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| Sujet: [solo] Le fil de l'épée Mar 21 Juil 2020 - 11:22 | |
| Revenir un instant sur ses pas n'est pas une honte, si ce n'est que pour repartir de plus belle.
Helmwig ne savait plus à qui il devait ce dicton. A Frédéric II, probablement. Ses paroles avisées laissaient toujours place à un proverbe résumant à lui seul un concept qu'il venait d'exposer durant parfois des heures, ce qui avait le don d'horripiler ses généraux. Sauf Helmwig. Car Helmwig savait qu'un dicton seul, n'avait aucune valeur.
Il n'avait pas envisagé de retourner si tôt au palais du roi de Prusse. En vérité, il n'était même pas certain d'avoir envisagé d'y retourner un jour. Helmwig n'était pas un sentimentaliste, et il savait que jamais son ancien souverain ne lui aurait tenu rigueur de se focaliser pleinement sur ses nouvelles fonctions. C'était toutefois précisément pour assurer au mieux son rôle de chevalier que le vieil homme était revenu sur ses terres, là où il avait passé la majeure partie de sa vie qui ne tarderait pas à toucher à son terme. Mais pour le temps qu'il lui restait, il comptait bien honorer ses obligations au mieux.
Helmwig s'approcha du garde en faction à l'entrée du palais royal. Il le connaissait bien, pour avoir pris part à certains aspects de sa formation. Frédéric II avait tenu à ce que les soldats constituant sa garde la plus rapprochée bénéficient des enseignements de son garde du corps personnel, aussi Helmwig avait partagé ses savoirs et son expérience avec ce jeune homme fraîchement sorti d'école militaire, à lui et à quelques-uns de ses camarades. Il n'avait encore pas un seul poil sur le visage, mais sa stature faisait plaisir à voir. Même de faction, il paraissait prêt à bondir sur quiconque outrepassait les protocoles de sécurité. Voilà qui était plaisant.
-Guten tag, Friedrich.
Le jeune homme tourna le regard vers son visiteur, et aussitôt, ses sourcils se levèrent au point de soulever légèrement le bicorne noir à liserés dorés qu'il avait vissé sur le sommet de son crâne. Une expression de surprise, avec un fond de joie qu'il peinait à dissimuler, mais tentait malgré tout de passer sous silence par respect du protocole. Un brave garçon, décidément.
- Guten tag, herr Schmeisser. Déjà de retour ?
-Je ne fais que passer. Je viens seulement visiter Son Altesse.
- Visite prévue ?
-Nein. Je descends tout juste de bateau, je n'ai pas eu le temps de me faire annoncer. Désolé.
- Ce ne sera pas un problème, je doute que Son Altesse rechigne à vous reçevoir. MANFRED ! Herr Schmeisser bittet um eine Audienz beim seiner Hoheit.
Le dénommé Manfred, un caporal à peine plus âgé que Friedrich, passa la tête par la porte du poste de garde, incrédule.
- Herr Schmeisser ! Bienvenue chez vous. Je vous fais annoncer de ce pas.
Puis il disparut. Pendant quelques minutes, Helmwig resta immobile, silencieux, scrutant chaque détail de la facade du palais royal comme s'il le redécouvrait. Friedrich non plus n'osait dire un mot. Il savait que le vieil homme n'était pas du genre loquace, et n'aimait pas parler pour rien dire. C'était un caractère qu'il savait respecter, et qu'il commençait même à partager. Finalement, le caporal revint, un registre sous le bras et un crayon sur l'oreille.
- Son Altesse a fait retarder tout ses prochains rendez-vous pour vous reçevoir à l'instant. Il vous fait toutefois savoir qu'il ne pourra pas vous accorder beaucoup de temps.
-C'est parfait. Danke schön. |
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