Il était une fois... les Titans [ouvert]

HRP:

Elle s'éveilla au moment où la neige se mit à tomber délicatement sur les feuilles des arbres. Un à un, les flocons légers virevoltaient, achevant leur danse lancinante et hypnotique sur le sol gelé d'Asgard. Ses paupières laiteuses se froissent imperceptiblement, tandis que ses prunelles pâles dévisagent avec attention ce qu’elle est la seule à percevoir.

Une pensée dérive vers le Gardien. Loup de cœur, Humain de forme, Perdu dans l’âme. Et pourtant n’est-il pas temps d’intervenir. N’est-ce pas son rôle. Pas encore, mais cela viendra. Tôt ou tard. Il lui revient de décider de ce point, comme de tant d’autres. Ashram.

« Devrions-nous… »

Le timbre léger de sa voix s’élève vers la voûte sombre d’un plafond aussi nu qu’un arbrisseau, restant en suspend avec une certaine once d’amusement. Attend-elle de la pierre ancestrale qu’elle lui indique le chemin à suivre ? Qui saurait le dire…
Un sourire pare son visage perlescent, alors qu’elle délaisse le banc de pierre froide sur lequel elle avait reposé ces quatre dernières semaines. Aucune interruption. Personne n’était venu la déranger. On y avait veillé. Mais qui ? Le Père de Tout peut être. Ou quelqu’un d’autre… Allez savoir.

Il était une fois… il y a fort longtemps…

…fort longtemps qu’elle n’a foulé cette terre. Oui… des siècles, des millénaires. Elle pourrait donner la date et l’heure exacte de son dernier passage au Royaume des Titans. Oui, elle saurait le dire. Mais… vous… avez-vous réellement besoin de le savoir ?
Nul regret, nulle amertume, aucun remord, pas de réelle joie non plus. Statique, paisible, la dame blanche contraste avec le paysage qui l’entoure. Ses traits sont lisses, fins, comme si on venait tout juste de la dessiner. Comme si cette peinture n’avait d’autre but que d’amener un peu de fraîcheur au sein d’un royaume traînant encore si lourdement les chaînes de son passé.

Ils se sont éveillés. Ils ont été libérés. Les uns après les autres. Peu à peu. Les Titans, Rois d’un monde qui n’existe plus, Frères et Sœurs maudits par l’essence de la vie elle-même, sont revenus sur leur terre. La Terre qu’elle a si bien connue fut une époque…
Et parce qu’elle sait que ses paroles porteront. Où qu’elles aillent, qui qu’elles touchent, les paupières d’albâtres se ferment délicatement sur un regard exempt d’iris, tandis que sa voix s’élève dans les airs en un murmure.

« Nous ne sommes pas venus porter querelle. Simplement saluer de vieilles connaissances »

Fiche par Narja pour Never-Utopia

Elle le perçoit, mais sera incapable de le voir. Ses prunelles aveugles parfaitement dénuées de couleurs, comme tout son être, semblent imperturbables. C'est peut être à cet instant, lorsque l'on croise quelqu'un dont les orbites oculaires sont aussi pâles que la lune, que l'on comprend toute l'importance que peut revêtir un regard. Tant de sentiments, tellement d'expressions peuvent naître au fond des yeux...
Alors... qu'advint-il lorsque l'on se retrouve face à un regard qui semble aussi vide que le sien...? Cela est perturbant, souvent, dérangeant, parfois. Mais cela ne laisse jamais indifférent.

Il avance à pas rapides. Un pas qui aurait pu provoquer une certaine crainte pour n'importe qui se trouverait face à lui. Un pas qui pourrait ressembler à une confrontation, tant sa sonorité est sèche, ses talons frappant le sol à intervalles réguliers. Pourtant elle ne bougera pas. Son visage reste aussi imperturbable que ce regard vide qui se tourne dans la direction des pas qui résonnent.

Sa main s'élève vers le ciel sombre avant de se poser délicatement sur son coeur. Inclinant le menton dans un mouvement gracile, sa voix cristalline s'échappe dans un murmure.

« Il n'est pas nécessaire que Crios s'incline devant nous. Mais nous apprécions cette marque de respect et vous en remercions »

Une expression amusée illumine le visage de Cyn. La réelle première expression parant son visage depuis son entrée sur les terres exhumées des Titans. Si elle avait été "normale", sans doute se serait-elle réjouie de la qualité d'un compliment promulgué par le Titan reconnu comme possédant l'intelligence la plus aiguisée de tous ses frères et soeurs. Mais ce genre de mots n'a malheureusement que trop rarement d'emprise sur sa personne. Et si elle est en mesure de les apprécier pour ce qu'ils sont, ne lui procurent-ils pour autant aucun sentiment de réconfort ou de plaisir.

Les souvenirs sont immuables…

Elle garde le silence. Il observe. Elle laisse faire sans mot dire. Les sens sont développés, au point où elle voit bien plus que ce que ses yeux lui permettraient si ils le pouvaient encore.
Tout à son analyse de sa propre personne, Cyn fait quelques pas. Brisant la distance qui les sépare alors que le Titans s'assoit sur un large rocher abandonné, comme tant d'autres choses en ce monde.

« Nous n'accordons aucune importance à tout cela. Seule la qualité de votre accueil compte, non l'enrobage dont vous pourriez l'entourer »

Un sourire aimable ponctue ses propos.
Elle a parfaitement conscience de n'avoir pas encore donné ni son nom, ni le rang qu'il semble attendre, ni même d'où elle vient ou qui elle sert. Les choses viennent quand elles le doivent. Mais est-ce plausible d'imaginer qu'une entité aussi ancienne qu'il l'est, saura faire la distinction entre attente et impatience.

« Que l'Intelligence des Titans se rassure. Il n'a jamais croisé cette enveloppe au cours de son existence, jusqu'à aujourd'hui. Cependant... Nous nous connaissons. Permettez que je vous le rappelle, car à jamais, rien ne s'efface. Il suffit simplement de... raviver une flamme éteinte depuis fort longtemps »

Son index s'élève dans les airs, effleurant la peau du front de Crios en un mouvement si léger que l'on aurait peine à ressentir son contact. L'esprit du Titan se pare d'une chaleur légèrement tiède, un peu comme un matin d'été, lorsque le soleil est encore clément avant de répandre la puissance de ses rayons sur le monde.

Il y a si longtemps...

Quelques années avant que la Titanomachie ne brise ce monde en éclat, entraînant les fiers Titans dans sa chute. Une vision se matérialise doucement dans l'esprit du Titan. Il se revoit attablé avec un autre homme, dans le château qu'il occupait quand tout était encore paisible en ce monde. L'homme qui se tient prêt de lui ressemble à un être humain d'une quarantaine d'années, à en croire la vaillance de son corps et les muscles qui se dessinent sous sa tunique de lin diaphane. Pourtant ses cheveux sont d'un blanc immaculé et une longue barbe toute aussi pâle dégouline le long de son torse. Ils semblent bien s'entendre si l'on en juge par les discussions animées qui vont bon train entre eux. Cependant il verra mais n'entendra pas.

La vision se brouille alors que le bras de Cyn repose contre son flanc. Restant debout face au Titan, elle acquiesce doucement de la tête tout en fermant les paupières.

« Autrefois nous étions le dieu Mimir, Gardien de la Sagesse et de l'Intelligence du Panthéon d'Asgard. Nous fûmes enlevé, notre tête fut coupée et envoyée au Père de Tout, le Grand Odin. Mais c'est une longue histoire... Aujourd'hui de divin nous ne possédons plus rien, seule notre essence survit à travers l'âme et le corps qui se tient devant vous. Cependant nous restons les Gardiens de ces savoirs ancestraux. Nous étions venus vous trouver, il y a de cela des siècles et des siècles. Nous souhaitions partager quelques uns de nos secrets avec vous, tout comme vous nous avez fait l'honneur de partager quelques uns des vôtres avec nous. »

Fiche par Narja pour Never-Utopia

Elle ressent le trouble du Titan aussi clairement que s'il l'avait exprimé à voix haute. La perception de certaines émotions est un grand cadeaux, qui peut cependant arborer la couleur du fléau. Pour autant... un savant paradoxe se met doucement en marche. Elle comprend ce qu'il ressent. Elle imagine fort bien ses doutes et ses craintes. Comment pourrait-il en être autrement... après toutes les épreuves que les Titans ont traversées. S'il suffisait qu'un étranger foule leur terre tout vêtu de blanc et le sourire aux lèvres, pour qu'ils croient en ses paroles sans la moindre hésitation, cela serait bien étrange.

Cependant.

Si elle comprend, si elle est à même de percevoir, elle sera incapable de ressentir. Cyn n'est pas omnipotente. Elle ne sait pas tout. Elle n'a pas de certitude sur tout. Elle entend son trouble, mais ne sera jamais capable de le partager. Les choses sont ainsi.
Elle brise le silence quelques secondes à peine avant qu'il ne reprenne la parole. Tel un rassurant engagement, elle tourne son visage diaphane vers lui en lui adressant un sourire paisible.

« Ne soyez pas inquiet, Crios. Personne ne vous oblige à nous croire. Il nous aurait plu que vous vous en souveniez par vous même, mais ces souvenirs ne vous appartiennent pas, même si nous les partageons. Ce sont les nôtres »

Pourquoi faut-il que les êtres qui peuplent ce monde, qu'ils soient humains, divins... entités cosmiques ou surnaturelles, n'aient une mémoire si disparate. Encore un principe qu'elle pourra cependant entendre sans mal, car la Sagesse possède le pouvoir de la mémoire. La sienne, mais également une part de mémoire collective. Cette situation n'est pas la première qu'elle rencontre et elle ne sera sans doute pas la dernière. A croire que sa principale mission en cette ère, est de raviver des souvenirs enfouis. Ashram, maintenant Crios.

Toute à cette réflexion, on l'aurait dit absente un bref instant. Son regard permet difficilement ce constat, mais une attitude générale, un ressenti peut être, pourrait le permettre.
Lorsque sa voix se distingue une nouvelle fois à travers ses lèvres, les paupières d'albâtre de la jeune femme se froissent un court moment, comme si elle s'éveillait. Puis son visage s'anime un peu plus.

Le respect... un principe qui changerait bien des choses en ce monde, pour peu qu'ils soient plus nombreux à mettre en pratique un précepte aussi simple qu'ardu à opérer, parfois.
Elle acquiesce en silence dans un léger mouvement de tête.

« Nous ne sommes en rien extra-ordinaire Crios. Notre âme est forte mais notre corps pourrait être brisé aussi sûrement que la petite branche d'un arbre naissant. Mais nous comprenons ce que le Titan veut dire car la Sagesse possède cette sensation propre à elle-même. Ainsi il est rare que nous ne rencontrions d'êtres qui nous veulent vraiment du mal. Cependant... cela peut arriver et arrivera un jour »

Le visage de Cyn arbore une certaine sévérité alors que sa nuque s'arque légèrement, comme si elle fixait le ciel qui les surplombe.
Oui. Un jour quelqu'un viendra. Il viendra pour achever son existence, ou du moins essayer. Et ce jour n'est pas si éloigné que chacun pourrait le penser.

Laissant cette pensée s'échapper dans les méandres de son esprit, un sourire se dessine sur son visage à l'évocation d'Alfadir. Rares sont les êtres à appeler le Père de tout par ce nom. Qu'il vienne d'un Titan ne l'étonne guère.

« Nous ne parlerons pas en lieu et place du Père. Lui seul sera à même de répondre à vos questions. Si vous souhaitez savoir pourquoi il n'est pas intervenu, Asgard vous ouvrira ses portes. Nous y veillerons »

Une expression amusée illumine le visage lunaire de la jeune femme. Crios a toujours été perspicace et d'une intelligence aussi fine que la lame de la plus précieuse des épées. Ses déductions sont parfaitement justes.
Délaissant le ciel qui les dirige de sa noirceur, elle fait quelques pas avant de s'assoir aux côtés du Titan, sur la grosse pierre.
Sa paume caresse la surface lisse et poussiéreuse. Une bien étrange expression passera alors sur ses traits tel un songe trop vite évaporé. Sans doute est elle morte depuis des siècles et des siècles.

« Tout cela est exact. Le Père sait probablement où nous sommes, mais nous ne lui avons touché mots de nos intentions. Il n'en est nul besoin. La confiance... Crios »

Un léger sourire ponctue ses mots alors que son visage se tourne vers lui.
Odin sait qu'elle ne fera jamais rien qui puisse porter préjudice à Asgard. N'en est-elle pas l'une des Gardiennes ?

« Cependant, avant d'aller plus avant, nous vous demanderons de nous appeler Cyn. De Mimir ne reste plus qu'une essence qui vit à travers elle. Elle est l'arbre. Nous sommes le greffon. Un greffon qui lui apporte science et sagesse, mais qui ne saurait survivre sans les racines de l'arbre profondément ancrées dans le sol, alors que ce même arbre pourrait parfaitement survivre sans nous. Aujourd'hui nous ne sommes ni mâle ni femelle, ni vivant ni mort. Nous sommes devenus... son cosmos, simplement. Et si nous parlons d'une bien étrange manière, pour beaucoup des êtres qui peuplent ce monde, c'est parce qu'elle a refusé de nous absorber jusqu'à faire disparaître notre conscience. Elle a choisi de nous permettre de cohabiter et de nous exprimer. Ainsi parlons nous souvent d'une même voix, excepté à cet instant précis »

A ces mots le visage de Cyn se crispe alors que ses poings se referment très doucement sur les longs pans de sa robe blanche. Une expression qui contraste assez violemment avec les paroles qui s'extirpent pourtant de sa propre bouche. Comme si... comme si la jeune femme était mal à l'aise que l'ancienne divinité ne dévoile tout cela. Pourtant elle a accepté de se mettre en retrait sans concession, l'espace d'un court instant. Sa confiance en Mimir ne souffre d'aucune limite. Aucune.

« Bien... Notre présence ici revêt plusieurs raisons. La première est celle que nous avons mentionnée à notre arrivée. Nous souhaitions revoir ceux que nous avons appréciés par le passé. Et vous voila.
Nous n'étions pas alliés. Nous n'en avions pas besoin... à cette époque. Non. Nous étions amis, de bons amis. Nos relations ne s'étendaient guère sur le terrain de la tactique ou de la guerre. Nous nous contentions d'échanger sur les secrets de ce monde, sur nos découvertes, sur la magie qui influence cette terre... Nous étions deux passionnés avides de connaitre toujours plus, de découvrir toujours plus loin... »

Tandis qu'elle parle, le visage de Cyn se détend. Car au gré de ses paroles, les souvenirs de Mimir se propagent dans son esprit avec plus de force. Car si elle ne peut décemment pas être qualifiée d'hôte, n'ayant rien en commun avec un réceptacle humain choisi par un Dieu ou un Titan, il était impossible que les souvenirs de Mimir ne s'insinuent dans son esprit d'un seul coup. Cela l'aurait tué, sans le moindre doute.
Chaque rencontre passée amenait donc avec elle son lot de souvenirs. Et à cet instant, depuis les dernières minutes écoulées, elle était en train de découvrir qui était le Titan Crios, il y a de cela de nombreux siècles.

« Nous sommes également venus jusqu'ici pour savoir comment se porte votre peuple, vos frères et soeurs. Nous ne savons que trop les épreuves que vous avez traversées et il nous importait de constater comment vous aviez réussi à vous en relever »

Un besoin de connaissance directement lié à une autre raison motivant sa présence sur les terres des Titans. Conservant un léger silence, le temps pour Crios d'intégrer les longues et peut être étranges paroles qu'elle avait pu prononcer jusqu'ici, pour la première fois, il eut le sentiment que son regard se posait sur lui et qu'elle le dévisageait avec attention.
Pourtant ses yeux n'ont en rien changé. Toujours aussi perlescents, sans qu'aucune couleur ne vienne les habiller. Mais il semble se passer... autre chose.

« Nous sommes inquiets Crios. Inquiets de la colère et de la rage que vous auriez pu accumuler durant tant de siècles de souffrance. Elles ne seraient pas injustifiées, mais leurs conséquences ne seront pas anodines »

En d'autres termes... est-elle en train de lui demander s'il compte se venger et ainsi déferler sur le monde ? S'il envisage de détruire l'Olympe pour les siècles et les siècles de souffrance imposés à sa famille et à son peuple...? En l'absence de Cronos, qui saurait guider les Titans... vers la Lumière.

Fiche par Narja pour Never-Utopia

La jeune femme secoue brièvement le visage en signe de négation. Si elle venait à mourir, il est fort probable que l'essence de Mimir retournerait profondément enfouie dans les racines d'Yggdrasil, quant elle ne serait plus qu'un tas poussiéreux se mêlant à la terre. Les dieux ne meurent pas aussi facilement. Pour autant n'est-elle ni un hôte ni la représente d'un dieu. La magie qui s'opère entre elle et la divinité nordique est en même temps plus simple et bien plus complexe qu'un hôte.

Un léger sourire se dessine sur son visage alors qu'elle clôt doucement ses paupières d'albâtre. Comme toujours, ils sont d'accord. Délicatement, presque comme un murmure à peine audible, une fine pellicule luminescente pare le corps de la jeune femme. Cela ne durera que l'espace d'une brève seconde.
Lorsqu'elle rouvre les yeux, deux iris d'un gris très clair au centre desquels trônent deux pupilles de jais, se posent sur le Titan. Plissant le regard, le temps pour elle de s'habituer à voir de nouveau, elle finit néanmoins par briser le silence d'une voix claire.

« Je vous imaginais plus grand, malgré les souvenirs de Mimir »

Ces mots sont prononcés d'un ton presque amusé alors qu'elle le fixe longuement. Elle scrute avec attention son visage, l'expression qui le pare, avec une certaine attention sans pour autant sembler gênée un seul instant de le dévisager avec, peut être, un peu trop de zèle.

Ses paumes s'élèvent vers le ciel alors que le regard nouvellement retrouvé de Cyn suit ses mouvements. Doucement Mimir chuchote à son esprit. Il ne sera cependant pas nécessaire de la rassurer sur l'étrange comportement du Titan. Car elle n'a pas peur de lui. Non pas qu'elle ne le redoute pas. En temps de conflit, un tel adversaire devrait être pris très au sérieux. Sans doute d'avantage que le guerrier à la lame aiguisée ou le sorcier aux pouvoirs démoniaques. Mais sans doute grâce à ce que Mimir lui inculque et parce qu'elle se fit à son propre ressenti, aucune crainte n'enserre son coeur.

Etrangement elle n'a pas besoin que l'Ase lui traduise l'ancienne litanie qui s'extirpe de la poitrine de Crios, pour qu'elle n'en comprenne le sens. Il est cependant vraisemblable d'imaginer qu'elle ne le peut que parce que l'essence de la Sagesse et de l'Intelligence réside en son sein.
C'est donc muette et impressionnée qu'elle l'observe. Tant de force et de Lumière en un être où se mêle également une puissante Ombre. Quelle étrange entité...

Un soleil nouveau irradie au-dessus de leurs têtes. Ni trop agressif, ni pas assez, ses rayons changent le paysage aussi sûrement qu'une pluie fine sur une oasis asséchée. Les couleurs se développent rapidement, comme si cette simple petite boule de lumière représentait l'espoir qui manquait tant en ces lieux.

Une expression de sérénité se fige sur le visage de la jeune femme alors qu'elle repose les yeux sur le Titan qui lui conte une bien tragique histoire. A croire que le destin des Titans ne sera jamais la quiétude ou la paix. A croire que le monde souhaite ne jamais leur permettre de pouvoir vivre dans la tranquillité à laquelle, finalement et qui que l'on soit, chacun devrait avoir droit.

Elle ne l'interrompra pas un seul instant. Ses yeux de perle se contenteront, tout le temps qu'il aura besoin de s'exprimer, de refléter toute l'attention qu'elle porte à ses paroles. Aucun hochement de tête, nul regard d'empathie, pas un mouvement, juste et uniquement une attention toute... dévouée.
Et alors qu'il fait une pause dans son discours, comme si elle lisait au coeur de ses pensées, quant ça n'est absolument pas le cas, elle laisse échapper un sourire aimable.

« Votre intelligence est un don, Crios. De qui qu'il vienne, pourquoi il vous a été offert, cela importe peu. Grâce à lui, vous avez déjà abattu plus de montagnes que mille épées divines. Et grâce à lui vous serez encore capable d'accomplir bien plus que vous ne pensez »

Evidence ou prédiction ? Seul l'avenir le dira. Il est cependant certain qu'elle ne doute pas un instant, elle croit foncièrement en les mots qu'elle vient de prononcer.

Quand il nomme la Création, la Destruction, le Pouvoir, aucune expression particulière ne s'affiche sur le visage de l'Asgardienne. Pourtant une pensée lui viendra instantanément. Autrefois, les Titans étaient les rois de ce monde. Des rois qui n'étaient pas destructeurs, ni vengeurs. Des rois qui protégeaient ce monde. En ce temps, leur règne absolu ne souffrait d'aucune menace. Personne, avant Zeus, n'avait osé s'élever contre les Titans. Mais en était-il réellement besoin ? Les souvenirs de Mimir restent encore assez disparates sur ce sujet. Il lui faudra rencontrer plus de Titans pour que sa mémoire de cette époque fort lointaine ne se reconstitue. Néanmoins, à cet instant, à cette seconde précise, elle entend à demi mot l'intention de Crios. Il souhaite rétablir ce qui fut défait. Reprendre leur place telle qu'elle avait été décidée par des forces mystiques. Retrouver ce qui leur appartenait il y a de cela des siècles.
Serait-ce une mauvaise chose ? Aujourd'hui elle dirait que non.

Alors qu'il achève son discours, le regard clair de la jeune femme le dévisage encore de longues secondes avant qu'elle ne prenne la parole. Et si son visage conserve une atmosphère d'amabilité indéniable, est-il assez difficile de savoir ce qu'elle pourrait vraiment penser sous ce masque de courtoisie.

« Vos paroles sont sages et j'entends toute la complexité de la situation dans laquelle vous vous trouvez et toute la difficulté des combats que vous aurez à mener dans le futur. Car ces combats ne seront pas tournés vers le monde... mais bien vers les vôtres et vers... vous-même. Mais nous avons confiance et nous pensons que vous réussirez au moins en partie. Certains de vos frères et soeurs ne pourront pas entendre vos paroles. Cela sera trop pénible, trop injuste. Ils seront dans l'incapacité de faire taire leur colère »

Pensive, la jeune femme lève les yeux vers le soleil nouveau né. Bien qu'on ne puisse pas la considérer comme crispée, la fine peau diaphane de son visage semble se détendre alors qu'elle fixe l'astre solaire.
Elle ne regrette en rien de ne plus pouvoir voir le monde avec les yeux, lorsque Mimir et elle fusionnent. Mais elle ne peut réfuter que de voir aujourd'hui, à ce moment précis, réchauffe son coeur d'une manière différente...

« Le jour où l'un de vos frères s'élèvera contre vous, lorsque vous serez confronté à cela, vous aurez un nouveau choix à faire. Sans doute l'un des plus difficiles que vous n'aurez jamais eu à prendre au sein de votre existence »

Ses prunelles grises délaissent le ciel devenu aussi clair qu'un matin d'été, pour se reposer sur lui. Encore et toujours la complexe question du choix. Ashram ne cessait d'en faire les frais ces derniers temps, et chacun en ce monde, y était confronté de manière permanente.

« J'agirai toujours selon les préceptes qui sont les nôtres. Jamais nous ne risquerons de mettre en danger notre terre ou le Père. Cependant... vous pourrez compter sur notre soutien si un jour vous en avez besoin. Je ne vous ai pas connu, pas réellement du moins, avant aujourd'hui. Mais Mimir vous porte dans son coeur, alors il en est de même pour moi »

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médaillon:

L'essence de Mimir n'esquisse pas le plus petit trouble alors que le Titan entame son récit. Son attention est cependant indéniable, tout comme Cyn, dont les prunelles grises dévisagent Crios alors qu'il s'apprête à leur confier le terrible secret qui est le sien, qui est le leur.

Lorsque les mots se forment, s'extirpant de ses lèvres les uns après les autres en une mélopée presque sinistre, affligée et parfaitement fataliste, Mimir tressaille. Sa réaction est tellement impromptue que le corps de la jeune femme se met à trembler.
Pour autant n'interrompra-t-elle le Titan sous aucun prétexte, attendant que l'excitation passagère de la Sagesse ne s'apaise tout en écoutant la suite de son histoire.

Mimir ignorait tout cela. Il s'en était douté, fut une époque fort lointaine. Du moins... avait-il sérieusement envisagé que les Titans étaient des êtres qui ne pouvaient être comparés à nul autres. Ils n'étaient pas des Dieux, ni des humains. On ne pouvait décemment pas leur trouver de correspondance parmi les nombreuses entités magiques qui peuplent ou ont peuplé ce monde.

Un seul être aurait pu lui fournir cette réponse, en dehors de Crios lui-même. Gaïa. Mais cette entité primordiale était bien loin de sa portée, même lorsqu'il était encore un dieu dans son corps originel.

« Je ne suis pas d'accord avec vous »

Les mots de Cyn brisent le cours silence installé entre eux, allant même jusqu'à perturber l'essence de Mimir, visiblement très étonné par ce qu'elle vient de dire. Car vivant au coeur même de cette étrange jeune femme, Mimir a forcément un temps d'avance sur Crios. Un temps d'avance sur ce que Cyn est en train de penser, sur son ressenti, la façon dont elle envisage tout ce qu'elle vient d'entendre.

La magie des êtres humains est parfois plus puissante que celle des Dieux.

Alors la laisse-t-il aller jusqu'au bout de sa pensée. Il n'interviendra pas, esquissera même un sourire bienveillant qui ne se manifestera qu'au travers d'une brève lueur passant au fond des yeux de sa protégée.

« Vous êtes l'Intelligence des Titans, Crios. Cet attribut vous a été alloué par la Terre Mère, cela ne fait que peu de doute. Cependant... si cette Intelligence guide vos pas, qu'elle est l'essence qui fait de vous ce que vous êtes au plus profond de votre âme, elle ne peut vous priver de votre libre arbitre... Pour une raison très simple... »

Elle esquisse un sourire alors que sa main s'élève dans les airs. Son index se pose sur le front du Titan. Pas comme lorsqu'elle avait souhaité lui faire voir un pan de souvenirs de Mimir. Cette fois la sensation était plus que réelle. Un peu comme un adulte tentant de démontrer à un enfant qu'il est dans l'erreur, qu'il se fait du mal pour rien. Principe parfaitement incohérent quant l'on sait qu'elle est l'humaine, petite créature mortelle si fragile, et que le Titan maintes fois millénaires, c'est lui.

« ...parce que Vous êtes l'Intelligence. Et c'est parce que vous représentez ce savoir, cette connaissance des sentiments, de ce qu'il convient de faire ou de ne pas faire pour assurer le bien ou provoquer le mal, que vous êtes si torturé. Vous savez comment déclencher une guerre, pour faire couler le sang, engendrer la peine. Tout comme vous savez comment agir pour le bien de vos Frères, quitte à vous dresser contre eux. Ce n'est pas un manque de libre arbitre, c'est parce que vous Savez. Vous Savez ce qui est le mieux pour chaque situation que vous rencontrez et cela ne les rendra jamais plus faciles pour autant. L'Intelligence manipule, mais elle ne se laisse en aucun cas manipulée si elle ne le souhaite pas »

Gardant soigneusement ses pensées pour lui, Mimir assiste à l'étrange scène qui s'opère entre Cyn et Crios. Deux "C" qui s'entrelacent en un lien qui gagnera en ampleur, quelle que soit sa nature. Cela est certain.

Son index se sépare du front de son hôte alors que sa paume retombe mollement sur son genoux. Ne se départissant pas du léger sourire qui flotte sur ses lèvres elle observe la réaction du Titan. Va-t-il réfuter net ses mots, laisser planer le bénéfice du doute ou au contraire entrouvrir la porte de sa prison...?

Sa paume s'ouvre pour recueillir le médaillon. Pas un mot de s'extirpe de ses lèvres et le silence s'installe pendant de fort longues minutes.
Des minutes au cours desquelles elle ne quitte pas ce qu'il vient de poser au creux de sa main du regard. A première vue c'est un bijou très simple. Pour n'importe qui, peut être, il ne serait guère plus qu'un petit globe noir, joli mais sans intérêt particulier.
Or la réalité est tout autre, autant sur la forme que sur le fond. Il représente ce que chacun redoute, ce que chacun espère. La neutralité de la naissance, la fin de la vie, la destruction de la planète et... un potentiel néant l'accompagnant dans son sillage.

Pourquoi lui confie-t-il quelque chose qui a autant de valeur à ses yeux... Une question à laquelle elle ne trouve pas de réponse sur l'instant. On pourrait penser que c'est cette amitié qui le lie à Mimir et est-ce sans doute l'explication la plus plausible. Bien que... ce présent lui paraisse vraiment disproportionné. Il n'est même pas certain que le Titan ne se rappelle vraiment le pan de sa vie que Mimir lui a montré il y a de cela quelques minutes.

Elle finit par lever les yeux vers lui. Au moment où ses iris frôlent Crios, ils disparaissent comme par magie, aussi sûrement qu'une pensée qui se veut convaincue prend naissance dans l'esprit de Cyn. Elle n'utilisera jamais ce pendentif. Si un jour elle n'avait pas le choix, si elle y était vraiment contrainte, ce serait pour une bonne raison. Mais aujourd'hui, en cette heure et sur ses terres, elle s'en fait la promesse, elle fera tout pour ne pas avoir à lui imposer un éventuel fardeau de plus.

Son regard diaphane se perd vers le ciel qu'elle ne distingue plus que par son aura, avant d'osciller légèrement vers le soleil nouveau né.

« Nous apprécions cette marque de bienveillance et vous en remercions, Crios »

Dans un mouvement assez aérien, la jeune femme se lève du large rocher d'albâtre. Elle fait quelques pas dans la direction opposée à Crios alors qu'elle passe la fine chaîne autour de son cou, cachant la précieuse planète du regard du monde sous son ample tunique blanche.
Elle ne se retournera pas alors qu'elle lui adresse ses dernières paroles.

« Et en ce qui concerne la Sagesse Grecque et le Père... nous pensons qu'ils auront de nombreuses choses à vous dire, chacun d'entre eux. Nous vous rendrons votre pendentif lorsque nos chemins seront à nouveau réunis. Jusqu'à ce que ce jour vienne, portez-vous bien Crios »

-> Asgard

Fiche par Narja pour Never-Utopia