Les prémices d'une révélation [pv Orion]

Comment ne pas aimer l'humanité... Une question récurrente qui habite bien souvent l'esprit de la déesse de la guerre et de la sagesse. Les hommes sont tellement incroyables... dans le bon sens comme dans le mauvais. Ils sont capables de prodiges que les dieux eux-mêmes ne peuvent accomplir. Mais ils ont aussi quelques défauts qu'elle s'efforce d'endiguer depuis des millénaires sans jamais vraiment parvenir à les enrayer. Cela est tout aussi bien ainsi, car finalement, l'attrait de l'être humain réside en son imperfection. Néanmoins, à de rares moments dont les récents évènements font partie, Athéna aimerait que les hommes n'aient pas une mémoire aussi sélective. Chacun connait la traditionnelle maxime que les sages se plaisent à répéter au fil des siècles qui passent. Les dieux ont créé l'homme à leur image. Et pourtant... l'humanité attend toujours d'elle qu'elle soit parfaite en tous points, qu'elle ne commette aucune erreur, que ses jugements soient toujours justes. Il est vrai que si elle s'efforce d'être à la hauteur de ce que les hommes attendent d'elle, à juste titre cela est vrai, il lui arrive parfois de douter, de se tromper. Elle pardonnera toujours tout à ses Saints, aux êtres qui peuplent ce monde. Mais a contrario l'humanité ne lui passera jamais rien. Les choses sont ainsi et cela fait bien longtemps qu'elle a accepté ce principe. Il n'en reste pas moins douloureux pour autant. Les derniers reproches plus ou moins vindicatifs qui venaient de lui être récemment adressés en sont une preuve flagrante.

Biscione s'était enfermé dans un épais silence qui rien ne semblait pouvoir briser. Même lorsqu'elle tourna les talons, alors même qu'elle confiait plusieurs missions aux Saints rassemblés à la statue d'Athéna, quant elle partit vers la chambre divine sans se retourner, il ne promulgua pas le moindre son.
Les choses devaient sans doute se passer ainsi, et il est probable que le Scorpion d'Or n'ait pas compris la raison de tout cela. Pour cette situation comme pour le trouble qui agite son esprit, tout ceci devrait être résolu.

Alors qu'elle se tient encore assise sur le large socle de pierre, seul ornement sculpté dans la chambre dans laquelle elle s'est presque recluse, Athéna est envahit par mille et une pensées.
Askhan, le fier Paon d'argent, avait conservé une réserve et une discrétion qui a touché son coeur. A aucun moment il n'a relevé les étranges évènements qui se déroulaient devant ses yeux, alors qu'il aurait été logique qu'il émette quelques interrogations. Mais non, ce ne fut pas le cas. Et en cela, la déesse lui était profondément reconnaissante. Ils s'entretiendraient sur différents sujets à son retour.

Les paroles du jeune Bronze du Loup lui reviennent en mémoire alors que ses prunelles ne quittent pas le pur lys blanc posé délicatement sur ses genoux. Il est sans doute la plus belle preuve de loyauté de cette funeste journée. Il a fait preuve d'une extrême sensibilité, réussissant même à rassurer la divinité des hommes. Ses mots ont été justes et aimables à son égard.

Un bref sourire se lit enfin sur les traits diaphanes de la déesse qui pose les yeux sur le petit koala. Oui, Nao a raison. Kurayami est appelé à faire de grandes choses. Il faut simplement qu'il en prenne conscience.

Levant les yeux vers le large plafond voûté, Ahina laisse ses pensées s'envoler quelques secondes vers ce chevalier qui a traversé tant d'épreuves.

L'obscurité baigne la chambre divine, la faible clarté qui régnait jusqu'à lors s'amenuisant à mesure que la nuit tombe sur le Sanctuaire Sacré d'Athéna.
A travers la pénombre grandissante, le pendentif d'émeraude tendrement lové sur la poitrine de la déesse émet une douce lumière de jade. Infime, elle est pourtant bien présente.

Impossible, elle ne peut pas se tromper. Son coeur... ne saurait la tromper.
D'un bond la divinité brise le contact avec la pierre brute sur laquelle elle était assise depuis un long moment. Sous le regard attendri du sage tigre blanc, Toboe s'étant couché plus loin en faisant la tête, et sous les yeux ronds de Nao qui se met à pleurer d'émotion, Athéna quitte la chambre en courant comme si l'avenir de l'humanité toute entière dépendait de sa réactivité. Dévalant les quelques marches qui la mènent à la salle d'audience vide, sa longue chevelure claire fouette ses épaules tandis qu'elle traverse la grande salle en courant.
Une légère aura dorée auréole le corps de la divinité qui dévale les marches menant aux Maisons du zodiaque.

Relevant les pans de sa longue robe immaculée qui la gênent pour courir, le spectacle est on ne peut plus déroutant. Pieds nus, robe relevée à mi cuisse, la fille de Zeus traverse une à une les maisons du Sanctuaire. Elle adresse un sourire à Wellan et à la petite créature Mana tandis qu'elle pénètre dans la maison des Poissons en trombe. Quand elle arrive à la maison de la Balance où Altia attend encore Milan, elle esquisse un sourire bienveillant à son chevalier tout en ne cessant pas sa course folle.
Un sourire aimable qui semble lui dire "tout ira bien, ne t'en fais pas".

Alors qu'elle dévale quatre à quatre les quelques marches qui la séparent de l'imposant temple du Taureau, et à peine a-t-elle pénétré la dernière salle de marbre, que la déesse s'arrête net.
Essoufflée, sa poitrine se soulevant rapidement, la respiration saccadée, ses prunelles de jade tombent sur son chevalier d'or qui semble faire le chemin inverse du sien.
Il est dans un état... dans un tel état... que la gorge de la divinité des hommes se serre d'émotion. Comme elle l'avait ressenti, il ne porte plus son armure dont la déesse ne peut qu'imaginer le triste état. Son corps est couvert de blessures dont certaines laissent encore échapper de minces filets de sang carmin.

Comment... Comment peut-il encore s'excuser après tout ce qui vient de se produire en cette journée si dure à son coeur. Valeureux d'entre les valeureux, le courage infaillible et le coeur toujours juste, voilà que l'être si précieux trouve encore la force de l'entourer de tant de bonté quand son corps tout entier transpire de détresse.

Les lèvres tremblantes, ses prunelles de jade ne quittent pas Orion dont les larmes teintées de sang dévalent ses joues meurtries. Et pourtant, malgré toute la douleur qu'il endure, malgré cette immense et sans doute insoutenable souffrance qui hurle à travers chaque pore de sa peau, il parvient à créer un miracle. Ses mots apaisent son âme, ce bras protecteur réconforte son coeur.
Et par dessus tout... la façon qu'il a de la nommer revêt à cet instant une symbolique qui la frappe de plein fouet. Bien sûr il l'a compris. Il l'a compris dès le premier instant, dès que l'âme de la déesse eut rejoint sa propre âme, à la première seconde où ses prunelles claires se posèrent sur Ahina.
Il le sait mieux que quiconque et à jamais ce principe aussi simple que complexe lui sera aisé. Ahina et Athéna... l'une dans l'autre, l'une est l'autre et pourtant chacune reste elle même.
Savant mélange d'une femme et d'une entité divine fusionnant l'une avec l'autre sans qu'aucune entrave ne perturbe l'équilibre d'aucune des deux.

N'ayant que faire de qui pourrait passer par là à cet instant, Athéna s'agenouille sur le sol. Saisissant avec une infinie précaution les épaules de son chevalier, elle l'attire contre elle alors que le corps malmené par trop de combats s'échoue avec douceur contre sa poitrine. Posant délicatement le visage d'Orion sur ses genoux, la déesse le fixe d'un regard empli de tendresse alors que son cosmos chaleureux s'insinue peu à peu en son chevalier afin de soulager un peu ses souffrances.

Par delà les nombreux siècles écoulés, les Saints ont toujours eu de grandes difficultés à affronter. Les ennemis ne cessent de se présenter aux portes du Sanctuaire Sacré et ce malheureux principe est d'autant plus violent dès lors que leur divinité est incarnée. Pourquoi faut-il que le destin soit aussi injuste avec les siens... De tous temps à jamais les Saints sont condamnés à souffrir par sa faute. Orion fait partie de ces êtres qui acceptent avec bonheur de mourir pour elle. Un principe qui la remplit d'effroi et pourtant... que peut-elle faire contre cela...

Alors qu'elle pose sa main sur le front de son chevalier, Athéna tourne les yeux vers le tréfonds de la maison du Taureau. A travers le plafond de pierre brute, elle ressent la constellation de la Balance qui brille de mille éclats. Un doux sourire sur les lèvres, la divinité des hommes laisse ses pensées se diriger vers le jeune Altia l'espace de quelques brèves secondes.

Rouvrant les paupières, ses iris de jade se reposent avec tendresse sur le Bélier. Son coeur se serre une nouvelle fois alors que ses prunelles dérivent vers les blessures qui couvrent son corps.
Retenant la larme qui perle alors au fond de son regard clair, la divinité des hommes pose ses paumes sur ses bras en prenant un soin infini à ne surtout pas frôler l'une de ses plaies. Athéna se penche vers Orion, ses longs cheveux retombant le long de ses épaules alors qu'elle pose sa joue contre celle de son chevalier.

A ces mots Ahina ouvre brusquement les yeux sans pour autant relever son visage du cocon contre lequel il est tendrement lové. Ses joues s'empourprent comme une mortelle dont la langue se serait bien trop dénouée. Pourquoi diantre a-t-elle dit une chose pareille... Elle voulait... que voulait-elle vraiment au juste...? Elle souhaitait simplement lui faire part d'un sentiment profond qu'il est le seul à même d'entendre. Et pourtant... au lieu d'achever ses mots en englobant l'humanité toute entière, elle s'était laissée aller à présenter les choses d'une manière trop... personnelle.
Plongée dans un profond silence aussi gênée que stupéfait, Ahina ne dit plus un mot, laissant son aura prodiguer ses bienfaits à l'être tant aimé.

Qu'importe les blessures.
Qu'importe son devoir, son destin.
Qu'importe l'arrivée de qui que ce soit à l'instant.
Qu'importe la folie de ce geste.
Qu'importe l'avenir, le passé. Seul comptait le présent.
Orion releva lentement le menton d'Ahina et approcha ses lèvres pour venir frôler celles de la jeune femme.

La maison d'Orion n'est plus qu'un tas de ruines. A travers les décombres de marbre, Athéna perçoit le cosmos du jeune prêtre des Titans. Tabris... aura été une rencontre lumineuse en cette bien sinistre journée. Et c'est dans un sourire bienveillant mais pourtant invisible aux yeux du jeune homme, que l'aura de la divinité des hommes le raccompagne jusqu'à l'entrée du Sanctuaire Sacré, par delà la Maison du Bélier.
Un sourire qui se fige rapidement quand elle perçoit une émanation venant de deux personnes bien distinctes. La première... elle la connait bien. Lucifer... que peut-il bien vouloir. Etonnant de ressentir sa présence en ces lieux.
La seconde lui est étrangère. Une aura confondante qui semble perturbée, alliant force et ténacité tout en ondulant de phrases cosmiques des plus aléatoires.

Reposant ses prunelles de jade sur son chevalier d'or, la déesse ne semble pourtant pas être inquiète. Il aura besoin de repos, de beaucoup de repos, mais tout ira bien désormais. Quant à sa maison, Biscione veille à ce que personne d'indésirable ne perturbe une fois encore la paisible tranquillité de ce sanctuaire. La maison du fier Bélier sera reconstruite... comme elle l'a si souvent été par le passé.

Se rend-il compte de la portée de ses paroles ? Le doute ne subsiste que fort peu sur ce point. Mais se rend-il compte à quel point il est un être qui sort du commun... cela reste bien moins certain.
Son regard clair, l'aura qui irradie doucement, pénétrant chaque parcelle de peau abîmée, de muscle endolori, de plaie béante, jusqu'à ce sourire qui ne quitte pas ses lèvres pâles. Tout en elle enveloppe son chevalier dans une bulle de douceur et de chaleur.  

Le hasard fait parfois bien les choses. Néanmoins il arrive qu'il se joue des protagonistes qui l'entoure. C'est ce qu'il arrive lorsque leurs visages se retrouvent nez à nez. Alors qu'elle ouvre son coeur autant que son âme, c'est le moment que choisi involontairement le Bélier pour saisir son menton. Leurs prunelles aux reflets parfaitement identiques plongent l'une dans l'autre en une pure harmonie que peu de mortels peut s'enhardir d'avoir vécu un jour.

Quel étrange état que celui dans lequel son regard si doux la plonge en un instant. Plus rien n'a d'importance... le monde peut s'écrouler autour d'eux, la terre peut trembler de mille tourments, Hadès lui même pourrait se présenter aux portes du temple du Taureau. Rien... rien n'existe en dehors de ces lèvres se frôlant avec légèreté et tendresse.

Rouvrant brusquement les paupières, Athéna redresse le visage en brisant le contact qui l'unit à Orion en murmurant un nom lourd de sens.

Comment as-tu pu croire que cela serait possible... Ahina.
Comme une ombre ressurgit du passé, le Dieu du sommeil revient la narguer de son sourire charmeur. Ce timbre de voix aussi effrayant que parfaitement posé s'insinue dans son esprit jusqu'à pénétrer au plus profond de son coeur. Jamais elle ne pourra oublier ce jour là. Jamais elle ne pourra oublier ce que celui qui fut le premier qu'elle eut réellement aimé, comme une femme aime éperdument un homme, a eu à endurer par sa faute et quelle fin tragique le dieu jumeaux lui a réservé.

Un bref sourire passe sur ses lèvres alors que la divinité des hommes redresse complètement le buste. Sa paume se pose tendrement sur la joue de son chevalier. Elle le regarde avec une grande attention durant de longues minutes alors que pas un mot ne franchit la barrière de ses lèvres.
Quelque chose de presque terrifiant l'unit à cet être humain qui s'est si vaillamment battu pour elle. Un sentiment que rien ne pourra jamais endiguer. Mais un sentiment qui risque de le détruire, lui. Elle ne commettra pas la même erreur que par le passé. Elle s'y refuse. Et même si cela doit enclencher le glas d'une souffrance que chacun aura à endurer seul, elle est contrainte de l'accepter.
L'amour d'Athéna... n'est pas toujours une bénédiction.

Alors que ses prunelles de jade semblent se refuser à délaisser celui dont le corps meurtris repose sur ses genoux, un sentiment douloureux enserre violemment le coeur de la déesse. Le regard de la fille de Zeus se trouble un instant alors que son âme est littéralement assiégée par les accès de colère de son père. Dérivant vers le plafond de marbre qui s'étend au dessus de leurs têtes, Ahina ferme doucement les paupières alors que son cosmos irradie de plus en plus autour de son corps, couvrant Orion de ses bienfaits mais plus uniquement.
Filant à travers les maisons du zodiaque, le cosmos de la divinité des hommes semble s'extraire du Sanctuaire pour filer vers le ciel sombre. Traversant les dimensions, rayonnant d'un éclat doré, il se dirige droit vers l'imposant temple du roi des dieux enfoui au plus profond de l'Olympe.

Et comme si le destin ne semblait pas vouloir les laisser en paix, la constellation du Poisson Austral s'amenuise jusqu'à ce que son aura ait disparu de l'immensité céleste.
Le regard d'Athéna s'embue de larmes dont les fines gouttelettes tombent les unes après les autres sur le visage d'Orion qui repose au-dessous d'elle. Ses Saints qu'elle aime tant meurent les uns après les autres d'une manière inéluctable. Cela est sans fin, cela n'aura jamais de fin.
Sa paume se presse sur la joue d'Orion qu'elle dévisage avec tristesse.

Ces quatre mots déchirent son coeur tout autant que son âme en cet instant terrible. La paume qui se presse doucement contre le visage du chevalier est agitée de légers tremblements. Les mots sont une chose. Mais tout en elle transpire le refus des paroles qu'elle vient pourtant de prononcer.
Et pourtant... pourtant... que peut-elle faire d'autre si elle veut le protéger.

Seconde après seconde, chaque parcelle de sa peau se sépare inéxorablement d'elle. L'étreinte de leurs lèvres, puis la chaleur de son visage, pour qu'enfin le contact se brise comme un songe s'effacerait au petit matin.
Ses yeux clairs ne peuvent se détacher de celui qui s'agenouille comme le ferait n'importe quel soldat formé par la rectitude de l'obéissance. Les lèvres légèrement entrouvertes, la déesse le regarde d'un air presque horrifié. La détresse qui s'échappe de l'être chéri est si violente que le propre corps d'Ahina lui échappe. Ses jambes, ses bras, jusqu'à la pointe de ses ongles, tout n'est qu'un infime et perpétuel tremblement. La peine, la douleur passée et présente, se bousculent en son âme comme autant d'ondes néfastes.

La jeune femme agite lentement le visage de droite et de gauche face aux mots qu'il lui adresse alors que son visage fixe obstinément le sol de pierre du temple. Il ne peut croire cela... il ne peut pas, il n'a pas le droit d'imaginer une chose pareille. Pourquoi... Comment... comment peut-il être aussi dur avec lui même.
Il ne s'agit pas de ça... Il ne s'agit pas... de toi Orion.

Il passe près d'elle alors qu'Athéna reste figée. Ses paupières écarquillées le suivent des yeux quant il la dépasse. En proie à une horreur que personne en ce monde n'est à même d'effleurer, les prunelles de jade suivent la marche funeste du Bélier jusqu'à ce qu'il s'arrête, sans pour autant se retourner.

Un pauvre fou...

Quitter le Sanctuaire... Cette phrase se répercute en son âme comme un fléau qu'elle ne pourrait endiguer. Le regard profondément désemparé, son regard glisse le long de la nuque de l'être tant aimé. Un être qu'elle doit laisser partir. Elle le doit... pour lui... pour qu'il vive. Loin d'elle se trouve la paix. Loin d'elle il mènera une vie paisible protégée des affres de la guerre, sauvegardée du mal et de la haine. Loin d'elle... il trouvera le salut.
Elle le doit... elle lui doit bien ça.

Très lentement, alors que le Bélier s'éloigne d'elle, Athéna fait volte face. Dos à dos, leurs pas les éloignent toujours d'avantage. Telle une marche funèbre entonnée par leurs coeurs à l'unisson, leurs âmes pleurent amèrement la tragique réalité qui est la leur.
Alors qu'il arrive aux portes du Taureau. Alors que ses pas la conduisent aux larges escaliers menant vers les Gémeaux, Ahina s'arrête. Ses poings se referment sur eux mêmes. La pression qu'elle exerce est si vive que ses ongles entaillent légèrement les paumes de ses mains.

La Guerre prend le pas sur la Sagesse et c'est dans un mouvement vif qu'Athéna se tourne en rebroussant chemin. Elle le distingue à travers la pénombre de la maison du Taureau qui lui parait tellement sinistre à cet instant. Il avance lentement, il a bientôt atteint la sortie du temple.

Tout comme la course folle qui l'avait conduite de sa chambre divine à la 2nd maison du Sanctuaire, c'est une course désespérée qui anime ses pas en cette heure.
Lorsqu'elle arrive à la hauteur du chevalier d'or, ses bras entourent le torse masculin alors que son visage se plaque dans son dos.

Pourquoi fais-tu toujours ce qu'il ne faut pas faire... Ahina. Pourquoi.

Ahina... Ahina... Ahi...na
Te rappelles-tu du premier jour où tu rencontras son regard... Te rappelles-tu l'inquiétude qui enserrait alors ta poitrine quand tu posais tes yeux sur son surplis de ténèbres... Te souviens-tu lorsque tu prias le Dieu de la mort en personne de te mener jusqu'en Enfers... Revois-tu le visage de tes amis... Biscione, Degalde, Horacius, Miyu, Shion... Comprends-tu toute la peine que tu leur as infligée... Réalises-tu tout le mal que tu lui as fait... à lui que tu aimais tant...

Ses doigts s'entrelacent à ceux d'Orion alors que sa joue repose contre le dos de son chevalier.
Non. Aujourd'hui les choses sont différentes. Aujourd'hui il ne s'agit pas là d'une sombre histoire d'amour, mais d'une merveilleuse et pure union qui les lie. Aujourd'hui elle ne refera pas la même erreur. Aujourd'hui... l'obscurité n'existe plus que dans ses souvenirs. A présent, oui... à présent la divinité des hommes se mêle à la femme. La force de l'une les préservera des faiblesses de l'autre. La mémoire de l'une les sauvegardera des erreurs du passé.
Oui, aujourd'hui, elle doit avoir confiance en elle, en eux.

Ses bras enserrent le corps meurtri d'Orion lorsqu'il se retourne. Dans un élan commun, son visage se love au creux du cou masculin alors que son menton se pose avec tendresse contre elle.
Les Dieux sont cruellement humains parfois, il l'a parfaitement compris. La tendresse, l'affection, la douceur d'une main qui se pose sur la joue, la chaleur d'un baiser, l'attraction d'un sentiment aussi puissant que l'est l'amour... seraient-ils interdits aux dieux de ce monde ?
L'amour attise la haine, mais l'amour est en premier lieu quelque chose de pure, de magique, de merveilleux, pour peu qu'on le traite avec respect.

Et pourtant... comment pourrait-elle ne pas penser à demain quand les forces qui guettent sa chute sont si nombreuses. Hadès... Arès... Poséidon... Thanatos... Hypnos sans doute aussi... Lucifer dont la présence n'était pas anodine, attendent, fomentent et n'hésiteront pas une seconde à détruire tout ce qui peut la toucher. L'humanité est une cible facile, cela est malheureusement un fait indéniable. Et pourtant, rien ne satisfait plus le sombre monarque et sa soeur aux faux accents de douceur, que de toucher aux êtres qui lui sont le plus proches.
Par son égoïsme, par son entêtement, par l'assurance qui la gagne malgré tout et l'espoir que tout ira bien, Athéna place Orion en première position de cette sombre liste.

Il a raison. Demain... apportera peut être son lot de souffrances ou de joie. Même un dieu ne peut prédire de quoi le lendemain sera fait. Alors, il n'est pas temps de penser à cela pour l'instant.
Relevant le visage vers celui dont les prunelles d'émeraude se posent sur elle, elle lui adresse un paisible sourire alors que sa main s'élève vers le ciel pour se poser tendrement sur la joue tachée de sang séché.

Sa seconde main vient rejoindre la première. Saisissant le visage de l'être aimé avec délicatesse comme si elle craignait de le briser par mégarde, les paumes fraîches d'Athéna attirent Orion vers elle tandis que les fleurs qui traversent le sol de marbre opèrent un nouveau miracle.
Les lèvres rosées de la jeune femme se blottissent contre celles de son amour avec douceur alors que la maison du Taureau se transforme en un jardin luxuriant que les minutes précédentes n'auraient pas pu laisser présager. Le cosmos de la divine se mêle à celui de l'homme qui la tient affectueusement entre ses bras, auréolant leurs corps serrés l'un contre l'autre d'une chatoyante lueur d'or.

Un paisible sourire se dessine sur les traits pâles de la jeune femme qu'il tient entre ses paumes. Oui... en ce jour il est permis de tout espérer. De la plus dérisoire des attentes, jusqu'au plus puissant des voeux qu'elle pourrait formuler. Comme n'importe quelle femme en ce monde, il lui est possible de croire que sa seule présence la préservera de tout.

La promesse est solennelle. Le coeur pur d'Orion est une merveille que seuls les êtres humains sont capables de sublimer ainsi. Sa paume se presse doucement sur la main qui repose sur sa joue alors que ses prunelles de jade couvent l'homme d'or. Quelle chance... quelle fantastique chance que d'être aimée à ce point par quelqu'un comme lui. L'humaine sourit à la déesse qui partage son âme depuis tant d'années. Elle comprend si bien pourquoi elle l'eut choisi. Lui... dont l'âme ne saurait être corrompue par quiconque en ce monde.

Il a décidé de se rendre auprès d'Altia avant même de penser à soigner ses blessures. Orion restera toujours Orion. Ses mots ne la surprennent pas. Jamais le Bélier ne mettra ses compagnons en retrait. Même pour quelque chose d'aussi important que les nombreuses blessures qui parsèment son corps de leur malédiction. Même s'il devait être à l'article de la mort. Orion... pense toujours à l'autre avant lui même.

Son visage se fige l'espace d'un court instant lorsqu'il prononce le nom du Grand Pope. Comment n'y a-t-elle pas pensé avant... Il va être furieux. Du moins est-ce la réaction la plus plausible vu son état psychique actuel. Il va falloir attendre le plus tard possible pour le lui dire... Même si...
Le regard de la déesse dérive lentement vers la Maison du Bélier qui se trouve à quelques dizaines de mètres de là. Biscione y est toujours présent. Il est improbable qu'il n'ait pas senti le chamboulement qui venait d'avoir lieu dans la maison du taureau.
Comment va-t-elle bien pouvoir justifier cela sans pour autant lui mentir... La tache lui semble impossible à cet instant.

Elle ponctue ses mots d'un léger sourire afin d'en atténuer un peu la gravité. Mais la réalité est là. Vael... Degalde... et maintenant Orion. La déesse craint que cela ne soit de trop pour le fier Scorpion d'Or. Mais peut être se fait-elle du souci pour rien, une fois encore.

Orion fait quelques pas vers la Maison des Gémeaux mais semble changer d'avis car il revient sur ses pas pour déposer un unique et tendre baiser sur ses lèvres. Un sourire éclaire le visage d'Ahina qui effleure le bras du guerrier du bout des doigts alors qu'il repart vers Altia le coeur léger.
Elle le couve d'un regard bienveillant jusqu'à ce que sa silhouette ait complètement disparue. Baissant les yeux vers le sol parsemé de fleurs, c'est avec de profonds regrets que la paume de la déesse balaye les dalles de marbre, faisant disparaitre l'émoi du Bélier d'or de la main.
Elle ne peut pas les laisser ici. Biscione... repassera forcément par cette maison tôt ou tard. Il n'est pas temps de trop attirer l'attention sur eux. Elle a juré de protéger Orion et elle tiendra parole.

Mettant ses pas dans ceux d'Orion, à quelques minutes d'intervalle, la jeune femme se dirige à pas lents vers l'imposant temple des Gémeaux. Son esprit se focalise sur son jeune frère, le brave Tenshu de Pégase. Son cosmos vibre autour d'elle au fur et à mesure qu'elle monte les larges marches de pierre qui la mènent à l'armure jumelle, comme un appel raisonnant dans l'âme de Tenshu. En ce jour étrange, le soleil s'est couché en saluant la naissance d'un Saint d'or. Demain il se lèvera pour rendre un hommage à la nouvelle incarnation des Gémeaux.