[FB] Un instant de répit. [Miria - Elisheva]

Les seuls forgerons qu’elle avait vus étaient des humains, généralement des maréchaux-ferrants lorsqu’elle était une artiste de cirque à Venise. C’était autre chose de voir une Valkyrie réparer une armure divine. Elisheva aurait d’ailleurs aimé toucher l’armure mais sans l’aval du propriétaire et ayant peur de courroucer le travail bien fait de Mira, elle se contentait de la caresser des yeux, suivant les sillons, les bas-reliefs, et fixations cachées. Et ceci dans le doux crépitement du bois léché par les flammes, que c’était reposant et du repos, ils en avaient besoin pour être parés pour atteindre le palais et retourner en mission.

Tout à coup, Miria prend la parole ce qui fit sursauter Elisheva qui s’attendait à des remontrances mais finalement non, des excuses.

Des excuses pour faire son travail au mieux dans des conditions extrêmes ? C’était déroutant. Déjà, avoir droit à des excuses mais si c’était en plus pour un fait qui n’était pas un crime…

Vivement, Elisheva secoua sa tête de gauche à droite pour finalement s’arrêter et réfléchir. Ah. Elle s’attendait à des mots, bien sûr. Les habitudes…

- N…non. Je vous en prie, il est normal d’avoir besoin de silence pour accomplir une tâche qui demande beaucoup d’attention. Surtout que l’armure avait énormément subi, répondit-elle le plus doucement possible pour ne pas déranger le repos du Chevalier Noir.

Elle devait vraiment prendre davantage la parole, juste pour ne pas rouiller les précieuses leçons de sa Mère la Lune et son ami lettré. Il était difficile d’avoir l’impulsion alors qu’avec des Loups, tout était compris par des signes, des gestes, tout un monde concis et fait pour laisser les bruits à la forêt qui avait bien plus à dire qu’on ne le pensait. Elisheva n’était qu’une partie et la forêt un tout. Il était normal de lui accorder plus d’attention.

Avec Miria, c’était un peu des deux, sa façon de regarder, d’inspecter les lieux, la Tzigane n’était pas trop dépaysée ; si bien qu’elle ne détourna pas le visage alors que la Valkyrie scrutait son visage, elle avait la bonté de ne pas parler de ses yeux tout comme elle s’efforçait de ne pas trop fixer la cicatrice de la guerrière. La relation de confiance de mise, Elisheva accepta son invitation à s’asseoir près d’elle, de plus, ce serait plus facile de parler sans réveiller Ryuken.

Et enfin, elles se présentèrent pleinement, profitant d’une petite accalmie. Tout d’abord, la sage Tzigane écouta son ainée, ses jambes ramenées près de sa poitrine menue, maintenues par ses frêles bras malgré la plaque bénie sur elle.

- C’est bien de déroger à certaines habitudes, surtout quand on veut et peut s’ouvrir à autrui. Nous n’allons pas avoir beaucoup de temps malheureusement. Surtout que…je ne connais pas beaucoup de forgerons aussi talentueux que vous, Dame Miria.

Sa curiosité de petite louve était de retour. A quoi donc pouvait ressembler sa première expérience dans le maniement de l’acier fondu ? C’est quelque chose qu’elle n’avait jamais su. Et puis, ce n’était pas tous les jours qu’elle avait droit à une femme courageuse mais non portée sur la violence à outrance. C’était oublier qu’elle était surhumaine. Ce n’était pas une qualité mais un devoir. Tant de choses à assimiler. Tant.

Dont une famille dont elle n’avait jamais entendu parler. Que devait-elle répondre ? Un mensonge serait inutile, elle ne savait guère mentir. Rester silencieuse ? Non, ce serait manquer de politesse.

- Je…j’ai bien peur de ne pas être du sang que vous attendiez… M…mais…

Sors quelque chose de positif, elle doit un minimum compter sur toi…

- Je suis tout de même fière de mes origines, ma famille m’a accompagnée jusqu’ici, dans des terres rudes mais les Loups savent se débrouiller. Ils m’ont élevée comme ils le pouvaient et sont quand même venus jusqu’ici. Je pense que ça vaut tout le sang bleu du monde.

Et tout ceci avec un petit sourire adouci par la reconnaissance, au moment où elles parlaient, ils étaient en train de chasser pour les survivants alors qu’ils avaient fait un voyage éprouvant vers le nord avec elle. Elisheva savait que ça n’avait aucun rapport sur leur promesse faite à la Lune. Elle était un des leurs et on n’abandonnait personne. Exactement comme les Guerriers Divins et leur peuple, autant leur faire honneur.

- Quand bien même, je tâcherai d’en savoir plus sur cette famille si certains d’entre eux ont porté cette armure. Elle chante comme moi, on s’est rapidement entendues. Les armures vivent ? Comme l’eau ou le ciel ?

Autant essayer de comprendre sa seconde peau par une spécialiste, Miria, aussi généreuse soit-elle, ne pouvait pas être au four et au moulin. Elisheva se devait d’apprendre pour éviter des erreurs.

Ainsi, Miria montrait à quel point tout son temps ne devait qu’être utilisé au service seul d’Asgard. Elle méritait amplement son titre de Valkyrie. La Mère Lune avait eu le temps d’expliquer un peu comment fonctionnait Asgard pour savoir comment Elisheva devait se comporter. Bien évidemment, la Tzigane respectait tout le monde, sa timidité et sa vie passée dans une meute lui avaient tôt fait apprendre l’humilité et le besoin d’être utile. Cependant, la Dame Blanche des cieux devait parler d’Odin, des dieux, la prêtresse qui était son représentant ainsi que des rangs chez les guerriers divins. Cette histoire de hiérarchie ennuyait Elisheva, elle allait observer le respect à tous. Point. Elle aimait être ainsi, pensant que son expérience pouvait faire la différence tout comme Miria qui avait eu un mentor proche d’elle et des années d’expérience, un tout vital pour Asgard. La preuve que le rang importait peu. Elisheva rougit de voir certaines similitudes avec sa consœur alors qu’il y avait peu, tout les séparait. Les lieux, les années, l’expérience, la culture… Et elles se souriaient comme si elles se connaissaient depuis longtemps. Le destin pouvait être étrange à séparer et rassembler à sa convenance. Elisheva était on ne pouvait plus ravie même loin de Jean-Jacques Rousseau. Après tout, il avait sa vie.

Et alors que Miria parlait de son lien avec les loups, Elisheva ne put se retenir d’ouvrir grand les yeux, des yeux rouges brillants de reconnaissance dans la surface grise des iris de la guerrière en face d’elle pour finalement les clore d’un coup, contenant sa joie qui déferlait tel un torrent sur une terre aride et peuplée de rares bons souvenirs. Son cœur venait d’être ravivé d’un coup et Elisheva n’avait guère l’habitude, maintenant ses lèvres rosées fermement jointes dans un sourire qui se voulait léger, tremblant d’émotion. Enfin, elle arriva à faire taire la vivacité de ses émois, soupirant d’aise légèrement, cachant sa bouche à l’aide de sa main. Heureusement, Miria posa une question curieuse mais la jeune guerrière essaya derechef de trouver les bons mots pour satisfaire sa partenaire.

- C’est comme porter une seconde peau qui fonctionne en symbiose. Cela n’est absolument pas gênant comme si…je devais la porter depuis fort longtemps, utilisant le même langage que moi, les murmures qui frissonnent et ondulent sur la plaque, un peu comme quand on trempe un doigt dans l’eau, l’eau répond par des ondes… C’est comme ça que je l’ai trouvée rapidement, elle m’envoyait des signes depuis mon arrivée sur ces terres. Ce fut pratique pour venir tout de suite partir en mission.

Elisheva se tourna vers Ryuken, baissant un peu la tête.

- Je ne l’ai pas beaucoup aidé malheureusement. Mais les occasions ne manqueront pas d’aider autrui. Cependant…Dame Miria…comment fait-on pour aider quelqu’un qui ne demande pas d’aide ?

Telle une enfant ne connaissant rien du monde, Elisheva ne put qu’oser se reposer sur son aînée.

Topic locké à la demande de Miria