Endymion, chevalier d'or du Verseau

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Egoïste, hédoniste, Endymion est un dévoreur de vie. Habitué à brûler la chandelle par les deux bouts, il met un point d’honneur à profiter du jour présent dans une attitude flamboyante. Doté d’une confiance en lui inaltérable, il méprise l’’humanité, en dehors de quelques notables exceptions. Gagner son respect sera une quête bien ardue, mais les rares qui parviennent à attirer son œil auront l’assurance de ne jamais être abandonné. En bien ou en mal.
Égocentrique au possible, le jeune homme au physique avantageux fuit l’ennui comme la peste, et préfèrera s’isoler plutôt que de devoir supporter des individus jugés fades ou inintéressants. Volontiers séducteur, Endymion aime jouir des plaisirs simples ou déviants, sans hésiter à entrainer maintes victimes dans sa ronde de perversion. Une manière d’oublier son mépris profond pour ce monde qu’il juge corrompu et voué à une lente extinction, due à la médiocrité et aux bassesses des hommes et des dieux.
Profondément marqué par la peur de n’être qu’une marionnette de plus entre les mains des enfants de l’Olympe, le Verseau cherche un moyen d’atteindre l’éternité, et de couper les fils qui le relient à la mortalité et à ses limites.
Après avoir servi Poséidon dans une autre vie, Endymion s’est tourné vers Athéna suite à un long combat face à un ancien porteur de l’armure du Verseau. Non qu’il nourrisse une dévotion aux louables sentiments de la déesse aux yeux pers, mais au contraire l’ancien marina se voit désormais comme le mal nécessaire, l’ombre dans le cœur divin d’Athéna, qui sera essentiel le jour où ses espoirs se faneront. Le spectre de la défaite possible, voire probable, sensé rappeler aux autres chevaliers quel sort funeste attend l’humanité s’ils venaient à échouer. Et c’est en jouant sur ce rôle ingrat, mais essentiel, qu’Endymion espère obtenir un jour l’immortalité, voire l’accès à l’essence divine.

Il fait froid… Si froid… Pourtant, je ne ressens nulle gêne. Juste la sensation de flotter dans le néant. Mon âme endormie vole à travers ces plaines de Sibérie, si vastes. Suis-je mort ? Non.
J’ai l’impression de m’éveiller d’un sommeil éternel. Combien de temps ais-je attendu ? Des flashs de mon passé me reviennent soudain, tels des éclairs zébrant un ciel nocturne. Et plus l’engourdissement de mon esprit s’estompe, plus la clarté m’aveugle.
Dragon des mers, voilà qui j’étais. Fier général de sa majesté Poséidon, l’empereur des océans. Pirate redoutable et cruel, manipulateur vil et dénué du moindre scrupule. Ô dieu, comme semer le chaos était plaisant…
Je me souviens avoir tué mon évêque de père après qu’il m’ait surpris dans son propre lit en compagnie de sa servante et de son échanson. J’avais alors fui la Rome à peine chrétienne pour gagner la mer. Des années à la nourrir du sang de mes adversaires, tant rivaux que marchands malchanceux. A renforcer mon corps et à calfeutrer mon âme. Aux côtés d’une flamboyante capitaine, j’avais vécu comme jamais auparavant. De don naturel, mon cosmos s’était rapidement mué en force vive, corrompue et prompte à semer le trouble dans les esprits, les chairs et les cœurs. Des années folles à voguer, à piller, à tuer, à aimer, à vivre sans peur du lendemain. Mais la soif de pouvoir avait fini par consumer mon cœur avide d’homme à peine adulte. Faisant fi des avertissements gravés sur son fronton, j’avais mené mon équipage au cœur d’un temple oublié. Les malheureux pirates avaient constitué une diversion idéale pour me permettre de passer le gardien des lieux. Et la récompense pour ma rouerie avait été l’obtention d’une écaille.
C’est ainsi que j’étais devenu l’homme des basses manœuvres de l’empereur des mers. Son assassin, son espion, son diplomate le cas échéant. Mes victimes ? Des Berzekers de préférence, quelques spectres coriaces, et de pauvres humains innocents en dommages collatéraux. J’étais une belle ordure, mais bon sang que la vie était riche et pleine de promesses ! Dieu parmi les hommes du peuple, je me voyais déjà toucher du doigt l’éternité tant désirée. Mais l’une de mes proies avait été bien plus résistante que prévu. Nous avions mené un combat sur des jours et des nuits. Un affrontement interminable, mais ô combien exaltant. Il était non seulement puissant, mais aussi noble que j’étais vil. Nous étions comme les deux faces d’une même pièce, et cette amère symbolique l’avait heurtée autant qu’elle m’avait divertie. Entre deux coups, nous devisions sur nos philosophies de vie. Nos peurs, nos doutes, nos certitudes. Je ne rêvais que de voir l’océan recouvrir ce monde corrompu, pour rester l’un des derniers mortels sur terre. Un élu choisi par un seigneur en qui j’avais toute confiance. Lui croyait en la rédemption de l’âme humaine. Mais en tant que Verseau, il savait également que son rôle serait d’être celui qui devrait agir en dernier recours si le désespoir venait à gagner le cœur de sa déesse. Athéna craignait-elle donc l’échec ? Cette probabilité m’avait perturbé dans mes certitudes. Moi qui pensait la déesse aux yeux pers idéaliste, incapable de se confronter à la noirceur du doute, j’entrevoyais sa sagesse sous un angle plus concret. Le onzième signe du Zodiaque était donc la symbolique de cet esprit pragmatique. Le signe du désespoir.
Et j’avais fini par percer les défenses de mon adversaire. Je le croyais défait, mais dans son agonie, le chevalier d’or du Verseau trouva en lui assez de ressources pour m’emporter dans sa chute. Le froid de son cosmos aurait pu geler la terre entière. Il se contenta de moi.
Combien de temps suis-je resté endormi dans ce cercueil de glace ?
Moi, le jouet des dieux, le marionnettiste des hommes, mon châtiment était-il de contempler en toute impuissance la course du temps ?

Peu de personnes le savent, mais ce fut la peur qui causa, à l’orée de mon adolescence, l’éveil du vice en mon for intérieur. Une trop grande sagacité sur les vérités de ce monde corrompu et souillé. La mort me terrifie depuis toujours. Le sentiment de n’être qu’un parmi tant de copies similaires. De n’être qu’un pantin entre les mains de ces dieux maudits et veules. J’avais alors fomenté le souhait de devenir l’un d’eux. De m’éveiller au rang d’immortel pour ne plus craindre de me fondre dans l’oubli. De marquer de mon empreinte l’humanité insipide et creuse. En m’emprisonnant dans ce linceul, mon adversaire pensait-il me faire subir la plus ironique des leçons ?
Non. Je m’y refuse.
Mon rêve n’est pas encore accompli. L’immortalité qui me tend les bras n’est pas ce supplice. Mon cosmos s’éveille, hurle, s’insurge. Je sais, je sens que mon rôle est encore loin d’être terminé. Je perçois alors une énergie d’une pureté inouïe m’envelopper pour m’aider dans mes efforts effrénés. Comme une main secourable et maternelle. Celui d’un guide, d’une amie, d’une femme, d’une âme si belle qu’elle me pousse à accepter une offre silencieuse. Sans l’ombre, la lumière ne serait rien. Lorsque mes yeux s’ouvrent de nouveau, je comprends enfin.
Verseau…
Le dernier gardien. Celui qui annonce le changement. Celui pour qui le temps n’a plus d’emprise. Celui par qui le monde, les hommes, les dieux se figent dans une glace éternelle avant le début d’une nouvelle ère. L’ultime maillon d’une chaine d’or tenue par une déesse trop humaine et bienveillante. Celui qui figera le monde plutôt que de le voir détruit.
C’est donc à ton tour d’avoir besoin de moi, Déesse aux yeux pers ? Où est-ce l’inverse ? Qu’importe. Je suis le doute qui fait de toi une sage, et non une idéaliste. Si un jour, l’espoir qui t’anime s’éteint avec la flamme de vie de tes chevaliers si flamboyants, je serais là, à tes côtés, en derniers recours.
Autour de mon corps préservé, la glace cède soudain sous les coups de boutoir de mon cosmos ravivé. Et mon rire cruel résonne sur les plaines de Sibérie, en écho au blizzard mortel.
Nous entrons enfin dans l’ère du Verseau, belle déesse. Que ton regard divin embrasse le soleil et les hommes ! Ton ombre garde désormais tes arrières…

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