FB - Le jugement d'Atlantide

Sujet: FB - Le jugement d'Atlantide Ven 26 Avr 2013 - 21:23

Il y a environ 2500 ans, avant l'apogée de la Grèce antique.

"...et chacun s'étant exprimé ici, je vais clore ce jugement et rendre mon verdict."

De sa voix puissante, Zeus parle devant tous. Le tribunal divin est réuni. Tous, sur leurs trônes, sont présents dans la salle : Athéna, Artémis, Aphrodite, Dionysos, Arès, Apollon, Héphaïstos, Hermès et bien sûr les plus anciens, Héra, Déméter, Zeus le Puissant et Poséidon le Superbe. Même Hadès et Perséphone se sont déplacés pour l'occasion, eux qui ne quittent jamais leurs Enfers que pour répandre la mort dans les champs...

L'enjeu est de taille, c'est la seconde fois dans l'Histoire que tous les dieux ont été convoqués : déjà une fois, l'humanité créée par les titans Prométhée et Épiméthée a été anéantie par la fureur dévastatrice et patiente de Poséidon, assistée des vents d’Éole. Seuls Deucalion et Pyrrha ont réchappé du Déluge et ont pu ainsi donner un nouveau départ à des Hommes purs et dénués de mauvaises mœurs. Mais, le temps faisant son œuvre, ces mêmes Hommes ont oublié et sont retombés dans leurs vices.

Atlantide, continent protégé de leur folie, fondé par la chair et le sang de l'Ebranleur de terre, avait jusque-là résisté aux maléfices de Pandore. Cependant, la corruption a fini par naître dans ce peuple sans égal, sans reproche et sans précédent. Leur technologie trop avancée leur a fait vouloir plus. Au nom de leur dieu, ils voulaient la terre, ils voulaient lui offrir. Ils voulaient faire acte de foi absolue et conquérir les plus grandes richesses pour leur seigneur, alors que celui-ci se félicitait bien assez de les avoir préservés de la déchéance, et les montrait comme des objets d'art vivants.

Les conflits éclatèrent, et Athéna répondit aux assauts depuis la Grèce. Séjournant à Athènes où elle avait emporté une mince victoire sur le dieu des océans, elle répliqua aux frappes de son peuple. Les écailles marines la contraignirent à demander à ses plus savants chevaliers de créer des armures similaires, faites de poussière d'étoile, de cosmos et de sang. S'ensuivirent des batailles plus sanglantes les unes que les autres, dans lesquelles les dieux voyaient distractions ou dérangements, puis dévastation qui ne pouvait plus durer. Les Hommes ne savaient jamais s'arrêter, alors Zeus avait demandé l'avis de chacun de ses frères, sœurs et enfants.

"Poséidon, les Atlantes nous ont fourni un exemple édifiant de ce que pouvait être la grandeur et la prospérité humaines, mais elle est désormais révolue."

Un regard vers l'intéressé qui, du haut de son trône d'orichalque, semble parfaitement impassible, mais boue de plus en plus intérieurement. Son regard se fait de glace et il se lève, démangé par l'envie de faire trembler l'Olympe. Zeus continue :

"Cette fois, il faut donner un exemple que les mortels n'oublieront pas. Il faut qu'ils voient et se souviennent de ce que la vanité entraîne. Aussi je condamne Atlantide à l'anéantissement et j'entends que tu ne mettes aucun obstacle à cette sanction."

Thémis, rangée aux côtés de Zeus, acquiesce. Le couple infernal meurt d'envie de sourire, mais Hadès se ravise en imaginant qu'Elision lui soit enlevée de la même manière. Pour une fois, il fera montre d'un peu de retenue. Amphitrite attend dans l'antichambre. Elle a tout entendu et apparaît silencieusement dans l'encadrement de la porte les yeux rivés sur son époux récemment accepté. Suivant les mentalités, certains sourient, d'autre ricanent même dans leur barbe, ou alors sont indifférents. Athéna ose même poser des prunelles compatissantes sur Poséidon qui lui rend un regard glacial. C'est elle qui a demandé une cession du tribunal.
Pourtant, malgré tous les regards qui l'explorent, le dénudent et le brûlent, Poséidon ne montre aucun signe de perturbation. Il se contente de tourner la tête vers Zeus, incline la tête.

"Qu'il en soit ainsi. Tu seras seul autorisé à réduire Atlantide en poussière."

Troquant sa toge contre sa kamui divine qui lui est dévolue, le dieu des mers et océans quitte alors les lieux, tête haute, sans croiser les yeux de personne. Son pas est calme, assuré, et ce n'est que lorsqu'il franchit la porte qu'il s'autorise à serrer les dents et froncer les sourcils devant sa femme. Amphitrite comprend, reste muette. La blessure n'est pas banale. Ils en parleront plus tard, seuls tous les deux. En attendant, Poséidon ne peut rester inactif.
Il monte sur son char majestueux à l'entrée du temple de Zeus.

"Retrouve Delphinos, il saura quoi faire. Je m'en vais faire mes adieux à Atlantide."

Zeus n'avait pas rendu ce verdict de gaité de coeur.
L'espace d'un instant, il avait même cru à une révolte de son frère mais ce dernier avait accepté le jugement sans mot dire. Glacial, impassible. Plus que nul autre, Zeus se devait de se montrer impitoyable pour éviter que les dieux n'en viennent à détruire l'humanité dans leur soif de pouvoir. Les hommes.
Des créatures fascinantes mais qui avaient besoin de limites.

- Dieux de l'Olympe. Le jugement est rendu. La séance est levée. Je vous invite tous et toutes à assister à la fin de l'Atlantide. Voyez de vos yeux le sort qui attend les humains qui ne craignent plus les dieux ou qui fautent. Le même sort sera réservé à chacun d'entre vous et de vos protégés si vous outrepassez vos prérogatives, ne l'oubliez jamais.

Droit et fier, sévère et juste, le roi des dieux se mua en un nuage de foudre et s'élança en direction du domaine qui allait subir son courroux.
Zeus se matérialisa dans les airs, au dessus de la décadente cité dont les habitants avaient péchés. Un long moment, le souverain de la foudre observa, détailla la ville et ses habitants qui s'y déplaçaient comme des fourmis. Se doutaient-ils du châtiment qu'ils allaient subir ? Probablement pas tant ils vaquaient à leurs occupations. Sourires, colère, agacement, émotions, les humains étaient égaux à eux même.
Pauvres créatures.
Zeus ne pouvait détacher son regard de la vie des éphémères. Une existence si courte, si fragile qui justifiait à elle seule le besoin des hommes de défier les dieux. Pour exister, pour marquer le temps. Le regard triste, le roi leva la main droite pour y faire apparaitre la foudre divine. Son arme, son artefact, la marque du respect et de la crainte qu'il inspirait. Le ciel se voila de ténèbres uniquement percée par la lueur intense de l'éclair de Zeus, prêt à frapper.

(Ah ? On ne change pas de lieu ?)

Poséidon hâta les chevaux afin qu'ils fendent les flots plus vite que jamais. Le "spectacle" si l'on pouvait ainsi qualifier un massacre de cette envergure, ne se ferait pas sans qu'il y ait lui-même donné un sens. Son peuple avait le droit de savoir, de comprendre, voire si le destin lui prêtait main forte d'en réchapper. Delphinos, confident du seigneur des mers et océans, comprendrait sans doute la réaction de son maître et chercherait un échappatoire, un nouveau refuge, et Amphitrite l'aiderait à le sécuriser.

Le fondateur de la dynastie merveilleuse des Atlantes arriva en vue du port, hissa son char hors de l'eau et pénétra aussitôt dans l'avenue principale de la ville-capitale du continent : Atlantis. Il fit soudain stopper ses montures qui se cabrèrent violemment. Deux familles visiblement prêtes à partir semblaient vouloir passer inaperçues. Et ce détail avait fait prendre conscience au maître des lieux de la présence d'un cosmos saint... qu'il repéra sur un navire, prêt à partir. Le regard glacial qui le traversa figea le mortel comme une statue. C'est alors que d'autres fuyards apparurent évidents à ses yeux, bien plus nombreux qu'ils le paraissaient au départ, et le navire ne disposait pas d'un homme, mais de toute une garnison de saints.

Quel jeu sournois jouait Athéna ?! Voulait-elle sauver son peuple à sa place ?! Sauver son peuple... Cette perspective prit un nouveau jour aux yeux du maître des eaux. Zeus avait ordonné la destruction d'Atlantide, pas celle des Atlantes. Ainsi donc ceux qui seraient partis avant d'avoir subi ses foudres ne craindraient pas son jugement. La fierté de Poséidon vacilla violemment. Un détachement de plusieurs conseilles de la cité arriva alors :

"Votre divine altesse ! Votre divine altesse ! Votre fils... ! Atlas !
-Parle conseiller, que se passe-t-il ?
-Vous n'êtes pas revenus à temps pour que l'on vous prévienne... Le seigneur divin Atlas a été scellé par Athéna lors de la dernière bataille ! Le peuple a peur et certains des guerriers de la déesse lui a promis l'asile !"

Tout s'expliquait. Mais alors, Athéna avait convoqué le tribunal pour donner une leçon de sagesse à l'humanité tout en cherchant à la préserver ? Détruire la terre sans détruire la chair ? Acculé, le dieu marin n'avait de toute façon pas d'autre alternative. De plus en plus de passants s'arrêtaient en se demandant ce qui pouvait bien se passer. Poséidon prit alors une voix tonitruante qu'il amplifia dans toute la cité grâce à son cosmos :

"ATLANTES ! MON PEUPLE, MA DESCENDANCE, ÉCOUTEZ VOTRE PROTECTEUR ! LES SAINTS VOUS ONT CORROMPU PETIT A PETIT ! ET ATHÉNA A MANIGANCE LA DESTRUCTION DE VOTRE BELLE TERRE ! FUYEZ ! FUYEZ DES MAINTENANT ET VOUS SEREZ ÉPARGNÉS !"

Une vague de panique s'éleva tout à coup dans les rues et les habitants se ruèrent vers leurs maisons dans l'optique de retrouver leurs familles et emporter un maximum de leurs biens. Ceux qui étaient déjà en route vers la grande barge affrétée par la déesse de la Sagesse vinrent s'agenouiller aux pieds du char en implorant la clémence, et d'autres autours qui avaient les mêmes intentions s'étaient stoppés.

"Relevez-vous, pauvres fous..."

Un regard où naquit la haine transperça le bateau et sa coque de part en part, tandis qu'une légère secousse commença à agiter les alentours, chacun sachant pertinemment de quoi cela pouvait être annonciateur.

"Que ceux qui veulent rejoindre cette perfide déesse soient déchargés de mon courroux ! Seule m'importe la survie de mon peuple et de sa foi en moi, quelque part... Néanmoins, si vous la suivez, veillez à ce qu'elle vous accorde sa protection, car sur son domaine jamais je ne viendrai vous défendre ! Qu'elle assume votre destin ! Allez mes fidèles ! Vivez !"

Le cosmos lapis-lazuli du dieu explosa tout à coup, et l'on entendit le tonnerre gronder dans les cieux qui se condensaient. Poséidon n'eut pas un regard pour les nuages : Zeus était là-haut et voyait tout, pas de doute possible. Mais comme il l'avait décrété lors du tribunal divin, il serait le seul autorisé à cela. Alors, une barrière cosmique monumentale s'éleva autour de la cité, puis s'étendit progressivement à travers le continent : elle n'avait pas pour but de bloquer le cosmos du plus jeune frère de Poséidon, mais les regards de tous les autres sans exception aucune serait refoulé. Le pouvoir d'un des trois maîtres du monde permettait bien cela, et plus encore. Si Zeus reprochait ceci à son aîné, alors il encourait le danger d'une vengeance divine qui n'aurait d'égale que celles dont ils avaient fait preuve lors de la Titanomachie.

"A ceux qui me resteront fidèles, ne redoutez pas l'océan qui vous entoure ! Déjà je sens venir les dauphins guidés par Delphinos, mon plus fervent serviteur ! Il va vous guider vers un nouveau refuge, où nous rebâtirons ce que Zeus va anéantir ! Prenez avec vous les cristaux sacrés que tout Atlante se doit de porter. Grâce à eux, vous pourrez créer une barrière au fond de l'océan qui vous permettra de respirer ! Et c'est sur ses fondements que nous renaîtrons !"

D'un geste de trident, Poséidon ouvrit l'océan en deux. Une passerelle qui s'enfonçait progressivement dans les eaux dévoilait les dauphins et sirènes qui arrivaient pour guider les Atlantes. Les plus téméraires s'y engouffrèrent en toute confiance, les autres suivirent peu à peu.
Le dieu marin leva alors les bras aux ciel, droit vers l'épicentre du tonnerre grondant.

"Zeus ! Ne poursuis pas les mortels de ta fureur dès lors qu'ils auront passé cette barrière que je viens de créer ! Atlantide périra comme tu le veux, mais son peuple pas entièrement ! Les bonnes choses de cette civilisation survivront, comme Deucalion et Pyrrha ont survécu !"

Zeus observa le visage fermé les actes de son ainé si arrogant.
Poséidon devenait-il donc capable de se préoccuper des mortels avec le temps ? Qui aurait cru une telle chose ?... Le dieu des océans semblait prendre un réel intêret à sauver ces éphémères de la vindicte du roi des cieux.
Poséidon alla même jusqu'à dresser une barrière destinée à barrer la vision des autres Olympiens mais aussi, et surtout, à définir clairement une zone à détruire pour son jeune frère.
Ce dernier entendit les imprécations du roi des mers mais ne daigna pas y répondre. C'était inutile. A quoi bon prendre Poséidon à rebrousse poil et à l'humilier davantage ?
Détruire une telle civilisation n'était absolument pas du gout de Zeus mais un exemple édifiant devait être donner à l'ensemble de l'humanité. Un rappel à l'ordre pour l'instant.
Si les éphémères venaient à mettre en doute la parole de leurs créateurs, les dieux les plus retors pouvaient être tenter de défier Zeus et l'autorité qu'il avait érigé au fil des siècles après maintes guerres tragiques et sanglantes.
Le ciel devint obscurité et le roi des cieux fit grésiller la foudre divine qui se mouvaient sur ses bras tendus. Une heure. Il allait offrir une heure au peuple de son ainé.

- Je retiendrais ma colère le temps d'un battement de paupières, Poséidon. Je te fais une faveur. Hâte le départ de ton peuple car ceux qui hésiteront périront de ma main sans pitié. cette terre va être rasée et les fous avec.

Que tous puissent voir le destin funeste qui les attendaient s'ils tardaient trop à quitter les lieux. Un nuage de foudre crépitante se constitua au dessus de la cité avec en son centre le roi des dieux, prêt à frapper.

Poséidon serra les dents et se retint de répondre. Il avait envie de hurler qu'il n'avait pas besoin de faveur, qu'il avait créé les meilleurs êtres de ce monde et que c'étaient eux qui méritaient grâce.
Ravalant sa fierté, le souverain des mers et océans acquiesça simplement et fit résonner les secousses de la terre à travers tout le continent. C'était le moyen le plus rapide d'alerter tout le monde. Ceux qui avaient été fidèles à l'océan, comme les habitants de la capitale portuaire, ne craindraient rien. Ceux qui avaient peuplé la campagne atlante s'en sortiraient s'ils se pressaient. Ceux qui s'étaient retiré du monde à l'intérieur des terres et dans les montagnes périraient sans pitié. C'était amplement suffisant à l'exemple : plus de la moitié des Hommes du sixième continent serait foudroyée...

La panique continuait de se répandre comme une traînée de flammes sur de la paille sèche. De village en village la terrible nouvelle provoquait le chaos et la peur. Déjà les dauphins et les tritons les plus rapides prenaient le chemin indiqué par Delphinos. Il avait trouvé au fond de la mer Egée, non loin du Sanctuaire d'Athéna où l'on pourrait surveiller l'arrivée des Atlantes traîtres à leur patrie, une surface suffisamment vaste pour abriter une ville de la taille d'Atlantis, voire quelques extensions de banlieues que l'on pourrait aménager avec le temps. Forts de leur héritage, les cristaux bénis un par un par le dieu des océans, sa femme Amphitrite et son fils Atlas, les fuyards n'auraient qu'à consumer leurs énergies pour créer une nouvelle barrière, sacrifiant les objets. Poséidon les remplaceraient plus tard, un à un de nouveau. Mais personne ne toucherait à ce qu'il y avait de meilleur en ce monde sans traverser désormais son Empire : les flots. Tout le savoir et la culture de ces êtres d'exception appartenait à Poséidon, dont la descendance en avait fait le père indirect. Si lui ne pouvait plus admirer sa civilisation, l'unique, la plus belle, personne ne pourrait. Quitte à ce qu'il détruise lui-même Atlantide.

L'idée fit son chemin dans l'esprit du seigneur des eaux et ne s'en délogea plus. Quelle meilleure preuve de respect que d'appliquer lui-même la sanction ? Noyer sa propre création, au nom de la purification des Hommes ? N'était-ce pas Poséidon qui avait par une fois déjà nettoyé le monde de ses eaux bienfaitrices ?

Pendant l'heure qui suivit, le dieu au trident prit l'apparence d'un simple mortel encagoulé dans un vêtement en loques. Il regarda ses protégés s'en aller à toutes jambes, les rues se vider, le silence s'installer.

Au fil du temps, la situation avait pris une tournure plutôt inattendue : plutôt que se transformer en émeute, allant jusqu'à piétiner son voisin sans s'en préoccuper, la mêlée s'était organisée, plus calme, vers les différents navires saints qui étaient apparus à l'horizon et vers le passage des eaux desservi par les créatures marines ou la nage. Cela s'était produit grâce à l'armée. Disciplinée, elle avait repris son calme et créé des murs humains pour orienter les passants.
Un jeune enfant quitta tout à coup les rangs pour retourner vers sa maison, rappelé à l'ordre en vain par sa mère qui ne parvenait pas à se frayer un chemin à contre-courant dans la foule. C'est alors que l'un des généraux perché sur un autel destiné ordinairement aux hérauts se lança à sa poursuite.

"Reviens petit ! Tu ne peux pas retourner en arrière sinon tu mourras dans le passé ! Laisse tes biens et construis l'avenir !"

Le garçon se heurta à Poséidon dans son habit de vieillard et s'accrocha à lui, l'ancêtre qui refusait de quitter son foyer, à lui qui le comprendrait sûrement. Le maître des eaux vit alors venir à lui le général civil qui prit l'enfant par la taille avec douceur et tenta de le raisonner à ses pieds. Le dieu n'entendait pas, ne voyait que les lèvres du jeune homme remuer. Et lorsque l'enfant partit rejoindre à regret sa mère qui l'attendait, les prunelles lapis-lazuli se posèrent sur la chevelure d'or du jeune homme, ses yeux d'émeraude, sa peau hâlée par le généreux soleil. Sans comprendre pourquoi, le général sentit tout son être investi d'une puissance nouvelle et majestueuse, seulement transmise par ce regard d'une intensité extraordinaire. Il comprit alors et s'inclina un genou à terre.

"Votre divine altesse !
-Quel est ton nom, Atlante ?
-Silister, votre illustre majesté. Silister Solo.
-Tu es général de mon armée n'est-ce pas ?
-C'est exact. Puis-je vous demander... pourquoi tout ceci ?
-L'Homme a failli dans sa pureté. La pureté que je m'étais appliqué à isoler des vices de ce monde. Le tribunal divin a ainsi décidé de vous anéantir pour l'exemple, alors même que vous êtes ce qu'il y a de plus beau en ce monde. Mais écoute, Silister Solo. Un jour, les écailles comme la tienne, les premières de l'humanité, porteront des noms. Et l'on se souviendra de leurs porteurs comme des êtres d'exception capables de protéger le peuple de tous les dangers. Ton calme et ta bravoure face aux événements fera de toi le premier d'entre eux."

Surpris, Silister releva les yeux et eut à peine le temps de voir couler une larme. Poséidon posa une main puissante sur son front autour de laquelle était accroché son propre pendentif.

"Conserve-le plus précieusement que ta vie et utilise le tien pour créer la nouvelle barrière qui protégera les Atlantes de l'assaut de mes courants. Celui-ci contient désormais une partie de mon âme, et lorsque j'aurais accompli encore quelque chose, je me réunirai à l'intérieur, je te ferai l'insigne honneur de prendre possession de ton être et ton esprit guidera à jamais ton peuple en moi, comme tu l'as fait aujourd'hui. La guerre sainte qui m'a opposé à Athéna ne fut que la première d'une longue série qui opposera les dieux de l'Olympe entre eux, et afin de m'y préparer, je dois mettre mon enveloppe charnelle d'origine en lieu sûr. Maintenant va, garde la bouche fermée et les yeux grands ouverts."

Stupéfait, le général ne répondit pas et acquiesça une fois de plus. Tandis que les secousses terrestres qui agitaient l'Atlantide redoublèrent de vigueur, il hâta le pas des autres personnes et se dirigea vers la mer avec le précieux chargement dissimulé sous son écaille son nom.

Poséidon fit demi-tour et laissa tomber son déguisement au cœur d'une Atlantis vide de présence. Là coulèrent les larmes d'ichôr qu'il se promit de ne jamais plus verser. Jamais.
Face à se propre statue, il fit apparaître son trident et sa Kamui, puis s'entailla le doigt pour prêter serment à demi-voix devant sa propre image :

"Je jure que la blessure qui vient de m'être portée ne sera jamais à sens unique. Un jour, même si cela prend des millénaires, je reviendrai et me vengerai. Athéna, mais aussi tous les autres... Vous paierez ma colère, jusqu'à sa plus petite étincelle. Jusqu'à ce que le feu de la vengeance qui vient de naître se consume. Et, foi de Poséidon, vous pouvez être sûrs qu'il brûlera longtemps."

L'heure accordée par Zeus touchait à sa fin. Le maître des cieux faisait déjà gronder le tonnerre qui allait réduire l'Atlantide en charpies. Il n'y avait plus qu'à agir.

Le temps était venu.
Poséidon avait mis à profit le délai accordé par son cadet mais rien dans son attitude ne témoignait une quelconque reconnaissance. Voilà bien le défaut majeur des dieux : croire que tout leur était dû.
Du haut de son promontoire nuageux, Zeus observa les manoeuvres de son ainé et fut d'autant plus étonné de voir Poséidon à ce point concerné par de simples mortels. Peut être les considérait il vraiment comme sa propriété, ses protégés ? Comme quoi même l'impitoyable dieu des océans semblait pouvoir ressentir des sentiments humains.
Une fois encore, Zeus prit le temps de détailler les rues, l'architecture de cette civilisation. Sa mémoire allait-elle disparaitre dans l'oubli ? Qu'importe désormais car son sort était scellé.
La foudre se condensa dans les bras tendus de Zeus qui ferma les yeux quelques instants. Lorsqu'il les rouvrit, ses pupilles n'étaient plus qu'un univers infini dont la seule vision aurait épouvanté ou rendu dément n'importe quel éphémère. L'orage se mit à gronder d'une force annonciatrice d'un cataclysme.
Et la furie du seigneur de l'Olympe frappa.
La foudre tomba, ravageant les édifices, éventrant les rues, renversant les statues et les stèles. La mer se souleva et engloutit la cité vouée à la destruction.
Zeus leva les bras vers le ciel, baigné de son cosmos unique. Un vent violent s'éleva alors et la terre se mit à gronder. De véritables typhons emplies de foudre mortelle se formèrent dans le coeur même de la ville et la balayèrent encore et encore. Jusqu'à ce qu'il ne reste qu'un tas de ruines fumantes.
De mémoire d'immortel, on n'avait pas vu une telle destruction depuis la titanomachie. Soudain, la ville se souleva sur elle même avant de retomber pour s'enfoncer peu à peu dans les flots. Vers l'oubli...

Poséidon était resté au milieu des ruines, jusqu'à la fin. D'abord, une fois le temps imparti, il entendit les éclairs toner comme un gong. Les plus téméraires des Atlantes regardaient depuis le passage sous-marin qui s'était refermé derrière eux. Des éclairs lumineux apparurent à leurs yeux comme mille étoiles venant s'échouer sur leur capitale, puis leur continent tout entier, symbolisant le renouveau...

Le dieu des mers et océans vit d'abord les toits prendre feu et les colonnes plier sous la puissance de la foudre. L'incendie ainsi provoqué s'étendait aux autres maisons via les meubles, les sols de bois, les provisions d'hiver, puis les tissus, le charbon, les machines solaires. Les tours à miroirs, gardiennes des remparts de la cité, furent d'ailleurs très dévastatrices car leurs orientation avait été laissée au destin. On entendait parfois le dernier râle d'un vieillard qui n'avait pas voulu abandonner la cité ou celui d'un chien oublié. Les chevaux s'étaient enfui mais serait destiné à périr de toute manière, car Poséidon ne supportait pas la vue d'un tel gâchis sans réagir.

Les secousses qu'il produisait depuis une heure se firent cette fois véritables tremblements et le vent se mit à souffler en rafales, agitant les courants.

"Eole, mon fidèle compagnon, retire tes doux vents du sud afin que je puisse exprimer ma colère..."

Les rafales se firent alors tornades et ouragans et Poséidon eut plus que jamais le cœur serré. Pourquoi les Atlantes ? Sa rage jusque-là contenue jaillit brusquement en une gigantesque onde de cosmos. Les flots s'élevèrent dans des vagues de plusieurs dizaines de mètres de hauteur et déferlèrent sans pitié sur le sixième continent tandis que le maître des eaux hurlait au cœur des flammes, de la foudre et du vent déchaînés. Loin dans les campagnes et les terres alentours, les hommes et les femmes restés en arrière périssaient par grappes entières. Le niveau de l'Atlantique monta alors progressivement tout autour de l'île-continent qui lui avait donné son nom. Si les Atlantes étaient punis et ne pouvaient conserver leur terre, personne ne le pourrait sinon l'océan lui-même !

L'une des secousses sismiques brisa les appuis qui retenaient l'île au fond de l'eau et l'île se mit alors à se déplacer sur plusieurs mètres avant de s'affaisser sur ses propres fondations et de couler progressivement. Poséidon reprit le chemin de son char dont les chevaux affolés se calmèrent à son approche. Il les lança sans ménagement sur la surface impitoyable des courants, direction la Grèce, où Athéna attendait sûrement avec son armée de chevaliers de bronze, d'argent et d'or. La furie du dieu l'emporterait avec elle, et tous ses hommes également s'il le fallait.

On apprendrait quelques jours plus tard que, les rangs décimés, les Saints et Athéna en personne avaient réussi à sceller l'âme du dieu ivre de rage. L'ordre des Blue warrior serait alors chargé de veiller sur l'urne sacrée qui la renfermait. Un passage sous-marin créé par Amphitrite qui régula les courants perturbés serait utilisé plus tard pour le libérer, mais cela fait partie d'une autre histoire...

FB terminé

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