Entre meurtriers (FB Orion-Arbhaal)

Il courrait depuis des heures, des jours peut être.
Pour fuir, pour se cacher, pour nier la réalité et le sang invisible qui perlait de ses mains encore enfantines.
Orion avait ôté la vie de son père. Par peur, par désir de protéger des innocents, par colère. Mais bien que les raisons sonnaient comme légitimes et que les remerciements des villageois résonnaient encore dans son esprit, le garçonnet éprouvait un malaise indescriptible.
Son père était un homme cruel, arrogant, sans pitié. Noble puissant et riche, il n'avait pas hésiter à punir un village entier dans sa folie. Il avait souhaité initier son fils unique au jeu du pouvoir et de la cruauté mais Orion n'était pas de ce bois dur. Depuis la mort récente de sa mère, l'enfant vivait un tourment sans fin entre les mains de son cruel géniteur. Le voir ordonner la mise à mort de tant d'innocents avait été le point culminant de sa révolte.
D'où il avait tirer cette énergie capable d'invoquer la glace la plus mordante, il n'en savait rien. Peut être Orion n'était-il qu'un démon ? Une infâme créature pourvoyeuse de mort ? Certes, sa mère lui avait souvent conter l'existence de vaillants chevaliers de la justice et de l'espoir capables de briser les rochers à mains nues et de toucher les étoiles. Mais comment se définir de la sorte quand on venait de tuer son propre sang ?!
Ecoeuré, en larmes, nauséeux, Orion accéléra sa course.
Poussé par son malaise, il trébucha sur un rocher glissant et tomba sur le sol froid, s'écorchant au passage. Le garçonnet vit son propre sang perlait la neige et se mit à hurler de toutes ses forces. Hors de lui, il frappa le sol encore et encore, creusant un large sillon dans la terre ravagée.

- Pourquoi ?! Pourquoi tant de haine, tant d'horreur dans ce monde ?! Pourquoi les hommes se font-ils du mal par plaisir ?! Pourquoi ?!

Son cri de détresse, d'outrage, de révolte monta vers les cieux au sein duquel, ses amis les étoiles gardèrent le silence.
Dans ce désert de glace, personne ne pouvait l'entendre. Orion leva les mains vers le ciel et l'implora de lui ôter la vie. de le faire disparaitre pour ne plus souffrir, pour cesser de ressentir. Pour ne plus voir le visage mort de son père, les sourires de joie des villageois, et les marques du fouet sur les épaules des enfants.

- C'est la vie, gamin. Si elle te dégoute déjà à ton âge, laisse toi crever, ce sera moins cruel pour toi.

La voix agacée mais non dénuée de dérision sembla venir de partout à la fois.
Le vent se calma en un instant et un étrange silence se fit, presque surnaturel. D'un pas lourd, un homme sortit de derrière un rocher proche et s'avança vers l'enfant aux abois.
Grand, mince malgré des épaules carrées, l'inconnu était revétu d'une magnifique armure dorée, vibrante de vie. Le visage fermé, l'individu toisa Orion avant de secouer la tête d'un air navré.
Sous son bras, un casque étrange et inquiétant semblait se gausser de l'enfant. Un visage cruel, un autre triste était gravé sur ses deux cotés. Une bien étrange dichotomie.

- Au choix : tu es fou, inconscient ou simplement stupide, gamin. Perdu et seul au fin fond de ce désert de glace, sans provision, ni eau. Tu vas mourir d'ici peu si personne ne te vient en aide. Mais à ce propos... Comment un gosse a t'il pu arriver ici ? Le village le plus proche est à des lieux d'ici !

Arbhaal observa avec attention le gamin. Malgré les moufles qu'il portait et son épais manteau, il avait déjà le teint blême et les lèvres bleues. Il ne tiendrait pas plus que quelques heures.
Mais que faire ? Le chevalier d'or avait une mission et sauver ce gosse en pleurs n'en faisait pas partie. Toutefois, Arbhaal était intrigué. Avait-on déposer cet enfant ici ? Etait-il venu par Athéna sait quel miracle, par ses propres moyens ? Un faible cosmos émanait du gosse. Rien d'inquiétant mais il méritait attention. Du moins tant qu'il ne retardait pas trop la mission cruciale du chevalier d'or.
Arbhaal avait été contraint de quitter le Sanctuaire en toute hâte sur ordre secret du Grand Pope. La tache qu'il avait à accomplir devait se faire en toute discrétion et par nul autre que lui.
Si le onzième gardien du Sanctuaire venait à apprendre les intentions du Grand Pope et de son meilleur ami, un drame pouvait se produire.
A cette seule idée, Arbnhaal serra le poing. Peut être serrait-il obliger d'éliminer ce gosse s'il devenait un témoin gênant. Une telle horreur donnait la nausée au noble chevalier d'or mais qui veut la fin...

Orion releva la tête en un éclair en entendant une voix près de lui.
Qui pouvait donc se trouver en un lieu aussi désert et mortel ?! L'homme étrange au sourire presque cruel qui s'avançait vers l'enfant était vêtu d'une habit magnifique, brillant de mille feux.
Pourtant, le casque qu'il portait sous le bras mit mal à l'aise l'enfant. Cette protection exprimait à la fois la joie et la détresse la plus absolue. Une fois sa surprise passée, Orion prit attention aux paroles de l'étranger et y répondit avec véhémence. Une fausse colère destinée à masquer sa peur.

- Comment voulez vous que je sois venu autrement qu'en courant ?! Ce pays est le mien et même si je suis encore jeune, je sais me battre !

Orion serra les poings et se releva dans une posture de défi. Cet homme le terrifiait mais l'intriguait à la fois. Aussi ambivalent que son étrange armure. Pourtant, il n'avait pas complètement tord. Maintenant qu'il y prétait attention, Orion commença à sentir le froid mortel s'insinuait en lui. Il avait faim et soif et son petit corps tremblait d'épuisement et de froid. Mais une petite voix lui criait de n'admettre aucune faiblesse devant cet homme.

- Qui êtes vous ? Vous n'êtes pas un russe, cela s'entend ! Que venez vous faire ici ?

La curiosité de l'enfant avait fini par prendre le dessus à sa retenue.
Le plus étonnement était que l'étranger ne semblait même pas souffrir du froid pourtant extrême. Le blizzard le laissait de marbre et semblait passer sur lui sans dommage. A bien l'observer, Orion sentit une énergie étrange, puissante émanait de sa personne. Une force terrifiante pour une enfant. Qui pouvait-il bien être ? Lui voulait-il du mal ?
Sa mère lui avait déjà parler des chevaliers de l'espoir, vêtu d'armure de bronze, d'argent ou d'or mais ces hommes exceptionnels étaient braves, courageux et bienveillants. L'individu qui lui faisait face semblait tout autre. Un méchant homme comme l'avait été son père avant qu'Orion ne le tue. Et s'il était venu pour venger le notable de son fils assassin ?!

Courageux et téméraire ce gosse.
Le chevalier d'or des gémeaux se mit à sourire d'un air qui se voulait sadique. Manière de voir jusqu'à quel point il pouvait terrifier cet enfant pour le pousser à lui montrer de quelle manière il était parvenu ici.
Arbhaal n'aimait pas agir de la sorte mais ce petit bonhomme semblait posséder un cosmos à prendre en compte et il voulait le tester.
La réaction de l'enfant ne l'étonna pas. Effrayé, il tentait de se montrer bravache en serrant les poings et en adoptant une attitude véhémente. Mais cela ne trompait pas l'instinct du chevalier d'or. ce dernier décida tout de même de répondre à la question de son jeune interlocuteur.

- Tes oreilles ne sont pas encore tombées à cause du froid on dirait. Effectivement, je viens de Grèce, très loin au sud de ces terres. Je suis Arbhaal des Gémeaux, chevalier d'or au service de la déesse Athéna. Et toi gamin ? Qui es tu ?

Le temps était compté.
Arbhaal avait une mission urgente à accomplir et le seul fait d'y penser lui assombri le coeur. Que faire ? devait-il tuer son jeune frère adoptif ou lui laisser une chance de s'expliquer ? Le Grand Pope avait été clair. Un chevalier d'Athéna décidant de quitter les siens pour vivre une romance avec une spectre devait être puni le plus sévèrement possible.
Le jeune pégase pouvait compter sur la protection de ses deux frères d'adoption, respectivement chevaliers d'or des Gémeaux et du Verseau. Mais bien qu'Arbhaal ait tout fait pour plaider sa cause et la clémence, le Grand Pope n'avait pas flanché et céder à sa requête éperdue. Des deux protecteurs de cet adolescent, seul le chevalier d'or des Gémeaux aurait la volonté d'accomplir l'acte final, atroce, qui s'imposait. Mais nul doute que si le onzième gardien apprenait cela, Arbhaal devrait probablement combattre son second frère de coeur.
Amer mais décidé à prendre les problèmes au fur et à mesure qu'ils s'imposeraient à lui, Arbhaal reporta son attention sur ce gosse. Peut être devrait-il lui venir en aide avant que le froid de Sibérie ne l'achève sous ses yeux...

Un chevalier d'or ?!
Cet homme inquiétant, terrorisant même pour un enfant, était donc un des guerriers d'élite de la déesse grecque Athéna ! Orion avait déjà entendu conter leurs exploits par sa mère à de nombreuses reprises mais jamais il n'aurait cru avoir la chance d'en rencontrer un.
Surtout dans de pareilles circonstances...
Cet homme semblait cruel, froid, moqueur, mais au fond de son regard Orion crut voir une part de bonté. Pourtant, personne ne pouvait avoir à ce point deux personnalités. Mais que pouvait bien faire un chevalier d'or dans un pareil endroit ?

- Je... Je m'appelle Nico... Orion ! Comme la constellation ! Et je n'ai nulle part où aller. Personne ne m'attend nulle part...

L'enfant jeta un regard mauvais à son interlocuteur, le défiant de se moquer de sa détresse.
Orion venait de tuer son propre père et il ne laisserait personne lui faire encore du mal. Il en avait largement assez subit.
Le blizzard se leva à nouveau à l'appel du cosmos d'Orion qui ne s'en rendit même pas compte.
Pourtant, le jeune garçon en subit pleinement les conséquences. Son récent éveil à l'énergie cosmique, sa course effrénée dans le froid, la privation étaient de trop.
Peu à peu, Orion sentit sa vision se voiler, son corps s'alourdir. Malgré lui, le garçonnet céda à l'épuisement et chuta dans la neige.
Peu à peu l'inconscience le gagna. Oubliant complètement l'inconnu, Orion sourit en pensant qu'il allait pouvoir rejoindre sa mère. Elle lui manquait tant... Si son père l'avait soigner, si la maladie ne l'avait pas emporter, la vie du garçon aurait été bien différente.

Pauvre gosse.
Il venait d'être terrassé par l'épuisement et le froid mordant. Si Arbhaal l'abandonnait ici, c'était la mort assurée. Bon sang, comme si le chevalier d'or n'avait que ça à faire alors qu'une mission primordiale l'attendait.
Que faire ? Le Grand Pope ne pouvait tolérer que la mission soit retardée... Mais laisser mourir ce gosse ici était hors de question. Un véritable chevalier se battait avant tout pour l'humanité. Si Arbhaal n'était pas capable de sauver un enfant alors qui pouvait-il véritablement sauver ? Aucune mission ne valait un tel sacrifice égoiste.
Etouffant un soupir las, le chevalier d'or se pencha pour prendre l'enfant dans ses bras. Il s'élança alors dans le blizzard à la recherche d'un abri. Après un long moment de course effrénée, il finit par repérer une modeste cabane qui semblait au premier abord abandonner.
En ouvrant la porte grinçante, le chevalier d'or vit le cadavre d'un couple de vieillards allongés sur le froid sol. Pas d'énigme, le froid et la faim avaient laisser son tribut.
Après avoir poser l'enfant sur le lit des anciens propriétaires, Arbhaal alla les enterrer dans les bois. Il revint alors les bras chargés de fagots de bois et alluma un bon feu.
Au point où il en était, le chevalier d'or ressortit et ne revint qu'avec deux lapins morts sous le bras. Après avoir vérifier que l'enfant était sauf et hors de danger, Arbhaal sortit de la masure.

- Tu as eu de la chance gamin. Tu disposes d'un cosmos intéressant et intriguant pour ton âge. Peut être que nos routes se croiseront de nouveau. Mais pour l'heure, essaie de survivre. Et de prendre la vie telle qu'elle est.

Souriant en entendant ses propres paroles, qui résonnèrent avec ironie à ses oreilles, le chevalier d'or des Gémeaux s'élança vers sa destination. Vers sa terrible mission.
Il ne pouvait savoir que c'était sa dernière en tant que chevalier de la déesse Athéna.