[Terminée] Aedan - Le Monde

AEDAN Ruith

« Divinité à laquelle vous prêtez allégeance : Poséidon »

VOTRE HISTOIRE

Cette pièce, il me semble que je la connais par coeur tant je l’ai vu et mon regard en parcours les aspérités et les détails sans mot dire. Cette sombre pièce est celle de ses peurs les plus refoulées, celles qui, la nuit tombée, viennent de nouveau la hanter. Les pierres noires projettent sur les murs des ombres menaçantes et le silence se fait écho inquiétant à mes pas invisibles. Pourtant, comme toujours, je perçois au loin la mélopée des embruns, comme une réminiscence lointaine que son sang, à présent révélé, a permit de faire renaître. Bientôt, il prendra en force et dès lors, elle n’aura plus besoin de moi pour y faire face. Bientôt.

Mes prunelles ambrées viennent détailler celle qui occupe toutes mes pensées. Celle pour laquelle je me tiens debout cette nuit dans ces sombres lieux. La silhouette d’une femme assise à même le sol, prisonnière d’une geôle de souvenirs et de peurs oubliées, disparues et pourtant toujours présentes. Si présentes… Elle paraît si pâle et pourtant, si belle. Elle dégage une aura… ensorcelante. Une peau pâle, de longs cheveux de fil d’or, qui pourtant se font indomptables, ondulant jusqu’au creux de ses reins telle une mer agitée. Son corps m’est familier, j’en connais chaques courbes, chaques cicatrices et prends toujours autant de plaisir à la détailler. Un sourire glisse sur mes lippes à cette pensée alors que je finis par m’approcher d’elle d’un pas tranquille. Je viens me poser à ses côtés, frôlant de mon bras, le sien, nu. Je la sens se tendre à mes côtés avant qu’elle ne se laisse un peu aller. Cela ne fait qu’élargir mon sourire alors que je la sais pourtant en colère contre moi. « Tu les entends ? » Je n’ai pas besoin de lui demander de quoi elle me parle. « Oui. Je les entends aussi. »

Des murmures. Des voix indistinctes, comme autant de sonorité du passée, oubliées, distordues. Inquiétantes. Elles sont une réponse à ses questions. Elles sont la raison de sa prison. Elles sont le début et la fin. Elles sont tout, mais aussi rien. Juste des échos lointains. Un moment, seules nos respirations se mêlent à ses réminiscences évanescentes. Et puis je la sens bouger, se redresser et la morsure d’un coup vient atteindre ma machoire. Bien vite, deux mains viennent attraper mon manteau immaculé pour m’obliger à faire face à la colère de ma chère et tendre qui m'assène un regard sans équivoque. Elle est furieuse et je dois dire que je n’en suis pas spécialement étonné.

« Maintenant Aedan Ruith, tu vas m’expliquer la raison pour laquelle tu as fait ce marché avec le Seigneur Poséidon ! A quel moment tu as pensé que te mettre au service d’une divinité à laquelle tu n’as aucune allégeance était une bonne idée ?!» J'écoute sans un mot sa fureur alors qu'elle reprend, un rien plus affolée, plus désemparée aussi par ce qui semble être ma folie. « Je t’ai dis de partir ! Je t’ai dis de fuir ! Pourquoi tu ne m’as pas écouté ? Pourquoi tu n’en as fait qu’à ta tête ?! Tu ne sais pas ! Tu ne sais pas ce qui t’attend ici ! Tu ignores tout de ce qu’est cette prison ! » Dans ses grands yeux furieux, je perçois l’éclat de la peur mais la laisse déverser ses mots telle une tempête se devant de déverser sa pluie. Dans cet état, je ne peux de toute façon pas la contrer.

Sa voix se fait moins chargée de vindicte, se fait également plus faible par la suite. « Et puis tu as pensé à elle ? Tu as pensé à ce qu’elle allait vivre ici ? Tu ne sais rien… Tu ne sais rien de ma famille, de ce qu’ils peuvent faire...» Un instant, elle baisse les yeux et je sens ses poings trembler. Sa famille… Celle qu’elle a fuie depuis ce qui semble être toujours. Depuis qu’elle est parvenue à se soustraire de leur emprise... Cela me peine de la voir ainsi, l’esprit tant brisé par des chaînes invisibles. Ma belle redresse vivement la tête, reprenant d’un ton plus pressant, presque chuchotant. « Tu n’es pas fait pour cette vie Aedan ! Ce n’est pas ta place ici ! Tu… Tu es libre… Toi tu es libre, tu l’as toujours été, c’est ce que tu es… Si tu restes ici… Tu… » La tempête se tarit pour ne laisser à sa fin que la lumière de la peur et du chagrin. « Je ne supporterais pas de vous voir dépérir ici… » Un murmure alors que sa prise sur mon vêtement se fait plus lâche à ces mots.

Comme il est difficile de voir la douleur de la femme que l’on aime, pourtant ses mots me touchent. Elle craint pour moi avant de craindre pour elle, préférant se sacrifier plutôt que de me laisser l'accompagner. Touchant, mais stupide me connaissant. Lentement, mes bras viennent l’enlacer et sans la brusquer, comme un animal apeuré, je la fais venir contre moi. Elle se fait un instant réticente, la colère se disputant à la peur, avant de se laisser aller, sans avoir omis de me frapper le torse de son poing encore une fois ou deux. « Je t’en veux idiot. Je t’en veux… Tu aurais dû partir quand je te l’ai dis. Vous auriez dû partir au lieu de me suivre. Tu as été inconscient...» Sa voix est fâchée mais néanmoins bien moins que précédemment. Et je peux la comprendre, après tout, j’ai aussi risqué nos vies. La mienne, mais aussi de celle qui nous est si précieuse. Pour autant, je ne regrette à aucun moment mon choix.

« L’amour rend inconscient ma chère Morgane ! » Une réponse tout en envolée lyrique qui ne lui plait pas vraiment. Elle me frappe de nouveau, mais son coup est plus faible contre mon torse. « Idiot. » grommelle t-elle comme seule réponse, ce qui a le don de me faire rire. Je la trouve adorable quand elle grommelle ainsi, ce qui ne lui plaît pas davantage et m’amuse d’autant plus.

Je reprends cependant plus sérieusement après ma brève hilarité, glissant mes doigts dans ses cheveux. Ma voix se fait douce en réponse, sans jugement aucun. « Je ne pouvais pas t’abandonner et te laisser seule. Et puis je sais très bien ce que tu comptais faire une fois arrivée ici et je ne peux le cautionner. Je ne veux pas que cela soit le choix qui s’impose à toi. Jamais. La vie est trop précieuse pour y mettre un terme ainsi. » Ma voix a perdu en octave à la fin de ma phrase et je revois devant mes prunelles dorées, ceux que j’ai perdu tout au long de ma vie. Tant de visage que j’ai essayé au mieux de conserver dans mes souvenirs. « Comment crois tu que j’aurai vécu en connaissant ton choix ? Tu penses que j’aurai pu continuer sans y penser, faire comme si de rien n’était et t’oublier ? Et comment Lys l’aurait vécue, elle ? » Elle ne répond pas, demeure seulement contre moi, sans me frapper cette fois. Le silence se prolonge jusqu’à ce que sa voix reprenne.

« Tu n’aimes pas la guerre…» Mes doigts jouent avec une mèche de ses cheveux alors que mes souvenirs se plaisent à resurgir. Les souvenirs de la guerre. Le souvenir des guerres que j’ai vécu bien malgré moi, auxquelles j’ai participé, assisté, impuissant. Elle a raison, même si la guerre est annonciatrice de changement, je n’aime aucune de ses répercussions. J’étais encore un enfant quand j’ai vécu la première, et elle avait été si cruelle et moi, si naïf. Il ne reste plus rien de cette époque si ce n'est des cendres et des cicatrices. « Je sais. » C‘est un fait, je ne peux la contredire. « Et ce sera ton rôle de guerroyer au nom du Seigneur Poséidon. » Cette fois, je peux la contredire, en partie du moins. « Mon rôle sera avant tout de protéger la cité. » Elle redresse la tête vers moi, fronçant les sourcils. « Si la guerre vient jusqu’ici, cela reviendra au même tu sais. » Je réfléchis un instant en levant les yeux au ciel avant de trouver quoi lui répondre. « Disons que je préfère défendre plutôt qu’attaquer. »

Elle ne semble pas foncièrement convaincu par ma cabriole, néanmoins elle finit par soupirer, vaincue par cette dernière, avant de se redresser pour me faire face. Ma belle m’observe sans mot dire, ses prunelles rubis posées sur moi. Mon visage s’incline un rien sur le côté, l’interrogeant muettement avant que sa main ne s’élève pour se poser sur ma joue. C’est de la peur que je vois briller dans ses yeux. De la peur et autre chose.

« Tu es sûr de toi ? » souffle t-elle avec hésitation. Ma main vient rejoindre la sienne, mon sourire se faisant plus prégnant, alors que je viens lier mes doigts aux siens. « La roue tourne mon Amour. Elle tourne depuis toujours et mon choix est fait depuis longtemps. » Ses prunelles s'éteignent en silence, un sourire venant glisser sur ses lippes rosées. Résigné. Je ne la laisserai seule face à ses démons. Je dois encore la guider sur bien des chemins escarpés avant qu'elle ne puisse se révéler.

Mes paupières s'éteignent un instant avant que mes prunelles ne viennent de nouveau embraser sa geôle. « Je pense qu’il est grand temps de changer de décor.» A mes mots, les pierres sombres paraissent s’envoler comme autant de sombres papillons. Dans un nuage d’ailes anthracites, la prison disparait pour ne laisser derrière elle qu’un paysage bien plus doux.

Une brume mystérieuse dissimule en partie une étendue d’eau mirifique. Magique. Quelques arbres agrémentent ce paysage enchanteur, bien loin de cette bâtisse dans laquelle elle s’est bien trop longtemps perdue, reclue. Ici, c’est un autre paysage qui vit dans son coeur. Un paysage bien plus mystérieux dont elle a oublié le sens, mais qui apaise son coeur de ses tourments. Et puisque j’ai le pouvoir de m’inviter dans les rêves, j’ai aussi le pouvoir de le transformer à loisir.

Elle se lève et nos mains liées, m’invite à faire de même. La toisant de toute ma hauteur, je dépose un baiser sur son front. Elle me parait si frêle ainsi, pourtant, je ne suis pas sans savoir quelle force se dissimule derrière ses atours.

« Il te sera plus aisé de dormir à présent.» Elle me sourit en réponse avant de reprendre. « Je dormirai mieux si tu étais vraiment à mes côtés.» Je ne peux empêcher un rire léger de s'échapper de mes lèvres. « Je te manque déjà ? Je suis flattée ! » De nouveau, elle vient frapper mon torse sans néanmoins y mettre tant de force, un peu gênée par ma moquerie. « Ne te moques pas ! Je m'inquiète seulement pour toi. » Je lui souris en réponse, un rien attendris par son comportement.

Où est passé cette femme si méfiante qui souhaitait voyager seule, fuir, dans un monde si vaste poursuivie par des ombres menaçantes ? Il me semble encore que c'était hier qu'elle m'assenait avec dédain qu'elle n'avait besoin de personne pour survivre, qu’elle était assez forte pour se débrouiller seule et suffisamment intelligente pour déjouer les pièges. Si fière et indomptable, malgré les tourments de son coeur. Cela ne m’avait pas empêché de l’accompagner pourtant, et cela lui avait tant déplu ! Mais le Merle aimait guider et cette âme là, l’avait attiré. Et finalement, les jours s’étaient fait années, et le Merle avait succombé à celle qu’il désirait tant guider. Et cette si fière Nymphe des eaux s’était finalement unie à l’humble druide que je suis. Moi même, je n’y aurai cru…

Je reprends d'une voix tranquille qui se fait rassurante. « Je vais bien. Je ne pourrais venir ici sinon, alors tu n'as rien à craindre pour moi. Et puis Il serait stupide de la part de ton souverain de se débarrasser si vite d'un de ses tout nouveau guerrier.» Sur son visage vient s'afficher une moue un rien troublé à mes mots. « Il est le tient également aujourd'hui. » Je ferme les yeux un instant avant d'acquiescer d'une certaine manière. « Il est vrai.» Mais pourrais-je jamais le considérer ainsi ? Un instant le visage de mon oncle s'invite dans mon esprit. Que pensera t-il de ma décision, lui qui hait tant l'empereur des flots ? Mon sourire se fait un rien plus terne, mon regard se baissant. Il m'en voudra, assurément néanmoins je n'ai pas de regret pour autant. Ce choix est, malgré les paroles de mon épouse, parfaitement réfléchi. Mon père ne m’avait il pas signifié à demi-mot que des choix difficiles seraient à venir si je m’unissais à elle ? Les mots de mon parent ne sont jamais énoncés sans raison.

La roue tourne. Toujours.

Doucement, je viens déposer un baiser sur ses lèvres avant de reprendre afin de terminer de la rassurer. « Demain, je viendrais vous retrouver. Ta famille ne pourra s’opposer longtemps à l’ordre de leur Souverain, et je ne leur laissera pas le temps ne serait ce que d’y penser. » Je suis d’une nature amène, néanmoins, je sais également faire preuve de persuasion lorsqu’il le faut. Et il n’était pas question qu’ils gardent ma famille prisonnière de leur maison. Elle acquiesce, ses doigts se crispant pourtant sur les miens à mes mots. Mes paupières s’éteignent un instant avant que je ne l'entraîne vers l’un des arbres bordant l’étendu d’eau de ses rêves. Un lieu empli d'une magie ancienne et oubliée. Même si ce n'est qu'un rêve j'en ressens l'héritage. Relâchant ses doigts, je viens m’asseoir contre ce large tronc, l’invitant à me rejoindre en lui tendant ma main.

« Puisque je ne peux être réellement à tes côtés, alors je passerai la nuit avec toi ici.» Elle ferme les yeux, laisse échapper un soupir avant de poser sa main sur la mienne, telle une noble dame acceptant la main de son chevalier, et vient se glisser contre moi. Je la sens se détendre dans mon étreinte, contemplant en silence le paysage face à nous. Un silence qui se prolonge, seulement perturbé par quelques sons d’une nature délicate que je me plais à distinguer.

« Demain arrivera vite. » murmure t-elle finalement. « Rien de plus qu’un battement de cil. » Je vois son sourire amusé alors qu’elle finit par fermer les yeux pour se laisser sombrer plus profondément encore dans le sommeil. Cette nuit, je me ferai gardien de ses songes. Les ombres n’auront de prise sur elle. Et demain j’endosserai pleinement ce nouveau rôle. Un de plus.

La roue tourne...

MES INFOS +

Aedan est un druide. Une caste ayant sombrée dans l’oubli depuis bien des siècles et dont il est aujourd’hui l’un des rares représentant. Ce n’est pas la seule chose qu’il est pour autant. Il est également barde, conteur, guérisseur, mage, défenseur, voyageur, amant, père, ami,.. Et tant d’autre chose aussi, qu’il serait malaisant de lister.

Avant, dans sa jeunesse, les cheveux de Aedan étaient de feu, rouge comme les flammes dont il semblait composé, mais une rencontre avec la mort changea cela. De feu, ses cheveux devinrent cendre et obtinrent cette couleur immaculée. Comme si une partie de ce qu’il avait été, avait disparu dans le royaume des morts… Est ce si faux de le signifier ?

Aedan demeure un homme ouvert et sociable, toujours prêt à aider, à accompagner, à guider même, tel le Merle qu'il est et a toujours été. Il est un homme de sagesse et de connaissance, que les années à vagabonder n’auront eu de cesse de faire grandir, s’épanouir. Il aime apprendre et transmettre, ce qu’il a fait et continu de faire aujourd’hui encore avec sa propre famille, comme son père auparavant l’aura fait. Prompt au rire, il est une personnalité solaire, profitant de chaque instant de la vie, et apprenant chaque jour, curieux du monde et des autres. Ce n'est pas pour rien que le Monde a accepté de venir à lui. Comme il lui sied bien par ailleurs, ce Monde.

Pour lui le grand voyageur, le druide errant au gré des vents. Même si ce druide aujourd’hui n’est plus aussi seul qu'auparavant…