Ton reflet dans le miroir ¤ FB Abel

Comment, pourquoi, quand, qui.... L'Homme n'avait pas besoin de le savoir. Il s'était endormi soulagé avec sa bien aimée dans les bras. Il comptait bien profiter de chaque instant avec elle. Quelle misérable perte de temps pour une chose aussi futile que l'ambition. Jouer les déicides, se servir du seul être qui ne l'a jamais aimé. Ce voyage a été terrible, un épouvantable chemin sur lequel il s'était engagé volontairement suite à sa défaite. Pourtant elle l'avait prévenu à plusieurs reprises. L'endroit est différent, il semble "ailleurs" comme hors du temps.

Il n'ose la regarder. Cette déesse qui a donné pour lui, qui lui a donné sa chance. Cette même déesse qui a souffert de l'attitude égoïste et dépravée des Hommes. Elle avait fait germer en lui les graines de la rédemption. Avait-elle tout prévu ? L'avait-elle délibérément envoyé là-bas pour accomplir ce dessein ? L'Homme n'aurait pas les réponses, il n'en avait pas besoin. Le sourire de sa douce, sa tendre étreinte entremêlée à la chaleur de sa couche. Il était bien. Il était reposé.

"Ma reine...."

Il avait affronté son époux sans retenue et sans protection. L'Homme ne s'était pas jugé digne de revêtir son habit sacré. Le printemps devait être au courant. Et pourtant elle était là, en face de lui. Dans cet endroit où les Hommes devaient abandonner tout espoir. Quelle ironie en sachant la situation. Lui le vivant dans le monde des morts, lui le vivant qui avait retrouvé l'espoir en ces lieux. Il avait changé, la créature à l'ambition démesurée était devenu un Homme, un Spectre voulant devenir assez fort pour tous les protéger. Sa bien aimée chez qui il ne voulait plus voir de larmes bien sûr mais aussi la divinité du printemps qu'il protégerait jusqu'à la mort et pour qui il se damnerait ne serait-ce que pour apaiser ses tourments un temps. Il serait assez fort aussi pour protéger le souverain de ces lieux, ce Dieu qui lui avait permis de grandir dans sa grande miséricorde.

"Une fois de plus j'ai été lamentable m'enfonçant de plus en plus dans l'ignorance. J'ai pêché, j'ai sali mon surplis, les enfers. Je vous demande pardon."

La réaction d'Hades avait été effroyable, prenant en otage Elyn il avait intimé l'ordre à Abel de se battre. Et il l'avait fait, il avait levé la main sur la divinité des enfers pour protéger celle qu'il aime. Par amour il avait commis un acte impardonnable. Le borgne aurait pu éviter tout cela. Par le passé elle lui avait d'ailleurs demandé....

"Physiquement... psychologiquement... sentimentalement... Pourquoi faut-il toujours que vous vous acharniez à briser celles qui vous sont les plus proches et les plus fidèles...?"

Il sourit amèrement. Elle avait essayé oui.

"Je n'ai pas oublié vos paroles. Jamais. Arrogance, ambition... la liste est longue mais la seule réponse dans mon cas est la betise."

Il fallait s’en douter. Le borgne n’avait le droit à aucune réaction de la part de Perséphone. Même pas un froncement de sourcil ou encore la petite veine battante sur la tempe. Rien. C’était sans doute ce qu’elle pouvait faire de pire vis-à-vis de son spectre. Abel l’aimait sincèrement, appréciait sa compagnie. Le printemps n’était pas comme les autres divinités pour lui. Que devait-il faire ? S’arracher le cœur pour le déposer sur la balance du Sphinx ? Il le ferait sans aucune hésitation. Quitte à mourir une première fois autant que cela soit en grande pompe ! Il était sûr de son coup, sûr de réussir. Puis un léger sourire, rassurant le spectre fit son apparition avant que Perséphone ne disparaisse.

« Mais qu’est-ce… »

La déesse avait disparu laissant un miroir. Le borgne ne comprenait pas. Etait-ce une punition de la part du printemps ? Hum… Il se gratte la tête quelques instants essayant de réfléchir au pourquoi du comment.

« Quitte à jouer, on ne peut pas faire apparaître Elyn en petite tenue à la place du miroir ? Je dis ça je dis rien…. Mais faut avouer que ce serait plus distrayant. »

Les derniers mots avaient été plutôt « mangés » par le jeune homme qui arborait un sourire de façade. Il n’aimait pas cette situation. Même si l’animal avait changé sur certains points, chassez le naturel et il revient au galop. Une petite boutade histoire de détendre l’atmosphère rien de plus. Il y avait aussi cette odeur assez dérangeante et aucune possibilité pour lui de prendre la fuite. Presque à contre cœur il se positionne en face du miroir.

« Au moins je suis toujours beau gosse. »

Le reflet était similaire en tout point jusqu’à ce qu’il change. Ce sourire… Abel pensait l’avoir reconnu. Cette être diabolique était son ancien reflet, son ancien lui. Il était presque semblable au démon qu’il invoquait pour se battre. Il avait également raison, Elyn aurait été beaucoup plus jolie que son reflet démoniaque. Abel recula de quelques pas, son assurance n’était que de façade. De vieux démons surgissaient en lui comme le fait de voir Méphistophélès prendre de nouveau le contrôle de son corps. Ce démon serait capable de faire beaucoup de mal au sein des enfers. D’après les quelques écrits qu’il avait pu trouver ce spectre avait toujours eu un coté marginal, ne se mêlant pas aux autres et aimant jouer les troubles fêtes.

Le spectre de l’étoile céleste du commandement matérialise une sphère de feu, élément qu’il avait appris il y a très peu de temps d’Elyn. La purification par les flammes de son ancien lui. Avec une certaine appréhension, de peur que le miroir ne soit en réalité sa déesse, il lance néanmoins son attaque, attendant de voir une éventuelle réaction.

Le borgne haussa un sourcil devant ce spectacle encore et toujours plus étrange. La sphère enflammée se stoppa avant un choc éventuel. Mais au delà de ça c'est surtout la suite qui interpella le jeune homme. Son reflet avait ses deux yeux, bien que celui sous le cache oeil avait des allures démoniaques. Un sourire perfide sur le visage de son double que lui même aurait pu porter. Et soudainement... la boule de feu disparait pour réapparaitre aux pieds de Mephistoles avant d'exploser.

Abel recula de plusieurs pas, avant de se rendre compte que l'odeur précédemment ressentie n'était autre que la sienne. Une mise en garde ? Un avant gout du futur ? Il n'aimait pas ça, surtout pas après que tout ce soit arrangé. Mephistopheles serra le poing, pourquoi lui jouer un tel tour, maintenant ?

Il regarda au loin, en direction du Cocytes. Ce qu'il allait faire ? C'était simple et sans même savoir pourquoi et il se mit à courir encore et encore il devait aller le plus loin possible de ce miroir lui rappelant une cruelle réalité. Passant toutes les prisons une à une jusqu'à destination. Essoufflé, Abel ne s'était même pas rendu compte qu'il avait fait du surplace. Impossible de quitter l'entrée des enfers et toujours ce foutu reflet qui semblait bien se payer sa tête.

"Petit rigolo, ça te fait bien marrer...."

Son cosmos grandit avec la ferme intention de produire bien plus qu'une boule de feu cette fois. Agacé, le borgne comptait bien anéantir ce miroir à l'aide d'une de son attaque la plus puissante. Capable de déformer l'espace temps rien qu'une fraction seconde mais ce qui serait assez pour détruire son reflet. Une boule d'énergie sombre apparue au creux de sa main, à l'intérieur les reflets de toutes choses semblaient se déformer.

C'est au moment où il allait lancer son attaque avec force qu'Abel se ravisa. Détruire le miroir serait trop simple, surtout s'il s'agit là d'une épreuve de Dame Perséphone. Elle devait avoir quelque chose de précis en tête pour le borgne. Mephistopheles soupira faisant disparaître son orbe et s'approcha du miroir.

"Bon soyons clair, ta tête me revient pas. En plus c'est moi le plus beau."

Il s'avança encore pour être le plus proche possible de lui même. Le sonder du regard n'amènera à rien, le frapper non plus. Il ne va pas lui faire un calin non plus, quoi que... Abel lui tendit la main de manière amicale.

"Allez je me présente, Abel et toi ?"

Mais qu'il était agaçant ! Le miroir hein pas Abel... quoi que la question méritait d'être soulevée. Cet enfoiré de reflet mettait le doigt sur un point. Le spectre secoua la tête. Fuir les responsabilités, les actes, les paroles, etc, etc. Perséphone était en train de mettre le paquet ! Mephistopheles était néanmoins d'accord pour admettre qu'une telle épreuve était le prix à payer pour ce qu'il avait fait.

"Vous m'en voulez atrocement n'est-ce pas ?"

Bien que son reflet avait son apparence, bien que son double avait raison, c'était bien la Reine des Enfers derrière tout cela. Il regarda de nouveau le miroir pour ne voir que son reflet malsain, fourbe et manipulateur. Un jumeau maléfique de haute volée.

"Ma reine... Oui je suis un lâche, je fuis au moindre problème. Bon pour les responsabilités je n'en ai pas vraiment ici mais je comprends le concept." Il marqua une pause, riant jaune. "Et je fais toujours de l'humour douteux...."

Il poussa un soupir s'approchant encore un peu plus de son reflet. Il devait faire la paix avec lui même pour avancer, avoir le pardon de Perséphone. Bon le bougre de reflet avait refusé de lui serrer la main alors les options restaient minimes, proche du néant. L'idée du câlin forcé devenait la seule solution plausible.

Allez, à la une, à la deux... à la trois.

Sans savoir si la manœuvre fonctionnerait ou non, le borgne attrapa son propre reflet pour le serrer dans ses bras. Il faisait la paix avec lui même, bien qu'il voulait avant tout faire la paix avec Perséphone. Il avait une réelle affection pour la déesse. Il souriait....

"Un petit câlin, ça ne vous rappelle rien Majesté ?"

Le fameux tour du monde où la déesse tourmentée avait cédé aux émotions humaines. Que de souvenirs.

Son sourire s’envola. Ce n’était plus lui-même qu’il avait dans ses bras mais Elyn. Sa belle et douce Elyn. On se jouait de lui. Après tous les efforts qu’il avait faits…. Il n’appréciait pas la plaisanterie. Sa belle n’était pas dans son état normal, elle semblait être « ailleurs » ne serait-ce qu’à cause de son regard. Ses pupilles habituellement si brillants étaient vides. Pourquoi lui faire tout cela ? A lui, il comprenait mais à elle ? En peu de temps la spectre du Basilic avait prouvé qu’elle était fiable et bonne guerrière. Elyn était inerte, aucune réaction et ne répondait même pas à son étreinte.

« Hé… » Glissa Mephistopheles tout en secouant la demoiselle. Il espérait une réaction, qu’elle bouge, que son regard redevienne comme avant. Rien.

Si, quelques secondes après cette ridicule tentative il se retrouva repoussé par une force invisible. Décontenancé, Abel ne comprenait pas avant d’entendre cette voix d’outre-tombe. Hades a été trop clément. Il se figea tandis qu’un frisson lui parcourait l’échine tel un serpent ondulant de bas en haut. C’était donc ça. La reine des enfers estimait donc qu’il n’avait pas assez payé. A cet instant et pour la première fois il regrettait. Il regrettait d’être devenu un spectre, son destin, les éveillés… tout.

Il tomba à genoux. Son reflet commençant déjà à manipuler sa belle auburn avec sadisme.

« Je vous en prie ne faite pas ça. »

Sa voix était calme. Il n’y avait pas de crainte dans ses paroles. Le borgne n’osait regarder le miroir et pourtant c’était plus fort que lui. C’est là qu’il vit… Les lèvres d’Elyn. C’était imperceptible mais elle essayait de parler.

« Dame Perséphone. »

Sa voix était toujours calme. Son reflet, lui, ne s’occupait plus de lui préférant largement son jeu malsain sur les courbes de la spectre. Elyn semblait incapable de résister, de se défendre. Abel assistait impuissant à tout cela. Vint les premières blessures où Abel, muscles tendus, prêt à bondir essayait au mieux de se contenir.

« S’il vous plait… »

Cette fois sa voix dérailla à la fin. Ce supplice n’avait que trop duré. Il espérait secrètement que la déesse mette un terme à tout cela. Il avait confiance en elle. Avait.

Le cosmos du spectre explosa, l’œil d’Abel était rouge, injecté de sang sous la rage. L’autre ne semblait pas s’en préoccuper aspirant le sang d’Elyn comme un parasite, une vulgaire sangsue immonde. Mephistopheles était de nouveau sur ses deux jambes. Il s’était broyé la main sous la colère, ne voulant pas y croire. C’est à ce moment précis que la voix se fit de nouveau entendre.

« Rêve ou réalité ? Mais qu’est-ce que j’en ai à foutre bordel ! J’ai tout donné pour vous ! Je me suis humilié, je me suis mis à genoux ! J’ai mis de côté tout ce que j’avais uniquement pour vous servir ! J’ai renoncé à tout ! TOUT ! Et maintenant vous m’infligez ça ?! »

Deux sphères de matière noire, tournoyante sur elles-mêmes apparurent dans les mains du Spectre. Les sphères chargées en énergie étaient déjà prêtes à exploser et tout raser.

« Montrez-vous maintenant… montrez-vous ou je ne réponds plus de rien ! »

Dans un coin de son être il y avait déjà pensé notamment depuis la confrontation avec Hades mais il ne pouvait s’y résoudre. S’éloigner d’Elyn pour la protéger. Il venait pourtant à peine de la retrouver et déjà elle n'était plus.... Les dieux étaient donc comme il le pensait ? Joueurs, manipulant les humains comme des pions ? En tout cas Elyn était morte. Il n’avait plus rien à perdre.

Abel avait explosé de colère. L’onde de choc cosmique envoyant même divers projectiles de pierre contre le miroir sans que celui-ci ne soit touché. Pire même, son double ne semblait même pas s’en inquiéter outre mesure ! Cet être infâme continuait de dévorer Elyn par la plaie béante de sa gorge semblant apprécier tout particulièrement ce festin. Le borgne monta sa cosmo-énergie encore d’un cran, à la limite de l’explosion prêt à tout donner pour exploser ce foutu miroir. Ses mains tremblaient sous l’effet de colère, une veine ressortait même au niveau de son arcade sourcilière et son visage prenait une teinte rougeâtre que peu de personne avant ne lui connaissait. Il leva un bras, prêt à frapper de toute sa puissance lorsque….

Un deuxième miroir venait d’apparaître….

« C’est une blague ? » Maugréa le japonais avant que ses deux sphères ténébreuses ne s’évaporent. Il y avait quelque chose de louche et il ne pouvait pas se permettre d’attaquer sans réfléchir. Il prenait alors une profonde inspiration avant de remarquer qu’il s’agissait de Perséphone.

« Mais…. »

Méphistophélès se décomposa encore un peu plus. Qui était derrière tout ça si ce n’était pas la déesse des Enfers ? Hypnos le dieu du sommeil ? Il ne le connaissait pas vraiment. Un spectre manipulant les songes ? D’ailleurs était-ce réellement un rêve ? Tout semblait si réel… Il devait agir rapidement et les sauver toutes les deux. Il avait prêté serment de servir les divinités infernales tout comme de protéger Elyn et leur amour. Il frappa tout d’abord sur le miroir d’Elyn avant d’enchainer sur le miroir de Perséphone.

Aucune réaction, aucun succès. Puis il eut cette voix, encore. Abel se figea devant ce choix qui lui était imposé. Elyn ou Perséphone. L’amour ou la Fidélité. Ce n’était pas possible, pas à lui. Pas après tout ça.

« Enfoiré si je te retrouve… »

Il se mordait la lèvre inférieure, du sang venait rapidement couler de la plaie. Les secondes passaient et bientôt les deux jeunes femmes seraient mortes. Le moment crucial du choix était venu. Sans un regard pour celle qu’il condamnait, le borgne s’avança vers son choix. Il concentrait son cosmos dans son poing prêt à frapper le miroir avec toutes ses forces. Si cette voix jouait le jeu, il allait au moins pouvoir la sauver. Elle comprendrait son choix. Il ne devait plus agir pour elle et il devait la laisser faire ses propres choix.

« Je vais vous sauver… votre altesse. »

Et Abel frappa le miroir de Perséphone espérant la sauver….

*Elyn pardonne moi.*

Un choix cruel lui était imposé et il avait écouté la voix de la raison. Il avait juré fidélité et protection envers la déesse des enfers. De plus, Abel devait faire confiance à Elyn qui avait montré par le passé ses aptitudes à se défendre et à survivre. Sa frappe cosmique heurta le miroir qui libéra une intense lumière aveuglante, réaction inédite jusqu’à présent malgré ses autres tentatives. Avait-il réussi ? Il essayait d’apercevoir quelque chose, de comprendre ce qu’il se passait mais la lumière était pour le moment trop forte.

Et là en même temps que la disparition de ce clone, le Printemps se dresse devant le borgne dans sa robe blanche. Le spectre avait toujours un peu de mal à comprendre, surtout que sa déesse l’ignorait toujours préférant garder son attention sur le miroir d’Elyn. Il remarqua le visage de son clone, ce regard plus noir que noir en direction de la déesse. Pourquoi cette haine apparente ? Puis enfin quelques paroles de la divinité.

« Oui. » Répondit-il sans savoir vraiment pourquoi. Il avait le sentiment que le moment pour les questions n’était pas encore venu. La suite était surréaliste pour le japonais. Avec une facilité déconcertante Perséphone avait propulsé Elyn en dehors du miroir et voilà que les mots de la divinité prenaient tout leur sens.

Il se jeta sur le côté réceptionnant au passage sa belle auburn, tombant à la renverse mais tout en s’assurant de la protéger. Seulement le jumeau maléfique si on peut l’appeler ainsi sortit à son tour du miroir, passant outre Perséphone pour venir jusqu’à Abel. Ce dernier n’eut le temps de réagir que déjà sa copie fusionnait avec lui. Il était désormais prisonnier de son propre corps. Ce n’était pas un rêve mais bien la réalité, tout était si réel. Il pouvait voir mais ne pouvait bouger, ni parler. Prisonnier de sa propre enveloppe charnelle.

Abel entend les paroles de Perséphone. La divinité était lasse. A cause de lui ? Elle devint les ténèbres, le feu de l’enfer crépitait dans ses yeux. La déesse montrait là toute l’étendue de sa puissance. Le vrai Abel ne pouvait s’empêcher d’être impressionné par une telle démonstration de force.

Méphistophélès se sent pris à la gorge et ne peut rien faire pour se protéger. Bien qu’il n’est plus maître de son corps, il ressent très bien la douleur mais surtout la force de Perséphone. Lentement mais surement la déesse des enfers sépare la copie du vrai Abel. Lentement mais surement Abel reprenait possession de son corps capable de bouger un peu plus. Il entendait quelques mots, l’histoire du bannissement puis plus rien. Il était à genoux, capable de se mouvoir par lui-même. Perséphone l’avait sauvé. Encore.

Il suit sa déesse du regard pour constater que son double avait lâché Elyn. Prêt à intervenir il vit que Perséphone s’occupait de tout, refermant sa blessure et faisant disparaitre la jeune femme.

« Ma culpabilité ? »

Il baissa la tête, un petit sourire aux lèvres. Ça se voyait tant que ça ? Il s’était fourvoyé durant des années, avait maltraité Elyn, avait échafauder des plans contre les dieux. Il digère ses informations avant de voir un léger sourire sur le facies de sa déesse puis il tombe à genoux.

« J’ai juré de vous protéger… de faire confiance à Elyn. Il était normal que je vous choisisse vous. Ces quelques moments de bonheur que j’ai enfin pu gouter avec elle, c’est grâce à vous et votre époux. Je vivrais dans la honte si je ne vous sauverez pas. »

Abel fut étonné de sentir la main du Printemps sur sa joue mais tellement réconforté également. Il ferma les yeux, savourant le contact de sa déesse sur sa joue. Il était même à deux doigts de rattraper sa main lorsqu’elle rompa le contact. Ce contact, ses paroles lui faisaient un bien fou. Il aimait Perséphone le plus sincèrement du monde. Il avait appris à ses côtés et il apprendrait encore.

« Vous avez toute ma confiance ma reine. Je m’arracherais le cœur si vous me le demanderiez. Seulement… je ne mérite pas d’être à vos côtés. J’ai échoué une fois de plus. Je n’ai pas réussi à vous ramener la tête du bélier. J’ai perdu face au Sagittaire. »

Mephistopheles baissa une nouvelle fois la tête, honteux d’avouer sa défaite à sa déesse. Car même si aujourd’hui il avait réussi, hier il avait échoué.

Voilà un nouveau désaveu pour le spectre de Perséphone. Abel cumulait les échecs et il avait bien conscience qu'il allait de nouveau baisser dans l'estime de son interlocutrice après les nouvelles révélations qu'il s'apprêtait à lui faire. Car oui, il était hors de question de mentir ou d'éluder le sujet. La confiance était désormais le maître mot dans leur relation. Lui mentir... ce serait briser tout cela, tous ces efforts. Abel devait affronter sa honte et tout avouer à la reine des enfers.

"J'ai abandonné."

Il baissa la tête, ses yeux se posant sur ses mains. Les mots ne manquaient pas. Faible, impuissant, lâche.... Même si de prime abord c'était pour retarder un maximum les troupes ennemis pour le débarquement aux enfers le borgne se devait d'être honnête avec Perséphone et avec lui même.

"Oui voyant ma fin venir j'ai abandonné. Je voulais retarder les troupes ennemis conscient qu'ils allaient débarquer si je me fiais aux dires d'Odin, je voulais semer la zizanie au sein de leurs effectifs. J'ai joué la perfidie mais au final je pense que... je pense que c'est la peur qui a guidé mes actes."

Pour la première fois, Abel avouait ses faiblesses. Il aurait été simple pour un spectre de mourir et de revenir à la vie mais au lieu de ça, l'idée de mourir pour la première fois couplée à d'éventuelles stratégies bancales l'ont mené sur un chemin tortueux. Il décida d'aller plus loin dans ses déclarations avec l'espoir que la déesse infernale aurait des réponses à lui apporter avant de le châtier.

"Durant le combat, lorsque ma fin fut proche j'ai perdu le contrôle. J'ai eu l'impression que ce n'était plus moi. Un peu comme si le Mephistopheles originel prenait le contrôle. J'ai entendu dire par Elyn que le Juge Dante avait eu le même souci avec Rhadamante. Mais après ce que je viens de vivre, peut-être était-ce tout simplement mon karma ? Je ne sais plus quoi penser majesté." Il marqua une pause "Reprenez mon surplis, je n'en suis pas digne."

Tel était la première interrogation d'Abel après avoir raconté toute la vérité. Vivre avec une étiquette, supporter le regard des autres, les brimades, c'était sans doute ce qui l'attendait dans un avenir proche. Un juste retour des choses par rapport à ce qu'il a fait vivre à Elyn. Quelle déchéance pour un Homme qui, il y a encore quelques jours, se voyait détrôner les divinités de l'Olympe. Et malgré tout ce que le jeune homme pouvait ou aurait pu penser c'était tout d'abord à la réaction de sa déesse qu'il pensa. Ce mot... "confiance" il existait vraiment dans le coeur du borgne. Aussi lorsque la déesse lui demanda de ne rien dire à autrui il se contenta d'un...

"Oui."

Il se sentait las, vide de toute énergie. Il avait cru naïvement s'en sortir avec quelques blessures et une mise en garde de l'Empereur des ténèbres. Il n'était pas nerveux non plus, à dire vrai il n'était plus rien. Comme si ces quelques révélations avaient pesé bien trop lourd dans la balance. Il s'était dit prêt à s'arracher le cœur ? Le Spectre du Sphinx serait heureux de peser son cœur de traitre et de lâche avant de l'offrir à Cerbère. Trop imbus de lui même, il s'accordait une valeur bien trop haute.

Elle releva son visage, forçant à la regarder. Que verrait-il ? Dégout, déception, honte ? Tout cela à la fois peut-être.


Une expression de surprise se dessina sur le visage de l'étoile céleste du commandement. Le protéger ? Il répondit simplement par un sourire triste. Elle était encore là, le Printemps était encore là pour lui. Il posa sa main contre celle de la divinité, s'estimant chanceux de pouvoir compter sur elle. Il... Il devina la suite. Un tel acte, il était normal d'en assumer les conséquences.... Ah moins que....


"C'est un moindre mal pour la douleur que je vous inflige en ce moment même."

Sourire aux lèvres, il bascula dans l'inconscience. Dans le noir le plus total.



Le froid s'empare de son être. Il ouvre son œil valide, non ses yeux sont bien grands ouverts. Il peut revoir. Le Cocyte, il est aux Cocyte la dernière prison. Voilà donc sa prison. Son sourire s'étira, ce n'était pas étonnant en fin de compte. Pendant combien de temps avait-il manigancé son projet insensé ? Il souhaite passer une main sur son visage et constate toujours avec le sourire qu'il est bloqué. Enterré, seule sa tête dépasse. Passer du statut de gardien à celui de prisonnier... peu de gens pourraient s'en vanter.

Elyn peut-elle ressentir sa mort ? Pourrait-elle le voir si d'aventure elle se réveillait pour venir jusqu'ici ? La demeure du borgne où il l'a laissé n'est pas très loin normalement.

Le vent redoublait d'intensité, le froid aussi. Les bourrasques étaient presque coupantes, sifflantes égratignant à leur passage le visage de l'ancien spectre. Abel n'avait plus rien, plus de cosmos, plus d'Elyn, plus de Perséphone. Que du froid, de la neige et du vent. Etre de l'autre coté avait un petit quelque chose de déroutant.

"Dame Perséphone ?"

Son aura ! Bien que privé de cosmo-énergie, il avait été capable de ressentir la présence de la déesse des enfers. Elle était avec lui ! Il devait se remuer pour sortir de là, c'était encore une épreuve, encore pour lui, toujours pour lui. La déesse était encore là. Maintenant il devait se débrouiller pour revenir à la vie comme un bon spectre, pour les enfers, pour Perséphone et pour Elyn. Il tenta de se dégager.

"Bon Yade, tu ramènes tes fesses s'il te plait ? Je sais que tu es là. Il est temps d'en finir."

"Yade ? Non c'est moi."

Il cligna des yeux pas certains de ce qu'il voyait.

"C'est bien moi."

C'était bien elle. Elyn. Toujours aussi belle dans son élégante robe couleur de jais, épousant parfaitement ses courbes, la rendant plus belle que jamais à ses yeux. Là et uniquement là il était heureux de pouvoir l'observer de ses deux yeux. Une partie de sa chevelure auburn était dissimulée par un capuchon noir faisant ressortir ses iris écarlates.

"J'ai été heureuse de ressentir ta disparition Abel. Tu as toujours été une gêne pour moi. Depuis mon plus jeune âge, je devais m'occuper de sa seigneurie... Te surveiller comme si j'étais ta gouvernante. Te supporter à longueur de journée. Vulgaire parasite ! Tu m'as humiliée à tant de repris, tu t'es servi de moi durant toutes ces années. Tu m'as tout pris. Ma vertu, pas dignité."

Incapable de répondre, il baissa le regard avant qu'un violent coup de pied ne le percute en plein visage. Le gout du sang en bouche il fixa de nouveau Elyn. Son regard ne trompait pas. De la douleur, de la colère, de la rancœur. Et même, de la haine. Elle se saisit de son menton, entre le pouce et l'index, planta son regard dans le sien pour le sonder en silence.

"Tu l'as choisie, elle, plutôt que moi. Je ne suis rien pour toi, je n'ai jamais été que ton objet, rien de plus. Tu m'as manipulée. Tu m'as menti. Tu m'aurais laissée mourir." Ses doigts se resserrent, lui infligeant une certaine pression sur sa mâchoire, sans lui permettre de détourner le regard. "Je ne te le pardonnerais jamais."

Une simple réponse et de nouveau il baisse la tête.

"Je sais."

Il était déjà au courant de cela. Tout ce qu'il avait fait, son karma... Perséphone ? L'ancien spectre ressentait une nouvelle fois son énergie. La déesse des enfers avait fait tout cela pour lui et lui il gâchait tout comme le bel imbécile qu'il était. Il releva la tête, une lueur nouvelle dans le regard.

"Oui j'ai choisis Perséphone. Je l'ai choisi parce que je ne suis plus le même ! Parce que j'ai changé ! Je ne t'ai pas choisi toi parce que tu sais te défendre ! Tu sais ce que tu veux et ça malgré tout ce que je t'ai fait ! Tu as toujours relevé la tête, t'as affronté Odin bordel ! ODIN ! Tu n'as pas besoin de moi pour t'en sortir. Pour la première fois de ma vie j'ai l'impression d'avoir fait le bon choix ! Perséphone m'a changé, m'a aidé à être meilleur alors oui je l'ai choisi elle parce que c'est mon devoir et tu aurais fait pareil !"

Un sourire se dessine sur ses lippes puis elle disparait avec le vent me laissant de nouveau seul.

Le froid se fait encore plus intense, plus pénétrant alors que le spectre entend un éclat de rire. Yade ? Le noir est de retour. Abel ouvre un oeil, un seul cette fois. Il grelotte, le froid est toujours présent sauf que cette fois son regard croise celui de Perséphone.

"C'est bien vous ?"

C'était bien elle. Perséphone était restée à ses cotés durant toute la durée de sa résurrection. Abel avait donc bien senti la cosmo-énergie de la déesse durant son petit séjour au Cocyte. C'était grâce à cette aura que le jeune homme avait pu revenir d'entre les morts. D'entre les morts... il était donc dorénavant bel et bien un spectre des enfers. Toujours au sol entre les bras de la déesse, il était à bout de force, vidé de tout cosmos. C'était donc ça une résurrection. Abel comprenait un peu mieux ses camarades spectres tombés au combat et tout ce que cela représentait.

Lentement le cosmos du Printemps s'immisça en lui pour lui redonner force et vitalité. Le pouvoir des dieux était un véritable petit miracle pour le borgne qui se sentait déjà beaucoup mieux... pour ne pas dire vivant !

"Oui bien sûr. Vous en avez déjà fait assez pour moi, il est temps que je me prenne en charge."

Mephistopheles se redressa, quittant presque à regrets les bras de Perséphone. Il ne pouvait plus se comporter comme avant, abuser d'une certaine proximité. Tout cela était terminé s'il voulait conserver la confiance de sa déesse et empêcher Hades de le renvoyer au Cocyte. Quelques secondes, le temps de bien reprendre ses esprits et il se leva, aidant sa Reine à faire de même au passage.

"Je vous serais éternellement reconnaissant pour tout."

Il tourna les talons, prêt à quitter les lieux.

"Si vous me le permettez...."

Et Abel quitta l'entrée des enfers avec la ferme intention de rejoindre sa belle Elyn pour se lover dans ses bras. Il en avait besoin.