Un souverain peinard de temps en temps

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Le carrosse et son roi arrivèrent avec fierté devant les hautes portes d'or, de pierres précieuses et d'orichalque, seule extravagance apportée au palais par rapport aux autres domaines des généraux. Les héritiers des domestiques d'antan en avait profité pour tout nettoyer, réinstaller les décors selon les traditions. Le palais était redevenu une seconde maison pour Poséidon, après l'Olympe qui était naturellement son lieu de prédilection, avec ses mets divins, ses nymphes enchanteresses, ses héros charismatiques et son ambiance festive, quand les autres dieux voulaient bien se prêter au jeu. Les écuyers du souverain ainsi rentré s'occupèrent de détacher les chevaux et les mener autre part où ils seraient plus à l'aise. On emmena également le socle du char dans une enclave prévu pour lui, caché par un simple rideau. Poséidon s'arrêta un moment et réfléchit. Ses yeux tombèrent sur le traité fraîchement conclus qui trônait bien en évidence sur un mur opposé. Kartar avait fait son travail. Et si Fuhin et lui disposaient du fait de l'arrivée tardive d'un délai, le dieu ne s'expliquait pas encore pourquoi il n'avait pas de nouvelles des envoyés en terre d'Arès. Certes, il n'était parti que depuis quelques heures, de très longues heures de galop surtout, et un peu de discussion. Cependant, il avait demandé de trouver des informations, pas d'explorer le royaume de son neveu en long en large et en travers. De bonne humeur, il s'accorda un moment de magnanimité et leur laissa du temps.
Revenant à sa préoccupation première, il appela l'un de ses nombreux serviteurs et lui désigna une large pièce inutilisée qu'il fallait garnir de tables et de chaises : ce serait la nouvelle salle des ambassadeurs. Il donna également l'ordre de vérifier si le palais comptait suffisamment de chambres en dehors de celles de sa famille proche pour accueillir une à deux personnes et les y loger si besoin était. Les Asgardiens avaient droit à un confort au moins équivalent à la bonne tenue des lieux de Séléné en terre d'Odin. Ses directives données, le dieu se tourna ensuite vers les neuf socles des écailles générales. Il y avait la sienne bien évidemment qui l'avait attendu sagement. Il y avait également celles de l'Hippocampe, depuis longtemps disparu... Poséidon ne se souvenait pas d'ailleurs d'avoir vu un général la porter depuis Sophitia. Chrysaor trônait de même dans la pièce, seule depuis Aurora, et enfin Scylla. Il s'approcha de cette dernière passa ses doigts fins sur l'orichalque encore neuf et plein de vie de l'écaille du Pacifique sud.

"Tu as accompli un excellent travail, bien qu'il ait été fastidieux et ponctué d'hésitations... Ton choix a été particulièrement sensé car nous nous complétions. De ce fait, si tu te refuses à plusieurs nouveaux hôtes qui ne m'arrivent pas à la cheville, je le comprendrai aisément, mais tâche de trouver un autre général tout de même, pour donner l'exemple à nos enfants de s'entraîner afin d'entrer dans l'armée du monde sous-marin. Je compte sur toi, très chère Scylla. Tu as ma confiance."

L'écaille se mit à briller d'un éclat doré, répondant aux paroles du maître des eaux qui se permit un léger rire, amusé d'avoir réussi à flatter un esprit hantant une protection.

Le dieu resta un moment en compagnie des écailles, conversant plus ou moins avec elles comme il aurait pu le faire avec les poissons ou autre créature marine. Après un temps, Delphinos arriva, un tableau à la main. Poséidon n'eut pas besoin de poser la question pour savoir d'où il venait. Il n'y avait qu'une œuvre à laquelle il avait pu penser dans le sanctuaire sous-marin et avoir le temps de la ramener de surcroît.

"Je me suis dit que Flipper et Simbad pourraient vouloir l'avoir près d'eux. Pour se rappeler d'où ils viennent.
-Ce n'est pas une mauvaise idée. Va donc l'accrocher dans mes quartiers personnels. Au-dessus du lit. Cependant tu ne pourras pas le voir très souvent. Mais cela ne gênera sans doute pas Flipper puisqu'il n'a pas vécu dans cette maison.
-Certes oui... Je vais de ce pas. Si je puis me permettre, seigneur, profitez du temps que avez avez devant vous avant le retour des capitaines et généraux pour prendre un bon bain et dormir un peu... Votre travail pour restaurer l'Empire n'est pas terminé."

Toujours de bon conseil, Delphinos s'inclina profondément et se retira pour aller le tableau qui représentait la maison terrestre de Simbad en Chalcidique avant qu'il ne la brûle. Poséidon se dirigea alors vers l'aile du temple qui représentait ses quartiers : une immense succession de salles plus vastes et luxueuses les unes que les autres, destinées à son usage personnel et à celui de ceux qu'il autorisait bien à y pénétrer - rares étaient ces personnes - que ce soit des domestiques ou des membres de sa propre famille. Il entra dans sa "salle de bain", une véritable piscine thermale nichée au creux de somptueuses et hautes colonnes, aussi raffinées dans leurs finitions que les piliers qui soutenaient tout Eges et les océans du monde sur lesquels il régnait.

La poignée de serviteurs qui s'occupait de l'endroit déserta aussitôt après avoir déposé serviette, huile et tréteaux pour poser les vêtements près du bassin. Une fois les portes refermées, le dieu des mers et océans s'avança lentement, ôta ses sandales divines, puis sa toge avec des gestes soignés et patients. Il pénétra dans l'eau pas à pas, ravi de la température et du moment de détente qu'il allait pouvoir s'offrir. Il s'immergea jusqu'au cou et s'appuya à l'un des bords en ivoire du bassin, soupirant de délassement. Il ne manquait qu'Amphitrite et la scène aurait été parfaite en tous points.

"Il est temps que tu reviennes après ta longue absence ma douce. Je commence à m'ennuyer sans toi pour casser mes vases et me prodiguer tes caresses à l'infini. Je vais finir par redevenir l'insolent que j'étais si tu m'y obliges..."

Évidemment, seul les clapotis de l'eau répondirent au désir formulé de Poséidon qui préféra se vider l'esprit et profiter de la chaleur des flots dans lesquels il baignait, parfumés à la rose et autres fleurs délicates, qui viendraient souligner son élégance divine.

Après un très long moment pouvait être une heure comme trois, le dieu se lassa du vide de présence de la pièce et du clapotis trop régulier à son goût. Finalement, son activité débordante de maître du monde - avec Hadès et Zeus bien sûr - lui apparaissait comme le parfait mode de vie pour lui : jamais d'ennui, toujours à faire. Et ainsi allait la vie marine, jamais les requins ne restaient immobiles, sous peine de mourir, jamais les poissons ne cessaient de glisser dans les eaux, sous peine d'être péché ou dévoré. Seuls les crustacés accrochés à leur rocher, les oursins et autres coraux demeuraient vraiment inertes longtemps.

Poséidon sortit donc de son bain thermal et s'entoura de sa serviette. Il laissa les dernières gouttes dévaler son visage et sa crinière de cheveux bleus, puis passa le doux tissu sur sa peau de haut en bas. Une fois bien sec, il remit sa toge en place, ses chaussons aussi discrets que les coussinets d'un chat, puis il retourna dans le grand couloir de son temple. Il bifurqua sur la droite, à l'opposé de la salle de son trône avec les stèles des écailles. Il continua un moment, doubla plusieurs portes - une salle d'arts, une chambre divine, une autre, un échiquier géant entre autres réjouissances - puis il s'arrêta devant la double porte la plus magnifiquement ouvragé de tout le palais, composée d'orichalque, d'airain, de pierres précieuses, d'or ou encore de marbre. Il l'ouvrit sans mal malgré le poids que cela pouvait peser pour un mortel, puis referma derrière lui. Sa chambre le regardait, silencieuse et parfaitement ordonnée depuis sa précédente sélection d'hôte. Sauf que cette fois, il comptait y rester longtemps le principal résident. Il s'avança vers le lit à deux places, s'assit dessus, s'allongea même en regardant le plafond sculpté d'une représentation d'Atlantis en son temps le plus glorieux. Le tableau que Delphinos était venu accrocher comme convenu dégageait une odeur de peinture à l'huile qui parfumait la pièce sans la rendre irrespirable. Comme il était bien, une fois encore... Il ferma les yeux un moment pour mieux ressentir, la douceur du lit, l'odeur d'huile, le silence. Un doux sommeil vint alourdir ses paupières.

Une sensation familière réveilla le dieu brusquement. Bien que de l'extérieur on n'aurait pu voir que l'ouverture de ses paupières, son corps tout entier s'était tendu pour appréhender les flux de cosmos. Proche, une première explosion avait mis fin à l'incarnation d'Athéna. Vaincue ou désincarnée ? Il est vrai qu'il n'avait pas demandé plus de détails par rapport à elle à Zeus lorsqu'il était allé s'enquérir du jugement d'Arès au tribunal divin.

La seconde explosion était plus lointaine, plus diffuse, plus inquiétante. La sensation que les ténèbres venaient de renaître mit Poséidon sur la voie : Hadès était de retour. En Kazuki ? Quelqu'un d'autre ? Il était réputé que le maître des Enfers choisisse pour hôte quelqu'un dont le cœur était pur et dénué de violence, mais ce genre de personne se faisait de plus en plus rare, et il n'était pas exclus que le sombre monarque ait pu lui aussi copier les tentatives d'incarnations différentes qu'expérimentait Poséidon depuis la nuit des temps, puis plus récemment Athéna. Serait-il vindicatif envers les Marinas comme l'avaient été Thanatos et Kazuki ? Dirigerait-il ses intérêts vers d'autres motifs, plus mystérieux ? Songerait-il, lui aussi, à la paix ? Rien n'était moins sûr, et pour s'en assurer il faudrait que le dieu des mers et océans se rende à lui et lui pose des questions en personne. Ce qui attendrait. D'abord, il allait faire payer Arès pour l'enlèvement de son enveloppe charnelle et le meurtre de son général de Scylla. Ensuite, renforcerait son royaume qui n'était pas encore prêt à se lever à la face du monde. Les Marinas étaient en bonne voie pour se reconstruire, mais il jugeait cela insuffisant.

D'un pas leste, le maître des eaux saisit son trident et sortit de ses appartements privés, se dirigea vers la salle du trône puis franchit le palier son temple. Ce temps de récupération lui avait été profitable, il se sentait reposé, prêt à récompenser ses fidèles et à terrasser ses ennemis comme il le leur avait promis. Ne jamais sous-estimer le désir de vengeance d'un dieu ayant sommeillé depuis des siècles et des siècles avec la douleur en lui.

"Delphinos ! Mon char. Il faut que je fasse plier l'échine à mon neveu, comme l'a imposé le tribunal divin."

Le dauphin anthropomorphe ne se montra pas mais Poséidon sentit son cosmos se mettre en marche un peu plus loin. Sans doute était-il resté aux cuisines avec les serviteurs ou dans un bassin proche pour se réhydrater. Le maître et son compagnon n'avaient pas besoin de se parler pour se comprendre, et de toute façon Delphinos dans tout son dévouement n'aurait jamais songé à contrecarrer les volontés toutes-puissantes qu'on lui ordonnait d'accomplir. Ainsi était celui qui avait permis au dieu des eaux de rencontrer sa femme et de la convaincre de l'épouser.

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Sujet: Re: Un souverain peinard de temps en temps

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