Le wendigo contre l'autel

« Je ne pourrai dire si c'est de la motivation ou de l'instinct, primaire et violent. » L'Autel marche sur le côté, restant sur ses gardes, en observant le spectacle pathétique. Qui sera le plus dangereux ? La Cuirasse ou le Porteur ? Un léger frisson caresse sa nuque. Les Cuirasses sont de vieilles entités. Puissantes représentations de certaines peurs, terreurs et folies du monde. Le principe même de leur existence pourrait être basé sur la foi en ces émotions et folies – cela n'est qu'une théorie, sans véritables preuves à l'appuie. Dans cette idée, la Cuirasse serait l'être le plus dangereux – mais sa puissance serait alors lié aux différents désirs qui composent cette pauvre âme.
Enfin. Ce n'est guère comme s'il avait le temps de vérifier – surtout que la présence de la Banshee de l'autre côté de la barrière, qui semblait quant à elle parfaitement autonome, poussait à croire l'inverse. Il faudrait comprendre l'origine des Cuirasses, pour comprendre l'actuel phénomène.

Tournant un pied sur le sol, le Troyen garde une posture défensive, alors que le spectacle se transforme en une charge. Violente. Précise. Le sang cristallisé vient former les crocs d'une terrible bête. Elle approche. Furieusement. Alors. Simplement, le Saint de l'Autel se dirige vers cette charge. Il compte. Un. Deux. Trois pas. Il sent la charge percuter son corps. Une morsure. Contre armure. Mais à cet instant, alors qu'il profite de l'élan de son adversaire, son corps est arraché à lui. Blessé, en partie. Mais pas suffisamment pour le faire tomber. Il réapparaît, dans le même mouvement un peu plus loin, ses pieds glissant un instant sur le sol, derrière l'adversaire. La faille se fermant dans le même rythme, le Troyen observe l'homme.



Il observe. Mais n'a pas oublié de préparer quelque chose. Quelques mouvements de ses doigts semblent laisser paraître un air froid. Une sensation d'absence, qui se manifeste brutalement, à l'intérieur de l'adversaire. Comme si on l'avait séparé de quelque chose. Un potentiel qui lui appartenait. Et qui maintenant n'est plus.



L'Autel ne dit rien. Avance d'un pas. Puis se dirige droit vers lui. Sur la gauche, il saute … Avant de disparaître, pour arriver dans son dos. Proche. Un premier coup. Avant de disparaître à nouveau, pour revenir plus loin. Une main tendue. Le sol tremblant alors que, par action de la gravité, de nouvelles frappes résonnant dans la chair. Invisibles cette fois. Mais sensible pour qui ne serait-ce que ressentir le cosmos.

« Faim. C'est ça hein. Tu as faim. » La voix résonne. Neutre. Et pourtant, dans un aspect, presque déformée. Oui. Autant en profiter. Alors que son cosmos vibre légèrement, dans l'air, dans le sol. Dans sa voix. « Alors pourquoi ne pas simplement regarder à tes pieds ? Observe bien. Il y a quelque chose de plus proche, que tu peux dévorer. Plus proche de toi que moi. Plus proche. Bien plus proche. » La voix, toujours présente, semble résonner au rythme d'étranges mouvements de lumière dans l’œil viable du Troyen. Des mouvements, portés par des chants inconnus, lointains. Qui se concentrent sur l'ombre. Pour qu'elle ne devienne plus que cela. Un véritable reflet de lui-même. Qui l'invite au pire crime.
Et Damian marche. Un peu. Sur le côté. L'Autel reste sur ses gardes, ne voulant pas être pris par surprise. « Ton bras. Il est de la viande. Ton sang … Tu peux le boire. Ne l'as-tu jamais fait, lorsque tu étais enfant ? Lorsque tu as découvert le goût qu'avait ta première victime, lorsque tu pataugeais dans sa propre carcasse … Quel goût cela peut-il avoir … D'offrir à son estomac la viande la plus … proche de lui ? Ou peut-être est-ce l'Autre qui va te dévorer. Pourquoi pas après tout … ? Elle semble partager le même appétit … » Les Étoiles parlent. En une forme chant, qui accompagne ces mots. Un chant céleste. Dévore. Dévore. Profondément. Ta propre chair. Ton propre sang. Fait le.



Ses doigts bougent légèrement. Si cela fonctionne, cela pourrait lui offrir une quelconque ouverture.
Profiter de cette folie passagère était là la solution la plus efficace à l'heure actuelle. Appuyer sur cette tumeur, pour y lâcher toute sa fureur.
S'il veut tant dévorer ... Qu'il se dévore lui-même. Qu'il connaisse son propre goût. La suite … Eh bien … Peut-être que cela ne dépendait que de quelques coups de morsure.

Tapotant le sol du pied, l'Autel réaffirme sa prise sur celui-ci, tout en écoutant les différentes paroles de son adversaire. « Je vais prendre cela pour un compliment. Sans doute est-ce comme le vin. » Il se bonifie en vieillissant et en attendant dans les caves sombres de leurs propriétaires. Hadès serait donc fier d'apprendre que ses caves – les Prisons Infernales – forment de bonnes caves.
Par cet échange, tout de même, quelque chose – une reprise de conscience de l'adversaire. Bien qu'il semble encore clairement instable. Peut-être est-ce finalement son attitude habituelle, un naturel violent, basé sur la Faim. En soi … cela serait-il réellement surprenant. En tant que Dieu du Carnage, Arès réuni des Monstres. Des Humains – et parfois des Non-Humains – prêts à tout. Pour leur Dieu – et parfois, seulement pour eux.

Haussant légèrement les épaules. « Il fallait bien vous inviter à tenter cette expérience. » Une lueur dans le regard du Saint, alors qu'il sent la tension du combat revenir. Avançant rapidement, l'adversaire porte des coups, que Damian ne prend ni la peine d'esquiver ou de parer. Essuyant du dos de la main la légère trace de sang apparue à la commissure de ses lèvres, son regard se dresse vers le Berserker – dont il ne connaît lui-même aucunement le nom –, l'écoutant alors qu'il envoie sa nouvelle attaque : cette arme cristallisée.

Frappé par ce tomahawk de sang cristallisé, Damian recule d'un pas. Avant d'attraper l'arme enfoncée dans son corps. La brisant par une simple impulsion de cosmos. « Trahison ou simple rupture d'un pacte qui ne profitait qu'à un partie ? » Un petit sourire se pose sur ses lèvres. « À vouloir travailler aux côtés de Cuirasse qui ont leur propre instinct, j'imagine qu'il fallait se préparer … » Son corps bouge légèrement sur le côté … avant de partir dans sa direction. « À ce que ce genre de choses se produisent. » Sa voix est calme. Il ne perd guère son sang-froid pendant un combat – même quand ce même sang est bu par des lèvres ennemies. Arrivant à proximité, un nouvel enchaînement de coups et de mouvements. Puis … Un mouvement invisible, dans l'air. Alors que le Troyen retrouve une certaine distance avec son adversaire. « Quand à mon nom. Eh bien, vous ne comptez pas nommer votre recette de toute façon ? »

Un mouvement invisible, donc. Qui danse autour de son adversaire. Plus qu'une menace mouvante, cela ressemble plus à une réduction, lente, de son environnement.
Le doigt de Damian passe contre une forme, invisible. Et alors que ce mouvement se réalise, des chaînes apparaissent autour de l'adversaire. Certaines sortant du sol, d'autres rampant directement entre lui et l'Autel. Quelques mouvements ophidiens à travers ces maillons, blafards, froids. Mais aussi … Une certaine étrangeté à voir que ces chaînes, qu'importe leur localisation, finissent toutes par se rejoindre au même endroit. Elles glissent, depuis le dos du Saint, jusqu'à lui.

Et elles se mettent alors rapidement en chasse. Pour attraper le corps. Les bras. Les jambes. La gorge. Tendant légèrement sa main, pour ajouter d'autres entraves. S'accrocher. Pas seulement en tenant. Mais en s'enfonçant, parfois, sous la chair. Broyer et trancher. Percer et briser.

Face à une bête enragée, il n'y a qu'un seul remède.
La laisse. Avant l'injection.