A single thorn in the meadow. [PV Aratos]

→ Sons of Anarchy

La porte du palais d’Alessio semblait mue d’une volonté propre alors que celle-ci s’ouvra d’elle-même laissant s’engouffrer le vent des pleines d’Antenora dans le hall. Adonis porta un dernier regard intrigué sur l’hôte de maison et son invité de marque avant de quitter la demeure et s’enfoncer dans la nuit éternelle des Enfers. Ces derniers événements étaient pour le moins intriguant. En effet, en l’espace de quelques minutes seulement, il avait réussi à se faire un ennemi  -pauvre de lui, et à rencontrer une divinité des plus spéciales sans pouvoir ne lui esquisser un mot. La situation semblait très frustrante pour un homme aussi sanguin que le Renégat mais il ne se savait pas seul. Bientôt,  Aratos le rejoindrait. Les deux Spectres n’avaient pas terminé leur conversation. Adonis sortit alors une rose écarlate et à chacun de ses pas, il laissait derrière lui une de ses pétales, seules éléments visible dans les teintes mornes des Enfers. Au moins, le  Balrog saurait où le trouver.

À mesure que les Sombres Poissons avançaient, celui-ci s’étonnait de moins en moins du choix d’Alessio de vivre en ces lieux. Ils étaient si reculés et escarpés entre divers mont que l’émérite seul pouvait retrouver sa route… ou celui qui égrainait sa course. De plus, le notos se faisait violent et son souffle ressemblait plus aux lamentations et aux cris douloureux des mille et unes âmes qui arpentaient le Royaume d’Hadès. La poussière même du sol était étouffée par le vent et se dispersait ça et là donnant cette impression si insupportable de suffocation au moindre coup au visage. C’est pourquoi Adonis s’était dépêché d’enfiler son casque d’obsidienne ombrageant ses prunelles et les rendant son regard presque invisible sous les mèches blondes rabattues sur son front. Il avait réellement l’air d’un macchabée dont seules les lèvres pouvaient témoigner d’une pointe de vie. Ironie du sort, vivant, il ne l’était pas. Il était bien un macchabée du moins en réalité étant donné que ce corps dans lequel son âme tenait était le fruit des fantasmes d’Hadès, sûrement.

Au milieu d’une plaine ou zéphyrs contraires se faisaient face, il laissa tomber sa dernière pétale semblable à une trainée sanguine jusqu’au Spectre des Fleurs.  Les monts noirs entouraient la terre aride et en son centre, le Chevalier Déchu se tenait là. Il monta alors sa main au niveau de son visage, tenant la tige, seule rescapée avant de la laisser devenir poussière afin qu’elle s’envole au milieu des autres particules sableuses dans l’air.

Durant tout le trajet, ses pensées ne firent que se focaliser sur le pourquoi de cette rencontre entre le Porteur de Lumière et le  Griffon. Non pas curieux, Adonis n’aimait pas se savoir en dehors de la confidence et ainsi, une rencontre entre un Ange Déchu et l’être le plus fourbe du Royaume d’En-bas l’appatait fortement. Peut être qu’Aratos en savait plus. Peut-être pas d’ailleurs, il semblait tout aussi étonné que lui de voir arrivé Lucifer et pourtant, il le connaissait déjà, signe qu’une rencontre avait déjà été opérée avant. Etait-ce une tradition à cette époque de croiser un dieu  au marché du village ?

Le Guerrier Mystérieux poussa alors un long soupir avant de penser à voix haute :

Qu’est-ce qui m’a pris de revenir…

Il ne l’attendait plus. Non pas que son invité ait tardé d’une quelconque façon, juste qu’Adonis était tellement resté enclavé dans ses pensés qu’i en avait oublié la raison de sa présence ici. Les Sombres Poissons furent tout aussi surpris de l’apparence qu’avait prise Aratos. S’il ne l’avait vu que quelques secondes en tant qu’humain, c’était étrangement cette apparence qui avait marqué l’œil d’Adonis au point de ne se l’imaginer que de cette façon. Ainsi, lorsque quelques mètres plus loin, la silhouette démoniaque à cornes apparue, elle effraya quelque peu Adonis. Au fond, pourquoi cette étoile avait-elle choisie Aratos ? Qu’avait-il de si charismatique, que possédait-il d’excellent pour que son astre en fasse son élu ? Des questions qui allaient peut être bientôt trouver réponse.

Le Balrog ne le voyait sûrement pas à cause du casque des Pisces qui ombrageait son regard marin mais ses pupilles ne faisaient que monter et descendre sur lui, le scrutant plus que de raison. Avec ses ailes déployées, son casque et surtout son masque inexpressif, le traître inspirait presque à autant de respect qu’un des Juges des Enfers.

Ce serait quelque peu ironique, n’est-ce pas ? il marqua une courte un large sourire sur ses lèvres pulpeuses, pour quelqu’un comme moi qui n’a su qu’apporter la mort, d’aimer la vie.

Il s’approcha alors vers Aratos dans une démarche gracieuse et élancée. Adonis était définitivement androgyne et par moment, seul son timbre de voix permettait de se rendre compte qu’on avait affaire à un homme même si peu le connaissait finalement. Après tout, les rares fois où il avait quitté sa Maison, dans un autre temps, c’était lors de la Guerre Sainte qui les avait opposés aux Spectres et lors de quelques missions qu’il avait pu effectuer. Amusant de sa voir qu’il avait pris l’habit noir lui qui avait vécu dans le faste du manteau d’or.

Je ne m’en plains pas cela dit. Je suis né avec un don, celui de tuer. Pourquoi le refuser. Cependant, pour toi Aratos, c’est différent. Je ne pense pas que tu sois quelqu’un qui prend plaisir à combattre et de toute évidence, tu n’es pas attaché à une cause alors… pourquoi venir ici, dans ce lieu craint autant des morts que des vivants ?

Cette question lui brûlait les lèvres depuis qu’il l’avait vu arriver dans son nouveau surplis à Anténora et, bien que burlesque, Aratos était un homme énigmatique qui avait une façon de parler et une philosophie qui l’était tout autant. Même le mystérieux Alessio est plus facilement cernable de prime abord. Et puis, le Renégat n’avait toujours pas oublié l’étrange sensation qu’il avait pu ressentir lors de leur première rencontre. Le destin avait fait croiser ces deux hommes, leur fortune était similaire, tout deux au service d’une cause lumineuse avait décidé de rejoindre les ténèbres mais leur raison était diamétralement opposée et c’est ça qu’Adonis voulait découvrir. Le comment, il n’en avait cure. Il voulait savoir pourquoi.

Tu sais, je suis un homme nostalgique. Je ne me plaindrai pas de mon temps passé au Sanctuaire, cela date d’il y a bien trop longtemps pour commencer une quête vengeresse. Mais pour toi… ça m’intrigue d’autant plus.

Contrairement au Balrog, le Spectre des Fleurs n’avait pas la même présence d’esprit quant à savoir s’il fallait se mêler des histoires d’autrui ou non.

Tu m’as l’air d’être tellement plus qu’un paradoxe… Tu es une véritable énigme.

En effet, à mesure qu’Adonis scrutait cet humain à l’apparence démoniaque, il ne pouvait s’empêcher d’y voir autre chose. Autre chose qu’un humain, autre chose qu’un Saint, autre chose qu’un Spectre. Aratos lui assurait qu’il était sûr que les Enfers étaient sa place et il n’avait pas tort. Après tout, les Poissons Noirs n’allaient pas jouer les psychologues d’orientation, il était bien mal placé pour parler.

La suite fit bien plus sourire Adonis. Elle lui fit même laisser s’échapper un petit rire étouffer sous sa main.

Pas un traître ? Aratos, tu n’essayes tout de même pas de te donner bonne conscience, il marqua une pause afin de décaler une de ses mèches blondes ramenées devant ses yeux à cause de son casque et put alors transpercer du regard le Balrog. Nous sommes ce qu’ils voient. Est-ce que cela veut dire que nous sommes des renégats ? Probablement puisque nous en avons le visage mais après tout, pour en être il ne faut avoir cure de porter ce titre. Mais je comprends ton point de vue, j’imagine.

Bien qu’Aratos n’ait pas répondu à la question initiale du Pisces, celle-ci fut satisfaisante. Après tout, elle avait permis à Adonis d’éclaircir un point auquel il n’avait très peu pensé depuis son retour parmi les « vivants ». Aussi évident cela puisse paraître, il avait oublié qu’il était un félon, un traître à sa cause, un renégat, un Spectre. Avait-il fait une bonne affaire en échangeant le manteau d’or pour l’habit noir ? Il le saurait avec le temps et pour l’instant, il n’avait pas rencontré les inconvénients que son titre déshonorifique lui offrait. Tant mieux.

Je ne sais pas si j’y étais à ma place, au Sanctuaire. J’ai toujours été élevé dans l’optique de servir les dieux. Athéna en est une alors je l’ai servie. Trop bien peut être.

Le ton plutôt neutre et fluet d’Aratos n’étonnait pas Adonis. Depuis leur rencontre, il avait été ainsi et malgré le masque de marbre que le Balrog portait, le Prince des Roses ne pouvait s’empêcher de l’imaginer tout candide en dessous et pourtant, son faciès imaginaire changea du tout au tout quand il sembla aborder un sujet qui lui tenait à cœur. La peau marmoréenne d’Adonis se fronça devant fade agressivité.

Non, jamais je n’irai à l’encontre de ma nature, je te suis volontiers à ce sujet, comme par provocation, un fin sourire vint se dessiner sur les lèvres rosées de l’androgyne, cependant, cette nature, c’est moi qui l’ait créée. Je l’ai faite poussée, je m’en suis occupée jusqu’à ce qu’elle puisse fleurir. Elle ne vient pas d’une quelconque… destinée.

Quelques volutes venteuses vinrent frôler les deux nouveaux Spectres avant de s’écraser contre les parois rocailleuses comme un avertissement. Il est vrai que les deux hommes étaient sur les terres du Griffon et à ce titre, tempêtes et ombres se mêlaient à merveille dans une valse sans fin. De là où ils étaient, ils ne pouvaient déjà plus voir le palais d’Anténora à cause des quelques monts sombres qui le cachaient mais…

Et toi Aratos… Alessio était-il ta destinée ?