Retard printanier sur fond de colère [libre]

La Reine franchit la porte des Enfers d'un pas rapide. Sa mâchoire crispée et le rouge écarlate qu'arboraient ses joues donnaient une première indication assez explicite sur son humeur du moment.

Ces quelques mots furent à peine murmurés. Plus grommelés qu'autre chose en définitive. Tel le bruit sourd que fait l'ours mettant quiconque au défi d'oser franchir le col de pierre qui marque l'entrée de sa tanière.
Pourtant elle avait bien essayé de se détendre et de se changer les idées, mais rien n'avait été efficace.

Dans un premier temps, elle n'avait pas moufté une oreille lorsqu'Hadès était enfin venu la libérer. D'autant moins avec les quelques mots qu'il lui avait adressés et qui n'étaient pas pour indiquer que son état d'esprit étrange et ses actes encore plus étranges, s'étaient évanouis comme par magie. Kazuki ayant disparu du paysage, Perséphone n'avait pas du tout l'intention de moisir dans ce trou plus longtemps. Avait-elle donc respecté un silence tout divin et quitté les Enfers dès qu'elle l'avait pu la tête basse. ELLE ! La tête basse ! De son propre royaume ! On aura tout vu.

Alors qu'elle repensait à l'outrage suprême que lui avait infligé son époux, et en plus devant Hypnos, une explosion tonna tel la colère de Zeus alors qu'elle passait non loin d'un gros amas rocheux. Ne prêtant pas la moindre attention aux cailloux, petites roches et à la poussière qui se répandaient dans son sillage, les Ténèbres étaient surtout focalisés à contenir de mieux possible sa colère. Hadès était présent dans le royaume, et s'il était toujours dans le même état il trouverait encore on ne sait quel prétexte pour lui refaire une crise, et peut être pire que la précédente.

Il faudrait quand même se pencher sur la question de son étrange comportement. Mais après la stupéfaction, la terreur, puis l'incompréhension, elle en était au stade de la fureur noire. Qui n'est, de fait, clairement pas le meilleur moment pour enquêter, ou pire aller voir son époux.
Elle était pourtant retourné en terre des hommes durant 2 semaines pour y faire renaître le Printemps, puisque la saison était déjà là et que son enfermement avait engendré un retard sans précédent.

Les périodes de germination et d'arrivée à maturation allaient être complètement décalées. Que les humains se retrouvent en difficulté ne l'intéressait pas le moins du monde. Par contre... que les animaux et certaines plantes puissent souffrir de cette négligence, était pour le moins inadmissible.

Marmonna-t-elle une fois encore en un grognement plus guttural qu'autre chose.

(c) Codage par Asmareth pour Never Utopia

Elle avait beau grogner tout son soûl, il fallait cependant bien admettre que les Ténèbres n'en ramenaient pas bien large. Elle n'avait pas la moindre idée de la manière dont les choses allaient se passer quand elle se retrouverait une nouvelle fois face à son époux, pas plus que l'état d'esprit dans lequel il serait. Et si... il était toujours comme à ce moment là... ou... pire... que ça s'était encore envenimé.
Un frisson parcouru brièvement son échine. Au cours des siècles passés, elle ne comptait plus les moments où elle s'était félicité d'être à ses côtés, plutôt que face à lui, à l'affronter.
Hadès n'était pas seulement un grand monarque. Il était aussi un redoutable guerrier et pouvait se montrer aussi cruel que féroce. Bien mal prendrait celui ou celle qui sous estimerait sa capacité de nuisance, ainsi que sa capacité à détruire autrui d'une pichenette.

Toute à ses pensées, à ses inquiétudes et à son questionnement, elle ne prit garde à sa présence que lorsqu'elle l'entendit prononcer son nom.
D'un mouvement sec, son visage se tourna vers son époux. Immédiatement elle la vit. Cette fine et pourtant bien présente balafre sur sa joue, suintant d'un mince filet de sang. Ses yeux s'exorbitèrent instantanément. C'est elle qui avait fait ça...? Toute colère s'évanouit en un instant.

Perséphone recula d'un pas.
Les lèvres légèrement entrouvertes, elle fixait Hadès comme s'il était tout droit sorti du pire cauchemar que l'on puisse imaginer. Un autre pas de recul.

Les mots furent plus murmurés que réellement affirmés. Le regard violine de la déesse ne pouvait se détacher de la coupure qui trônait sur la joue de son époux. Il fallait se rendre à l'évidence, aussi improbable soit-elle. Perséphone... était littéralement terrorisée.
Pourtant il n'y avait pas grand chose en ce monde qui pouvait la mettre dans un pareil état. A vrai dire... seul Hadès en était capable, comme cela était encore en train d'être démontré à l'instant présent.

Elle revoyait sa main se refermer sur sa gorge, l'étouffant à demi. Sa voix impérieuse, puissante, presque haineuse, avant qu'il ne l'enferme dans cette sinistre cellule dont il n'avait fini par l'en sortir que par un caprice. Du moins était-ce ce qu'il lui avait semblé à ce moment.
Elle fit encore un léger pas en arrière. Elle ne pouvait pas fuir, ni devant son époux et encore moins devant son roi. Mais il paraissait l'évidence même qu'à cet instant, si elle avait pu s'enfuir loin, c'est ce qu'elle aurait fait.

(c) Codage par Asmareth pour Never Utopia

Dire que Perséphone n'était pas à l'aise serait vraiment un doux euphémisme. Elle ne savait littéralement pas comment agir, prise entre le feu de la fuite et de l'affrontement. Ou plutôt... de l'inaction. Car personne en ce monde ne peut rien contre le Sombre Monarque lorsqu'il a quelque chose en tête.
Subir ou fuir étaient a priori ses deux seules alternatives, qui au final se soldaient vers une seule et unique voie : subir. Car on ne fuit pas non plus devant le Roi des Enfers. Ce serait pure folie et cela ne ferait qu'alimenter sa colère.

Lorsqu'il tendit la main vers elle, son corps bougea instinctivement sans qu'elle ne lui en donne l'ordre. Comme si la moindre des cellules de son corps avait enclenché le mode survie, semblant tout faire pour éviter au maximum de se retrouver dans la même situation qu'il y a peu. Et plus elle était loin de lui, moins elle risquait de se retrouver prise en étaux.

Ce fut là un bien mauvais calcul de la part de la souveraine du royaume infernal, lorsqu'Hadès, en une simple fraction de secondes, brisa la distance qui les séparait.
Son souffle se coupa net lorsque sa paume l'attira contre lui. Spontanément, ses paupières se fermèrent sèchement, comme si elle s'attendait à ce qu'il l'étrangle encore une fois ou lui fasse subir quelques représailles pour quelque chose dont elle ignorait tout.

Mais ce n'est pas ce qu'il se produit. Au lieu d'être sec et ferme comme au Palais, le geste était doux, tendre et très précautionneux, comme s'il avait craint de la briser en deux.
Et lorsqu'il lui adressa quelques mots d'une voix contrit, ses paupières s'ouvrirent et elle leva les yeux vers lui. Comme si elle était à la recherche de quelque chose, elle semblait le sonder alors qu'il reprenait la parole.

Aucun doute possible, il n'était plus le même qu'au Palais. Cette sourde colère qui l'avait envahi là-bas n'était plus, elle avait disparu. Ses prunelles se posèrent brièvement sur les âmes qui défilaient en file indienne un peu plus loin et c'est à ce moment qu'elle prit toute la mesure de son geste.
Le couple Infernal était assez pudique. Ils avaient aussi un rôle à tenir. Ainsi, les effusions sentimentales n'avaient jamais lieu en public. Qu'il brise cette règle absolue à la porte des enfers, l'un des endroits les plus fréquentés du royaume infernal, où n'importe qui pouvait entrer et sortir à tout moment, en disait long sur la culpabilité qu'il ressentait.

Ses bras s'enroulèrent tendrement autour des épaules de son époux. Perséphone exécrait la faiblesse par dessus tout. Celle des autres et évidemment les siennes quand celles-ci avaient le mauvais goût de se présenter. Même dans l'intimité, elle évitait soigneusement de paraître faible aux yeux de son époux. Ainsi garda-t-elle le silence quelques secondes, le temps de ravaler ses larmes et de reprendre un peu de contenance.

Ainsi il aurait été comme... possédé ? Comment cela était-il possible... Avoir une telle influence sur le Dieu des Enfers n'était clairement pas à la portée du premier venu. Même un Olympien aurait eu toutes les peines du monde à le manipuler de la sorte.

Perséphone leva les yeux vers son époux, alors que ses paumes se posaient sur ses joues et qu'elle plongeait ses prunelles violines dans les siennes avec gravité.

Elle fit une courte pause, alors que son regard était toujours plongé dans celui de son mari. Mais, brièvement, elle baissa les yeux, mal à l'aise. Visiblement, quelque chose la tracassait.

(c) Codage par Asmareth pour Never Utopia

Elle répondit à son époux en posant sa main par-dessus la sienne. Elle ne pouvait clairement pas nier que cet épisode lui en avait rappelé d'autres... tout aussi désagréables. Mais contrairement aux accès de violence passés de son époux, celui-ci n'était pas de son fait. Et cela changeait absolument tout.

Elle acquiesça à ses mots en silence, d'un simple hochement de tête, son visage arborant une mine grave et sévère à la fois. Oui... il avait raison. Peu nombreux étaient ceux pouvant se targuer d'être capable de manipuler le Sombre Monarque. Il ne lui en venait pas un à l'esprit d'ailleurs. La menace n'était pas à prendre à la légère, et le couple divin en avait parfaitement conscience, l'un comme l'autre.

Elle retint un soupir de soulagement lorsqu'il lui confirma qu'il n'avait jamais imaginé qu'elle aurait pu s'acoquiner d'Hypnos. Au fond, elle s'attendait à cette réponse même s'il était réconfortant de l'entendre le dire. Mais quelque part, le passif Alessio ne prêchait pas non plus en sa faveur. C'était un autre temps, d'autres conditions et une autre situation. Mais le fait est que cela aurait pu jouer. Que ça ne soit pas le cas était rassurant.

Perséphone prononça ces quelques mots d'un air qui se voulait rassurant autant qu'affirmé. Elle s'en arrangerait. Elle expliquerait la situation au Sommeil et il comprendrait. Il était sage et réfléchi, et même s'il pouvait être meurtri d'une quelconque façon depuis cet épisode, c'était son devoir de trouver les mots pour éteindre toute colère qui pourrait couver dans l'esprit d'Hypnos.

(c) Codage par Asmareth pour Never Utopia

Elle acquiesça silencieusement à ses mots, et alors qu'elle s'apprêtait à caresser une dernière fois sa joue avant que le contact ne se brise et que chacun retrouve la distance qu'ils instauraient lorsqu'ils étaient en public, un étrange malaise prit possession de son époux.

Sur le moment, le regard de Perséphone se pétrifia, alors qu'elle fit un pas de recul bien malgré elle. Non... pas encore... pas maintenant et surtout pas ici... Ils étaient seuls, il pouvait se passer n'importe quoi, il pouvait se rendre n'importe où depuis ces lieux et s'il se trouvait aux portes du même symptôme, qu'il quitte les Enfers serait une véritable catastrophe.

Elle était à deux doigts d'envoyer un message télépathique à Thanatos pour qu'il la rejoigne à la Porte immédiatement, lorsque son époux reprit ses esprits. Tout d'abord très méfiante, elle l'observa un moment, écoutant son explication. Ce n'était donc qu'un simple malaise, aussi poignant et pénible fut-il pour son époux... Elle en vint à pousser un profond soupir de soulagement qu'elle ne cacha nullement.

Puis elle s'intéressa vraiment au coeur du problème. D'abord l'état de son époux, qu'elle observa soigneusement, saisissant délicatement ses joues au creux de ses paumes en vérifiant la profondeur de son regard, puis seulement lorsqu'elle ce fut assuré qu'il allait bien, sur les éléments qu'il venait de lui transmettre.

Elle lâcha ces quelques mots sans l'ombre d'un sourcillement et avec une froideur absolue, alors qu'il s'agissait tout de même de son propre frère. Il était de notoriété publique que Perséphone haïssait cordialement Arès depuis qu'il avait subtilisé le corps divin de son cher et tendre. Le Printemps n'avait pas le pardon facile, et lorsque cela concernait Hadès, le pardon était tout bonnement inenvisageable.

Cependant, les paroles qui suivirent étaient déjà nettement moins réjouissantes. La gravité du ton d'Hadès ne fut pas prise à la légère. Il était extrêmement rare de le voire s'inquiéter pour quoi que ce soit. Même lorsque la guerre était à leurs portes, avec une armadas d'Asgardiens et de Saints enragés, il n'avait développé nulle inquiétude. Son empressement à aller au Sanctuaire Sous Marin en était une preuve supplémentaire.

Elle posa les yeux sur Ryûichi à son tour. Elle avait également connaissance de la vengeance qu'il fomentait déjà depuis longtemps, et à en juger par le décuplement de puissance qui était sien désormais, son époux devait avoir raison. Elle avait porté ses fruits.
Reposant les yeux sur Hadès, elle hésita quelques secondes, mais finit par lui transmettre un message par les voies de la pensée.

L'inquiétude de Perséphone était perceptible et pour cause... malgré ce qu'elle lui dit, ils avaient parfaitement conscience tous les deux que, dans le cas où l'évènement funeste du palais se reproduirait, et dans les mêmes circonstances, Hadès ne se rendrait compte de rien. Sur le moment du moins.
Il ne restait plus qu'à prier que la rencontre avec les Marinas se déroule sans encombre.

Elle lui adressa un regard entendu dans un sourire. L'échange avec Hypnos risquait de ne vraiment pas être une sinécure et elle en était lasse par avance. Mais il fallait résoudre ce problème dès que possible.
Elle se détourna donc de son époux, saluant brièvement le Bénou de la tête avant de lui adresser un regard relativement explicite. Il y avait tout intérêt à ce qu'il n'arrive rien à son époux durant cette petite escapade. Elle l'en tiendrait pour responsable le cas échéant.

(c) Codage par Asmareth pour Never Utopia