[Combat GS] Monter la garde, ou dans le style

=> Début des hostilités

Il flottait dans l'air, une odeur pestilentielle. Celle-ci avait interpellé Maeleene bien avant que la terre ne se mette à trembler à un rythme régulier. Sombre présage. La belle qui scrutait jusqu'alors les cieux, revint sur la terre ferme, tentant de conserver son équilibre à cause des secousses. Peu à peu, elle distingua une silhouette se détachant du paysage : gigantesque, affreuse, décomposée. Un véritable monstre approchait des Spectres, et avec lui son cortège d'abominations. L'ours, car la jeune femme put distinguer dans cette monstruosité, les traits caractéristiques de l'animal, avançait d'un pas lourd, mesuré. On distinguait encore de la peau par endroit, le cuir de ce qui fut autrefois sans doute une belle et soyeuse toison, pendouillait ça et là en des pans de chairs sanguinolents. Pareil spectacle aurait laissé n'importe qui dans l’écœurement le plus total ! Pas la jeune femme qui marqua un temps d'arrêt, impressionnée de voir pareille chose tenir encore sur ses pattes.

Elle se réveilla -trop tard- de sa contemplation et l'une de ces dites pattes, alla l'enserrer. Un hoquet de surprise s'échappa de ses lippes, pourtant, elle ne cria pas d'horreur. Cherchant plutôt un moyen de fuir, cherchant un soutien quelconque de la part de ses compères. Mais rien ne vint. Maeleene allait devoir se débrouiller seule dans cette guerre dont elle n'entendait rien.

La bête l'emporta sans autre forme de procès tandis qu'elle s'agitait vainement, ne faisant que resserrer cette étreinte sur elle. Au bout d'un moment, la jeune femme à la chevelure de feu arrêta de se tortiller dans tous les sens, poussant un long soupir. « Ohé toi ! REPOSES-MOI ! »

S'égosilla t-elle sans conviction car cela l'étonnerait que le cadavre ambulant puisse la comprendre. Sa tête dépassait légèrement et, quand enfin elle se décida à garder le silence, reprendre son calme et réfléchir à la situation, Maeleene remarqua qu'ils traversaient des temples et en apercevaient d'autres au loin. En plissant bien les yeux. Son attention se reporta sur son « kidnappeur » à qui elle octroya un regard appuyé, qui n'avait rien d'amical. Seulement voilà, sa curiosité maladive reprit le pas sur tout le reste, occultant le danger qui pouvait bien la guetter. L'un des yeux de la bestiole était sorti de son orbite et oscillait d'une manière fort peu ragoûtante. Elle étira son cou à l'extrême comme pour mieux voir et comprendre l'étendue des dégâts.

« Qui t'as fais ça, orso ? Tu sais, si tu me laissais voir, je pourrais t'aider avec cet œil. »

Cependant, leur marche semblait prendre fin. Une drôle d'impression enserra le cœur de la demoiselle. Un sentiment trouble, angoissant.

Elle avait peur. Pas une de ces petite frayeur que l'on connaît parfois non …

… la vraie peur.

Peur, tu enserres ma gorge, peur tu écrases mon cœur, peur tu me dévores : je n'existe plus.

Tellement abasourdie par les événements qui se déroulaient à une vitesse folle, la Spectre n'était qu'une fragile poupée dans les mains du monstre. Sa bouche, sous son masque, forma un « O » parfait, si bien qu'elle pensa que sa mâchoire allait se décollée. Elle regarda l'ours-aux-bonnes-manières, complètement sidérée. Bon sang, dans quel monde venait-elle de débarquer ? La jeune femme, en foulant les terres du Dieu de la Guerre et du Carnage, s'attendait à des fleuves de sang, des montages de cadavres, ce genres de choses parfaitement glauques et gerbifiantes mais, tout ce qu'elle y trouva, ce furent des temples, des temples et oh, des escaliers qui n'en finissaient pas. Les paroles de la créature sonnaient étrangement, d'un fort accent britannique. Qui la fit -presque- sourire.

Seulement, et une fois déposée délicatement au sol, la jeune femme découvrit l'origine des battements erratiques de son cœur : cette jeune femme, là bas, assise en tailleur, les fesses collées au marbre d'une des nombreuses marches. Maleene se retourna, comme pour voir si une échappatoire s'offrait à elle. Et, en s'attendant à tomber face à l'abomination à l’œil pendouillant, la belle ne sut s'empêcher d'avoir un mouvement de surprise en le voyant passer près de ses jambes, sous la forme d'un ours en peluche. Fort laid, mais un mignon petit nounours quand même.

« Je veux le même. » s'entendit-elle dire avant que son esprit ne s'auto-censure. Elle se racla la gorge. « Bien sûr que j'ai peur, ton animal de compagnie fout vraiment les foies, je te jure. Toi aussi d'ailleurs … »

Maeleene n'était pas l'une de ces dames à respecter les règles de bienséances. Qu'importe la personne qui se trouvait face à elle, elle ne ferait jamais de manières et parlerait franchement, en toutes circonstances. Même si présentement, elle se demanda l'espace de quelques instants, si elle n'aurait pas mieux fait de fermer sa grande bouche. Pas loin l'une de l'autre, Maeleene, qui reprenait peu à peu de l'assurance, détaillait la demoiselle d'un œil expert, incisif, comme les gestes des médecins qui perçaient les abcès pour en extraire le pue. Cette pâleur était des plus alarmantes ! Au vue de ses premières impressions et analyses, la Spectre de l'Alraune fut capable de dire que la jeune fille était au plus mal : une forte fièvre, probablement des maux de tête … les pupilles dilatées. Vraiment très mauvais signe. Il manquerait plus qu'elle vomisse et là, elle parierait pour une des plus belles saloperies du genre. Les guerriers aussi pouvaient tomber malade. Vraisemblablement.

« Tu ferais mieux de rester assise. » commença t-elle en faisant un pas avant de s'arrêter étreinte par un sentiment étrange. « Je suis une sorcière, je m'appelle « Mandragora » on vient tout juste de me donner cette armure, aux Enfers. J'comprends pas vraiment ce que je fais ici, si ce n'est que c'est la guerre entre nos deux … « royaumes » ? -elle hésita sur le mot.- Et toi, t'es qui ? Pourquoi ton … comment il s'appelle au fait ? Bref, pourquoi il m'a ramené ici ? J'voulais pas moi … »

Faisant mine de bouder, la femme au masque croisa les bras sous sa poitrine. Son armure était vraiment légère et agréable à porter, ce qui n'était pas un mal … elle qui se souvenait parfois comment les soldats vénitiens se pavanaient … tels des canards boiteux.

« Au fait, ça va ? Tu as l'air d'être sur le point de décéder … Monsieur l'Ours voulait pas que je l'aide, mais tu es peut-être mon couillon que lui, j'suis … une sorte de … médecin ? Guérisseuse, guérisseuse oui. »

La réaction de la jeune fille la laisse parfaitement circonspecte, quoiqu'un peu perplexe. Au moins, songea t-elle, elle ne vomissait pas tripes et boyaux. Par contre, le fait qu'elle essayait d'anéantir une baleine bleue entre ses petites mains la fit plus que largement froncer des sourcils. Des hallucinations, il manquait plus que ça. La fièvre devait être plus forte que Maeleene le pensait. À sa place, elle ne tiendrait pas debo... gagné. Ayant un mouvement pour aller l'aider à se redresser, quelqu'un ou plutôt quelque chose l'en dissuada. Encore cette drôle d'impression enserrant son cœur, comprimant sa poitrine. L'une de ses mains se porta sur le plastron de son Surplis, la peur revenait peu à peu tel un poison perfide. Quelle en était la cause ?

Occultant celle-ci du mieux qu'elle le pouvait, l'Alraune jeta un regard à l'ours en peluche juché sur l'épaule de sa maîtresse. Elle siffla son admiration alors que la prénommée Théosia tanguait dangereusement de droite à gauche dans une inquiétante danse. La Spectre en avait vu des cas pathologiques, la peste, le choléras, la goutte … mais ça, encore jamais. Si elle s'interrogeait sur les maux de la gardienne des lieux.

Maeleene percevait de temps à autre, des moments de lucidité chez elle. Notamment quand elle fit mention qu'ils étaient en guerre. C'était comme si une étincelle avait jaillit dans son esprit. La rendant l'espace d'un instant, dangereuse. Parfaitement stoïque vue de l'extérieur, la jeune femme ouvrit la bouche pour aussitôt la refermer en sentant déferler sur elle, une vague d'énergie pure, pleine de … frénésie barbare et d'excitation. Son cœur manqua un battement avant de reprendre sa course. Elle ne se sentait vraiment pas bien et, la provenance de cette puissance phénoménale, si proche, n'était pas pour la rassurer. Maeleene se sentait petite, si petite … Qu'elle se demandait pourquoi elle avait obéit, ELLE !

« Dans quel cauchemar je me suis encore fourrée … » chuchota t-elle, penaude. Le rire tonitruant de Théosia la fit réintégrer le moment présent, avec force. Son appréhension grimpa encore un peu. « Tu vois. »

Fit-elle d'un air imperturbable en la voyant éternuer plus renifler de plus belle. On dirait une enfant …

« Tu es sûre que c'est une bonne idée … tu tiens à peine sur tes jambes, Théosia. Teddy ? » Maeleene porta son attention sur la créature postée sur l'épaule de la guerrière. « Je suis désolée, mais si il n'y a pas d'autres alternatives je vais devoir combattre ta maîtresse. »

Sciemment, elle ne fit pas mention de ses piètres qualités martiales, quoiqu'elle se débrouillait plutôt bien en combat rapproché, munie d'une lame. Qu'elle n'avait pas. Au moins, espérait-elle compter sur sa vélocité. Esquiver étant pour le moment la seule option pour elle. Ses yeux s'agrandirent quand, tout à coup, elle eut une idée :

« D'accord, je veux bien te combattre ! Mais, comme c'est Nounours ici présent qui m'a amené ici, je veux qu'il se porte garant de notre futur … accord si tu le veux bien : si je gagne, il se mettra à mon service, si tu perds, je te ferais visiter les Enfers. »

En plus de rimer, c'était parfaitement honnête comme marché, non ? Comment ça non ?

=> Maeleene accepte le défi full rp

Le combat paraissait être inévitable. Les deux partis, pressés par la fureur de leurs divinités respectives, allaient devoir en venir aux mains. Cela ne plaisait décidément pas à Maeleene : le simple fait de devoir affronter une jeune fille malade, au bord de l'état végétatif, ce n'était tout bonnement pas envisageable ! Quel honneur y avait-il là dedans ? Aucun. Mais en définitive qui se souciait encore de ce principe ? Maeleene. Adoptant une posture se voulant sur la défensive bien que présentant de nombreuses failles, la belle entends le discours de Teddy et de sa maîtresse et resta silencieuse. Certes, ce n'était pas vraiment un marché équitable qu'elle leur proposait, seulement, Maeleene s'attendait à toutes les genres de réactions, sauf celle là. À l'énonciation de la mort probable de son ami, Théosia entra dans une rage folle. Elle changea, et pas pour le meilleur. Cette fois ci, le cœur de la jeune Spectre s'emballa en proie à une crainte grandissante. Peur.

Peur.

Face à la rage mal contenue de la guerrière, l'Alraune laissa les ailes de son Surplis s'ouvrir en grand, comme si elle était sur le point de s'envoler. Comptait-elle fuir le champ de bataille ? Là encore, ce serait peu digne de la demoiselle. L'italienne s'arrêta dans son élan, subitement figée.

Peur.

La scène était vraiment effrayante pour la sorcière de Venise. Et elle, était-elle capable d'un tel prodige ? En cet instant critique, elle en doutait. N'avait-elle pas toujours au fond douté de ses capacités ? L'air sa raréfia, sa gorge se serra tant et si bien que la belle avait de plus en plus de mal à remplir ses poumons d'air. Tout autour d'elle le décor se mit à changer. Les yeux de Maeleene s'écarquillèrent peu à  peu, à chaque seconde en détaillant les formes qui se dessinaient. Venise. Elle était de retour à Venise. Comment était-ce possible ? Et elle n'était pas n'importe où. En face d'elle, tandis qu'un voile noir recouvrait les cieux, apparaissait le lieu de son exécution. En l'espace d'un battement de cil, Maeleene se retrouva attachée, toute entourée de petits bouts de bois. Le bâillon qui recouvrait sa bouche était si serré qu'un arrière goût de sang s'installait progressivement dans son palais. Elle ne pouvait pas parler. Bientôt, à cause de la cendre et de la fumée, elle ne verrait plus rien, n'entendrait que la clameur des Vénitiens fous d'excitations à l'idée de la voir brûler. Pas de doute, son visage était découvert, ce petit vent frais qu'elle avait ressenti avant la brûlure, elle s'en souvenait bien.

- Non … pitié … pensa t-elle tandis que ses prunelles se paraient de gouttes d'argent. Papa …

Mais Eodin était mort. Non, pas en cet instant, pas à ce moment là : il se tenait non loin du bûcher, le visage décomposé, sa chevelure rousse, totalement en désordre. Il suppliait la garde de la laisser partir, qu'elle était innocente. Or, elle n'était pas innocente. Elle avait tué Angelo, cet homme infect qui avait tenté d'abuser d'elle. Elle l'avait tué et y avait prit du plaisir. Maeleene se souvenait encore de son expression quand elle lui arracha le cœur … Tout ce sang. Ce souvenir là la fit tressaillir. Elle était Mandragora, la sorcière. La magicienne écarlate qui avait envoyé la mort et demandé la vie.

Désespoir.

Sur le point de capituler, le feu avalant un peu plus la distance qui la séparait de lui, Maeleene eut un sursaut de désespoir et força et força encore et encore sur les liens qui l'entravait. Elle ne pouvait mourir ici. Non, elle ne voulait pas. NON ! Une silhouette sombre et majestueuse se pencha sur elle pour lui murmurer d'une voix suave « il est temps ».

Le souffle court, le corps tremblant, ce fut elle qui déversa un flot de bile sanguinolent à ses pieds. Elle avait eu tout juste le temps d'écarter son masque et de se pencher. Sang et feu … Crachant un peu de salive, la jeune femme releva son visage de porcelaine vers Théosia et braqua sur elle un regard empli de haine.

« Je ne veux pas te tuer ... » articula la sorcière alors qu'un tourbillon cosmique s'élevait, créant une bourrasque crépitante d'énergie. « MAIS JE NE PEUX ACCEPTER CELA ! »

La manipulation.

Elle ouvrit la bouche et y porta son poignet. Un flot de sang éclaboussa le Temple de la Peur. Une goutte après l'autre, le carmin souille l'immaculé. Glissez, glissez lentement perles rouges. Rabaissant son masque d'ivoire, la belle dessina avec son sang un large cercle sur celui-ci et enfin, une croix. Le symbole s'illumina.

Aux pieds de la jeune fille aux yeux bleus, se forma une dizaine de pentacles luminescents d'où surgirent des formes tordues et indéfinissables. Des cris s'élevèrent, chant funeste, prémisse à la Mort. D'un coup, le tourbillon éclata en milliers d'étoiles qui fondirent sur la demoiselle. Les silhouettes appelées par leur maîtresse aux cheveux de sang agrippèrent les chevilles de Théosia.

« Alors c'est ça … le cosmos ... » déclara t-elle en contemplant ses mains. Relevant brusquement la tête, elle s’éclipsa, animée subitement par sa propre colère. Incontrôlable, l'Alraune se rua sur la combattante pour la frapper à plusieurs reprises de coups chargés d'une drôle d'énergie négative. Mortelle. Empoisonnée. D'ailleurs cette fragrance dans l'air … qu'est-ce que c'était ?

L'ivresse du moment s'évanouit bien vite pour Maeleene. En voyant le corps de la pauvre Théosia se briser sur le sol, la Spectre eut un mouvement de recul, accablée par la culpabilité. Elle fixa un long moment ses mains tremblotantes, responsables des blessures de la jeune fille. Une petite voix dans sa tête lui intima le calme. La guerre répétait-elle inlassablement et son cortège d'absurdités... La jeune Maeleene ne le supportait pas. Faire du mal n'était pas dans ses habitudes, surtout quand les causes étaient aussi floues qu'à présent. La Guerre n'excusait pas tout. Se mordant la lèvre inférieure jusqu'à la fendre, l'italienne goûta amèrement à la propre saveur de son sang. Puis, à contrecœur, elle releva ses prunelles vers la petite dont les pleurs commençaient à résonner dans tout le temple. Maeleene l'avait sérieusement touché : plus qu'elle le croyait.

Les bras ballants, inertes, elle constata avec stupéfaction toute l'étendue -dangereuse- de ses pouvoirs. Empoisonnée ?!

Non, elle ne voulait pas … elle n'avait pas voulut cela … Non … Les supplications de son adversaire parvinrent jusqu'à ses oreilles et elle-même, se prit à pleurer à chaudes larmes. Ils avaient raison, les Vénitiens, de la voir comme un monstre. Car c'était bel et bien ce qu'elle était ! Pas une humaine, tout juste une créature débordant d'un poison perfide ! Une fleur pourrie. Elle s'en voulait tant. Et s'en voudrait probablement toujours. Rien ne justifiait une telle souffrance : Théosia n'avait pas à subir la cupidité des autres Dieux. Qu'importait sa mission en tant que Spectre, l'Alraune rejetait déjà ces préceptes avec virulence. Elle maudissait l'appel de la Mort. Des Morts. Pourquoi devait-elle combattre ? Pourquoi prouver sa valeur aux yeux d'un être dont elle ne connaissait ni les motivations, ni les desseins ?!

« Je … je ne voulais pas Théosia … » bafouilla t-elle, la tête basse, sa chevelure glissant de chaque côté de ses épaules. Mais, peu à peu, un vent se leva, de plus en plus fort, soulevant cette dernière qu'il balaya de sa main invisible. « Teddy ! »

La voix de l'ourson se déforma jusqu'à enfler, et devenir caverneuse. Dans les tréfonds de son âme se réveilla son instinct. La Magicienne releva son visage mais, il était déjà trop tard. Comprenant tardivement, elle vit la patte gigantesque de la créature s'abattre sur elle avec un violence rare qui lui coupa le souffle. Dans un craquement sinistre, Maeleene fut à son tour envoyée à plusieurs mètres. Son corps frêle dévala les escaliers sans qu'elle ne puisse y faire grand chose. Telle une poupée de chiffon, elle était ballottée, malmenée, ressentant pour la première fois une souffrance si grande, qu'elle occulta la morsure du feu pour un moment. Quand tout ceci s'arrêta, la belle n'osa bouger, de peur de constater que tous ses os étaient broyés. Il lui fallut du temps pour reprendre le contrôle de son corps. Sa respiration, sifflante, n'augurait rien de bon. Mais, elle se redressa tout de même. Son Surplis avait encaissé la majeure partie des dégâts, par contre, son plastron avait été arraché par les griffes acérées de l'animal et, en braquant ses yeux sur son buste, elle constata en tâtonnant avec prudence, qu'elle avait été sérieusement touchée, elle aussi. En témoignaient ces grosses balafres sanguinolentes qui barraient sa peau ivoire que l'on apercevait à quelques endroits.

Un rapide bilan lui apprit qu'elle avait plusieurs côtes cassées, une hémorragie importante au thorax ainsi que quelques contusions, ça et là. Maeleene était surprise de ne pas être déjà dans les limbes. Un nouvel assaut comme celui ci et, assurément, elle périrait. Son corps, secoué de spasmes, se redressa pourtant. Il fallait remonter. Étirant ses drôles d'ailes, l'Alraune s'envola, ou plutôt bondit souplement pour faire de nouveau face à l'Ours abominable. En voulant lever ses bras, la jeune femme constata que l'un d'entre eux pendait mollement à son côté. Que pouvait-elle bien faire ?

« Je n'ai pas le choix … pardonnes moi Théosia. »

Elle devait faire face et survivre. Alors, son aura violacée dansa de nouveau autour d'elle, refermant pour l'heure ses blessures les plus sérieuses. Les paupières closes, elle poussa un long soupir tremblotant. Ses lippes remuèrent alors sous son masque et une voix argentine et douce s'éleva. Son chant prit de l'ampleur, appelant une autre fois les créatures des ombres qui répondirent favorablement à son appel, assaillant l'abomination mort-vivante. La Mandragora en profita pour se ruer sur lui et devenir elle-même une ombre. Au moment de l'impact, son corps opalescent brilla intensément et … comme si la matière n'existait plus, Maeleene traversa Teddy. Il fallait trouver un autre moyen avait-il dit. Pour un être Mort …

S'attendait-il à la voir resurgir de l'autre côté afin d'atteindre sa maîtresse ? Si c'était le cas, l'Ours géant serait surprit de ne pas la revoir. Et de la sentir au cœur de ses entrailles. Là dedans, tout n'était que décrépitude et meurtrissure. L'odeur nauséabonde en plus du liquide noirâtre qui dégoulinait sur elle étaient répugnants, or, la dame écarlate en avait cure. Son cosmos jaillit du signe qu'elle-même avait apposé sur son masque d'ivoire et, vidant ses poumons, Maeleene laissa la Sorcière prendre tout à fait le contrôle. La Mandragore, éveillée, rouvrit ses prunelles aveugles sur le Monde et, de ses doigts se formèrent des dizaines de lianes qui allèrent prendre le contrôle de ce corps pourri. Elle était un poison.

Empoisonnée.

The Scarlet Witch.

Mais elle pleurait aussi des larmes écarlates pour les pêchers qu'elle s'apprêtait à commettre. Au nom de quoi ?

La Guerre.

Du bouts des doigts de la sorcière, de minces fils invisibles agitaient le corps de Teddy, le contrôlait à sa guise, pauvre marionnette. Dans le ventre de celle-ci, la Sorcière rouge assista sans ciller, à la chute de Théosia, sa lente et triste déchéance. Le pauvre hère fut à son tour violenté, son petit corps rencontrant les marches à quelques mètres de là. Brisée, elle se releva pourtant. Et peu à peu, la Mandragora comprit la dangerosité de la situation. Cette jeune fille aux allures d'enfant, possédait en son sein un pouvoir si grand, que tout son être réagit face à cette vision. Lâche, non, la petite ne l'était pas, comme elle savait précisément comment utiliser son cosmos. Chose que Maeleene n'appréhendait que très mal. Même placée sous l'égide de l'Alraune qui avait totalement prit le dessus sur elle, taisant pour l'heure, ses angoisses et ses peines. Au fond d'elle, l'italienne se voyait évoluer dans le noir, perdue, ne sachant où aller. Un faible échos la poussait à avancer, à vouloir relever la tête. Elle finit par contempler son propre reflet dans un miroir. L'image qu'il lui renvoyait, était en tout point identique à ce qu'elle était, une jeune femme happée dans les bras d'un Destin aux exigences trop rudes pour elle.

Les yeux de son reflet la détaillèrent en silence, et, pour finir, elle retira son masque. Sa peau était aussi blanche qu'à son habitude, ses lèvres toujours aussi rouges, quant à ses yeux d'ordinaires si bleus, prenaient la teinte de la lune. Et il y avait tout ce sang qui maculait son faciès. Tant de sang que, face à cette vision d'elle-même, elle recula, se prenant la tête entre les mains. Maeleene ne voulait pas de cela !

« C'est pourtant toi qui m'as appelé. » lui répondit son double qui se pencha pour passer outre la surface lisse et froide du miroir. « Tu voulais qu'ils soient tous maudis pour t'avoir brûlé, c'est chose faite. Mais tu dois en accepter le prix. Eodin l'a payé pour toi. »

La vénitienne secoua énergiquement la tête, plaquant ses mains contre son crâne. « C'est faux ! Je n'ai jamais voulut de ça ! » Une main glissa sur ses épaules, une voix titilla ses oreilles tandis que ses doigts glissèrent sur sa peau. « Tu m'étais destinée, Maeleene. Aujourd'hui il faut lever les yeux et contempler ton futur. J'ai tissé moi-même ce canevas, qu'en penses-tu ? »

Elle s'y refusait. Non, il était trop tôt pour accepter. Alors l'autre s'effaça, la frôlant une dernière fois de sa présence. La sorcière saurait se montrer patiente. Les cauchemars la ramèneraient jusqu'à elle.

Et, sans douceur aucune, une main griffue l'extirpa de son cocon noirâtre et dégoulinant. Hoquetant de surprise, Maeleene qui revenait à sa brutale réalité, eu tout juste le temps d'apercevoir le visage inexpressif de l'ombre penchée sur elle. Choisir son fléau ? Tétanisée par la peur, elle avait fermé les yeux. Mais il était futile et vain de vouloir se cacher.

« Maeleene, tu es rentrée ? »

Cette voix fit bondir son cœur qui reprenait peu à peu sa course. « Eodin ? » articula t-elle alors que ses paupières papillonnèrent. Sans s'en rendre compte, la belle avait choisit …

… Cauchemar.

Elle eut la grande surprise de se retrouver chez elle, à Venise, au cœur de sa maison chauffée agréablement pour l'occasion. Devant l'âtre, la silhouette de son maître qui lui tournait le dos, assis dans son fauteuil, s'imposa à la jeune demoiselle. Les flammes se reflétaient dans ses yeux azurs, et le bruit apaisant de leurs crépitements eut tout à fait raison de ses doutes. Un grand sourire se dessina sur son faciès de poupée, et, sans attendre davantage, elle voulut se lover dans les bras de son père adoptif.

Cauchemar.

Un cri perçant éclata. Cauchemar. Des pleurs se firent entendre. Cauchemar. Le visage décomposé d'Eodin la regardait, un rictus affreux accroché à ses lippes. Cauchemar. Et cette odeur, la fit vomir à grand trait. Seulement, pas au bout de ses peines, Maeleene, alors qu'elle se recroquevillait dans un coin de la pièce, vit le cadavre de l'artiste se redresser.

Cauchemar !

« Non, non … Ce n'est pas possible ce n'est pas … papa … Papa ! » se lamentait-elle, les yeux écarquillés par l'effroi, ne se rendant pas compte qu'elle tâtonnait à l'aveugle, par instinct. Il était trop tard. « Ton cauchemar est bien réel, je suis mort par ta faute. »

Eodin se jeta sur elle, sa gueule béante et immonde grande ouverte, prête à la déchiqueter. Dans un cri mêlant rage et désespoir, la Mandragora se saisi de ce qu'elle avait effleuré pour le pointer juste devant elle.

Sa rapière. Face à son cauchemar. La lame d'argent brillait d'un éclat irrél, pourfendant le poitrail de la créature à l’œil torve et exorbité. Comme surprit. Les ombres se retirèrent alors du décor.

Ce n'était pas Eodin, son maître et père qu'elle venait d'embrocher. Mais l'origine de son cauchemar : Théosia. Ses mains tremblèrent quand elle comprit. Son arme faite de cosmos pur se désagrégea. Elle venait de …

« THEOSIA ! » scanda t-elle en la prenant par les épaules. « Je ne voulais pas ! »

Elle, pourrait contempler un masque froid, lisse de toutes émotions. Entendrait-elle ses supplications ?

Cauchemar.

Elle semblait revenir de son long égarement, Théosia. Maeleene assista, impuissante à sa fin, fin qu’elle n’avait jamais désiré ! Non, non elle n’avait jamais voulu cela ! Pourtant sa mort était inévitable et c’était bel et bien de sa faute ! À elle et à elle seule. Le ciel au-dessus de sa tête pesait bien lourd sur ses épaules, tel un couvercle étouffant son cœur. Encore prisonnière de cet infâme étau nommé cauchemar, la jeune femme eut la surprise de le contempler dans son entièreté la plus brute dont le visage, douloureusement familier, la fit crier une dernière fois. Muette devant le visage d’Eodin penché à quelques centimètres du sien Maeleene, les yeux perdus dans cet océan insondable, remua à peine des lèvres pour appeler son maître disparu. Se dépeignait sur son faciès une expression de profond désespoir, Maeleene n’osa pourtant lever les bras pour l’éteindre une toute dernière fois. Elle s’y refusait, elle n’en avait pas le droit, pas après ce qu’elle venait de faire ! L’ombre s’effaçait gommée par la volonté de Théosia. Libérée du Cauchemar, elle faisait face à un autre, terrible. Elle avait tué

Au nom de la Guerre et sa procession de dégénérés. Au nom de la Mort et son cortège macabre. Dont elle faisait partie, triste pantin.

Elle secoua la tête négativement en contemplant son œuvre. Son crime. Meurtrière ! Sorcière ! Ses mains s’agitèrent de soubresauts tandis qu’elle la voit se recroqueviller, la supplier de l’assister dans sa mort, de la regarder s’en aller pour le dernier continent. Ne pouvait-elle pas tenter de la sauver des griffes de pandémonium ? Elle se laissa tomber à genoux à ses côtés sans se soucier qu’elle trempait désormais dans une mare de sang et qui n’était pas le sien. Pleurant en silence – elle ne lui ferait pas cet affront là – la strega ramena ce petit corps contre elle l’enveloppant dans ses bras. Que l’écarlate la souille elle n’en aurait que faire ! Elle se lova au creux de son cou, pour lui murmurer à l’oreille :

« Je ne te laisserais pas seule Théosia, je ne t’abandonnerais pas je te le promets »

Elle ne voulait plus abandonner qui que ce soit. Que le ciel en soit témoin, le trépas de Théosia ne sera pas vain. La jeune italienne savait désormais que cette joute serait la seule et l’unique. On ne l’obligeait plus à combattre pour une cause qu’elle n’entendait pas. On ne la commanderait plus à ses dépens. Sort injuste, à présent se renfermait sur elle les griffes perfides d’un funeste projet qui n’était pas sien. Sous ses doigts qu’elle laissait glisser dans la chevelure de la guerrière en un geste apaisant, l’Alraune senti la vie la quitter. Elle resta longtemps ainsi sans bouger éclatant en sanglots. Intarissable. Ses larmes creusèrent des rigoles sur ses joues pâles et maculée de sang. Il lui faut une éternité pour pouvoir finalement se redresser, sécher ses pleurs, trouver le courage de faire ce qu’elle lui avait demandé.

« Tu n’avais pas à me faire cette requête, je te l’aurais accordée de toute façon… » ne l’avait-elle pas fait maintes fois par le passé ? C’était inscrit en elle, ce précepte, cette cérémonie : elle allait lui offrir une sépulture décente et digne. « Je vais te porter dans ton temple Théosia. »

Elle resta quelque instant silencieuse comme si elle attendait une réponse de sa part. Puis avec mille précautions, la prit dans ses bras, usant de ses dernières et maigres forces pour la transporter jusqu’au seuil de la bâtisse qu’elle gardait, antre de son maître. Un frisson parcouru son échine en dépassant les restes de ce pauvre Teddy, encore un autre quand elle arriva. Il ne lui restait plus qu’à faire un pas.

« Je suis Maeleene, je me permets d’entrer pour honorer la demande de votre gardienne. »

Nulle réponse. Interdite, la sorcière serra inconsciemment la jeune fille contre sa poitrine et s’y engouffra. Sa silhouette happée par les ombres.

« Puisses-tu trouver le repos que tu mérites. Puisses-tu danser dans les plaines verdoyantes de ton enfance, parmi ceux que tu aimes. »

Maeelene, prostrée au pied du lit de Théosia en une attitude de prière, redressa la tête pour regarder la demoiselle. Toute lavée du sang, habillée dans des habits immaculées trouvés dans une grande armoire, elle paraissait en paix. En se relevant, la vénitienne chercha quelque chose dans sa bourse pour en ressortir deux belles pièces en or qu’elle déposa avec délicatesse sur les paupières refermées de la maîtresse de ses lieux. Gravement elle contempla son œuvre. Et elle entama un chant funèbre triste et miséricordieux.

Comme elle l’avait fait pour Eodin.

Le silence succéda à sa musique. D’un pas lent, la Strega s’éloigna, non sans avoir au préalable, déposé un baiser sur le front de Théosia.

Son cauchemar était loin d’être achevé.

 Entrée du royaume de la Guerre