Le fouet d'Arès - Quete tableau d'affichage

Babylone, contrairement à ce que chantaient les épopées antiques, s'était révélé d'un ennui mortel. Même les Bisounours d'Athéna, qui avaient eu l'outrecuidance d'un instant imaginer pouvoir se tenir sur le même territoire que les Berserker sans en mourir, s'étaient montrés d'une faiblesse écoeurante. Résultat, la Bahamut n'avait pas eu son comptant de combats sanglants et se trouvait donc d'une humeur massacrante.
Faire un détour par deux ou trois villages voisins pour répandre la terreur et massacrer tous les hommes en âge de se battre - oh ce n'était pas par misogynie, simplement taper sur une ménagère avec trois mioches dans les bras n'était pas des plus divertissants - avait quelque peu calmé sa hargne, sans toutefois l'éteindre.

Ce fut donc un Héraut plein d'une fougue non employée qui rentra à Spartes, où tout semblait fonctionner comme d'habitude. Malheureusement, il n'y avait aucune Guerre Sainte sur le feu, Siléa dut donc trouver à s'occuper d'elle-même.
En laissant traîner ses oreilles, elle avait entendu parler d'un puissant artefact disparu et d'une pythie capable de tout retrouver. Dans un premier temps, la Spartiate fit la moue : d'ordinaire, les Madames Irma ne savaient pas se battre. En revanche, la mention de la forêt de Brocéliande ainsi que de la déesse Harmonie, qui se serait elle aussi lancée dans l'aventure, attisèrent sa curiosité.
Déployant les sombres ailes de sa cuirasse, Siléa se mit donc en route. Elle fendit le ciel, allant d'autant plus rapidement qu'elle s'autorisait, de temps en temps, une pause repas pour mettre à feu et à sang un village ou deux.

C'est ainsi qu'elle finit par survoler la pluvieuse forêt Arthurienne, qu'elle scruta à la recherche d'une cosmo énergie particulière. Elle la trouva bientôt, car une déesse ça se remarque, sous l'intrigante forme d'un petit chaperon rouge.
Il est impossible de comprendre les intentions divines, tout le monde sait ça. Rabaissant le sourcil qui s'était levé, Siléa choisit d'indiquer sa présence sans toutefois entraver les plans d'Harmonie, qui se trouvait en train d'appâter une misérable et répugnante gueuse.
La Bahamut replia ses ailes et tomba au sol avec un BOUM caractéristique de sa délicatesse.

Il semblerait que nul n'eut appris la prudence à cette jeune Pythie. Ou que la faim poussait le loup hors des bois. Quelle que fût la raison à son manque de prudence, la jeune fille se jeta sur sa maigre pitance avec autant de dignité qu'une souris affamée. Siléa releva un sourcil, intriguée, tandis qu'un sourire de mépris éclairait son noble visage.
Toujours cachée dans son fourré, elle observa Harmonie jouer avec sa proie et se délecter des souffrances de celle-ci. Le héraut, elle aussi, se délectait du spectacle même si, à son goût, la bécasse manquait de combativité.

Enfin, la Pythie choisit de révéler l'emplacement du fouet d'Arès. Ses propos manquent de clarté et de précisions, toutefois ils semblent satisfaire Harmonie, qui lança la fiole à la misérable enfant comme on jette un os à un chien errant. Le visage du Bahamut se ferma, agacé. Si la Pythie estimait s'en sortir à si bon compte, elle se trompait. Siléa attendait d'elle qu'elle guidât Harmonie en rampant devant elle.
La Pythie ne semblait pas consciente de la situation et, blessée dans un ego qu'elle n'était pas digne de posséder, elle voulut se venger de ce qu'elle jugeait comme une humiliation.

Dès que Siléa vit la pierre dans la main de la gueuse, elle déploya les ailes de sa cuirasse. Dans un même geste, elle s'élança hors de sa cachette et fit apparaître dans sa main une épée de glace.L'instant d'après, la Bahamut avait agrippé sans pitié ni douceur les cheveux de la mécréante et lui tira violemment la tête en arrière pour placer le fil de son épée contre sa gorge. La pression de l'arme contre la jugulaire se fit de plus en plus insistante.

"Lâche cette pierre et agenouille toi, gueuse!"

Siléa ne cacha pas la moue de mépris qui tordit son visage. La Pythie n'avait aucune once de fierté. Dès que le fil de la lame toucha sa gorge, elle cessa d'opposer la moindre résistance et posa un genou à terre, implorant sa grâce. Si cette misérable chienne ne leur avait pas été utile, le Héraut l'aurait décapitée là, sans autre forme de procès.
La Bahamut observe Harmonie lorsque celle-ci se rapproche de sa proie et prélève un peu de son sang pour s'en désaltérer. Le visage livide de peur et les mâchoires tremblantes de la Pythie révulsèrent Siléa.

Après quelques instants de futile résistance, la Pythie devint docile et fidèle à la déesse qui pouvait la punir en manipulant son sang. Siléa retira son arme de la frêle gorge de la chétive jeune fille, sans pour autant la faire disparaître. Au moindre signe suspect, la Pythie se retrouverait avec cinquante centimètres de glace entre les côtes.
Toutes trois se mirent en marche. Pendant tout le trajet, la Pythie ne cessa de claquer des dents et de jeter, par dessus son épaule, des coups d'oeil apeurés vers son cerbère et vers la déesse.

Siléa finit par ne plus prêter qu'une attention minime, seulement ce qui suffisait pour la surveiller, à la peureuse Pythie. Lorsque Harmonie dévoila son nom, révélant sa nature divine, la berserker posa un poing contre son coeur et inclina son buste vers l'avant. Si elle dévouait la quasi totalité de sa loyauté et de sa vénération au Seigneur Arès, elle n'en respectait pas moins ses enfants.

"Je suis Siléa, berserker du Bahamut. Je suis arrivée ici par la voie des airs, après avoir entendu à Spartes qu'un artefact manquait."

Siléa nota vaguement que la forêt tentait de se montrer effrayante. Si elle y parvenait pour la Pythie, ce parc d'attraction de pacotille faisait rire la guerrière, qui ne croyait en rien d'autre que la force des poings et des illusions. Et dans ces deux domaines, elle s'estimait au moins aussi puissante que les créatures pouvant peupler ces bois.
Enfin, la chienne ralentit le pas. Le sentier se resserre et les arbres se font plus hauts, plus sombres.
Elles allaient enfin commencer à s'amuser.

Siléa hocha la tête en silence et fouilla dans ses souvenirs afin de répondre aux questions d'Harmonie. Tout feu tout flammes comme elle était, ses nombreux raids l'avaient empêchée de rester trop longtemps à Spartes pour en prendre des nouvelles. Puis les souvenirs d'un entraînement laborieux avec Morrigane lui revint en tête, et elle put affirmer :

"A mon départ, seul Phobos était incarné. Par contre Deimos a un excellent héraut, nul doute qu'il reviendra bientôt parmi nous."

Le sourire de la Bahamut s'accentuait tandis que la forêt devenait de plus en plus oppressante, effrayante, glaçante. Enfin, les choses devenaient amusantes.
La Pythie, elle, n'appréciait pas ces agréables divertissements. Tremblant de peur telle la misérable couarde qu'elle était, elle cessa d'avancer jusqu'à ce qu'Harmonie fît pression sur elle en utilisant son pouvoir et ses poings.
Siléa n'intervint pas. De grosses chauves-souris se jetèrent sur les trois voyageuses, avides de leur sang. Sans plus attendre, elle fit apparaître une seconde épée de glace dans son autre main et, pareille au plus féroce des démons, les pourfendit tandis que plusieurs volées arrivaient.
La Pythie accepta de reprendre la route, sous la menace doucereuse d'Harmonie, et les assaillants avaient, pour l'instant, cessé d'accourir.

Elles parvinrent enfin face à une grotte, aux abords de laquelle une chaleur intense régnait. Tandis que la chienne menaçait de défaillir d'effroi, le coeur du Bahamut jubilait de joie. Et, lorsque Harmonie effectua un pas de côté pour esquiver une colonne de feu, ses espoirs furent confirmés. Elle allait rencontrer un frère dragon, un combattant à sa hauteur.
La déesse comptait se battre elle aussi, et le Héraut lui laisserait ce plaisir. Tandis que Harmonie apposait son sang corrosif à de multiples endroits, Siléa détailla leur adversaire.

Malgré son agonie, une royauté et une noblesse certaines émanaient de ce dragon immaculés, qui portait à la patte l'artefact recherché. Siléa avait compris que ce fouet lui causait une douleur terrible. Toutefois, elle ne ressentit nulle pitié, seulement l'estime que l'on porte à un valeureux ennemi. Il s'agissait d'un combat à mort, et elle ne l'oublierait pas.
Quand Harmonie lui ordonna d'achever le dragon, le Bahamut ne tergiversa pas et s'élança dans les airs, son cosmos s'emplissant de foudre. Elle atterrit près du poitrail de la bête, sur laquelle elle apposa sa main. Aussitôt, les lieux se chargèrent d'électricité et de majesté. Elle lui offrirait une mort digne de ce nom !

"Par la gloire d'Arès !"



Après avoir achevé le dragon de ses épées, elle recula et regarda Harmonie ainsi que la Pythie, qui jetait sur elle des regards terrifiés.

Pendant qu'Harmonie rendant les derniers hommages au valeureux dragons et retirait le fouet qu'il avait malencontreusement dérobé, Siléa braquait un regard noir sur la Pythie. Tout, dans ces yeux dégoulinant de larmes qui suppliaient leur pitié, dans ces genoux qui s'entrechoquaient de peur ou dans ce teint rendu livide par la terreur, l'exaspérait. Il ne lui appartenait pas de mettre fin aux jours de cette méprisable créature, vu que celle-ci était la propriété de la déesse ici présente, néanmoins plus tôt cette couarde périrait, mieux la Bahamut s'en porterait.
Siléa s'avança à nouveau d'un pas pour recevoir, avec une inclinaison du buste, le fouet qui lui était tendu. Elle le prit respectueusement et le rangea dans sa cuirasse. Elle le rendrait à l'Unique.
Le héraut n'ajouta rien.

Un sourire carnassier fleurit sur le visage de la Spartiate lorsque les hurlements désespérés de la Pythie retentirent. Et ce fut avec joie qu'elle regarda Harmonie jeter cette péronnelle sur le cadavre du brave dragon, que la terre engloutit avec fracas.
Et la déesse lui offrait la possibilité de garder un souvenir de ce dragon, de ce frère de sang. Comme dans certaines cultures, les guerriers, pour faire leurs preuves, portaient en collier une griffe des fauves qu'ils avaient tués pour montrer qu'ils savait combattre de manière encore plus féroce que leur totem, Siléa voulait montrer sa force et sa similitude avec les dragons. L'insigne de son âme en quelques sorte.

"Je voudrais un croc."

Harmonie souhaitait voler. Siléa ne pouvait refuser la demande de la fille de son Seigneur. Avec tout le respect dû à une déesse, et avec le peu de délicatesse dont pouvait faire preuve une brute telle qu'elle, la Bahamut rattrapa harmonie et la ceintura d'un bras alors que celle-ci sautait dans le vide.
L'instant d'après, elle avait déployé les ailes de sa cuirasse et survolait le ciel nuageux.

Spartes