On se les pelle dis donc. (Renaissance Altia)

Il faisait froid, c'est vrai. Un froid capable de congeler l'étoile la plus chaude de tout l'univers. N'est-il point d'exagération ? Peut-être un chouia. Un vent piquant traversait l'échine du Grand Pope, lui rappelant certainement son ancienne vie. Ancienne, dis-je ? Je voulais dire, lui rappelait la vie. A cet instant, il était mort. Son corps avait été envoyé dans le lac de sang par le grand Dieu de la Mort, Thanatos. Son âme, quant à elle, a été envoyée au Cocyte, tout proche de la demeure d'Hadès, dans la Judaïe, la région du Cocyte qui devait retenir prisonnier les traîtres aux bienfaiteurs, les assassins des dieux. Tel Judas trahissant sa condition d'homme et livrant Jésus à Ponce Pilate, Altia avait trahi sa condition de simple représentant d'un dieu en se livrant à un combat contre un Dieu. Il ne valait pas mieux que les pustules qu'on éclate avec tant de délectation.


Les bourrasques de vent se faisaient de plus en plus bruyantes, de plus en plus sifflantes. Même un cantatrice ne pouvait pas hisser sa voix au-dessus de ce bruit tonitruant. Un son qui vous ferait perdre la raison. Un son si ignoble qu'on en vient à regretter de ne pas être tombé en perdant la tête. Littéralement.


Toutefois, dans l'esprit de l'ancien chevalier d'or de la Balance, ce vent prenait l'apparence, si je puis dire, d'une voix. Une voix douce, entraînante, une voix très connue de sa personne. La voix de celle qu'il servait, la voix de sa déesse qui lui sussurrait des mots à son oreille...


"Je suis... tellement fière, Altia."



Evidemment, ce n'était pas Athéna qui parlait. L'endroit lui jouait des mauvais tours. Le Cocyte s'amusait de sa victime. Elle était fière, hein ? Elle lui avait accordé sa confiance. Elle lui avait accordé son amitié et c'est comme ça qu'il la remerciait ? En mourant ? Ridicule...


Comment pourrait-il revivre ? Comment pourrait-il se faire pardonner face à cet échec cuisant ? Il était mort, elle était morte, son maître était porté disparu et le maître de son maître n'allait pas tarder à périr. Concrètement, le Grand Pope n'avait plus rien de Grand, sinon d'insignifiant...


Un spectre passait par là. Du fait de l’hécatombe du fait de la Guerre Sainte, Yade demanda à quelques gardes de patrouiller dans les différentes prisons. Malheureusement pour José, il n'eut pas droit de se balader dans un endroit très accueillant. Il se tapait le Cocyte. Forcément, ça tombait sur lui. En plus, il était seul et le Cocyte, c'était vraiment grand. Yade n'a vraiment pas été sympa pour le coup. Il se rapprocha de la petite tête rousse, qui voyait son corps très rapidement se recouvrir d'une neige éternelle. Une faux de la main gauche, il s'arrêta devant le rouquin.


"Ne t'inquiète pas, ça ne va pas durer très longtemps."

Comment faire pour qu'il soit davantage réactif ? Où pouvons-nous trouver une bonne source de chaleur dans cet endroit endothermique, cet endroit qui aspire la chaleur pour créer un froid... infernal ? A part en lui pissant dessus, le spectre n'avait pas spécialement d'idée. Il pouvait lui rouler une bonne grosse galoche. Mais tout le monde sait que si on colle sa langue contre quelque chose de congelé, on peut aisément s'attendre à ce qu'on reste accrocher. Non pas que le rouquin n'était pas attirant, mais le Spectre ne voulait pas ça. Le consentement mutuel, c'est important.


Il faisait froid, beaucoup trop froid. Un bon café, un plaid, c'est ça qu'il manquait dans ce lieu dépourvu de vie. Oui, de vie, parce que le Grand Pope n'était plus en vie. Dante beaucoup plus loin, également. Scareface, pareil. Même si l'âme du Cocyte savait se montrer clémente et accorder à ses invités le droit de répliquer, voire de prendre la poudre d'escampette. Après tout, Hadès n'avait absolument aucun pouvoir ici. Il n'était que le souverain de terres trop indépendantes, qui faisaient un peu ce qu'elles voulaient. De toute façon, le pouvoir des dieux olympiens avait une emprise bien trop importante sur les âmes de leurs guerriers. Malgré le décès d'Athéna, son cosmos résidait dans l'âme de ses sujets et leur permettaient de ne pas réellement perdre le contrôle de leur corps, de leur vie, de leur mort. Le huitième sens, qu'on appelle ça.


"La mort dans sa grande clémence t'offre une seconde chance. Ecoute-moi attentivement et tu pourras sortir. Trompe-toi une seule fois et tu resteras ici à jamais."


Était-il réellement un spectre ou la représentation fantomatique de l'esprit mourant du Grand Pope ?


"Si je te donne un Do et que je te demande sa quarte juste, quelle serait la note ? Maintenant, si je te donne un Fa, et que je te demande sa tierce majeure, quelle serait la note ? Enfin, que donne l'intervalle Fa-Si ?"


Lalaland.

La musique adoucit les mœurs. On peut estimer qu'avec de la musique, nous devenons une version améliorée de nous-même. Le grand avantage, c'est que nous pouvons nous repentir grâce à la composition musicale. Une vie sans musique est une vie inutile, une erreur, une fatigue, un exil. La musique chasse la haine chez ceux qui sont sans amour. Elle donne la paix à ceux qui sont sans repos, elle console ceux qui pleurent. Pourquoi avoir choisi une énigme musicale pour un Grand Pope, pour celui qui a osé attaquer le Dieu de la Mort ? Et je dis bien 'attaquer' et non pas 'défier', car ce qu'on lui reprochait, c'était d'avoir levé la main sur Thanatos. Qu'il se défende, pourquoi pas... Le Cocyte pouvait aisément comprendre les motifs de la défense et ne pas punir le mort pour ça. Toutefois, la contre-attaque envers un semblable... pire envers un dieu était inacceptable.


"Bien."


Une quarte juste ? Non, pas vraiment. Il y avait une erreur. Ce n'était pas une quarte juste mais une quarte augmentée. Une quarte juste aurait été un "do-fa", car ça comprend deux tons et un demi-ton diatonique. Là, c'était légèrement différent. Il s'agissait d'une quarte augmentée. La différence ? Un demi-ton chromatique ! Il y a deux tons, un demi-ton diatonique et un demi-ton chromatique. Ce qui fait trois tons, mais il s'agit de quelque chose d'un peu plus compliqué, mais ne rentrons pas dans les détails.


"Pas une quarte juste... Une quarte augmentée. Ou une quinte diminuée. Ou alors... l'accord du diable !"


Pourquoi avoir choisi l'accord du diable ? Altia Verana avait encore quelque chose à accomplir... Lucifer, ça ne lui rappelait rien ?


"Allez, dégage !"


Une gigantesque bourrasque de vent emporta l'âme du Grand Pope et l'envoya parmi les vivants. Visiblement, le pouvoir d'Athéna était grandiose. Le spectre disparut également. De la même manière. Il n'avait jamais existé. Tout n'était que le reflet de l'imagination délirante d'une âme torturée...