[Event] La chasse est ouverte !

Comme une bulle qui éclate à la surface de la conscience...

Tes paupières se soulèvent et tu vois une lueur dorée s'éparpiller autour de toi. Tu te réveilles en sursaut, de dormir tu n'as pas le droit. Les ombres sont là, tout autour de toi, à n'attendre que toi. Si le sommeil te prend, elles te prendront aussi. Toi et tous ceux qui vivent ici. Même si ce n'est pas l'endroit le plus peuplé qui soit, tu ne peux permettre cela. Même si tu agis comme bon te semble et n'es ni bon ni mauvais en soi, tu te refuses d'être la fin de l'espoir. Neutre tu es, neutre tu resteras – tu ne les laisseras pas t'arracher ça, toi à qui elles ont déjà tout pris il y a si longtemps de cela. Tu passes la main sur ton visage, en chasse la sueur qui déjà commence à geler, repousse les mèches aile-de-corbeau dont tes traits sont parsemés. Ton regard de jade erre sur l'horizon où tu t'es laissé aller, cherche quelque chose à quoi s'accrocher – quoi que ce soit qui existe et doive être protégé pour te convaincre de ne pas sombrer.

Ta main tremble alors que l'effroi se résorbe et te laisse désemparé au milieu de nulle part, de cet ailleurs que tu ne connais pas même s'il n'est pas si loin de « chez toi » - ce n'est pas ainsi que tu vois cela, mais c'est pourtant le cas. Asgard n'est pas ta patrie, et jamais ne le sera, du moins c'est ce que tu crois. Tu n'as nulle part où aller, c'est inscrit au fond de toi. Tu ne peux t'installer en aucun lieu, pour le risque que ça représente tu n'en as pas le droit. Toi-même tu ne sais combien de temps en sécurité tu seras, tu te contentes de rester là, car tu sais que ceux qui sont après toi ne viendront pas. Tu espères trouver refuge dans ce froid, que la blancheur qui régit cet endroit te préservera du noir qui est après toi. Ainsi soit-il jusqu'à la fin de tout cela, jusqu'à ce que tu t'éteignes dans un dernier éclat. Étrange façon de penser pour toi, dont la noirceur elle-même est l'apparat, l'écrin de ce pouvoir que tu as depuis toujours en toi.

Rien de fâcheux ne t'est arrivé. Tu ne sais combien de temps tu t'es relâché, combien d'infimes secondes se sont écoulés depuis que ta conscience s'est éteinte, mais tes chaînes t'ont protégé. Aucun mal ne t'a été fait, mais tu devines Leur présence dans les ténèbres, tu sens tout autour de toi le parfum de la mort qui veut t'étreindre de ses bras. Tu reprends ta marche d'un pas vif pour les laisser derrière toi, rallumant la chandelle qui s'est éteinte sous le souffle plus glacé que jamais qui parcourt cet endroit. Sa flamme t'ouvre la voie, effraie et tient en respect Ceux qui sont sur ton passage, Ceux que toi seul peut voir. La neige qui étouffe tes pas cède bientôt sa place au dallage verglacé du palais qui s'ouvre devant toi, où tu n'es venu qu'une fois – celle où il te fallut négocier ton droit d'asile en cet endroit. Tu sens dans l'air que quelque chose ne va pas, ils te susurrent à l'oreille qu'ils ont froid alors qu'ils n'ont plus de corps pour qu'ainsi il en soit.

Tu ne tiens pas à savoir de quoi il s'agit. Ne pas t'intéresser à ce qui ne te concerne pas, tu l'as depuis longtemps appris. Mais il te faut payer ta place en ces murs, aussi te présenter au palais quand l'heure est grave va de soi. Tu as une dette dont il te faut t'acquitter et c'est pour ça que tu es là, sans même savoir s'ils sauront quoi faire de toi. Cela fait partie de ton contrat, t'y tenir tu dois. Subissant encore la morsure du froid alors que tu viens de la laisser derrière toi, tu ne peux que te hâter de refermer les larges pans de ta cape sur toi, faisant disparaître les plaques noires que tu portes derrière le tissu assorti dans lequel tu t'enveloppes sans émoi. Tu croises des gardes fébriles que tu devines allant au combat, bien que n'ayant pas la moindre idée de ce dont il est question cette fois. Tu n'as pas connaissance du lieu vers lequel ils vont, mais toi-même sais-tu où tu vas ? Plus serein que tu ne devrais l'être, tu te déplaces en silence, et rien ne vient interrompre ta marche si ce n'est ta chaîne qui soudain frémit, se dresse face à l'ennemi. Ennemi qui n'en est pas un : le saphir t'indique un Guerrier Divin. Stoïque, tu te tournes vers lui. Peut-être pourra-t-il t'aider à trouver celle que tu es venu chercher.

Dites-moi où est la prêtresse.

Tu relèves les yeux vers lui. Tu ne sais pas qui il est, et pour tout dire tu t'en moques. Tout ce qui t'importe est de savoir s'il peut t'indiquer où trouver Séléné. Celle qui t'a accueilli, qui t'a permis de rester ici. La seule à qui tu estimes avoir des comptes à rendre. Rien ne te rattache à cet endroit et c'est ce qui te l'a fait choisir. Odin, tu ne l'as jamais vu, mais tu n'as envers lui que de l'indifférence. Tu n'es pas un Guerrier Divin, et jamais tu ne le seras. Tu ne le veux pas. Ce n'est pas par loyauté que tu es arrivé ici mais bien parce que c'était le seul endroit sûr pour toi – le seul où ils ne viendraient pas te chercher. Ils ne le pouvaient pas. D'entrer ici, ils n'ont aucun droit. Ce n'est pas leur monde. Ce ne sont pas leurs lois. Sauvé, tu ne l'es pas. Pas encore en tout cas. Car si Ils ne peuvent plus venir jusqu'à toi, Elles sont toujours là, à rôder tout autour de toi.

Les endroits baignés de lumière ne sont pas faits pour toi. C'est parmi Elles qu'est ta place. Mais tu ne le veux pas. Tu ne peux pas encore abandonner le combat. Même si tu ne sais pourquoi tu te bats. Ce que tu sais, c'est que tu es libre. Personne ne peut t'imposer quoi que ce soit. Rien n'existe pour ombrager ta vue. L'air que tu respires est tien. Mais d'où te vient alors cette sensation de vide au fond de toi ? Peut-être que ce qui t'a fait choisir ces contrées, en fin de compte, c'est que ton coeur soit aussi froid que ces étendues de glace où ton regard se noie. Tu le laisses venir à toi. Tu n'as pas le niveau pour lutter, tu l'as su aussitôt que tu l'as vu, mais ça ne t'affecte pas. Ce n'est pas comme si cela changeait quoi que ce soit pour toi. Tu ne montres nulle peur. Tu en as oublié le sens. Et alors que tu l'observes du coin de l'oeil, tu te fends d'une réplique indolente.

Savoir si elle a du travail à me donner.

Tu n'as rien de plus à ajouter. Il n'est en rien concerné. C'est avec elle et elle seule que tu as à traiter. Tu ne comptes pas te mêler à eux. Tu n'y as pas ta place. Tu n'es pas l'un des leurs, et ça te va très bien. Tu serais bien mal avisé de vouloir y changer quoi que ce soit. C'est pour toi et toi seul que tu ouvriras tes ailes, même si elles sont brisées. Ce n'est point la loyauté qui te lie à eux et la confiance encore moins. Tu ne crois plus en personne de toute façon tant tu sais que c'est vain. Mais accord a été faite, et contrat passé : tu t'y tiendras jusqu'à la fin. C'est ce qui t'amène ici aujourd'hui alors que leur douleur n'est pas la tienne et que leurs malheurs te sont étrangers. Tu as un tribut à payer. Que ce soit chaque mois chaque année, il ne t'est pas possible de le deviner. Tu ne peux jamais le savoir à l'avance. Mais lorsqu'ils font appel à toi, tu dois être prêt.

Car tu as un marché à honorer.

Car tu n'as qu'une parole, et que celle-ci a été donnée.

Qu'ils te voient donc comme le dernier des parias si le coeur leur en dit. Ce n'est pas ce qui t'empêchera de dormir, si ironique que soit cette expression dans ton cas. Tu sais qui tu es. Tu sais que tu existes en ton seul nom. Tu ne l'oublieras pas, si noirs soient les regards braqués sur toi. Ta cape de voyage te tombe des épaules, découvrant les épaulettes de ton armure que tu portais au-dessous. Ce n'est point calculé, mais au moins a-t-il la preuve formelle de ce que tu avances. Autant de temps de gagné. Tes yeux se ferment alors que tu tires sur les maillons de ta chaîne pour la retenir avant qu'elle n'ait pu lui dire le fond de sa pensée. Toujours aussi prompte à réagir, elle ne tolère pas que l'on pose la main sur toi. Tu es celui qui l'a choisie, elle est celle qui t'a adopté.

Je suis Kilvan, Chevalier Noir d'Andromède. Et je vous conseille de me lâcher.

Déjà elle s'enroule autour de son poignet, dardant vers lui de son extrémité acérée pour le convaincre de te lâcher. Elle en tinte de mécontentement, n'apprécie nullement d'être arrêtée. Douée d'une volonté propre, elle a toujours été très protectrice envers toi, sans doute trop. Mais tu ne peux le lui reprocher, car sans elle ton coeur se serait déjà arrêté de battre depuis une éternité. Pourtant, il te faut cette fois la museler. S'ils t'indiffèrent, tu n'entends pas non plus déclencher les hostilités. Alors que tu t'apprêtes à la rappeler, son éclat argenté se tourne vers l'obscurité. Elle voit ce que tu ne peux pas voir, elle discerne ce que tu ne fais que deviner, elle comprend ce qui t'échappe. Tu la sens frémir. Ce qu'elle voit ne lui plait pas.

Des ombres mouvantes. Des monstres tapis dans les ténèbres. Pas ceux dont tu as l'habitude. Ils sont autrement plus concret. Cette sensation t'est familière il est vrai, mais ce n'est rien de commun avec ce que tu combats chaque soir à la nuit tombée. Ce ne sont pas Elles, mais ça y ressemble. Qui sont-elles ? D'où viennent-elles ? Rien ne te permet de le savoir. Ce qui est sûr, c'est qu'elles se rapprochent. Elles vous guettent. Autant toi que lui. L'un comme l'autre, vous n'êtes que des proies à leurs yeux. Il te semble sentir leur souffle fétide, mais tu ne bronches pas. L'étau se resserre. Ils viennent de toutes parts. Ils fondent sur toi. Tu ne bronches pas. Tu as appris à vivre avec ça. Tes yeux se ferment. Tu connais cette sensation. Celle de l'obscurité qui disparaît avec l'aube. Il n'y a plus rien quand tes paupières se soulèvent. Il faut croire que ta mort n'est pas encore à l'ordre du jour.

Il semblerait que j'aie eu raison de croire que vous pourriez avoir besoin de moi.

Ton regard si terne qu'il en parait presque vitreux se tourne à nouveau vers lui, attendant une réaction de sa part. Va-t-il te tenir en respect toute la journée, ou compte-t-il finir par cesser de vous faire perdre votre temps à tous les deux ? Tu n'en sais rien, mais il semble en tout cas évident qu'il y a plus pressant pour le moment. Le cosmos qui venait de se résorber après avoir traversé tout le palais et bien plus encore n'est pas anodin. Le rictus qui se dessine sur ses lèvres se veut-il intimidant ? Tu n'en conçois aucune menace. Si tu ne Les craignais pas, il n'y avait aucune raison pour que tu craignes quoi que ce soit. Tu ne bronches toujours pas. S'il connait ta chaîne si bien que ça, il doit savoir que tu n'es pour rien dans tout ça et que tout ce qui la motive est la volonté qu'elle peut avoir de te protéger, contre lui pour commencer. Qu'il fasse taire son hostilité avant tout s'il veut la voir elle aussi tempérer ses ardeurs, vous pourrez ensuite en reparler.

Comme vous voudrez.

Tu ne cherches même pas à cacher la résignation dans ta voix. Mais ne serais-tu pas aussi contrarié ? Toi ? Cela ne te ressemble pas. Qu'il te malmène autant qu'il lui plaira, ce n'est pas ce qui arrangera quoi que ce soit. Tu ne peux que lui souhaiter de revoir au plus vite son sens des priorités. Ce qui, par chance, finit par arriver. Il faut croire qu'il aura fallu au moins ça pour lui faire remarquer que même si tu nourrissais de mauvaises intentions, tu ne représenterais pas un grand danger. Alors que ça, cette menace impalpable que rien ne semble pouvoir arrêter à part la lumière aveuglante qui vient de vous éclairer... Tu ne sais pas toi-même ce dont il s'agit, alors que tu en sais probablement bien plus que lui sur ce type d'ennemi.

Mais ce que tu sais en revanche, c'est que ce n'est pas en menaçant un « allié », même si tu ne te considère pas toi-même comme tel, qui va l'aider à en triompher. Il prend enfin conscience de l'inutilité de ce qu'il est en train de faire et se désintéresse de toi aussi vite qu'il t'a sauté à la gorge. Tant mieux. Si tu es voué à faire cause commune avec eux, il te dérangerait de te faire tout de suite une mauvaise opinion de l'un d'entre eux. Que toi qui ne sais rien de cette patrie soit plus enclin à lui venir en aide que l'un de ses plus fervents représentants serait problématique. Le seul inconvénient est qu'il passe d'un extrême à l'autre, s'affole et se précipite soudain, comme si sa vie en dépendait. Sa vie ou celle d'autrui. Séléné, a-t-il dit ? Serait-ce elle qui... ?

Attendez !

Ça peut très bien être un piège, mais il ne t'entend pas. Mais surtout, plus que ça, il n'a pas réalisé que ta chaîne est encore rivée à son poignet. Tu ne peux l'en détacher, elle ne répond pas à ton commandement, trop occupée à lui manifester son agressivité, à le mettre en garde si jamais il ose à nouveau te menacer. En l'occurrence, si louable soient ses intentions, ce n'est pas pour t'aider : sans rien pouvoir faire, tu es entraîné, obligé de suivre son rythme effréné, et peut-être à ce rythme de te jeter dans la gueule d'un loup que tu ne t'attends que trop à trouver au bout du chemin. En guise de premier contact avec un homme de son camp, on avait connu moins mouvementé. Manquant d'être arraché du sol par sa vélocité, tu ne peux qu'à ton tour te précipiter, entraîné vers quelque obscure destinée.

~ Vers Séléné.