Sujet: Le vol du Sagittaire Mer 28 Avr 2010 - 14:32
Avec l’envergure d’Icare, je raye les cieux à une vitesse prodigieuse. Cette armure est fantastique, elle possède peut-être cinq fois plus de pièces que la Licorne et ne pèse pas plus lourd. Le casque émet une fine barrière cosmique qui protège mon visage du vent, elle agit comme un écran de verre qui laisserait passer la fraîcheur de l’air. Petite mésange, me voilà ton cousin maintenant, je vole, comme toi l’oiseau.
Je survole Rome, en moins de rien je suis au dessus de Paris, c’est grisant. J’attaque l’Atlantique, replie mes ailes et descends dans un furieux piqué, à quelques mètres de la surface, je les déploie vivement et m’appuie avec une telle force sur l’air que le visage de l’eau est déformé, giclant d’écume. J’amplifie encore mon cosmos et gagne en vitesse, balafrant l’océan avec le sourire et les yeux lumineux. Quelle sensation de liberté. Un bateau, je reprends un peu d’altitude et ralentis, les marins me montrent du doigt ébahis, je leur fais un salut militaire et repars de plus belle dans une détonation du feu du dieu.
La côte est de l’Amérique, New York, son port, je ne m’attarde pas chez les rosbeefs, je me propulse à l’ouest sans économie d’énergie. Le voilà, le Grand Canyon, cette saignée rouge sur le globe.
J’accélère ! Me voilà parti pour enfiler plus de 400 km de corridor naturel pleine bourre. Ces courbes, un vrai régal, et cette roche, mystique, saisissante, je prends à cet instant pleinement conscience du privilège qu’il m’ait offert de serpenter par la seule force de ma volonté au cœur d’un tel paysage. Un condor vient à ma hauteur à l’instant ou je sors du Canyon, gagnant en altitude sur ma droite. Quel oiseau, un vrai dragon tranquille. Je le salue comme j’ai salué les marins, vire sur mon aile gauche et change de cap.
Les Iles Marquises, un archipel montagneux, difficile d’accès, paré de vallées à la végétation luxuriante et entouré d’une eau azur. Magnifique, vierge, calme. Je décide d’atterrir dans la baie de la plus imposante des îles, une vraie beauté, autant vue du ciel que de la plage. Mes paupières se ferment toutes seules et le soleil inonde mon visage. Je respire profondément.
Les cliquetis de mon armure parviennent bientôt aux oreilles des cochons sauvages, et puis aux autochtones, j’ai capté un foyer de vie non loin de la plage. Sans surprise, ils me regardent approcher de leur village avec des yeux ronds comme des assiettes, l’or de mon habit faisant de leurs pupilles des phares. Je suis accueilli en dieu, vraiment, et j’ai beaucoup de mal à les faire se redresser. Finalement je décide de remballer ma cuirasse dans sa boîte de Pandore mais la magie de la manœuvre a l’effet inverse de ce que j’escomptais (évidemment, j’ai manqué de jugeote sur ce coup).
L’atmosphère finit par se détendre, le lait de coco est servi et le ukulele se fait entendre. Le chef du village a voulu me faire assoire sur son trône mais j’ai réussi à lui faire entendre raison, me voilà à sa droite sur ma boîte, objet de tous les regards et sourires. On ne se méfie pas de moi, je le sens, et j’ai l’œil bercé par les ventres des splendides danseuses qui ondulent pour me célébrer. Je passe une nuit apaisante, et quand je quitte l’île avec ma couronne de fleurs au crépuscule, je sais déjà que je reviendrai, avec des cadeaux pour ces gens, ces belles personnes.
Le Japon est une étape rafraîchissante, verdoyante et torturée, une bien belle île. Je passe comme un diable au dessus du pays des Tzars et foncent sur l’Himalaya.
Quel panorama, ici l’infinie est encore plus palpable que dans les gorges américaines. Mon pied gauche reprend contact avec le sol, avec la roche enneigée du plus haut sommet du monde : l’Everest. Je ne sais pas combien de temps je reste perché ici, mais la sensation est mémorable : l’impression de toucher là aux fondamentaux, à l’essentiel.
Après ça, tout ça en une journée, que demander de plus ? Où voltiger ? La réponse me vient comme une évidence : en Grèce mon gars, au sanctuaire, là où tu as pleinement ton rôle à jouer. Mes solerets d’or quittent doucement la crête de ce monstre de montagne, et je m’envole sans fracas, cap au sud-ouest, amplifiant tranquillement mon cosmos et ma vitesse.