Un soupir. Il arrivait enfin après quelques jours de voyage. Plus il allait et plus il trouvait que ses voyages en mer prenaient de moins en moins de temps. L'habitude de parcourir les océans combinée à sa vitesse grandissante, chaque jour un peu plus grâce à un entraînement rigoureux. Pourtant... il avait laissé Mégara à ses chimères de puissance rapide et sans danger. Être maître n'était sans doute pas une chose qu'il était capable d'assumer.
Il émergea sur une plage qu'il connaissait bien, très bien même. Là-haut, en haut des falaises il y avait...
Sans même chercher à se sécher - le soleil de Grèce aurait tôt fait de s'en charger, il suivit les traces des innombrables pêcheurs dans le sable et se mêla à leur longue file, avant d'atteindre un petit village. Son écaille n'était pas le meilleur déguisement pour passer inaperçu mais il n'était pas venu pour un quelconque espionnage.
"Hé ! Regardez ! Ce ne serait pas le fils Simbad ? -Vous avez vu son armure ? C'est un Chevalier ! -Un Saint ? -Non, on ne dirait pas..."
Eh oui, cet endroit le connaissait. Les gens de cet endroit le connaissaient. Rien n'avait vraiment changé et c'est d'un pas assuré qu'il longea les rues longtemps chéries. Les murmures parmi les villageois s'étendirent, et on lui adressa finalement des saluts auxquels il répondit sobrement d'un signe de tête. Il tenait une toute petite bourse en main, ancienne relique d'un trésor enfoui lors de son enfance en tant que Marina du Dauphin. Dedans ? De vieux écus dorés datant du début du Moyen-âge, voire moins. Il se dirigea vers la taverne au centre du village, place forte et utile pour récupérer des informations. Son entrée fut très remarquée puisqu'un silence s'imposa dès les premiers rayons reflétés par l'orichalque à l'intérieur de la bâtisse.
"Le général Simbad de Scylla, fidèle serviteur du dieu Poséidon et protecteur de l'Océan Pacifique revient à ses racines. Une récompense à celui qui répondra à mes questions, qui augmentera suivant si elles me satisfont ou non. Commençons : quelqu'un sait-il si mes parents sont en vie ?"
Sujet: Re: Chalcidique - Retour aux sources et nouveau départ ! (MP moi si vous voulez participer) Sam 7 Avr 2012 - 15:51
Une bonne dizaine de badauds se levèrent et entourèrent le jeune homme, avec une réponse différente de la part de chacun. Bien évidemment c'était la bourse qui les attirait et non le fait de vouloir l'aider. Cependant, un homme resté assis à sa table directement face à lui le regardait. Le général rompit les rangs et se dirigea devant vers lui en silence, les yeux dans les siens.
"Tu es le gamin qui avait prédit le naufrage, vrai ? Avec les dauphins. -Ce bras de bois est un souvenir du voyage j'imagine. -Je n'ai jamais pu oublier la façon dont tu m'as regardé ce jour-là, avec tes yeux rouges comme la braise, inimitables. On aurait dit que tu étais mort avant même d'avoir subi le chaos des vagues et de passer par-dessus bord. Ton père a dû se faire dévorer par les poissons. Ta mère a été ramenée par un dauphin sur la rive, avec tous ceux qui sont encore vivants aujourd'hui, mais elle est morte quelques mois après, malade de ne pas vous revoir. Si tu veux vérifier gamin, y'a l'cimetière à la sortie du village. Et j'ai ça aussi..."
Il plongea la main dans son vieux manteau crasseux et en sortit une boucle d'oreille sertie d'une pierre bleu océan. Simbad tendit la main pour recevoir l'objet et en examina les détails plus attentivement. Un minuscule trident était gravé sur la partie métallique de l'objet, un trident représentant la Chalcidique où il avait vu le jour. Ce motif était assez courant dans la région mais pas la pierre qui accompagnait le bijou, de sorte qu'on pouvait aisément reconnaître le propriétaire de l'objet.
"Pourquoi l'avoir gardée tout ce temps ? -Une intuition de vieux loup de mer. Je savais que tu reviendrais. Un regard comme le tien pouvait pas laisser les dieux insensibles. Tu es né dans le trident, tu as coulé, et tu as ressuscité en tant que général des mers, c'est ça ? Y'a des légendes sur ce genre de phénomène que tous les marins connaissent. Je pensais pas que c'était vrai, mais dans tes yeux tout était écrit... On m'prenait pour un fou quand j'ai dit que je naviguerai plus jamais, que j'attendrai ici. Maintenant je sais que j'avais raison, je peux mourir en paix ! Passe le bonjour au vieil empereur de ma part."
Tout cela semblait irréel. Comme si tout avait été orchestré par Poséidon lui-même, tout était facile. Il trouvait un homme qui l'attendait. Il apprenait enfin quel sort avait subi sa famille. Il n'avait eu qu'à montrer son écaille et à poser une question. Pourquoi, pourquoi tout était si simple ? Coïncidence ?
*Les généraux sont l'élite d'Eges. Si Poséidon t'a choisi comme tel, il doit avoir prévu que tu voudrais savoir. Il te facilite la tâche. Mais tu peux toujours vérifier.* "J'irai au cimetière."
Il déposa trois écus dorés devant le marin et tourna les talons.
Sujet: Re: Chalcidique - Retour aux sources et nouveau départ ! (MP moi si vous voulez participer) Ven 13 Avr 2012 - 0:43
Quelques-uns suivirent Simbad malgré tout jusqu'au cimetière, où ce qu'avait dit le vieil homme se confirma : une tombe au nom de sa mère avait été creusée. Il n'alla pas jusqu'à déterrer le corps, qui de toute façon devait être rongé par les vers, mais le doute plana encore un moment dans son cœur jusqu'à ce qu'enfin les mots fassent écho dans sa tête : elle était morte.
Il se dirigea sans un mot vers les écuries du village et donna ce qu'il lui restait restait d'or au palefrenier contre une bête, lui promettant de la ramener malgré le fait qu'il avait payé bien trop cher. Il allait dans un endroit où la vitesse de la lumière était dangereuse, où les moindres vibrations de cosmos pourraient faire s'effondrer les falaises. Ainsi, il alla au trot, jusqu'en haut des falaises vers lequel un chemin chenillait paresseusement. Il arriva en haut, continua jusqu'à voir la mer Egée s'étendre devant lui. Il y avait une petite maison en ruines qui attendait sagement que l'on vienne la visiter. Sa maison.
Il attacha le cheval à un arbre proche et pénétra dans les décombres de l'habitation. Une partie du toit s'était affaissée, sans doute à cause d'un orage trop violent, mais tout le reste était intact. Il se revit, enfant, jouer dans la cuisine, embêter le chien de la famille. Il se revit, serré dans les bras de l'un ou l'autre de ses géniteurs. Il se revit encore, devant ce chevalet intact qui trônait devant la cheminée. Il remarqua un morceau de papier au sol lorsqu'il s'avança et ramassa l'un de ses anciens chefs d’œuvres.
Il était plutôt doué déjà à l'époque...
*Débarrasse-toi de tout cela. Enfouis-le au fond de ton cœur, afin que personne ne puisse te le prendre. Ces souvenirs sont à toi seul !* "Oui... A moi seul. Mais je ne peux pas me défaire de ceci..."
Il sortit avec le chevalet, le dessin vieilli et ce qu'il restait de peinture et pinceau sous le bras. Dehors, il s'installa et reproduisit les gestes si souvent effectués autrefois. Il peignit de nouveau ce qui avait été son refuge, tel quel, en ruines. Un bout de toile noircie par la poussière lui servait de support. Il emporterait sa maison avec lui dans l'Empire sous-marin.
"Il était une fois... l'histoire d'un roi, oublié. Il avait un royaume qu'il aimait. Il avait une famille qu'il protégeait. Il avait un rêve qu'il peignait.
Au doux clair de lune, un jour il sombra. En époux de Neptune il se changea.
Son royaume fut cendres, ses pairs errèrent dans les méandres de leur... cimetière.
L'histoire d'un roi oublié. Un royaume dévasté. Ses amis perdus. Sa vie déchue." *Et quel beau roi tu fais. Sincèrement.*
Le général ne répondit pas au compliment. Il se contenta de peindre pendant de très longues minutes puis compara le dessin de son enfance avec son tableau. La différence d'ambiance était saisissante mais on reconnaissait parfaitement les lieux.
"Il n'y a plus qu'à enfermer tout cela dans mon cœur."
Il prit deux pierres assez plates et entra de nouveau dans la maison, les frotta l'une contre l'autre avec une patiente digne d'une plante carnivore qui attend qu'un moucheron se pose sur sa feuille. Bientôt, quelques étincelles volèrent et il parvint à enflammer le bois mort. La maison entière s'embrasa en quelques minutes, les murs achevèrent de tomber, les flammes s'élevèrent haut et fort, à tel point que plusieurs villageois accoururent pour voir ce qu'il se passait. Il n'y avait plus rien à sauver et c'est ave cune indifférence extérieure à glacer le sang que le regard de braise du Marina reflétait les braises de l'incendie qu'il avait déclenché. Il attendit jusqu'à ce que la dernière d'entre elles se soit définitivement éteindre pour redescendre de la falaise, rendre le cheval et lancer un dernier regard vers la fumée dispersée par le vent.
Il n'adressa plus la parole à personne et reprit sa route de général des mers. Puisqu'il était en Grèce, il allait en profiter pour aller au Sanctuaire. Peut-être y aurait-il là-bas une ou deux personnes à saluer, dont une en particulier qui lui avait fait grand effet...
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