Le domaine de Polyphème !

J'avançais vers le pilier central. Il n'était pas simplement grand. Il était simplement colossal, invincible. Que pouvait l'humain face à une si grande puissance, édifiée par les atlantes survivants eux-mêmes et bénie par le pouvoir de Poséidon, à ce qu'on disait. Je me sentais enfin fier. Fier d'avoir été pardonné par mon Dieu comme si jamais je n'avais failli. Fier d'avoir été à nouveau désigné par cette armure que j'avais rejetée sous le poids de la honte. Fier de retrouver ma place, l'endroit où je devais officier dans l'univers, conscient d'être à nouveau à ma juste place. Je n'étais plus Kartar le souillé, j'étais à nouveau Kartar Hatt'Mhêm, fils d'atlante, serviteur de Poséidon et Général de Polyphème, gardien du pilier central du royaume sous-marin. L'être le plus proche de l'Ordonnateur des océans après le prêtre, dont le poste était vacant depuis des siècles. Ca y est. Enfin, je m'étais pardonné. J'étais moi-même, mais un Moi plus fort que par le passé, plus conscient, plus éveillé, plus expérimenté. Qui pouvait se targuer d'avoir vécu quatre siècles et de toujours bénéficier de sa jeunesse ? Enfin, j'arrivais face au pilier. Je posais ma main dessus, à plat, puis les deux. Je fermais les yeux, concentrant mon esprit sur cette colonne sans âge, ressentant sa force, son ancienneté, sa toute puissance et l'énergie presque incommensurable qui s'en dégageait. Non, ce n'était pas que des blocs de pierre taillés qu'on avait empilé. Ici se trouvait l'âme du royaume sous-marin !

Après un certain temps, je décidais de me détourner et me dirigeais vers les habitations proches. Ici l'on travaillais le corail, on péchait, comme partout, avec de fiers hommes qui traversaient le mur liquide et affrontaient la pression inhumaine pour rechercher de la nourriture des profondeurs. Mais ici, là où j'étais né, se trouvait aussi le plus grand rassemblement d'érudits de tout Eges. Ici se trouvait, à l'époque en tout cas, les professeurs, historiens et autres connaisseurs des sciences inconnues des émergés. Quand j'arrivais, je constatais avec un plaisir non feint que c'était toujours le cas. Je me baladais en écaille entre les ruelles sur la rue principale, évaluant le niveau général, et faisant aussi savoir que le général de Polyphème était à nouveau présent. J'offrais ici une bénédiction, là un conseil pour améliorer la maîtrise de la télékinésie, bien pratique pour la pêche et la manipulation des charges lourdes, et surtout j'informais les personnes influentes, les enfants que je croisaient aussi, que les peuples égéens et ases étaient dorénavant alliés et qu'ils se devaient de faire passer le mot à 'ensemble de la population. Rapidement, j'entendis fondre sur cette partie de la population des messages télépathiques à courte distance (le niveau avait effectivement baissé, mais la science ne s'était pas perdu !) qui s'informaient mutuellement. C'était comme une fourmilière qui échangeait des messages olfactifs ! Rapidement, les gens s'organisèrent et se répartirent les domaines à informer. En moins de deux jours, avec une telle efficacité, toute la population serait mise au courant. Satisfait, j'évitais l'habitation de mes possibles descendants et partais pour la demeure d'accueil du Général du pilier central, entre le pilier et le village.

Dans cette demeure, ressemblant de l'extérieur à un temple grec en miniature, accompagné de colonnades courtes entourant la porte à double battant, tout était bien tenu. Depuis tout ce temps, la population devait être venue pour nettoyer et entretenir les mobilier et l'état général des lieux. J'en fus ému et, dans le confort que m'offrait le luxe de la solitude, je me laissais un instant aller à offrir une larme de reconnaissance pour tous ces gens, depuis des générations, qui avaient gardé foi en le retour d'un porteur de l'écaille de Polyphème. Après quelques minutes de nostalgie bien naturelle à revisiter les différentes pièces de l'habitation, je me dirigeais vers la salle d'eau, retirais mon armure et mes vêtements souillés. Je découvris des vêtements propres. Merci peuple du pilier central... du fond du coeur. Après mes ablutions, propre et sec, je me dirigeais vers la chambre, m'affalais sur le lit, puis me laissais aller à un sommeil réparateur. En m'endormant, j'avais le sourire aux lèvres, oubliant déjà ma mission à venir.

Au réveil, j'irai retrouver Fuhin, de l'écaille du dragon des mers...

Je sortis de mon songe alors qu'une cosmo-énergie s'étendit non loin de moi. Une manière bien connue de faire savoir sa présence. Quelqu'un souhaitait donc me voir et n'avait pas eu le manque de politesse suffisant pour entrer dans ma demeure sans demander. Voilà qui était appréciable. Je fermais les yeux quelques instants, tentant de rappeler à ma conscience mes rêves fuyants. Impossible, sitôt réveillé, ils avaient disparu. Bon, je ne me sentais déjà plus aussi las qu'avant de m'allonger, je pouvais donc me rhabiller et reprendre ma mission. Cela après avoir vu qui souhaitait me voir. J'ai laissé trop de temps s'écouler, il est temps de me dépêcher maintenant. Fuhin doit m'attendre. Je me levais donc, renfiler les habits propres qui m'avaient été offerts. L'un des murs de ma chambre était différent des autres, il s'en dégageait une incroyable puissance. C'était bien normal : la demeure était en réalité juste derrière le pilier central, cachée à la vue de tous, et proche de mon poste naturel. J'avais laissé mon armure dans l'entrée, histoire que les villageois puissent tous voir et savoir que le Général de Polyphème était de retour. Enfin, je sortais.

Passé la porte, je découvris un jeune garçon en armure. C'était l'écaille de Glaucos, l'un de mes capitaine. Avant de faire un pas de plus, je jetais un regard à mon armure et d'une pensée lui ordonnais de me recouvrir. Les différentes pièces de l'écaille de Général se séparèrent d'un coup et revêtirent mon corps, m'enveloppant de son aura de puissance. Ainsi revêtu, je m'avançais vers le jeune adolescent. Son armure était parfaitement entretenu, ce qui montrait déjà que le jeune marinas était sérieux. Il m'adressa la parole en premier, respectant les protocoles. "Salut Kaius de Glaucos. Je suis bien le général de Polyphème, ton Général. Je m'appelle Kartar Hatt'Mhêm et je suis heureux de constater qu'en plus de notre Seigneur Poséidon, d'autres de ses fils se sont éveillés, dont un sous mes ordres. Nous étions effectivement en mission d'ambassadeur en Asgard avec Mégara de la Sirène aquatique. Après une longue discussion avec la prêtresse d'Odin, nous avons fini par conclure un pacte d'alliance. Il a été validé par elle et moi au nom des hommes, et par Poséidon au nom des dieux. J'ai récemment averti les villageois de ce traité qui va faire bouger beaucoup de choses dans les prochains temps, pour les peuples comme les marinas. Tu pourras aller lire le parchemin dans la salle du trône, il est important que nous soyons tous au courant des différents points de cet accord. Maintenant, frère d'écaille, je dois te laisser. Notre Seigneur m'a donné pour mission d'accompagner Fuhin du Dragon des mers sur les côtes européennes afin de venir en aide aux population et je n'ai que trop tarder. Mais nous nous retrouverons très bientôt pour discuter et évaluer ton niveau. Je nous veux forts, la division du pilier centrale est le dernier rempart de Poséidon, alors si nous sommes deux pour le moment, ce sera deux pilier forts comme le pilier que nous protégeons !

Je n'aimais pas spécialement expédier les rencontres et surtout lorsque c'était pour l'un de mes Capitaines, mais les ordres passaient avant les désirs. J'écoutais la réponse de Kaius, ce jeune garçon qui ne payait pas de mine mais chez qui je ressentais déjà la véritable force d'un Capitaine. J'en étais d'ores-et-déjà satisfait, mais je voulais plus pour notre division. Je voulais en être fier ! Dès mon retour de mission, je lui ferai suivre l'entraînement que j'ai moi-même vécu il y a 400 ans. Ca le fortifieras et créera un lien plus fort. Nous étions une équipe, nous devrons être soudés, et nous le serons. Quand il eut fini de m'expliquer sa mission, je le gratifiais d'un regard confiant et posais sur son épaule une main "J'ai confiance en toi Kaius. Sois cependant discret, les berzerkers sont vils et malins. Si tu ne les vois pas, si tu leurs parles et qu'ils te sourient, c'est la même chose : ils cachent leurs véritables desseins. Restes toujours sur tes gardes, et si ta mission est une mission de reconnaissance, n'en fais pas plus que ça. Des informations, et ton retour en vie ! A bientôt, Capitaine de Glaucos !"

Pilier Atlantique Nord