[finished] Qu'on trinque à la forêt de Delta !

Assis à une table, Hagën à sa droite, elle n'avait d'yeux que pour Scud. Le guerrier de Midgard semblait tellement à son aise en société que quelque part ç'en était même gênant. Affirmer ainsi, de manière à peine voilée, que son compagnon au marteau était l'avatar de Thor par exemple, elle n'avait pas trouvé cela très chouette.

Ce qui était plus dur encore, c'était son premier contact avec un grand village, mais surtout avec une taverne complètement bondée ! Siam avait une faculté bien à elle : elle pouvait voir ce qu'elle nommait elle-même les "flammes de vie" des individus et animaux. Il y en avait tellement ici qu'elle avait du mal à ne pas tous les dévisager. Les flammes du vie parlaient beaucoup. Celui à droit, deux table plus loin, était agressif. Son visage jovial portait pourtant à lui sourire. Un violet doublé d'un menteur. Mais pas une personne avec un mauvais fond malgré tout. Un humain, faible et faillible, comme tous les autres.

Dans le fond de la salle, un manchot était criminel. La guerrière des Nornes - les trois Jotüns du destin, passé présent et futur - ne pouvait affirmer combien, ni donner un nom, mais sa flamme était noircies par des actes graves et.. c'était comme s'il avait pourri son âme. Tout autour d'elle, c'était des vies qui vaquaient, des bons, des mauvais, des joyeux et des tristes... Tout se mêlait en charivari complexe et déconcertant. Finalement, cette sortie en taverne se transforma en exercice pratique : elle devait apprendre à gérer les groupes d'individus, à mettre de côté certaines choses.

Finalement un serveur se posta devant la table, à moins que ce ne soit une serveuse, elle n'aurait su le dire sur le moment car, sincèrement, elle s'en foutait royalement : elle se concentrait plutôt à gérer son mal de crâne naissant. Et les effluves de paille et de sable au sol mêlées à celles de bière, de vinasse et de transpiration n'aidaient en rien. Elle lâcha simplement un "comme lui" sans savoir qui, ni quoi.

Après deux ou trois minutes pendant lesquelles, par chance, ni Scud ni Hagën ne vinrent l'ennuyer (ce qui lui permis de retrouver le contrôle de ses sensations), elle reporta enfin son attention sur les autres. Elle avait devant elle une... pouvait-on seulement appeler ça une chope ? Il y avait de quoi abreuver cinq personnes dans ce récipient gigantesque ? Qui donc avait commandé ça ?

A leur table, Scud fanfaronnait avec deux greluches (oui oui, des greluches !!) et Hagën tentait de s'expliquer avec un moustachu portant une toque de trappeur. A côté d'elle... et bien il y avait personne. En revanche, une douzaine de paires d'yeux l'observaient avec un air de désir tinté de respect religieux. Tiens, elle était donc mignonne en plus d'être une guerrière divine ? Mais tous ces hommes étaient faibles, pas intéressant...

*Mais pourquoi je me mets à penser ça moi !!* Et pour s'aider à faire passer ce genre de pensées, elle tenta de finir le récipient cul sec... Mais fallait pas rêver. Après un "Hips !" sonore, elle le reposa et observa les deux autres d'un oeil brumeux. Avait-elle déjà bu un jour ?

- Bon vous venez d'où tous les deux ? fit-elle avec une certaine difficulté à articuler. Allez, dites-moi touuut, j'veux tout savoir ! Parce que moi je sais pas, voyez, alors je v... veux bien qu'on m'dise ! Et disant cela, elle pensa que cette cervoise glissait de mieux en mieux dans son gosier, et elle se permis une looongue rasade de plus.

Clairement et simplement : Siam n'avait strictement rien écouté des palabres des deux mâles. Ses yeux étaient sagement passés de l'un à l'autre quand ils parlaient, mais dans sa tête ça faisait le compte des bons points à la question "lequel est le plus mignon ?". Et dans son état d'ébriété avancé, c'était pas facile facile, qu'on se le dise !

Pourquoi ça ? Parce qu'elle avait 16 ans, toutes ses dents, et que jamais elle n'avait ingéré d'alcool de sa vie. Du coup, elle se sentait d'humeur souriante, un peu rêveuse, et de plus en plus à son aise. Fort heureusement pour ses deux compagnons attablés, elle fut pris d'une soudaine envie de raconter sa vie (comme beaucoup d'individus ivres, d'ailleurs).

- J'ai été arrivé au Palais, d'abord. Mmmmoui ! Et dans un... parti au village.... Et alors, quand les loups étaient là !! Mais j'étais petite encore et j'ai gagné parce que *Hic !* les flammes de vie. Toi t'es jaune d'ailleurs. C'est drôle ! Et alors je suis partie ! Freyja était pas là, bieeeeen sûûûûûr ! Et Séléné au nain, au Nord, bieeeeen sûûr. Grrrrrraknir. Avec un "K", et des "aire" qui roulent. Et là-bas le froid ! et à la fin je suis revenu de loiiiiiin et *glouglouglou* l'aaarbre d'Yyyygdrasil ! ... Et j'ai vu les Nornes, moa môsieur ! Skuld m'a pris la main ! Et oui ! Et Urd dans la caverne sous les racine ! Et j'ai vu Le gdraaaa.. graaado.. J'ai vu Niidho*Hips*. Et j'ai fait mon armure. Et en venant quoi ? Ben là j'ai une spectre qui...

Siam était tombée dans un sommeille profond et réparateur, face contre la table, la chope vide, toujours assise. Depuis qu'elle avait obtenu son armure il y a quelques jours seulement, elle avait très peu dormi et vécu maintes aventures. Née il y a trois ans seulement, victime d'une malédiction la faisant vivre plus vite mas lui octroyant une pensée digne de son état physique, elle avait été une surdouée et terminé son entrainement de chevalier en deux ans à peine (dix, dans son temps physique à elle). Elle avait forgé son armure, guidée par les trois Nornes du Destin et aidée par Nidhogg lui-même, à moins que ce ne soit une illusion. Elle avait défendu des innocents, combattu un camp de malfrats, avait parcouru les terres avec Hagën, s'était retrouvé au Palais d'Odin, et peu de temps après était repartie pour le domaine de elta, puis l'auberge. Oui, disons-le, sans l'avoir tué au sens premier du terme, l'alcool l'avait achevé. Pour son plus grand bien.

Actuellement, elle flotte dans un monde bienheureux, baigné de soleil, de lumière, de couleurs, d'herbes fraîches et de senteurs boisées... Assurément, le réveil dans les landes glacées d'Odin serait une épreuve demain. Sans même parler de la gueule de bois : chose qu'elle découvrirait bien assez tôt. Mais sa mémoire était totale, et peut-être se souviendrait-elle au lendemain de certains échanges de la soirée. C'était un autre aspect de sa malédiction, parfois pratique, parfois perçu comme une véritable torture. Pourquoi ? Il est facile d'y répondre : elle se souviendrait toute sa vie de sa première cuite pathétique, et ce dans les moindres détails.