Une visite pour changer le monde

    Finalement, la prêtresse d'Hadès décida de me fausser compagnie en fin de compte. J'avais failli à ma mission. Je n'avais pas pu la conduire au Grand Pope à temps, et ainsi lui soumettre les plans de la jeune femme d'une possible trêve entre nos deux peuples. Elle avait dû partir précipitamment. Qu'est ce que cela voulait bien vouloir dire ? En tout cas, cela devait être assez important pour qu'elle veuille tout à coups quitter les lieux. Je me demandais bien ce qu'elle avait pu ressentir. Après tout, ce n'était pas n'importe qui. Mais bel et bien la prêtresse du Royaume des Ombres quand même. Elle avait sûrement dû sentir la présence d'une personne bien particulière traverser le Styx pour rejoindre l'autre côté. Bon d'accord, c'était peut être un peu tiré par les cheveux mais tout de même, après l'avoir vu exécuté ses rituels macabres, j'en vins à me dire que c'était tout de même possible qu'elle ait de tels pouvoirs...

    Soupirant. Je me mis en route et redescendis les marches en direction du premier Temple, celui du Bélier, histoire de me dire qu'au moins je pouvais les ''raccompagner'' jusqu'à la sortie du Sanctuaire. C'était le moins que je puisse faire, même si les deux Spectres d'Hadès m'avaient déjà devancé de loin. D'un pas nonchalant, j'arrivai dans le premier Temple. Ce fut alors avec une légère surprise que je remarquai que nous avions un nouveau visiteur. Qui avions nous là ? S'agissait-il d'un des fameux Titans ? Son visage ne me semblait pas familier néanmoins l'armure qu'il portait sur le dos, me rappelait vaguement celle d'Océanos dont j'avais déjà croisé la route à de nombreuses reprises.

   Silencieusement, je le regardai faire, pour ne pas l'interrompre dans ce qu'il avait entrepris, en l'occurrence ici la cueillette d'une des fleurs qui ornaient la demeure. Il paraissait partir comme submergé par l'exquis parfum ou le rappel d'un lointain souvenir. Je lui accordais alors quelques instants, le temps qu'il remarque ma présence de lui même, avant de me lancer, légèrement hésitant.

'' Excusez moi... Veuillez me pardonner de mon irruption mais puis-je vous être d'une quelconque aide ? Je me présente, je suis Kurayami, Bronze Saint du Loup.''

'' En effet, c'est bien le plus petit grade après les aspirants vous ne vous trompez pas, ô grand Crios. Je veux bien croire que je ne suis peut être pas le mieux placé pour vous accueillir et que vous souhaitiez sans doute tombé sur un plus haut gradé qu'un vulgaire Bronze, ce pour quoi, je tenais à m'excuser. Il faut croire que j'étais le plus près des lieux pour répondre votre appel mais si vous le désirez je peux vous mener à un de mes supérieurs.''

    Encore une fois, il fallait croire que mon rang posait défaut. Ce n'était pas comme si c'était la première fois après tout. Je devrais déjà y être habitué mais bon. Et pis, la personne en face de moi, ne l'avait pas dis explicitement mais je pouvais bien le deviner. Que cela ait été Odin, Poséidon, Cronos, ou qu'importe, tous aurait nettement préféré tombé sur au moins un Saint d'Argent ou au mieux un Chevalier d'Or. Raaah.. C'était rageant. Le moins que je pouvais faire à présent était de pouvoir l'escorter à quelqu'un d'autre, quelqu'un de plus ''qualifié'' pour cela et tenir ma langue face à ce Titan, ne savait-on jamais.

'' Je suis également navré de ne pas pouvoir vous répondre clairement à cette question. J'ose penser que le doux cosmos de notre déesse y est pour quelque chose, à moins qu'Orion du Bélier l'ancien détenteur de cette demeure n'y soit pour quelque chose là dedans, lui qui sait si bien manipuler cet élément qui est la vie et qui sait si bien la transposer dans la flore pour en faire épanouir toute la beauté...''

   Espérons que cette réponse soit suffisante car honnêtement, je n'en avais strictement aucune idée. C'était même bien la première fois que je les remarquais et qu'on m'en parle. Je le saurais à l'avenir dorénavant, les vertus que cette fleur pouvait procurer. Mais voilà que tout allait se compliquer encore davantage à présent...

    Contre toutes attentes, le dénommé Crios me remercia en un premier temps avant de s'attarder plus en détail sur les raisons qui l'avaient poussé à venir ici. C'était donc ça... Tout d'abord avant d'y répondre il fallait que je trouve les mots adéquats à ce genre de situations. Il voulait s'en prendre à la déesse Athéna, jamais je ne pourrais le laisser faire et par conséquent, quoi de mieux que de pouvoir au mieux éclairer sa lanterne pour éviter qu'une telle chose arrive... Rester calme. Surtout il me fallait rester calme et ne pas répéter les erreurs commises par le passé en me laissant emporter par une parole de ce genre. Je pris une profonde inspiration afin de m'aider à mieux réfléchir. J'ignorais si cela marchait vraiment ou non, cependant, tous les moyens étaient bons dans mon cas ci. Lorsqu'enfin je pensais détenir une bonne piste, je décidai alors de me lancer.

'' Je peux en effet vous renseigner, si tel est votre désir. En effet, comme vous l'avez si bien deviné, je dirais que nos deux camps sont sur une trêve ou au moins une entente. Il y a encore quelques temps, la divinité Cronos et plusieurs des vôtres s'étaient tenus ici même, là où vous vous trouvez à l'instant afin de demander audience à notre divinité de la guerre. Il m'a d'ailleurs affirmé de vive voix sa volonté d'instauré une alliance entre nous et nous les avons reçus autour d'une grande assemblée à leur honneur. Si vous doutez de ma parole, sachez que vos pairs en étaient eux même témoins... du moins, si vous parvenez à les retrouver et qu'ils puissent ressortir du Tartare, chose que j'espère pour vous très sincèrement. Pour tout vous avouer, j'ignore comment s'est réellement déroulé l'entrevue, et à quelle conclusion nos deux peuples en sont venue, mais ce que je sais, c'est qu'il n'y a jamais eu de rapports belliqueux entre nous, bien au contraire.''

    Prenant une courte pause après tout cela, j'en profitai également pour reprendre mon souffle et laisser le soin à mon interlocuteur de digérer toutes ces informations là. Une fois que j'eus une petite idée de ce que j'allais devoir dire ensuite, je repris.

'' Pour ce qui est de notre relation avec les Berserkers d'Arès... Disons que cela est un peu compliqué. Quelques temps avant même que les vôtres ne viennent ici avec l'idée en tête de proposer une alliance, nous eûmes à affronter un Hiver très rigoureux duquel d'horribles créatures avaient profité pour déferlé sur le monde. Pour contrer et venir à bout de cette menace, une courte alliance ou du moins un pacte de non agression fut envisagé le temps d'enrayer ce mal. A mes côtés, je pouvais d'ors et déjà cité la divinité Arès en personne, venu se battre également certainement pour se divertir et avec nous, votre proche Océanos des Courants qui pourra vous témoigner de cette alliance pour le moins saugrenue. Ce même Océanos qui d'ailleurs maintenant que j'y pense se trouvait également là à la table de notre égérie. Il pourra très certainement davantage éclairer votre lanterne que moi. Mais en tout cas, sachez que suite à tout cela, j'ignore ce que nous avons convenu avec la divinité guerrière mais en tout cas, plus aucun des siens ne vint fouler les terres du Sanctuaire sacré.''

    J'avais fais, ce que j'espérais être, le mieux que je puisse faire. La décision ne me revenait plus à présent.

''Souhaitez vous savoir autre chose ? Si vous le souhaitez, je peux même vous aider à retrouver les vôtres en guise de ma bonne foi .''

   A mes propos aux vues de mon rang, le Titan sembla être en parfait désaccord et il faut croire qu'il avait d'excellents arguments pour cela. Il me tint des propos qui surent me rassurer et me firent reprendre confiance en moi et en mes capacités. La déesse Athéna aussi avait eu le même genre de discours un jour, nous affirmant que chacun de nous était unique et si spéciale mais c'était différent. La divinité Titanesque avait su trouvé les bons mots avec des exemples concrets qui me firent voir la situation sous un angle que je n'avais jamais envisagé auparavant. Mais il avait tout de même raison. Il était vrai que nous étions quatre vingt huit Saints au grand complet pour pouvoir protéger la totalité de l'humanité. Et alors que je pensais que les Golds devaient s'occuper de bien plus que de cinquante millions de vie à eux douze, je me rendis compte de l'absurdité de mes pensées. Même s'ils étaient bien au dessus de mon rang et les plus forts de notre Ordre, il était tout de même inenvisageable de penser qu'à eux seuls ils pouvaient chacun se partager un douzième de la population mondiale. Ce pourquoi, nous, les Bronzes et les Silvers nous étions là pour leur prêter main forte dans leur lutte pour la paix. Peu à peu, la honte s'empara de moi, pour avoir pensé une telle chose et un léger sourire que je ne pus refréner apparut lentement sur mes lèvres. Dans un hochement de tête, j'acquiesçai.

'' Vous avez parfaitement raison. Je n'aurais jamais du dire une telle chose, cela ne se reproduira pas vous pouvez compter sur moi.''

   Ces propos tenus, le dénommé Crios replongea son attention sur les fleurs avant que nous ne décidions de continuer notre discussion et qu'il me révèle les raisons qui l'avaient poussé à venir jusqu'ici. Je lui expliquai tout ce que je savais pour répondre au mieux à ses questions et à son tour il me révéla ce qu'il était arrivé aux siens et son ambition de prendre une revanche sur les bourreaux de ses pairs, une fois le moment venu. Et voilà qu'il se décida soudainement à me contourner, me bloquant l'accès aux autres demeures du zodiaque.

Mmmmh ainsi donc il doutait que je puisse répondre à sa prochaine demande. Il allait donc finalement devoir que je l'escorte jusqu'à l'un de mes supérieurs en évitant de tomber sur la déesse toutefois. Comment faire.. Raahh bon sang, je savais que j'aurais dû m'entraîner davantage à essayer de mieux détecter les autres cosmos aux alentours et à leurs transmettre des messages par la pensée... Une idée me vint cependant. Comme cela, je pouvais peut être gagner un petit peu de temps supplémentaire le temps que quelqu'un d'autre ressente le cosmos du Titan et vienne prendre le relais. Mais si cela n'arrivait pas, alors je n'aurais pas le choix et je devrais donc nous aventurer à l'aveuglette jusqu'à ce que nous tombions finalement sur quelqu'un. Faisant volte-face pour me retrouver à nouveau devant la divinité archaïque, je me lançai :

'' Quelqu'un de plus qualifié que moi pour parler de ce genre de choses ne devrait pas tarder à arriver je pense, ou au pire des cas, je vous y mènerais moi même, n'en doutez pas. En attendant, étant donné que vous avez signalé que cela ne vous dérangerait pas si je restais pour voir et apprendre alors peut être que vous pouvez tout de même me faire votre demande ? Je tâcherais d'y répondre du mieux que je peux, si je le puis.''

    Soudainement, sans prévenir, sans ne serait-ce avoir montré le moindre petit signe d'irritation, d'énervement ou même de frustration, le Titan se mit à déployer une incroyable dose de cosmos. Pour le coup, il n'y était pas allé de main morte, il y était allé comme ça, sans passer par quatre chemin, directement sans crier gare et le tout l'air parfaitement impassible sur le visage. Quel puissance incroyable... ! Même moi qui avait pourtant des difficultés à reconnaître les auras qu'ils appartiennent à des personnes qui m'étaient familiers ou non, je pus clairement la sentir. Je pus aussi nettement sentir la mort, le carnage, les horreurs et les atrocités qu'elle recelait. Même si mon cosmos aussi était d'ombre, là il s'agissait du cran au dessus. Après tout, que sont les ombres face au trépas en lui même. C'était comme si une très lourde pression venait d'être exercée tout à coup sur mes épaules et je ne pus rester debout sur mes pieds. Mes jambes s'étaient subitement mises à trembler et à ne plus pouvoir supporter mon propre poids. Je me retrouvai donc comme écrasé, un genou au sol par la force exercée, impuissant face à tant de pouvoirs. Mes mains virent se cramponner à mes tempes dans l'espoir de tout apaiser en vain. Mais ce n'était pas tout. Peu à peu, des images s'insinuèrent dans mon esprit. Je me senti happé hors de mon corps, tiré en arrière par des énergies inconnues qui m'entraînèrent dans les ténèbres. Je me vis, blessé, boitant et quelque peu amputé de certains de mes membres, et pourtant tout faire pour tenter de me tenir droit sur une montagne de cadavres de mes pairs, une montagne de cadavres de mes très chers frères d'armes, connaissances, camarades, compagnons de batailles, supérieurs, proches, et même amis. Je me vis tenter de me tenir droit, seul survivant, sur une montagne de chair et de sang, une montagne d'immondices et de formes infâmes, de corps en décomposition dans lesquels les mouches et autres insectes se baignaient et se régalaient d'un véritable buffet qui s'étendait à des kilomètres à la ronde. Un véritable chaos, une apocalypse à l'état pur. Et parmi tous ces morts, siégeait inerte - le regard livide, les traits couverts d'effroi, du sang maculant chacune des parties de son corps - la déesse Athéna et devant moi l'armée responsable de ce massacre, l'armée des morts, l'armée des Titans. A cette vision d'atrocité, je ne pus réprimer un hurlement de terreur, provenant des tréfonds de mon être.

''AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAaaaaaaaaaaaaaaarrrrrrggggggggggggghhhhhhhh !!!!''

    Et alors que rien ne pouvait être pire, je revis également, à travers ces images, comme superposé, les âmes et les cris tourmentés et torturés de femmes, d'enfants, de personnes âgés, d'innocents qui n'avaient rien demandé à personne qui criaient à la mort, pleuraient, gémissaient, n'imploraient plus les divinités mais le sommeil éternel lui même pour qu'il les achève et les emporte loin, très loin de toute cette peine, toute cette douleur. Oui. Je revoyais très distinctement, en parallèle à cette scène de cauchemar, la vision que m'avait également partagé Seishiro. Ou plutôt devrais-je dire, Lucifer lui même. Celui qui m'avait donné la vie. Mon géniteur. Mon père biologique. Alors hors de contrôle, je ressentis à nouveau cette sensation s'emparer de moi. Cela ne dura qu'une imperceptible seconde, mais mes yeux virèrent au jaune très vif avant de retrouver leur couleur originel, et mon cosmos sombre s'agita nerveusement avant de se volatiliser à son tour.



   Puis, tout se calma. Tout disparut. Seul restait ce traumatisme. Reposant mes mains au sol, et tremblotant de tout mon corps, je baissai le regard au sol et mes traits se firent alors neutre. Même si, la divinité archaïque me prévint qu'il ne m'arriverait rien, il était déjà trop tard. J'avais osé essayer de tromper un dieu, et encore une fois j'en payais le prix. Mais cette fois, j'eus l'impression que cela serait la dernière. Silencieusement j'écoutai attentivement. En effet, c'était bien d'une alliance dont il s'agissait. Et même si je m'étais déjà rendu dans le Sanctuaire Sous-marin en éclaireur pour en conclure une avec le dieu Poséidon, et que j'avais même assisté à la discussion entre la divinité nordique et le Grand Pope, attitré comme son ''bras droit'' et son ''garde du corps'', en vue d'une pareille alliance, vu les termes et les enjeux que cela comprenaient, en effet j'étais encore loin d'être prêt pour en négocier une moi même. Mais si ce n'est la déesse Athéna elle-même qui le pourrait au risque de perdre la vie comme dans cette illusion, à sa place mis à part le très haut, son prêtre et notre supérieur hiérarchique, le commandant en second de nos armées. Le Grand Pope. Personne ici ne le pourrait.

'' Je comprends. Et je suis navré d'avoir tant insisté. Je vais vous mené tout de suite au Gran...''

    Un autre invité s'introduisit à son tour dans le Temple. La tête toujours tournée vers le sol, je ne pus en distinguer l'identité. Il me saluait à nouveau ? Etait-ce quelqu'un que je connaissais ou dont j'avais déjà croisé la route ? Le Dieu Hermès en personne ?! Tournant la tête dans sa direction cette fois-ci, il me sembla le reconnaître pour l'avoir déjà aperçu quelques temps plus tôt. Il était de retour ? Devrais-je répondre à la place de la divinité titanesque et lui dire que tout était déjà arrangé ou bien devrais-je plutôt le laisser faire ? Attendons la suite et espérons que les renforts arriveront bien assez tôt aux vues de l'appel de phare qui avait été orchestré ici...

    Le regard vide, toujours tourné en direction du sol, je me décidai néanmoins à me secouer quelque peu. Même si je n'y portai plus qu'une oreille distraite, je remarquai toutefois que les choses allaient s'envenimer si je n'agissais pas. J'avais déjà assisté à un terrible duel confrontant le dieu Zeus à son propre père en personne, la divinité Cronos dans ce même temple - qui d'ailleurs fut détruit sous leur courroux et que nous dûmes reconstruire - et je ne tenais pas spécialement à ce que cela arrive de nouveau. J'étais en charge d'accueillir les visiteurs en cet instant, contrairement à la dernière fois qu'une telle chose était arrivé, par conséquent je ne pouvais tolérer encore une fois de rester là les bras croisés à simplement observer. Si la situation venait tout de même à empirer malgré mon intervention alors je n'y pourrais rien, après tout que pouvais-je bien faire face à deux immortels mais au moins, je me devais de tenter quelque chose, tel en était aussi mon devoir...

    Titubant un peu en voulant me relever, je fis alors à nouveau face à Crios avant de me tourner également vers Hermès, le regard d'une neutralité totale. Le titan voulait passer et s'entretenir avec un de mes supérieurs, il m'avait énoncé ses raisons que je jugeai valable, je pouvais donc le laisser passer. Mais qu'en était il de l'Olympien ? Il avait seulement dis qu'il voulait également passer, mais pour quelle raison ? Même s'il ne venait pas nous chercher querelle, je me devais toutefois de lui demander les motifs de sa venue, en plus de ''l'appel'' qu'il avait ressenti. Et quand bien même je pouvais escorter le Titan des dimensions - car tel devait également être son appellation si je ne me trompais pas - en tant que ''portier'' je ne pouvais laisser un invité attendre seul ici qu'un autre que moi vienne l'accueillir..

'' Sauf votre respect ô grande divinité de la malice et des voleurs, la divinité archaïque est venue en ami. Les raisons qui l'ont amenées ici, il me les a déjà énoncé, et il est de son droit de ne pas vouloir le répéter à nouveau.''

    Ces paroles prononcées, je me tournai alors brièvement vers le concerné pour lui adresser quelques mots et m'excuser avant d'avoir à nouveau à reporter mon attention sur le deuxième hôte.

'' Veuillez me pardonner d'avoir parlé en votre nom. Je voudrais pouvoir vous dire que nous pouvons partir sur le champs néanmoins... Cela ne serait pas respecter mon devoir et le protocole d'hospitalité de laisser le Dieu aux multiples titres ici, je suis également navré pour cela. Mais ne vous en faites pas, je peux vous assurer que j'ai le sentiment que quelqu'un est déjà en route pour venir me seconder, après la démonstration de force que vous nous avez montré. Vous n'avez plus à patienter bien longtemps, je vous en donne ma parole.''

    Ponctuant sur un léger hochement de tête comme pour appuyer mes propos, je continuai donc ma prise de parole en reportant cette fois ci mon attention sur mon deuxième interlocuteur.

'' Bien, et à présent, puis-je vous demander ô noble Hermès, ce qui vous amène ici et pour quelles raisons vous souhaitez vous aussi traverser le Sanctuaire ?''

    Ouf ! Finalement les choses ne dégénérèrent pas davantage. Je soupirai doucement de soulagement. J'avais pu ''empêcher'' que les choses ne s'enveniment et que la situation tourne au vinaigre. Le Titan avait bien voulu se montrer coopérant et se montra patient. Bien. Reconnaissant je lui adressai alors un petit hochement de tête.

'' Je vous remercie de votre coopération et de votre compréhension, noble titan.''

    Hochement de tête que le destinataire rata peut être malgré lui à présent qu'il avait à nouveau tourné son attention sur ses fleurs tant aimées peut être pour se remémorer des souvenirs qu'il voulait se remémorer. Des souvenirs d'autres temps, des souvenirs d'autres époques, des souvenirs oubliés depuis trop longtemps déjà par le commun des mortels peut être. Je trouvai cela étrange d'ailleurs qu'une divinité de la sorte, qui ait pu traverser les âges et qui ait vécu toutes ces différentes époques, un véritable guerrier qui a sans doute participé à de nombreuses guerres qui ont façonné ce monde, soit si sensible à une chose si éphémère. Cela rajoutait de la complexité à ce personnage. Mais d'un côté c'était tant mieux pour nous, et nous arrangeait bien. Il n'était pas qu'un être vil, avide de chair et de sang.

    Pour ce qui était de l'Olympien, cela me sembla légèrement plus compliqué. Il avait l'air lui aussi de comprendre la situation et me félicita de mon devoir d'hospitalité... Néanmoins à présent il voulait forcer le passage et se rendre de lui même là où il le souhaitait ? Si on l'y prenait à se promener librement dans le Sanctuaire, je n'étais peut être pas le seul qui lui barrerait la route et ce ne serait sans doute pas tout à fait le même rang non plus. Toutefois, son discours m'interpella. Il avait reçu un appel de sa soeur, or n'étions nous pas, nous autre Saints d'Athéna, sa propre garde rapproché et les premiers à appeler en cas de détresse ? Quelque part cela sonnait faux. Etait-ce là encore une de ses ruses qu'on lui reconnaissait tant, dans le but de me duper ? Raaahhh... Comment en avoir le coeur net... ? Moi même je devais m'assurer également de la véracité de ses dires. Mais de quelle manière je devais m'y prendre ? Je ne devais pas escorter ces deux là ensemble et je ne devais pas non plus laisser la divinité archaïque laisser voir notre déesse bien aimée...

    Comme pour répondre à mes questions, j'entendis des pas se rapprocher de nous. Un léger sourire apparut sur mon visage. Un sourire qui s'envola aussitôt quand je me rendis compte de qui se trouvait là. Scareface, le Gold Saint du Cancer lui même. Gloups. Je déglutis difficilement avant qu'un petit rictus d'embarras s'imposa à moi tandis qu'un frisson de frayeur me parcourut l'échine.  Peut être aurait il mieux valu que ce soit quelqu'un d'autre qui vienne à ma rescousse... non ? Comme lisant dans mes pensées, voilà qu'il me regardait avec un très grand sourire. A cette vision, un autre frisson de terreur me parcourut. Heureusement qu'il n'était pas venu pour moi aujourd'hui... Mais je ne pourrais repousser éternellement le jour J...

'' Hé bien euh... c'est à dire que.. euh... Le Titan Crios ici présent souhaitait justement rencontré un Chevalier d'Or pour s'entretenir avec lui pour des raisons diplomatiques. Pour ce qui est de Hermès, je l'accompagne voir la déesse Athéna car selon lui, elle court un très grand danger, peut être en ce moment même, elle l'aurait appelée lui alors que nous n'avons pas spécialement ressenti quoique ce soit. Je dois donc m'assurer que ce qu'il dit est faux et garder un oeil sur lui. A part si bien sûr vous avez un autre plan pour moi, je vais l'y accompagner de ce pas.''

Sur le passage d'Aodé, un garde avait salué, réglementairement, "bonjour Dame Mnémosyne." La Mémoire, qui avait plus ou moins réussi à diviser le monde en mobile/immobile, sans avoir encore réussi à définir les limites de son être, en comprit que le son "Damnémosyne" désignait le corps dans lequel elle avait atteri, et peut-être aussi son esprit.
Ce n'est pas facile de trouver une sortie du Cronos Labyrinthos lorsqu'on n'est que deux béotiennes. Pendant que l'esprit infantilisé de Mnémosyne avait découvert l'existence de sa cosmo-énergie et s'amusait avec, comme un bébé jouerait avec des cubes, pour en comprendre les tenants et les aboutissants, Shumeï et Aodé devisaient, tentant de trouver une raison à leur étrange situation présente. L'hôte de la Mémoire n'était pas d'accord avec le fait que les Titans fussent forcément les responsables de cette suite d'actes gratuits.

Les Titans sont les patrons de papa. S'ils étaient aussi fourbes que tu les décrits, papa ne leur obéirait pas, et il serait venu nous sauver!

Au même moment, une faille spatio-temporelle avait été ouverte par Mnémosyne, qui fut la première surprise de ce changement brusque.
Toutes trois arrivèrent donc à Ithaque, et reconnurent en ces lieux encore marqués par les récents combats le dernier des lieux où elles avaient agi comme des insensées. Shumeï, qui avait été convaincue par le raisonnement de sa nièce, conclut qu'elles avaient dû, au contraire, aider les Titans d'une certaine manière dont elle ne se souvenait pas, et avait été privées de mémoire par l'un des ennemis des Titans.
Quitter le Cronos Labyrinthos avait donc été une erreur, puisqu'il faudrait retrouver des Titans. Le souvenir des combats d'Ithaque causant encore de la peur aux deux humaines, elles préfèrèrent encore à nouveau se rendre dans l'autre lieu visité alors qu'elles étaient "folles": le Sanctuaire.

Toutefois, si elles avaient pu être utiles aux Titans d'une manière ou d'une autre, ce n'était pas le moment d'aller leur causer du tort en se conduisant comme elles ne devraient pas. Le garde des Titans avait confondu Aodé avec la Mémoire mais, comme le précisa Shumeï, cela ne permettait pas de conclure quant à l'identité de l'âme hébergée chez Aodé.
Cette dernière arriva non loin du premier temple. Sans qu'elle ne comprît pourquoi, les gardes présents la laissèrent passer. Ceux-ci étaient avertis par le cosmos avec lequel la Titanide s'amusait, mais l'humaine n'avait aucun moyen de le savoir. La mamba s'enroula à nouveau autour de la tête de sa nièce, en couronne, et proposa à Aodé de se faire passer pour la Titanide avec laquelle le garde l'avait confondue. Les conséquences de moindre faux pas étaient effrayantes. Mais il n'y avait pas d'autre solution pour comprendre ce qu'il leur arrivait.
Une fois dans le premier temple, Aodé vit deux personnes qui, elle en était consciente, pourraient chacune la réduire sept fois en poussière, au moins. Cependant il était trop tard pour reculer.

L'hôte de Mnémosyne se donna trois minutes pour observer et écouter, puis s'avança, au moment où la plus inquiétante des deux personnes présentes parla de diplomatie, avant de sortir plusieurs mets d'une cachette dérobée.
Il y avait donc bien un Titan sur les lieux, cette nouvelle rassura Aodé, la présence de Mnémosyne en ces lieux pourrait donc se justifier. Cependant ce n'était pas encore fini. Une seule des deux personnes était un Titan et se tromper de personne serait du plus mauvais effet.
L'humaine se prépara donc à jouer son rôle d'usurpatrice d'identité, ignorant tout des habitudes de celle à qui elle se substituait.

Tout juste chevalier, Ménon du Serpentaire venait de recevoir de la part des autorités du Sanctuaire un nouveau maître. Désormais chevalier d'Argent, il ne pouvait plus s'entrainer avec les combattants plus faibles des niveaux inférieurs du Sanctuaire : c'était maintenant aux Chevaliers d'Or qu'il allait être confronté.

On lui avait indiqué qu'il recevrait son enseignement d'un dénommé Scareface, chevalier d'Or du Cancer. Ne connaissant les guerriers d'élite que de nom et de réputation, la nouvelle avait inquiété le jeune chevalier. Le cancer était associé à la mort et est souvent le chevalier le plus sombre du Sanctuaire. Au vu de sa réputation, Scareface ne faisait pas exception.

La maison du Cancer est la 4ème mais il y en a trois autres à traverser auparavant avec d'interminables escaliers. Ses amis avec qui il s'entrainait lui avait donné une floppé de "conseils" qui le faisait pâlir plus qu'autre chose : "Garde bien ton armure, c'est une marque de respect", "regarde tes pieds quand tu es dans les temples sinon tu attire la colère de leur propriétaire" ou encore "les chevaliers d'Or peuvent te détruire du regard s'ils le veulent". Tout cela le rendait nerveux.

Le voilà devant le temple du Bélier. Heureusement, il n'y a théoriquement pas de Chevalier. Pourtant il semble qu'il y ai des éclats de voix. En se concentrant, Ménon aperçut trois aura distinctes. Méfiant et effrayé il s'approcha doucement.

Deux hommes et une femme autour d'une table discutant à haute voix. Il n'y avait l'air d'avoir aucun chevalier parmi eux et ils lui inspiraient tous de la crainte en particulier celui qui semblait profiter pleinement du repas, un homme vêtu assez pauvrement, un bandeau masquant ses yeux. Rien n'émanait de lui et il emblait pourtant monopoliser l'attention des deux autres avec qui il conversait.

"Que faire ? Ils ont bien l'air d'intrus mais d'un autre côté, n'étant jamais venu ici, je suis peut être bien à côté de la plaque" pensa Ménon. Il était clair que pour passer, il allait falloir se manifester. Et puis il se dit qu'après tout, il portait son armure et qu'en temps que chevalier on ne lui en voudrait pas de vérifier si des choses anormales avaient lieu. Avec une crainte non dissimulé, le chevalier su Serpentaire ne pu dire autre chose que :

Puis-je savoir ce que vous faîtes ici ?


Avec angoisse, il attendit la réaction des inquiétantes silhouettes

Il devenait évident aux yeux d'Aodé que l'une des deux personnes présentes pouvait être considérée comme un invité, étant donné qu'il déclinait l'invitation de repas. Les deux humaines écoutèrent donc avec attention les paroles du Titan, toute leur ligne de conduite dépendrait des propos de ce dernier, elles n'avaient plus le temps de réfléchir.
Aodé tenta de camoufler qu'elle sursautait. Crios, puisque c'était lui, décrivait la scène qui correspondait aux derniers souvenirs de l'enfant avant qu'elle ne se réveille au Cronos Labyrinthos.C'était pour la bonne nouvelle, ainsi elle pourrait tenter de reconstituer ce qui était arrivé. Pour la mauvaise nouvelle, elle devrait mystifier le frère et époux de celle qu'elle prétendait être. Mnémosyne serait-elle tombée dans les bras de son conjoint? Aodé tenta de se souvenir de ce qu'elle avait pu savoir de la vie de couple des deux Titans: les Muses, Astréos, Pallas et Persée. Aodé renonça donc à cette éventualité, de bon coeur il faut avouer.

L'exposé de Crios était clair, l'hôte se tenait prête à assumer une ligne de conduite, voulant profiter encore que le Titan ne l'avait pas remarquée.
Sauf que Mnémosyne n'était pas de cet avis. La Mémoire commençait à prendre conscience de son cosmos et cherchait à l'utiliser pour mieux définir les limites de son être. Dans les paroles de Crios, elle crut reconnaître en partie le vocable qui servait, pensait-elle, à désigner l'ensemble formé par elle-même et par son hôte. La Titanide chercha donc à manifester sa présence.
La sôma de Mnémosyne fit brusquement irruption et recouvrit le corps d'Aodé. Les conclusions de cette expérience étaient énormes pour la Mémoire: il n'existait pas de dichotomie entre elle-même et le monde qui l'entourait, puisqu'elle pouvait l'influencer. Mnémosyne faisait donc partie du monde et n'était pas un spectateur perdu dans un coma étrange. La question suivante serait pour elle de savoir si, ou non, elle possédait une existence physique.

Aodé comprit que l'arrivée de cette armure qui pesait beaucoup trop lourd pour ses maigres muscles pourrait être prise comme une réaction agressive. Heureusement, elle avait eu le temps d'entendre les propos du Chevalier, ce qui permettrait à l'enfant de ne pas paraphraser Crios.
Tentant de s'inspirer des paroles étrange qu'elle s'était entendue prononcer pendant sa "folie", elle commença à jouer son rôle:

Votre paix peut s'appeler l'Âge d'Or. Cependant elle ne pourra pas durer, car elle est constamment perturbée par des éléments intérieurs qui veulent la remettre en cause. Ce sont ces fameux humains belliqueux, Olympiens, ravages, Chevaliers et écureuils. Nous ne voulons pas seulement une paix de quelques siècles, nous voulons une paix durable, qui ne sera pas basée sur la peur et la tyrannie, car les vivants ne voudront plus revenir à la situation précédente . En quelque sorte, notre but serait de pérenniser votre oeuvre.

Le Chevalier avait remarqué Aodé, se leva pour l'accueillir et se présenta. Cela entrait en contradiction avec l'image que l'enfant avait de ceux qui servaient des divinités autres que les Titans, et qui seraient tous des brutes sans cervelles. Il lui semblait avoir déjà vécu une situation analogue... avant.
Ne laissant rien paraître de son questionnement, Aodé répondit:

Je vous remercie pour votre accueil. Je suis la Titanide Mnémosyne, femme et soeur de Crios ici présent.

Aodé s'assit donc près de la table mais ne toucha pas au repas. Après les rudes combat qu'elle avait menés à Ithaque et les quelques temps passés dans un cercueil de feu, elle souhaitait plus que tout se sustenter. Mais Aodé imaginait Mnémosyne fière.