Un peu de nettoyage avant tout

C’était un pari osé mais une obligation en ce qui me concernait.  Trop longtemps, la malédiction m’a privé de mon devoir et de ma famille. Des millénaires de souffrances, maintenant disparus. J’ai, pendant très longtemps, eu l’opportunité d’observer ce monde avec, malgré tout, beaucoup de recul. Comme si constater ce que j’avais détruit était ma punition… Un répit, une accalmie dans cet océan de mensonge, de faux semblants et de mélancolie. Néanmoins, par la grâce de ma Mère et par ma propre volonté,  je ne suis plus sous une quelconque influence de cette terrible malédiction. Libre je suis, libre mon esprit sera. Volontaire sera mon engagement dans l’idéal de notre Famille.
 
Il était temps que j’ai enfin une conversation des plus sérieuses avec Athéna. Je connaissais la valeur de ses protecteurs depuis très longtemps et j’avais côtoyé la déesse  de manière bien plus proche qu’elle ne pourrait le croire. J’avais eu tout le loisir de l’observer.  Dès son apparition en cette époque, j’avais été fort tenté de prendre contact avec elle. J’avais bien fait d’avoir pris mon temps ou le destin, pour une fois, avait bien rempli son office. Maintenant, il m’est donné l’occasion de commencer mon obligation envers ce monde. Car, à bien y réfléchir, en cette ère, j’avais l’occasion de pouvoir changer ce monde. Non pas pour une quelconque prétention de royauté car loin de moi la volonté de diriger ce monde car il s’agit du domaine de Zeus même si je le sais corrompu par la Malédiction. En conséquence, pour lui, c’est trop tard. Mais pas pour Athéna, pas pour cette nouvelle génération qui devrait œuvrer pour ce monde au lieu de guerroyer inutilement pour un pouvoir. Ma petite fille a la même aspiration que moi : ceci n’est guère une illusion, ni un mensonge mais une vérité. Ces guerriers combattent pour un idéal qui est le mien. La raison de ma présence en ces lieux n’a qu’un seul but : lui parler, la rencontrer et faire d’elle la Reine du Nouvel Âge d’Or.  Un but véritablement osé et compliqué dans le sens où si je savais Athéna intelligente et ouverte, sa propension à accepter et comprendre une réalité bien différente de ce qu’elle pensait serait mise à rude épreuve. Néanmoins, par extension, il était de mon devoir d’être un Guide en ce monde. Non seulement pour ma famille la plus proche mais pour ceux et celles qui pouvait être des pierres apportées à l’édifice en ce monde.

Je me trouvais dans le temple du Bélier, lieu chargé d’une certaine histoire en ce qui me concernait.  Je m’assis sur les bords des marches à l’entrée et observais silencieusement l’environnement devant moi. Au loin, je ressentais la présence de mon frère Océanos, je pourrais le rejoindre mais je préférais attendre qu’un chevalier vienne à ma rencontre et m’autorise à rencontrer sa déesse. De plus, il y avait un petit contentieux qui était à régler  entre le sanctuaire et moi. Irène avait toutes les explications en main et peut-être avait-elle eu le temps d’expliquer  ce qui s’était passé véritablement entre Zeus et moi. Combien même, elle ne l’aurait point fait, je ne lui en voudrais nullement car il apparaît logique que je m’explique personnellement sur cette malheureuse histoire. J’attendais donc patiemment et silencieusement, faisant connaître ma présence en ce lieu saint par mon aura calme et non agressive.

Le Sanctuaire d’Athéna… Voilà un lieu que je connais particulièrement bien… D’ailleurs, saviez-vous, qu’en ce lieu, non loin d’ici, se trouve un jardin au beau milieu de ruines anciennes ? Il y a encore une trace de notre glorieuse terre qui survit en cette terre aride. Je ne sais pas si Athéna est au courant mais, d’après mes souvenirs, il s’agissait de l’endroit où Leucocios avait, pour habitude, de se promener avec  sa femme et son fils.  Je me souviens encore de cet homme car nous avions pour habitude de passer un petit peu de temps ensemble. C’était l’époque où Humains et Titans cohabitaient encore en paix…

Je me perdais dans mes pensées alors qu’un sourire mélancolique s’affichait sur mon visage nostalgique. Que de bons souvenirs passés avant que nous ne sombrions dans la déchéance. Pour autant, après la souffrance vient toujours la réjouissance. Mais aussi les obligations qui nous incombent, nous Titans, Divinité de la Première Génération. J’observais Prométhée et Téthys calmement.

Mon enfant, nous ne serons jamais les ennemis du Sanctuaire. Au contraire, notre devoir est de protéger Athéna et ses humains bien méritants. Ils sont jeunes, nous sommes expérimentés. Notre rôle est donc de les guider vers l’avenir qu’ils souhaitent tant car nous parcourons le même chemin.

Plus précisément, je regardais le Fils de Japet en souriant paisiblement.

Tu auras l’occasion de bien assez t’exprimer Prométhée. Pour l’heure, à part Océanos, qui demeure en haut et Thalès, en vérité mon frère Crios, il n’y aura peut-être que nous. Pour l’heure, profites de ce bel instant pour te reposer. Si je ne me trompe pas, tu es bel et bien considéré comme le Protecteur des Hommes, celui qui offrit le feu à l’humanité. As-tu pris le temps de voyager et de connaitre ce monde récemment ?

C’est alors qu’un Chevalier d’Athéna, se présentant comme étant Kurayami du Loup s’avança vers nous. Je me relevais lentement et le salua en inclinant la tête. Il nous demanda l’objet de notre visite et nous informa qu’Athéna était indisponible pour le moment. Je levais la tête en direction de son temple et hochais impassiblement la tête.

Salutation mon jeune ami. Effectivement, je me doute que ta Déesse doit être bien occupée en ce moment. Nous sommes justement ici pour la rencontrer car je dois absolument lui parler. Nous devons évoquer son avenir ainsi que celui du Sanctuaire. Tu comprendras donc que ceci est une demande essentielle qui devrait surpasser ses obligations actuelles. Pour autant, si elle ne peut me recevoir, je peux attendre et en profiter pour prendre des nouvelles  de certaines connaissances ici. Pour autant, tu n’as rien à craindre de notre part et si tu as des interrogations, nous concernant, je t’invite à les poser sans retenue. Je répondrais à tes questions avec franchise et honnêteté.

Fils de Japet…Cette interrogation n’est pas dénuée de sens mais je vais clarifier ma demande si telle s’avère nécessaire. Avant que tu n’affrontes Kazuki sur le sol de notre domaine, lorsque tu n’es pas en mission pour le compte de notre domaine,  voyages-tu sur la Terre des Hommes en tant que simple Observateur ? Contemples-tu raisonnablement ce monde à qui tu as offert le feu protecteur, déchaînant la colère de mon fils à ton encontre ? Au bout du compte, qu’est-ce que l’humanité représente pour toi maintenant  et comment désires-tu son avenir ?

J’observais imperturbablement Prométhée, mes yeux se posant sur les siens  avec patience, sérénité et douceur. Je pouvais comprendre sa soif de conquête et de combat. Je pouvais saisir parfaitement sa volonté de se tenir sur la plus haute marche du palais du monde en tant que divinité unique et ancienne. Pourtant, tel n’était pas mon credo, ni mon envie et encore moins mon désir. Pas après la conversation que j’eus avec ma Mère. Les révélations, qui me furent faites, étaient salvatrices mais si choquantes que j’avais encore du mal à m’en remettre. Pour autant, voilà donc une autre épreuve que je devais affronter. Mais, cette fois-ci, j’avais décidé de lutter avec ma famille.

Comme l’a si bien dit ma jeune sœur, nous ne sommes pas les ennemis d’Athéna. Tu sauras bien assez tôt pourquoi. Être un Dieu ne signifie pas forcément dominer l’humanité par la force, la terreur ou la compassion. Être un Dieu, c’est avant tout être un Guide qui éclaire le chemin de celui qui s’est perdu dans les Ténèbres. Être un Dieu, c’est être ce que tu as été autrefois mon enfant…

Je comprenais la réaction du jeune humain. Si Prométhée demeurait quelques peu ironique, mon regard demeurait réconfortant et paisible à son encontre. Ma sœur eut la même réaction que la mienne : nous n’allions point brusquer Athéna et nous pouvions attendre quelques peu. J’écoutais silencieusement le Bronze Saint puis je me dirigeais vers les marches du temple du Bélier et entrepris de m’y asseoir. Tournant la tête en direction de Kurayami, je lui fis signe de venir s’asseoir à côté de moi.

Viens donc t’installer à côté de moi mon jeune ami. Quel que soit ton rang en ce domaine, tu es avant tout un homme. Rien ne s’oppose à ce que nous puissions parler d’égal à égal car, de mon temps, lorsque je fus Roi de ce Monde, j’ai toujours considéré que Hommes et Dieux étaient égaux entre eux. Il n’y a aucune raison que je change d’avis maintenant.

Je demeurais bien silencieux jusqu’à ce que le jeune Saint vienne s’asseoir à mes côtés.

Je comprends parfaitement tes obligations et les accepte mon jeune ami. Ne t’en fais donc point et prenons donc le temps de discuter sereinement ensemble.  Dans un premier temps, je ne suis pas ton ennemi. Au contraire, tu peux me considérer comme un ami. Et même si des évènements récents ont eu tendance à prouver peut-être le contraire, en vérité, mon affection pour ma petite Fille et ses Protecteurs est millénaire. Ce qui s’est passé avec mon Fils pendant la Bataille du Sanctuaire lorsque vous étiez en prise avec les Traîtres d’Arès est tout à fait regrettable et dommageable.

Cette aura si paisible, qui entourait le temple du Bélier, cette atmosphère chaleureuse se teinta d’un véritable regret à l’énonciation de ce souvenir. Je n’ai plus rien d’autre que ma famille. Je ne suis le Père et le Mari de Personne : je l’accepte sans émotion particulière car cela reviendrait à devenir mélancolique. C’est un sentiment qu’il m’est interdit d’avoir. Pourtant, cette amertume disparut rapidement et soudainement, comme une vague qui se retire au loin.  

Ce que je veux dire par « l’Avenir d’Athéna et celui du sanctuaire » ? C’est ni plus ni moins la réalisation de ce que ma petite fille a toujours souhaité. Ce pour quoi vous vous battez ne devrait plus être une utopie ou un espoir. Concrètement, cela deviendra une vérité tangible. Et je suis ici pour concrétiser ce rêve que vous portez toutes et tous.  Toutefois, cela ne s’accomplira qu’avec l’accord d’Athéna et votre assentiment. Aujourd’hui même, ma chère Athéna et vous, dignes successeurs de ceux et celles qui ont porté les attentes de ta déesse par le passé, avez cette possibilité de créer le monde dont vous avez toujours rêvé. Et, vous aurez la seule et unique occasion d’offrir aux humains un avenir radieux… Si tu as d’autres interrogations, et si je puis y répondre, je t’écoute mon jeune ami…

Je demeurais alors, encore une fois, silencieux, alors que je m’étais exprimé avec sagesse et franchise envers ce jeune homme. Je ne lui avais point tout révélé car il n’était pas encore temps que je m’exprime pleinement avec les Hommes du Sanctuaire. Il fallait d’abord que je m’entretienne avec Athéna.