Qui de nous deux ? [ PV Aratos]

Cette courte période durant laquelle le Spectre a reporté son retour dans le monde des Morts n’a pas été une perte de temps. Plutôt, pas totalement. Une récolte somme toute fructueuse ; plus qu’elle paraissait l’être au départ, tout du moins. Si bien que, pour son grand plaisir, elle savoure la voix de Meph qui rouscaille. Celui qui la sollicitait si fort pour retourner dans le royaume au plus vite ne peut, désormais, plus autant l’ouvrir. Nonobstant l’utilité de sa manœuvre, il ne tardera sans doute pas à revenir à la charge. Pour l’instant, c’est la satisfaction qui orne ses lèvres, ses paupières, jusqu’à ce qu’elle se souvienne : certains manquent encore à son appel.

Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir. Sa brève frustration s’envole aussitôt, à la simple lecture de ces quelques mots. Fût un temps, Cinara peinait à les traduire ; ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Ô mon cher Hadès, si tu savais… C’est même plutôt l’inverse ! Et, sans attendre plus longtemps, Cinara disparaît entre les dalles qui tapissent l’entrée. Devant elle, c’est ce maudit passeur qui, finalement, tourne le dos aux berges de l’Achéron. De son regard roublard à ses lippes mutines et décharnées, Cinara ne se fait pas d’idées.

— Dis donc, vieux roublard, t’as la mémoire courte on dirait ! N’essaie même pas ; mille ou deux mille ans, c’est trois fois rien pour toi.

Sauf s’il souhaite que ses vieux os rejoignent celles de ses victimes au fond de la rivière. Ou peut-être est-ce trois ? Cinara prend un instant pour y réfléchir. Et, pourtant, c’est avec un certain humour que l’ancienne Générale aborde le sujet de l’arnaque. Autant prendre le double auprès de l’âme ou du spectre suivant ; disons plutôt une petite augmentation temporaire, ni vu, ni connu.

— Eh bien. Dans ce cas, parions !

@Aratos
Boom !

“Hola, malheureux, ne me laisse pas sur le bord !”

Le regard vide de Charon se dirigea vers la rive, sans s’arrêter sur sa première passagère. Il ne connaissait cette voix que trop bien. Il était de retour, et ce n’était pas pour lui faire plaisir.

“M’enfin pauvre diable, ne fais pas attendre un potentiel client !” Continua le jeune homme, secouant le bras comme un détraqué, pour être bien sur que le passeur avait pris en compte sa demande. C’était le cas, c’était simplement qu’il n’en avait pas vraiment envie. Aratos parlait trop. Et il avait la fâcheuse manie de traverser les rivières trop souvent. Ramenant la barque vers le ponton à moitié moisi, Charon s’arrêta à un bon mètre de ce dernier. Le Balrog prit un peu d’élan et … manqua de se rater. Le quai était glissant et ses solerets pas en très bon état.

“Mazette.” s’esclaffa-t-il en posant les pieds dans la chaloupe. Il s’était rattrapé au dernier moment aux épaules du passeur qui le dégagea en pestant. Aratos ricana, en s’asseyant. C’était peut être puéril, mais cela réchauffait un peu son cœur. Car il n’était pas de la meilleure des humeurs, c’était un fait.

Cela faisait longtemps qu’il évitait l’air vicié des enfers, et s’il y avait remis les pieds ce n’était guère par choix. On lui avait fait comprendre qu’il était grand temps de justifier son salaire. La première étape avait été de se retrouver sans surplis “d’usage”. Alessio lui avait fait don, temporairement, de son surplis du Djinn, et quand ce dernier était reparti sous terre, l’ancien Chevalier du Poisson Austral avait compris qu’il était temps de plier les gaules. La deuxième avait été, lors de son voyage de retour, de se retrouver, au coin d’une ruelle, nez à nez avec le Balrog. Rien que ça. Sans prendre donc même la peine de se changer, il avait détourné sa route vers le Plutonium.

Le fait est qu’il n’avait pas spécialement fait attention à l’autre personne assise désormais face à lui. “Oh. Milles excuses, je pensais être seul avec l’autre lourdaud.” Lança-t-il en faisant disparaître son masque littéralement, laissant l’air moite et chaud caresser son visage. Il plissa les yeux et essaya de se souvenir. “Madame, je parierai que nous nous sommes déjà croisés, me trompes-je ?”