Pierre De Fol, Arcanes du Diable

Hahaha, vous souhaitez donc connaître mon histoire ? En êtes vous tous certain ? Après tout, en ce moment même vous faites face à une porte sombre et froide, suintant du sang, car tel est l'image la plus adéquate pour figurer les battants de mon esprits. Néanmoins, le plus dérangeant dans cette entrée reste les figures taillées, oui, ces entremêlas dégoûtants. Que ce soit ces démons mangeant des humains, qui eux tentent de fuir dans une marée de corps mêlés de cadavres où certains se laissent aller à la luxure, alors que d'autres escaladent cette montagne sombre afin de tendre leurs bras malingres et décharnés vers le sommet ou le ciel lui-même, maudissant les dieux. Souhaitez-vous toujours ouvrir cette porte ? Si tel est votre désir, chère visiteur, je serai votre hôte dans le sombre et tortueux chemin que nous allons traverser. Bien entendu, je ne serai pas responsable de votre folie ou de votre malaise, il serait idiot de blâmer le guide pour le paysage.


Mon âme commence bien évidement par ce chemin étroit et poisseux, rouge et chaud dont les contractions nous poussent sans cesses vers un lieu froid et inhospitalier. C'est ma naissance. Ma mère, une prostitué, bien évidement. Mon père, qui sait ? Mon futur nous attend un peu plus loin, le reste importe peu. Que ce soit ce bordel malodorant du sud de la France ou bien encore la misère médiocre d'une vie mendiante. Le passage qui nous intéresse est juste derrière ce mur, près de ce carrefour. Alors que la chaleur ambiante d'un été étouffant amplifiait encore plus les saletés de la ville et que le mistral soufflait assez fort pour amener le fumet puant des fermes. Ce jour-là un enfant pauvre et innocent rencontre un diable fort bien habillé. L'être blanc couvert de crasse et l'être noir couvert d'or se font fasse. L'être sibyllin n'a qu'à faire un sourire, un geste, une seule parole afin que le jeune homme ne le suive. Ce n'est pas dans le but de quitter son existence qu'il fait cela. Il ne le fait que par amour de sa mère qu'il souhaite voir en-dehors de la pauvreté.


Le démon n'en attendait pas moins, car il sait que ce sont les êtres les plus purs qui sont les plus aptes au mal. C'est ainsi que des ténèbres plus épurées et raffinées prennent place sur notre chemin. Leur douceur est semblable à celle de milliers de langues faites d'une soie nacrée parfumée par du lys noir. N'est-ce pas un sentiment des plus délectables et corrupteur ? Néanmoins, il nous faut déjà voir une autre scène a Venise, au milieu des courtisans et courtisanes. Je ne suis qu'un éphèbe au milieu de ces beaux gens, mais déjà je les surpasse en grâce et en magnétisme. A une femme mariée a un grand seigneur, je murmure des paroles charmantes pour l'inciter à satisfaire ses désirs avec quelques artistes de passage, alors que j'offre mes services d'entremetteur à un riche marchand friand de petits garçons. La luxure est une chose passionnante, presque tout autant que l'argent pour le pouvoir. Moi même, j'en suis enivré, certainement pas autant que ce Borgia en face, cela est bien vrai.


Afin de savourer les plaisirs qu'offrent la bestialité, le malin ou bien le matérialisme, car c'est plutôt ce mot qui convient, il est nécessaire de savoir dominer. Telle est l'essence du mal. Ceux qui pensent que cela puisse être la médiocrité se trompe terriblement. A l'opposé des hommes de bien qui utilisent la vénération, les homme malfaisants utilisent la peur et la débauche pour contrôler les hommes. De part et d'autre des deux camps se retrouvent la servitude. Très peu pour moi, je suis libre. Ce faisant, je deviens un mal, car je ne suis pas le bien et que j'incite à la libération du cœur humain. Quoi de plus normal pour un démon ?

Oui, plus loin encore dans ces ténèbres épaisses et étouffantes se trouvent les vraies raisons de mon être. Vous pouvez voir la souffrance des entraînements et les efforts fournis par mon maître pour transformer la pureté en machiavélisme. Pour cela, je l'en ai remercié, en le tuant bien évidement. Ni dieux, ni maîtres. Telle est la devise du diable. Il a été surpris lorsque je l'ai poignardé sournoisement. Non pas que j'étais faible, seulement, cette action lui rendait hommage. Un démon doit certes être fort, mais il doit surtout user de stratagèmes vils. Notre nature doit pousser les autres au bien ou au mal, voilà notre tâche. Je crois que l'odeur du sang qui titille nos narines prouve à quel point j'ai rempli ma mission où mon fou de professeur se mit à rire en se laissant mourir. Peut-être était-il usé ? D'ailleurs peut-être même qu'il était mon père réel ou seulement spirituel. Qui sait ? Ce fallacieux a laissé de nombreux sous-entendus énigmatiques en suspend pour son propre amusement. En attendant, en bon personnage de théâtre, il s'est éclipsé en tout élégance. Il me laissait son armure et son devoir.


En portant cet ensemble couvert de pics et d'épines, collante et brûlante, je ressens pleinement ce que signifie ma lourde destiné. J'ai revêtu cette arcane majeure en toute connaissance de cause, pourtant vous devez vous aussi ressentir cette même pression exaltante, n'est-ce pas ? Désormais, je servirai l'empereur en débauchant l'impératrice. Ainsi, j'ai passé de nombreuses années à jouer ainsi un faux jeu hypocrite que tous connaissaient sur le bout des doigts. Il n'en restait pas moins que j'influençai par un simple regard, un simple geste ou une simple parole. Telle doit-être la principale qualité du démon, savoir jouer des hommes comme s'il s'agissait d'instruments de musique, même si je ne relâchais pas mes efforts pour devenir toujours plus fort.


Un jour, nous fûmes tous exilés d'une manière fort injuste par les dieux païens. Cela laissait présager un magnifique chaos, j'en salivais par avance. Afin de couper court à cette attente insoutenable, nous arrivons désormais à percer un viole organique et violacée. Le dieu a l'origine de tout, le chaos, nous avait libéré et contrôlait l'empereur pour mon plus grand enchantement. Je pouvais observer des combats, des trahison, des pleurs et des soulagements. Alors que je contemplais ce spectacle, non sans avoir moi-même violait et tuait quelques chevaliers mineurs d'une quelconque divinité, notre guide tombait et nous fûmes condamnés à errer à nouveau en ce monde. Je ne savais pas combien de temps s'était écoulé, pourtant, cette même idée revenait me hanter.


J'avais besoin de voir les conflits s'aviver, de sentir du sang chaud sur mes mains ou bien tout simplement de briser la volonté d'un être de bien et de l'asservir à mes fantasmes. C'est pourquoi, mon esprit de folie apprécia grandement de devenir la prostitué universelle de cette guerre. Nous devrions être neutres, nous autres arcanes, mais il n'en reste pas moins que ma seule aspiration demeure le chaos. Quoiqu'il en soit, ce tour d'horizon s'arrête ici, nous n'avons fait que gratter la surface et c'était pour votre propre bien. Par ailleurs, nous n'avons ni visité mon esprit, ni mon présent et encore moins mon avenir, car il est de ces monstres qui se terrent ici dont le seul souhait serait de vous dévorer. Or, je préfère largement vous consommer à petit feu en me délectant doucement. C'est pourquoi, au revoir et à bientôt peut-être, chères visiteurs.