou des millénaires...? Elle n'en était pas vraiment certaine.
Même les coeurs les plus renfermés, même les êtres parmi les plus sombres, chacun a besoin d'amour à un moment ou à un autre dans son existence. Que ce besoin soit fugace ou permanent, personne n'en était exempt. Perséphone n'avait jamais eu besoin que d'Hadès pour vivre. Lui et personne d'autre. Si l'on omet l'exception Alessio, qui était un cas particulier, malgré tout.

Lorsqu'elle était seule, lorsqu'elle avait à gérer l'impétuosité de Thanatos, les frasques vengeresses de Kazuki, les manipulations d'Alessio. Lorsqu'elle avait à diriger les Enfers, prendre des décisions difficiles dont certaines assureraient ou non la pérennité du Royaume. Lorsqu'elle était assise sur son trône, avec pour seul compagnon un trône vide à ses côtés.
Dans ces moments là elle ne pouvait se raccrocher qu'à un seul être. Hadès. Son époux, son amant, son ami, son Roi. Il incarnait toutes ces personnes en même temps et la seule chose qu'elle pouvait se dire dans ces moments là, c'est qu'il finirait par s'éveiller à nouveau. Qu'il reprendrait sa place et son rôle auprès d'elle. C'était ce qui lui permettait de tenir.
Cet unique besoin, cette seule chose qui lui était vitale, lui avait été cruellement arrachée quelques heures auparavant.

Son regard sombre fixait Abel qui avait délaissé son surplis et se rapprochait d'elle, bravant l'aura pernicieuse qui se dégageait du corps de sa divinité. Une aura qui ne diminuait pas, mais ne prenait pas non plus d'ampleur. Car bien que cela puisse ne pas être évident au premier abord, Perséphone arrivait encore à se contrôler. Du moins... assez pour que l'épisode du palais ne se reproduise pas ici.
Cependant.
L'énergie qui se dégageait d'elle était assez puissante pour causer bien des dégâts à celui qui osait ainsi s'en approcher. Et bien qu'elle eut été d'une toute autre mesure à ce moment là, cette même aura avait réduit en miettes l'un des plus puissants surplis des Enfers et entamé sérieusement la chaire du Juge du Griffon.
Dans ces conditions, les dégâts qu'elle pourrait provoquer sur Abel pouvaient être irréparables. En avait-il seulement conscience...

Et c'est justement en plongeant ses prunelles dans les siennes, qu'elle eut la réponse à cette question. Oui, il savait. Celui qui venait à peine de prêter allégeance, après avoir avoué que son but premier était la destruction de Coré, notamment, était prêt à mourir pour l'apaiser.
Les paupières de la Divinité infernale se froissèrent un instant, alors que sur les contours de la silhouette d'Abel se matérialisa celle d'Alessio, tel un jumeau parallèle. Comme si les deux ne formaient plus qu'un, cette étrange vision se rapprochait d'elle, la ramenant au Palais où s'était produit la même situation quelques heures plus tôt.

Ce nom passa la barrière de ses lèvres dans un souffle, alors que les bras de son spectre s'enroulaient autour de ses épaules. L'espace d'un bref instant elle ne discerna plus la réalité du fantasme. Ses bras appartenaient-ils au Juge du Griffon, au Spectre de Méphistophélès ou bien étaient-ce ceux d'Hadès...

Sans résistance, le visage de Perséphone reposait sur l'épaule d'Abel, alors qu'une larme perlait au coin de ses yeux et que, déjà, l'aura de la Divinité entamait profondément les chaires de son spectre ainsi en proie à sa colère.


Une fois encore, les mots d'Abel se superposèrent à ceux du Griffon. Même instant, même situation, même péril, et pourtant... personne différente. Ces deux voix résonnèrent dans son esprit en prenant une ampleur démesurée. Qu'était-elle encore en train de faire... Lorsqu'Alessio avait été blessé, elle avait juré que cela ne se reproduirait plus. Et pourtant... pourtant...

A peine audible, ces quelques mots s'extirpèrent de sa poitrine alors que son aura explosa littéralement autour d'eux. La détermination qui envahit alors le coeur de la Divinité matérialisa une énergie d'un vert encore plus vif que précédemment. Les plaies d'Abel se refermèrent instantanément tandis que la végétation se remit à pousser, couvrant les herbes noircies par la colère de Coré.

Posant ses paumes sur les épaules du spectre, Perséphone l'écarta d'elle fermement mais sans brusquerie.

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Peséphone venait de mettre à l'épreuve le serment qu'Abel avait promulgué il y a quelques instants à peine. Cela n'avait pas été calculé. Un mauvais concours de circonstances avait obligé le spectre de Méphistophélès à faire un choix. Il aurait pu préférer le rôle de spectateur inactif et attendre de voir ce qu'il allait se produire. Il aurait pu partir ou encore profiter de ce moment pour attaquer la Divinité du Printemps, bien que cette idée aurait été des plus stupides à vrai dire. Preuve en était des meurtrissures qui s'effaçaient déjà de son corps, que son armure n'aurait guère empêché bien longtemps...

Un léger sourire accueillit les quelques mots qu'il exprima. S'estimer quitte parce que sa chemise avait rendue l'âme... Il avait vraiment une façon bien à lui de s'adresser à elle parfois.

Elle devait reconnaître qu'elle l'aimait bien, ce nouveau venu. Il avait un caractère des plus intéressants, ne semblait reculer devant aucune difficulté et il était capable de se remettre en question. Ces qualités, s'il les cultivait, le ferait grandir sans doute bien d'avantage que ce qu'il pouvait s'imaginer.

Fixant Abel qui venait de choir sur le sol, assez compréhensible après la charge d'énergie qu'il venait de prendre en pleine tête, Perséphone esquissa un nouveau sourire amusé face aux quelques paroles qu'il tint.
Sans même s'en rendre compte... il venait d'être outrancier envers son Roi. Car celui qui était responsable de la colère de Perséphone, n'était autre qu'Hadès lui-même. Et Abel venait, en d'autres termes, de le traiter de masochiste et d'imbécile.
Cependant, la Souveraine ne lui en tiendrait pas rigueur, cela allait de soi. Car Abel semblait à mille lieux de s'imaginer qui était la cause de la fureur du Printemps, ce qui était sommes toutes logique.

Le sombre monarque étant de retour sur la terre des hommes, la discussion qu'ils ne manqueraient pas d'avoir sous peu, promettait d'être animée, assurément.

D'un léger geste de la main, Perséphone matérialisa un portail de brume qu'elle traversa tout en invitant Abel à la suivre. Lorsqu'ils furent passés de l'autre côté, le décor avait changé radicalement. La neige avait laissé la place à une herbe rase, noircies, morte.

Dans un ample mouvement, le bras de la divinité embrasa le paysage qui s'étendait devant eux. Un paysage de cauchemar pour toute divinité affiliée à la nature.
La plaine qui s'étendait sous leurs yeux était entière noircie. Si l'on y prêtait garde, on pouvait apercevoir quelques souches d'arbres et branches finissant de se consumer. Un épais brouillard recouvrait le sol sur un bon mètre de hauteur, amas résiduels des fumées opaques qui avaient envahi les lieux quelques jours plus tôt.
La nature était complètement morte. Ne subsistait plus un arbre, une pousse d'herbe, la moindre feuille. Même les buissons d'épines, reconnus pour résister à tout, n'avaient pas survécu.

La voix de Perséphone s'éleva dans ce paysage apocalyptique, alors que son timbre se teintait d'amertume et d'une sourde colère.

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Peséphone jeta un bref regard étonné vers son spectre, juste avant de passer le portail dimensionnel.

De tous les endroits des Enfers, celui-ci était bien le lieu qu'elle détestait le plus. Et ce n'était certes pas à cause de la température polaire qui y régnait en permanence.
La chose avait un petit côté amusant dans un sens... Abel, qui se prétendait et revendiquait déicide jusqu'à il y a quelques minutes... avait choisi le Cocyte qui rassemblait toutes les âmes ayant défié ou ayant trahi les Dieux. En d'autres termes, ceux qui étaient punis pour avoir osé entreprendre ce qu'il projetait de faire il y a peu.

Arrivés sur le lieu de désastre que la Divinité souhaitait montrer à Abel, Perséphone s'agenouilla près de la terre meurtrie lorsqu'il posa une question à voix basse. Sa main effleura le sol brûlé, alors qu'une faible aura verte s'en dégagea.
Qui de mieux placé que cet endroit... pour répondre à sa question.

Ses mots étaient à double sens, et Abel allait bien vite s'en rendre compte. Car si la Reine était capable de réconfort, du moins avait-elle retrouvé cette vocation il y a peu, elle était aussi capable d'envoyer ses messages avec une pointe d'épine non négligeable.
Ainsi, elle se releva en frottant ses mains l'une contre l'autre pour en faire chuter les fragments de terre noircie, et posa son regard en dévisageant Abel avant d'ajouter.

La réalité n'était pas souvent agréable et pourtant... Il avait fait d'Elyn sa propriété alors qu'il n'en avait pas le droit. Il l'avait modelée alors qu'il n'avait en aucun cas le droit de le faire. Il l'avait malmenée, alors que, là aussi, il n'en avait pas le droit.

D'un léger mouvement, Perséphone se tourna vers lui en le fixant de ses prunelles brillantes.

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Peséphone esquissa un sourire tout en acquiesçant en silence. Oui, il ne l'avait pas volée. C’était un peu sec, mais nécessaire. Il venait tout juste de comprendre qu'il y avait certaines choses à ne pas faire, parce qu'elles le desservaient lui en premier lieu. Son rôle, pour l'instant, était qu'il ne les oublie pas, aussitôt qu'il en avait pris conscience.

Elle répondit d'une voix traînante en agitant la main d'un air désuet. Coré n'était certes pas une enfant de coeur, bien qu'elle soit capable de compassion, ce qui se faisait de plus en plus rare ces dernières années.

Comment est-elle... Cette question laissa la souveraine silencieuse quelques longues secondes. Non pas qu'elle avait du mal à y répondre, mais... cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas croisé la route de sa jeune soeur. La plupart du temps, concours de circonstance ou hasard, c'était surtout Hadès et Thanatos qui la rencontraient.

Lorsqu'elle n'était pas souveraine des enfers, il y a de cela tant de millénaires qu'elle avait le sentiment d'un passé qui n'avait jamais existé, Coré s'entendait bien avec Athéna. Elle avait même de l'affection pour elle... Mais c'était il y a bien longtemps et tout était différent aujourd'hui.

Dubitative, ou plutôt perplexe... serait plus adéquat, la divinité fixe Abel avec attention. Il insiste lourdement pour aller au Sanctuaire, pourquoi cette obsession soudaine...
Elle posera alors une question, une seule, mais qui déterminera si oui ou non elle accepte qu'ils se rendent au Sanctuaire. Cela rendra sans doute fou Hadès, mais qu'importe. Car au final Abel a raison, il est peu probable que ces imbéciles de saints osent lever la main sur elle.

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Esquissant un sourire après avoir arqué un sourcil, la Divine repousse une mèche de cheveux d'ébène tout en extirpant un soupir amusé. Décidément, cet Abel avait un concept de l'humour bien particulier. Elle avait hâte de voir ce que cela donnerait avec son époux ou avec des entités comme Thanatos... extrêmement attachés au protocole. Des étincelles, probablement. Enfin, il lui faudrait apprendre.

Le ton qu'elle employa était sans appel. Il ne semblait décidément pas comprendre qu'Athéna était de loin la pire et la première ennemie des Enfers. Soeur ou pas, filleule ou pas, car après tout Hadès était bien son oncle d'un point de vue familial... Athéna avait une grosse cible dans le dos et elle était à abattre coûte que coûte.

La Divinité Infernale garda le silence quelques instants. Elle avait une raison bien particulière d'aller au Sanctuaire à vrai dire... Un chevalier à l'armure d'or dont elle apprécierait plus que grandement de voir la tête au bout d'une pique et plantée dans les glaces éternelles du Cocyte. Car cet être là... ne méritait pas de châtiment plus clément que celui-ci.
Alors après tout pourquoi pas... Un sourire malveillant se dessina sur les traits diaphanes de la déesse, changeant radicalement l'atmosphère qui les entourait en une énergie lourde d'électricité.

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