[VIIIeme Tournoi - 16e de Finale] Alessio VS Arbhaal

J'aurais bien dit « que le meilleur gagne » mais ça ne se fait pas de décourager son adversaire avant même le début du combat. Blague à part, bonne chance à toi et surtout bon courage, tu risques d'en avoir besoin pour me supporter.

« La seule chance que vous avez est celle que vous créez. »

Pierre Bellehumeur

EDIT : Il faut croire que j'ai oublié la recette.

Alessio embrassa du regard toute la superficie du terrain. Celui qu'il avait sous les yeux était plus grand que dans ses souvenirs et surtout dépourvu de réelle limitation. Comprendre par là qu'il n'y avait aucun aménagement qui ait été prévu pour accueillir un public. Il fit la moue. En user était dans ses habitudes lors de ses participations à ce genre d'événement, et ne pas y avoir droit cette fois-ci sonnait comme une sorte de mauvais présage. Il s'efforça cependant de l'ignorer, bien qu'il soit un rien superstitieux sur les bords, et se concentra sur l'entrée de celui qui serait son adversaire. Ayant pris soin d'arriver en avance pour étudier les lieux et assimiler leur topographie, celui-ci le trouva déjà en position au moment de faire son entrée. Alors qu'il parut au début ne pas lui accorder un zeste d'attention, trop occupé par ses réflexions les plus minutieuses pour le remarquer, son attitude changea du tout au tout en remarquant qu'il était ici question d'un visage connu. De loin, certes, mais n'était-ce pas mieux que rien ?

En effet, la seule et unique fois où il avait aperçu cet individu, c'était dans la Maison des Gémeaux lors de son récent passage au Sanctuaire. La dernière image qu'il en avait gardé était celle de la mort affreuse qu'il avait eu entre les mains de Kazuki tandis que le Griffon se chargeait de mettre un point final à la vie du Guerrier Divin de Beta. À cette pensée, le saphir qu'il dissimulait sous son Surplis parut se mettre à pulser. Comme un cri de détresse à l'égard de celui qu'il allait devoir affronter. Mais Zeta ne pourrait l'entendre, car cet appel à l'aide eut tôt fait d'être englouti par le flot saumâtre de sa cosmo-énergie. L'ombre d'un sourire étira ses lèvres alors qu'il recrachait un nuage de fumée derrière lequel disparut son visage pendant un bref instant.

Même si l'intervalle semblait trop bref pour qu'il en ait profité d'une quelconque façon, ne pas voir les traits d'Alessio avait toujours eu tendance à suggérer à ses vis-à-vis un profond malaise – quand bien même il avait pour habitude de ne rien révéler de ses ruses. Lors de la dernière édition de ce prestigieux tournoi, il s'était retrouvé opposé à Lenalee et s'était fait une joie d'ébranler son innocence en implantant dans son esprit une graine de doutes. Il ignorait encore à ce jour quelle en avait été l'efficacité mais avait été si satisfait sur le moment qu'il en avait jugé inutile de poursuivre le combat. Aussi s'était-il retiré en la laissant face à face avec ses démons intérieurs. À bien y repenser, il aurait dû prendre la peine de se renseigner ne fut-ce que pour savoir combien de temps elle avait continué à se débattre. Quoi qu'il en soit, cette fois, son antagoniste n'aurait pas cette chance.

Oh, quelle bonne surprise ! Mais à qui ai-je l'honneur, déjà ? J'ai souvenir qu'il te faut mieux choisir tes fréquentations, mais je crains fort d'avoir oublié ton prénom. Arbalète, c'est bien cela ?

Plutôt que de répondre, le God Warrior préféra passer à l'offensive. Alessio se contenta pour sa part de hausser les épaules, s'attendant à ce genre de réaction. Le peu qu'il savait au sujet des Guerriers Divins ne l'encourageait pas à les croire dotés d'un intellect hautement développé, et de tels agissements ne faisaient que le conforter dans cette opinion. Il dut cependant admettre que celui-ci était déjà plus compétent que son homologue qu'il avait tué de ses propres mains. Du moins s'il en croyait ce qu'il pouvait en voir puisque l'attaque ne parvint jamais jusqu'à lui. Quantité de fils jonchaient en effet ce qui serait leur champ de bataille, disposés au préalable par les bons soins du Griffon. Rien n'indiquait qu'il était interdit de faire quelques préparatifs, après tout. Et puis, qui aurait été en mesure de le lui reprocher alors qu'ils étaient demeurés invisibles jusqu'alors ? Les coups de griffe en revanche parvinrent jusqu'à lui mais sans réussir à passer outre la résistance de son Surplis.

Il n'est pas si facile de lever la main sur un Juge, et le Guerrier Divin allait l'apprendre à ses dépens. Une pléiade de fils restés en retrait jusque là fondirent sur lui telle une pluie acérée, ne demandant qu'à le perforer de toutes parts pour lui faire payer cet affront. Compte tenu de la vitesse d'exécution qui était la leur, ils n'auraient pas de mal à transpercer ses membres aux endroits où l'armure les laissait à découvert s'il ne se rendait compte de rien – et comment le pourrait-il sans en avoir fait l'expérience ? Ce n'étaient là que de simples filins, après tout. Oui, de simples filins qui s'abattirent ensuite sur lui d'un seul et même geste pour emprisonner son corps dans une toile dont il aurait le plus grand mal à se défaire. Oui, désormais, il n'était plus qu'un pantin entre les mains du marionnettiste le plus retors que le monde ait porté. C'était là un insigne honneur ; puisse-t-il en rendre grâce avant de périr. Car déjà Alessio était à l’œuvre et ne tarderait pas à éveiller en lui une douleur comme il n'en avait jamais vu.

J'espère que tu ne m'en veux pas trop pour le sort tragique qu'a connu ton ami, mais je ne doute pas que tu as compris que je n'y suis pour rien. Qu'y puis-je, s'il a tenté de soustraire Pégase à mes bons soins ? Au moins ne fut-il pas long à rendre son dernier souffle, c'est là la seule qualité que je consens à lui reconnaître...

Le flegme dans sa voix n'avait pas changé d'un iota. Tout portait à croire qu'il n'accordait à ce combat qu'un minimum d'importance. Comment l'en blâmer alors qu'il n'avait par le passé eu aucun problème à se hisser vers les demi-finales. La cause systématique de son abandon était le désintérêt : il se lassait extrêmement vite de ces affrontements dénués de sens quand ceux qu'il devait défaire ne manifestaient pas le minimum de jugeote requis pour qu'il leur retourne le cerveau comme il avait coutume de le faire. Par chance, la proie qu'on venait de lui livrer en pâture était d'une tout autre étoffe et il n'entendait pas la relâcher de sitôt. Se faire un devoir de lui rappeler qu'il avait des griffes ne lui donnerait pas pour autant la chance d'échapper aux siennes, ne lui en déplaise...

Ce n'était que le début, Alessio le savait fort bien. Néanmoins, il s'était senti dans l'obligation d'accomplir ce tour de force. Ce n'était certes pas grand chose à l'échelle de chevaliers de leur niveau, mais cela prouvait au moins qu'il ne se laisserait pas faire aussi facilement. S'il n'avait pas la chance d'être un combattant émérite, le Juge compensait cela par un fort penchant pour la ruse et n'hésiterait pas à en faire usage pour mettre toutes les chances de son côté. Tout en sachant que ce n'était qu'une entrée en matière et que les prochains coups seraient sans doute bien moins faciles à contrer, il prit le temps de disperser les cendres de sa cigarette aux quatre vents. Le fait de ne pas prendre la peine de s'en débarrasser était déjà une provocation en soi, à plus forte raison que l'odeur de la fumée en incommodait plus d'un. Qu'il soit dans ce cas ou non, Alessio n'aurait de cesse de la lui infliger. Que ce soit en guise de réponse ou pour permettre à Zeta de joindre le geste à la parole, nul ne saurait le dire, mais il ébaucha un sourire en coin.

Au moins n'as-tu pas l'indécence d'adhérer à son opinion. Cet imbécile s'est rengorgé du début à la fin de m'avoir pris au piège et de prévoir tous mes mouvements. Cela ne l'a pas empêché de mourir. Je suis à la fois heureux de constater que tous les Guerriers Divins ne sont pas aussi présomptueux et navré de voir qu'il croit pouvoir surpasser qui que ce soit alors qu'il n'est pas même en mesure de repousser le froid qui lui engourdit la cervelle.

Il fit mine de s'épousseter afin de souligner l'inefficacité de cette attaque pour l'inciter à ne pas le ménager. Cela ne devait bien sûr pas en rester là et Arbhaal ne manqua pas de le lui faire savoir en retournant à l'attaque après quelques paroles acerbes. Le froid s'intensifia tant et si bien que les plumes de son Surplis se couvrirent d'une fine couche de givre qu'il eut tôt fait de briser d'un discret battement d'ailes. Il avait à faire à un Chevalier des Glaces, et se défaire au plus vite de tout ce qui avait trait à son élément ne pouvait qu'être dans son intérêt. Avoir pris cette précaution ne le sauva cependant pas de l'orbe glacée qui se précipita sur lui la seconde d'après. Bien que sa puissance soit déjà d'un cran plus élevée que celle de l'assaut précédent, elle n'en était pas moins insuffisante pour occasionner de réels dommages. L'Étoile Céleste de la Valeur prit un malin plaisir à repousser cette attaque au moyen d'une violente bourrasque.

Celle-ci donna naissance à une barrière de vent où la sphère vint s'écraser, sans laisser plus de traces que le gel qu'elle avait répandu dans son sillage. Saluant cette vaine entreprise de l'un de ses haussements d'épaules, le Spectre avala une grande bouffée de fumée qu'il s'empressa de recracher. Ainsi lui ferait-il savoir qu'il était toujours en parfaite santé. Même si la puissance n'était pas de son côté, Alessio pouvait se vanter de bénéficier d'un talent hors-norme dès lors qu'il était question de survivre. À l'instar des nuisibles dont on souhaite à tout prix se départir, il était d'une ténacité à toute épreuve à laquelle il fallait encore ajouter le corps immortel dont l'avait doté le sombre monarque. Nul doute que toute personne en ce monde devrait avoir à lui reprocher sa générosité à cet égard. Toujours aussi serein en apparence, le Juge des Enfers se contenta de prendre une longue inspiration.

Toi au contraire, tu m'amuses beaucoup. J'adore briser les durs à cuire dans ton genre et leur montrer qu'ils sont aussi fragiles face à moi que l'enfant qui vient de naître. Tu repartiras d'ici pleurant et tremblant, ami, j'en fais le serment.

Le Spectre n'avait montré aucun signe d'agressivité. Pourtant, les paroles qu'il avait prononcé devaient devenir une attaque pernicieuse dont le Guerrier Divin aurait bien du mal à se défaire sans son aide. Oui, Alessio voulait l'entendre le supplier de la lui apporter tandis qu'il serait en proie à la folie. Son esprit ravagé allait connaître la démence et le Griffon n'avait pas l'intention de lever le petit doigt pour l'en délivrer. Ici, personne ne pourrait lui apporter son aide. Il était seul, et il mourrait seul. L'étau de ses pensées allait se refermer sur lui et briser sa conscience à tout jamais. Si les fils étaient son arme de prédilection, c'aurait été une erreur de croire qu'il n'en avait pas d'autre à son actif. Là où les liens étaient l'apanage du précédent porteur de son Surplis, ce cri dévastateur était le fruit de l'animal auquel il devait ses ailes.

Néanmoins... Tu fais erreur si tu crois que tes bravades ont le moindre effet sur moi, désolé de te l'apprendre. Car vois-tu, contrairement à ce pauvre enfant je n'ai pas la prétention d'être un foudre de guerre. Je sais parfaitement quelles sont mes faiblesses et me contente d'y pallier. Si tu arrives à me vaincre, tu n'en tireras aucune gloire, ni même la satisfaction d'être débarrassé de moi puisque tu peux être sûr que je reviendrai tôt ou tard. Ne le réalises-tu pas ? Tu as déjà perdu.

Profitant de ce que le Guerrier Divin devait essayer de se soustraire à son emprise, Alessio ne se fit pas prier pour faire jaillir du sol une nouvelle série de fils. Ceux-ci avaient également été dissimulés au préalable et serpentaient sous les pieds des deux combattants avant le début du combat, sans qu'Arbhaal n'ait pu s'en douter jusque là. Rapides comme l'éclair, ils ceignirent la cheville de ce dernier et exercèrent une pression si vive que son tendon d'Achille n'y survivrait probablement pas s'il ne se hâtait pas de s'en libérer. À l'évidence, c'étaient la force brute et la célérité qui faisaient la fierté du porteur de saphir. Le priver définitivement de cette dernière lui inculquerait sans aucun doute la leçon d'humilité qui lui faisait défaut. Oui, il allait apprendre à ses dépens qu'Alessio était un professeur sévère et qu'il gravait ses enseignements à même le corps... Et l'âme.

Peut-être s'était-il trompé sur son compte.

Arbhaal n'était certes pas aussi méprisable que son compatriote, à se prendre pour plus qu'il n'était, mais cela ne le rendait pas pour autant digne de son intérêt. Et celui-ci avait très vite atteint ses limites en constatant le manque de répartie qui caractérisait son interlocuteur. À l'exception de Séléné, qui l'avait longuement diverti par le passé, il n'arrivait décidément qu'à se faire une piètre opinion des Ases. Leurs ancêtres étaient certes connus pour leur vaillance au combat, mais l'histoire ne mentionna jamais que c'était au détriment de leurs capacités cérébrales. Un discret soupir lui échappa, sans que Zeta ne puisse le remarquer. Cela ne l'intéresserait sans doute pas. Ce n'était qu'un petit détail. C'est pourtant aux petits détails qu'il faut savoir se fier pour qui combat Alessio, car il n'y a qu'ainsi qu'ils ont une vague chance de deviner ce qu'il a derrière la tête.

Nul doute que son adversaire aurait cent fois préféré savoir ce qui l'attendait au lieu d'assister, impuissant, à sa propre déchéance. Fort d'un cosmos supérieur à la normale en contrepartie d'une faible résistance physique, Alessio aurait pu y avoir recours pour tenter de minimiser les dégâts de l'attaque. Pourtant, il ne s'en servit pas. Ce qu'il était sur le point de faire demandait d'être méthodique, et une précision chirurgicale ne serait pas de trop pour que Zeta ne puisse s'en relever. Aussi fit-il mine de n'avoir rien vu venir et de prendre l'attaque de plein fouet sans même avoir pu tenter de s'en défendre. Et s'il dut effectivement encaisser la majeure partie de l'attaque pour n'éveiller aucun soupçon, son esprit demeura en alerte et lui permit de passer à l'action aussitôt qu'il eut été touché. La douleur était grande mais il pouvait l'endurer. N'avait-il pas connu bien pire, qu'il soit mort ou vivant ?

Au même instant, des fils jaillirent à nouveau du sol – verticalement cette fois-ci. Le vent glacé qu'avait fait souffler le God Warrior en avait gelé plus d'un, mais ceux cachés sous terre étaient restés à l'abri des intempéries. Sans décélérer un seul instant, ils fusèrent en tous sens afin de frapper aux articulations. Certaines étaient couvertes par l'armure et son épaisseur, s'il pouvait la transpercer avec quelques efforts, réduirait considérablement leur pouvoir destructeur. C'est pourquoi il avait préféré les infiltrer directement dans les ouvertures laissées entre les plaques afin de bénéficier de leur pleine efficacité au moment où Arbhaal s'y attendait le moins. Lui qui l'accusait déjà d'être un lâche, comment aurait-il pu s'attendre à ce qu'il ne cherche pas à s'en protéger dans l'unique but de contre-attaquer ?

Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même. C'est uniquement de ta faute si je suis obligé de parler pour deux. Si j'attendais que tu fasses la conversation, je m'ennuierais à mourir. Enfin... Entre le prétentieux et le muet, je vais finir qu'Asgard n'est pas faite pour me porter chance. À moins que tout le monde là-bas soit aussi insipide. Je vais finir par croire que ces saphirs sont là pour vous donner l'éclat que vous n'avez pas.

Que le Griffon ait la ruse pour arme principale n'était plus un secret, mais il avait été soldat de son vivant. Aussi n'y avait-il rien d'étonnant à ce qu'il soit rompu au combat et à ses rudiments y compris les plus héroïques ou salvateurs. Que son adversaire n'en sache rien était sa chance. Qu'il le prenne donc pour un cafard : triompher de lui n'en serait que plus facile. Il s'en serait fallu de peu qu'il regrette de n'avoir pas son antique lance sous la main, mais elle aurait été un poids superflu. En s'éveillant à la mort, il avait acquis de nouvelles armes et il savait mieux que jamais comment s'en servir. La vapeur blanche des fumées de glace l'empêchant d'y voir clair, il ne put se fier qu'aux vibrations des fils qu'il avait disposé de part et d'autre de l'arène afin de s'y orienter.

Même s'il n'avait pas réussi à mener à bien cette pernicieuse tentative, le temps qu'il faudrait à Arbhaal pour s'en dépêtrer était plus qu'il ne lui en fallait. Son Surplis avait largement souffert de ces lacérations mais avait tenu bon contre toute attente. Il n'en faudrait cependant pas bien plus pour qu'il tombe en morceaux et le Juge savait pertinemment qu'il devrait se montrer plus prudent pour son propre bien-être. Avoir acquis un corps immortel ne le mettait pas à l'abri de sorts peu enviables et il ne tenait pas à savoir combien de temps il pourrait endurer un froid de cette envergure. D'un battement d'ailes, il balaya les brumes alentours et brisa le givre qui lui lestait les ailes.

Quel dommage que je m'apprête à te l'arracher.

Celles-ci se mirent à battre, comme dotées d'une volonté propre, éparpillant le brouillard hivernal qui s'était abattu dans ces parages. Puis, sans aucun signe avant-coureur, le sol vint à se fendre pour recracher d'épais murs surgis tout droits des entrailles de la terre. D'une dureté à toute épreuve, ces cloisons richement ouvragées semblaient être le vestige d'une ère antique dont ils dépeignaient la gloire déchue. Cette profusion de cosmos s'étendait à perte de vue, et Arbhaal n'aurait d'autre choix que d'arpenter ce labyrinthe jusqu'à en trouver la sortie. Car ce dédale était celui de ses pensées, de ses doutes et de ses peurs, de ses espoirs et de son plus profond désarroi. Cette fierté qu'il prenait plaisir à mettre en avant serait de courte durée face au royaume de ses propres cauchemars. Ce n'était en effet qu'une illusion, mais il n'en saurait rien tant qu'il n'en aurait pas trouvé l'issue. Profitant de ce qu'il pouvait la manipuler à son gré, Alessio altéra la structure des parois pour leur faire recracher une volée de filins à destination du visage de son opposant.

Le champ de bataille n'offrait plus que peu de visibilité après avoir subi leurs assauts respectifs mais s'il pouvait encore amoindrir la vue de son adversaire, il en tirerait un avantage certain. Il n'était guère loyal de tenter de le rendre aveugle, mais il ne s'en souciait aucunement. Tous les moyens étaient bons pour prendre l'avantage, et s'il parvenait à ne serait-ce que l'éborgner, il ne s'en porterait que mieux. Et au cas où ses projectiles manqueraient leur cible sans qu'il s'en débarrasse, il n'aurait alors qu'à les faire revenir dans sa direction pour le saisir à la gorge et le suffoquer. Il s'était contenté de n'en faire qu'un usage limité jusque là pour que le God Warrior sous-estime l'étendue de son contrôle sur eux. Le moment était venu de lui révéler qu'il n'avait de limite que celle qu'il voulait bien lui donner.

Définitivement, Arbhaal ne semblait pas goûter la plaisanterie. Voilà qui était bien dommage – même si avoir pu vérifier qu'il était toujours aussi doué pour pousser son ennemi à bout n'était pas sans lui faire grand plaisir. Il se devait cependant de n'en rien montrer et préféra feindre le dépit tandis que son adversaire lui crachait ces quelques mots au visage. À en croire le fiel que contenaient ses paroles, il n'en faudrait pas beaucoup plus pour lui faire perdre contenance. Ce serait alors le moment propice pour lui porter un coup décisif – idéalement le coup de grâce, si toutefois il n'était pas aussi pugnace qu'il en avait l'air. Ce serait d'autant plus aisé sachant que le Guerrier Divin persistait à croire qu'il pourrait le faire taire à la force de ses poings mais cela ne lui serait d'aucune utilité face à Alessio. Il n'y avait en effet qu'en lui tenant tête sur le plan psychologique que l'on pouvait espérer le faire baisser d'un ton.

C'était néanmoins une arme à double-tranchant également, car il se ferait alors une joie de profiter de ce débat pour lui laver le cerveau sans attendre grâce au pouvoir des mots. L'opinion qu'il s'était forgée à son sujet n'était pas loin de la vérité, mais ce serait gravement le sous-estimer que de croire que cela suffirait à se soustraire à sa langue de vipère. Qu'il le veuille ou non, le God Warrior était condamné à n'être ni plus ni moins qu'un jouet qu'il briserait dès lors qu'il s'en serait lassé. C'était bien là la seule vérité qui lui serait d'une quelconque utilité. La perte de son bras n'était dès lors qu'un maigre prix à payer car elle lui apportait la preuve que son vis-à-vis succombait à ses pulsions les plus malsaines et finirait par se laisser envahir par une colère cuisante. Or, quel meilleur moyen pour lui faire baisser sa garde ?

Car à n'en point douter, elle ne tarderait guère plus à lui faire perdre la raison. Car bien loin de le décourager, ces blessures ne faisaient que le persuader qu'il était sur la bonne voie. Il aurait voulu lui faire un compliment qu'il ne s'y serait pas mieux pris. En gage de sa reconnaissance il le laissa donc s'offrir le luxe de l'attaquer dans le dos au mépris du sens de l'honneur dont il lui reprochait de manquer. Curieux paradoxe, mais le Juge n'eut guère le temps de s'y attarder : à peine Arbhaal eut-il percé les défenses de son auguste Surplis que l'intérieur de celui-ci portait à sa vue quantité de fils, entreposés entre les plaques d'armure. Aussi n'eut-il guère le loisir de s'éloigner – ou du moins pas autant qu'il l'aurait voulu – une fois que ceux-ci lui eurent enserré bras et jambes.

Allons mon brave, ceci n'est qu'un jeu. Je suis flatté que vous me portiez en si haute estime, mais n'oublions pas que vous et moi sommes là pour amuser la galerie. Il serait regrettable de ne point en profiter nous-même. Avez-vous vraiment cru que je prenais tout ceci au sérieux ? Si tel est le cas, j'en suis navré ; permettez-moi donc de me faire pardonner.

Gigantic Feathers Flap

Les liens qu'il venait de tisser se raffermirent de telle sorte qu'ils pénétreraient la chair et l'os sans l'ombre d'une difficulté. Tirant profit de cette faible distance, le marionnettiste put laisser libre cours à ses envies ainsi qu'à sa pleine puissance. L'attaque allait être portée pratiquement à bout portant, et il n'aurait assurément pas la moindre chance de s'y soustraire. Les vents violents qu'il était en mesure de déchaîner se concentrèrent tous en un seul et même point pour mieux s'abattre sur la cible qui venait de leur être désignée. Une tornade venait de faire son apparition au milieu de l'arène, et il en était l'épicentre. Le représentant terrestre d'Odin n'eut pas cette chance : les rafales lui cinglèrent le visage et la chair tant et si bien qu'il n'en resterait rien s'il ne surpassait pas son camarade déjà tombé au combat.

La frénésie qui s'était emparée de lui causerait sa perte, le Spectre en faisait le serment. Et tandis que la tempête s'en donnait à cœur joie et donnait à l'arène de nouvelles dimensions en soufflant les rares obstacles qui auraient pu freiner leur confrontation, son étreinte se resserra sans fléchir. Déjà mortelle à elle-même, elle ne l'était que davantage en contraignant celui qu'il avait pris dans ses filets à encaisser le souffle d'un ouragan de plein fouet. Arbhaal aurait beau pouvoir compter sur ses courants d'air pour lui assurer un semblant de protection, force serait de reconnaître qu'ils ne le sauveraient pas si le Juge maintenait en place ce qui se trouvait être sa plus terrible attaque. Parfaitement détendu, ce dernier se contenta d'allumer une cigarette – les troubles climatiques ne semblant pas gêner sa combustion.

Tiens donc, qu'est-ce que c'est que ces manières ? Je te trouve mal placé de donner des leçons alors que tu n'as aucun scrupule à m'attaquer dans le dos. Nous sommes ennemis mais serait-ce ma mémoire qui me joue des tours ou est-ce toi qui a oublié que tu as un code de l'honneur à respecter ? Rassure-toi, je ne t'en tiens pas rigueur, je confesse être le premier à bafouer les règles établies. Mais je te prierai de ne plus recommencer sans quoi je crains de ne pouvoir me montrer aussi clément la prochaine fois. Il serait dommage d'entacher ainsi les bases de cette belle amitié, tu n'es pas de cet avis ? Oh, et tant que j'y suis, tu me blesses en me prêtant de si mauvaises intentions ! Comme tu le dis si bien, le passé ici n'est rien ; pourquoi diable irais-je te menacer de te dérober ce qui est déjà mien ?

Alessio fit volte-face, un saphir dans chaque main. L'un d'entre eux était évidemment celui qui avait autrefois appartenu à Ragna et n'était pas près de retrouver son ancien propriétaire mais tout portait à croire que le second était celui d'Arbhaal en personne. Dans un tel état de fureur, il n'était pas impossible que les machinations du Juge aient assez détourné son attention pour lui permettre de s'en emparer au moyen de l'un de ses fils. Vérité ou mensonge ? Comme bien souvent, sa plus grande force résidait dans cette incertitude. Car dès lors que le Guerrier Divin commettrait l'erreur de baisser les yeux pour s'assurer que le sien était toujours en place, il en profiterait pour passer à l'action et mettre un terme à cette mascarade. La comédie n'avait que trop duré, ne restait plus au rideau qu'à tomber.

Cavalier des tempêtes, maître des bourrasques, baron des tornades... Oui, commander au vent était grisant, il n'y avait pas à dire. L'impression de liberté que ces rafales cinglantes pouvaient lui procurer était à nulle autre pareille. Cela eut le mérite de le distraire de la fierté exacerbée et des principes chevaleresque qu'Arbhaal ne cessait d'agiter. Foutaises que ceci, et Alessio en aurait volontiers ri à gorge déployée si cela ne l'avait pas tant peiné. Lui, il savait. Il savait que prêcher ces belles paroles n'y pourrait rien changer. Oui, Zeta était un spécimen rare, de ceux qui croient encore en ce qu'ils disent – mais se rendait-il seulement compte qu'il était le seul à s'écouter parler ? Ces discours idéalistes, le Griffon en avait entendu à satiété, si bien que c'est de son vivant qu'il n'avait plus pu en supporter. Il avait vu ce que nul ne voudrait voir, puis été contraint de se relever. C'était l'humanité qui l'avait façonné.

Mais cela, le chevalier des glaces pouvait-il seulement s'en douter ? Fort de ses ailes et de leur envergure respectable, le Juge du Griffon n'avait aucun mal à se mouvoir au milieu des turbulences, mais se laissa bien volontiers porter par le courant. Quel besoin avait-il de s'en soucier alors que son chemin était déjà tout tracé ? L'issue de ce combat ne pourrait être changée. Et ce pour la bonne et simple raison que le God Warrior et ses valeurs dépassées se devaient d'être écrasés. Ainsi seulement il pourrait connaître la vérité. Mais pour ce faire, il lui fallait le briser. Le vaincre sur toute la ligne pour qu'il ne puisse trouver la force de se redresser et de continuer alors que cela n'aurait plus aucune utilité. Ainsi ne se priva-t-il pas d'écarter les bras pour le laisser venir jusqu'à lui. Qu'il le blesse tant qu'il ne voudrait, l'issue n'en serait pas moins déjà décidée.

Oh, je vois. Excuse-moi, votre peuple est d'une telle insignifiance que je n'ai point jugé utile de me documenter. Je te remercie de m'avoir épargné cette corvée... Même si cela n'a pas grande importance en vérité, puisque parlant de cadavre c'est sur le tien que je viendrai le prélever. Je l'ai déjà fait une fois sans grande difficulté, j'imagine que si je m'en donne les moyens il ne me serait guère compliqué de recommencer... Mais un problème se pose : où vais-je les ranger ?

Tandis qu'il faisait mine de s'interroger sur cette question épineuse, le saphir se décomposa en révélant une nuée de fils tranchants. Ceux-ci n'avaient pas fini de se révéler qu'ils s'étaient mis à fuser en direction d'Arbhaal, empruntant des itinéraires aléatoires pour mieux le frapper en traître par chacun de ses angles morts. Leur résistance étant celle que leur Spectre de maître voulait bien leur donner, ils pouvaient se fondre dans le vent pour se déplacer sans pour autant se briser. Ce n'en était que plus pénible de les éviter, le scintillement de pierre précieuse dont ils jouissaient encore aidant à les dissimuler. Le dernier d'entre eux eut toutefois une approche bien plus direct puisqu'il n'avait pour but que de lui transpercer le buste et d'ainsi précipiter le moment où le saphir serait libéré. De sa part, une attaque de front n'aurait en aucun cas paru envisageable – la surprise qui se peindrait sur son visage avant que la douleur ne l'y remplace n'en serait que plus délectable.

Alessio fit mine de réprimer un bâillement. Son adversaire n'ouvrait que rarement la bouche et le peu qu'il le faisait n'avait pour seule utilité que de l'inciter à se taire lui aussi. Bien entendu il n'en était nullement question. Le Juge du Griffon n'avait guère envie de mener ce combat dans un silence de mort uniquement rythmé par le fracas des coups échangés. Oui, cela l'ennuierait à mourir. Peut-être était-ce là le plan de son opposant, après tout... Constatant qu'il n'était pas capable de le tuer, il pouvait en être venu à vouloir utiliser des moyens détournés. Cependant, quoi qu'il fasse, tous ses efforts seraient vains. On ne peut tuer la mort elle-même. Ne s'était-il jamais questionné sur l'origine de leur désignation en tant que Spectre, pour envisager que sa mort puisse changer quoi que ce soit ? Feignant la lassitude, le Juge Infernal afficha une mine dédaigneuse qui à elle seule en disait plus long que tout ce qu'avait prononcé le Guerrier Divin de Zeta depuis le début du combat.

Décidément, vous êtes plus rustres que je ne le pensais. Et moi qui croyais que la barrière de la langue serait un problème, je constate que finalement je ne rate pas grand chose... Merci pour cet édifiant constat !

Malgré l'état du terrain, Alessio n'en était nullement incommodé. Comment aurait-il pu l'être si longtemps que tant ses pouvoirs que son Surplis lui permettaient de voler ? Ce dernier avait certes connu des jours meilleurs mais n'en était pas moins toujours en état de le porter. À en juger par l'état de ses ailes, celles-ci ne dureraient pas éternellement, mais étaient encore plus qu'il n'en faut pour s'arroger le droit de se déplacer librement. Ce qui n'était pas le cas de son vis-à-vis, ou du moins pas avec la même aisance. Il éprouvait pour le suivre des difficultés qui ne sauraient être contournées. Et c'était là tout ce qui les distinguait l'un de l'autre. Ils étaient aussi différents, aussi éloignés que pouvaient l'être la terre et le ciel. Si cela valait également pour leurs mentalités, c'était avant tout de puissance dont il était question... Et le Juge n'allait pas tarder à le lui prouver. Imperturbable, il reprit son discours là où il l'avait laissé.

Prenez garde, mon ami, à ce rythme, je vais finir par me demander si vous valez vraiment mieux que les Chevaliers d'Athéna... Si tant est qu'on puisse les nommer comme tel, ce dont je doute, vous l'aurez compris. Mais j'imagine que ce n'est pas à moi d'en juger, et croyez bien que cela me désole.

Si tourner en dérision la mort de l'un de ses frères d'armes ne l'avait pas ému outre-mesure, il y avait fort à parier qu'il ne se soucie pas plus de ses alliés. Mais sait-on jamais. C'était devenu naturel pour l'Étoile Céleste de la Valeur que de discourir à longueur de mêlée – et il n'irait pas s'en plaindre s'il pouvait tant qu'à faire agacer l'adversaire. Or, à défaut que le contenu de ses paroles fasse son effet, c'était le simple fait de devoir l'écouter qui le faisait sortir de ses gonds – ce qui n'était pas pour lui déplaire. Le résultat était le même, au fond. Car non, il n'avait pas la moindre intention de se taire à moins qu'on ne l'y oblige, et nul ne s'en était montré capable depuis qu'Hadès avait fait de lui son épée-lige. Du moins était-ce ce qu'il croyait, et c'était bien suffisant. Si ses commentaires pouvaient déconcentrer Zeta ne serait-ce qu'une infime fraction de seconde, le faire dévier de sa trajectoire ne fut-ce que d'un iota, la victoire serait sienne. Il ne pouvait en être autrement. C'était écrit.

Si mal informé que je sois à ce sujet, m'est avis que je ne pourrais faire plus mauvais travail que leur déesse elle-même. Nul ne le pourrait. Pas même toi. Après tout, qu'avons-nous à envier à une déesse qui n'a aucun scrupule à abandonner ses serviteurs zélés une fois qu'elle estime avoir été assez révérée ?

Et pour avoir mené des guerres psychologiques de cet acabit à longueur de temps depuis qu'il était revenu à la vie, le Juge était on ne peut plus certain d'arriver à ses fins. Peut-être trop en vérité, mais cet aplomb était justifié. S'il y avait bien une chose en laquelle il pouvait avoir confiance, c'était sa faculté à amener l'esprit humain là où il le voulait pour mieux le rompre à tout moment. C'était ce qu'il savait faire de mieux, et il prenait plaisir à le faire. S'il n'en était pas encore conscient, Arbhaal allait l'apprendre à ses dépens. Cette fois Alessio ne fit rien pour atténuer l'attaque de son adversaire. Alors qu'il lui avait été si facile d'en minimiser ou encore d'en ignorer l'impact jusqu'à maintenant, il venait de recevoir de plein fouet ces coups de griffe qu'il s'était évertué à éviter par tous les moyens. Était-ce un signe de faiblesse ? Ce n'était pas à exclure.

Oh, bien sûr, compte tenu de leur médiocrité, je ne peux que la comprendre ; mais les ayant elle-même nommés, il en va de sa responsabilité, après tout. Si leurs têtes ne lui reviennent plus,L elle n'a qu'à les faire tomber... poursuivit-il quoi qu'il en soit.

Après tout, le combat durait depuis un certain temps déjà, et son antagoniste s'était montré plus véloce que lui d'un écart qui ne saurait être compensé par l'expérience d'autrefois. Projeté en arrière, le marionnettiste porta la main à son flanc, vraisemblablement atteint d'un point de côté ayant du mal à passer. Plié en deux comme il l'était tant par la violence du choc que par le recul, l'on ne pouvait pas voir grand chose, si bien qu'il était aisé de supposer qu'il ait tout aussi bien pu être grièvement blessé. Toutefois aucune trace de sang ne vint s'ajouter à celles déjà présentes sur le sol, et son apparente défaillance n'alla pas plus loin. Lorsqu'il en ôta sa main gantée, l'emplacement révéla une faille béante dans son Surplis à travers laquelle l'on pouvait voir la tenue de soirée qu'il avait l'habitude d'endosser. Le Spectre ne fit pas même mine de s'en formaliser et se projeta en avant une nouvelle fois, déterminé à rendre coup pour coup aussi longtemps qu'il le faudra.

Lorsque Arbhaal se jeta sur lui après sa tirade, Alessio leva les yeux au ciel. Un claquement de doigts plus tard, son Surplis vola en éclats, ses plaques d'armures déferlant sur son adversaire comme un véritable déluge. Aucune ne le toucha jamais pour autant, conséquence du fait qu'il ait décidé de l'enlever. Tout ceci ne rimait à rien et il ne cautionnerait pas plus longtemps cette mascarade. C'était faire affront à son titre de Juge que de l'arborer dans ce combat démuni de sens et il n'était pas question d'aller souiller sa cuirasse alors que les enjeux étaient à ce point négligeables. Sa poigne ne s'en trouva pas moins sur la trajectoire de la pluie de coups que lui destinait Arbhaal pour le couper dans son élan.

Dans le regard qu'il lui jeta ne pétillait plus une once de malice tant cette frénésie guerrière l'avait usé jusqu'à la corde. Son état ne devait pas être si éloigné de ce que l'on appelait un berserker. Il se souvenait avoir lu quelques récits à ce sujet mais n'avoir pas approfondi ses recherches étant donné son faible intérêt pour Asgard et ses occupants. Un guerrier-fauve qui, sous l'effet d'une fureur sacrée, obtient une force sans limites... S'il n'était pas toujours facile de déterminer ce qui peut sembler rationnel quand l'on appartient à la caste des Éveillés, il n'y avait prêté que peu de foi dans ce cas précis. Mais c'était faire abstraction du fait que pour qui sait où chercher, la plupart des légendes ont un fond de vérité.

Oh, mais qui a dit que je voulais vous comprendre ? Ne t'y trompe pas, je n'en ai que faire ! Je trouve juste navrant que vous serviez des divinités qui n'ont pas même assez de lucidité pour se rendre compte qu'il ne sert à rien de lutter parce qu'elles ne pourront jamais nous arrêter. Libre à vous de jeter vos vies en orties en vous suicidant en leur nom, mais je suis d'avis qu'un suicide serait bien moins éprouvant que de périr dans le désespoir après avoir touché le fond. Enfin, pour ce que j'en dis...

Sa prise se raffermit sur le bras qu'il avait arrêté en plein mouvement pour ne pas lui laisser la moindre chance de s'en dégager. Pour avoir vu ses fils à l'oeuvre, le Guerrier Divin devait déjà se douter qu'il n'aurait besoin que d'un instant pour le démembrer. Le Griffon n'en fit rien et se contenta de le fixer dans le blanc des yeux, arborant désormais son costume habituel en lieu et place d'une véritable tenue de combat. Parfaitement détendu malgré la situation dans laquelle ils étaient restés figés, il fit mine de pencher la tête sur le côté et laissa échapper un soupir de lassitude. Autour d'eux s'érigèrent les murs du labyrinthe dans lequel il l'avait déjà jeté peu de temps auparavant. Pourrait-il en trouver la sortie cette fois ?

Mais dis-moi, qu'as-tu à y gagner ? Qu'est-ce que cela va t'apporter ? Rien... Ne t'en rends-tu pas compte ? Même si tu réussis à me tuer, ce ne sera que temporaire. Ma vie ne connaîtra pas de fin tant que je me battrai en Son nom. Tu mises ta vie dans cet affrontement, alors que de mon côté je ne risque rien si ce n'est un désagrément passager. Vient un moment où il faut se rendre à l'évidence et voir que ton acharnement est voué à l'échec, tu ne crois pas ?

Nonchalant, le Juge Infernal haussa les épaules tout en esquissant un vague sourire. Au moins ne pourrait-on pas l'accuser de lâcheté, il avait encore les ressources pour mener le combat à son terme s'il l'avait souhaité. Seulement voilà, ce n'était plus le cas. Un vent violent se mit à souffler entre les cloisons avec une force et une vitesse qui n'étaient pas sans rappeler celle du Gigantic Feathers Flap qu'il avait déchaîné tout à l'heure. Ces bourrasques finirent toutefois par se calmer pour plonger le dédale dans le silence. Mais avant que le God Warrior n'ait pu dire un mot, Alessio reprit son monologue avec la même conviction.

Quoi que tu fasses, tu pourrais me tuer cent fois que rien ne pourrait m'empêcher de ressusciter dans le seul but de venir t'achever avant que tu aies pu reprendre tes forces. Oui, je suis au regret de te dire que tu mènes un combat que tu ne peux gagner. Abandonne ta cause perdue tant qu'il en est encore temps ou ces griffes n'auront finalement eu d'autre utilité que celle de creuser ta propre tombe...

Ceci étant dit, il se sépara de lui d'une brève saccade et tira immédiatement un mouchoir de sa poche pour en essuyer sa main gantée. Étant donné le style de combat peu raffiné de celui qui lui faisait face, il devait très certainement ne pas prendre grand soin de sa GodRobe et Alessio ne tenait nullement à en emporter les souillures comme souvenir. Une fois qu'il en eut terminé il tourna les talons après en gratifiant pour la dernière fois son adversaire d'un de ces sourires matois dont il avait le secret. À défaut d'avoir la motivation d'en venir à bout par ses propres moyens il prendrait un certain plaisir à le voir se faire démolir par son prochain opposant parce qu'il aurait la tête emplie de questions sans réponses. Contrairement à ce qu'il semblait croire, tout le monde a des failles, même les guerriers les plus avisés.

Le tout était de savoir trouver laquelle.