Quand les ténèbres réapparraissent...

Devant cette divinité mystérieuse et emplies des lunaires énigmes, tout n'était qu'attente, tout n'était que silence. Suspendus à ses lèvres de manière plus ou moins affichée se trouvaient tous les présents, à la fois curieux et parfois impatients de savoir de quoi il était question. Voyant que de toute façon la conversation déjà limitée avec le papillon se mourrait sans prévenir car leur intérêt était déjà ailleurs, Belhys se contenta d'acquiescer sans un bruit alors que déjà ses prunelles étaient deux lumières jumelles du phare de son attention. Quelque chose lui disait que ce qui se passait et se passerait dans les instants à venir serait important pour la suite, tout comme pour ce qui était de l'orientation des plans de leur Suzerain. Elle espérait juste que tout cela ne tournerait pas simplement au pugilat verbal et à un échange acerbe de menaces... car il serait bien dommage de céder à cette envie facile, dans une faction comme dans l'autre. Il ne fallait pourtant pas se fourvoyer, son désir n'avait rien à voir avec des envies pacifistes puisqu'elle haïssait l'humanité plus que tout... cependant il serait décevant d'être encore témoin de divagations divines la conduisant à penser qu'ils n'avaient pas plus de bon sens que ceux qu'ils voulaient commander.

La froideur de l'accueil était espérée et convenait bien à la situation, puisque c'était au fond le meilleur qui puisse être fait à une Olympienne débarquant à l'improviste pour des raisons obscures, mais cela elle n'était pas sûre que la rayonnante chasseresse puisse le comprendre. Mais après tout quelle différence? Fronçant les sourcils face à ce prélude méfiant à ce qui allait certainement être un réquisitoire étrange, Belhys remarqua que sa compagne à huit pattes s'était brusquement arrêtée en plein mouvement. Un air peu étonné mais néanmoins sceptique se dessina sur son faciès, alors que continuant de caresser la bête petite de taille, elle dévisageait la déesse. Elle avait bien ressenti le contact qui avait établi puisqu'elle était intimement reliée à l'araignée, bien que cette sensation de froid sauvage ne lui ai pas plu totalement. Loin d'être dérangée la Galicienne se sentait quand même atteinte par des souvenirs lointains qui lui revenaient par vagues indistinctes. Jadis alchimiste confirmée et arcaniste versée sur les magies secrètes et hermétiques de la Nuit, cette brillance réconfortante ne lui était pas totalement étrangère. Si elle avait vécu à la bonne époque et été plus dévote, peut être aurait-elle trouvé un certain charme à cette Déesse, qui sait...

Pourtant si il n'y avait pas à douter du sérieux des auditeurs en présence, il était aisément perceptible qu'il suffirait d'une brève étincelle pour que les esprits s'enflamment... Ce qui lui fut rapidement confirmé par le cosmos de la déesse qui vint illuminer davantage cette longue pièce éclairée des flambeaux infernaux. Se sentant obligée de lui rappeler qu'elle n'était pas la seule ici et qu'au delà des spectres, il y avait des gardiens de la Guidecca et du monde souterrain, Belhys laissa se déverser son cosmos en même temps sans pour autant le pousser de manière agressive. Non pas encore... pas avant qu'il n'y ait une vraie raison. Toutefois elle voulait juste montrer sa présence, comme pour faire savoir à Artémis qu'ici il n'était pas question de faire de caprices ou de se permettre l'irrespect. Bien que sa nature soit divine, cela ne lui donnait pas tous les droits et c'est en ce sens que la Veuve Noire se démarquait implicitement en montrant que son aura n'avait presque rien à envier à la sienne si ce n'est la nature. Cependant comme d'un accord tacite le rayonnement bleuté baissa pour se calmer ce qui la fit faire de même... Calme mais d'un froid tranchant, son cosmos se retrancha à nouveau mais se fit juste sentir dans une attitude prudente et gardienne. Belhys comptait bien tenir sa promesse de se maintenir dans l'ombre... mais il y avait certaines choses qu'elle ne pouvait pas permettre. L'hostilité toujours absente mais l'esprit en alerte, l'Assassine se dressait en maîtresse des poisons, en une amante du meurtre effacée mais efficace.

Efficacité qui lui fit hausser un sourcil d'incrédulité lorsqu'elle entendit l'explication moyennement convaincante de la Farouche Archère. Comment se pouvait-il qu'elle fasse pareil déplacement en prenant les risques qui y étaient associés pour de tels motifs? Une simple question à laquelle elle n'était même pas sûre d'avoir une réponse, et qui malheureusement ressemblait un peu trop à des très questionnables insinuations pour ne pas dire des accusations. Au final il est vrai que Belhys ignorait elle même la réponse à cette interrogation... mais au final elle doutait sérieusement que Hadès soit effectivement responsable de ce dont il était sujet. Où aurait-il le temps de s'occuper de pareilles affaires alors qu'il avait trépassé à cause du Fléau et qu'il venait à peine de ré-apparaître? Tout cela lui semblait peu probable il est vrai, mais d'un autre côté elle n'était pas prête de jurer de quoi que ce soit. Bien que cela soit peu agréable, elle avait appris à accepter le fait que les motivations et les desseins des déités étaient quelque chose qui dépassait son entendement, bien que son esprit soit aiguisé et perspicace...

D'autre part, bien que le but d'Artémis soit de rechercher le responsable de ces méfaits, elle venait par là même de dévoiler une série d'informations intéressantes. Si ce qu'elle disait était vrai, ce dont la spectre ne doutait pas, alors il devrait y avoir une certaine agitation causée par ces déséquilibres, ce qui pourrait être intéressant à savoir pour plus tard... après tout on ne sait jamais. En outre l'apparition de ce qui était qualifié de « maladie » ne lui inspirait rien qui vaille... le Fléau était pourtant détruit! Soupirant intriguée, la Ténébreuse réfléchit de manière posée en analysant les faits comme elle le pouvait. La voix mélodieuse mais accusatrice de la Sélénique résonnait encore à ses orillons, mais ses paroles lui sonnaient creuses bien au fond. Quelle vaine entreprise que de venir entamer un plaidoyer qui n'aurait de toute façon que peu de sens, et pas de vraie acceptation... Se contentant tout de même d'écouter la future réponse du Plutonien, Belhys s'appuya un peu plus sur son pilier en prévision de la longueur de l'échange qui allait suivre. Regrettant tout d'un coup de ne pas avoir de siège elle se maintint dans l'obscurité... et assista amusée à ce jeu divinement divertissant. SPectatrice ravie, elle se souvint alors d'une citation antique qui tombait à pic.

* Le monde est un théâtre où les pires gens ont les meilleures places ... *

Tous les regards et toutes les attentions convergeaient tacitement vers cette silhouette divine et coruscante, rayonnante telle une bougie au milieu des ténèbres. Elle semblait résister en préservant sa flamme tant bien que mal en pareille obscurité, ce qui la rendait unique en son genre... Pourtant le discours qui leur fut offert était tout ce qu'il y a de plus conventionnel pour ne pas dire prévisible. La Chasseresse voulait défendre ses pauvres petites bêtes avec bec et ongles, sans regarder les conséquences ni les dangers. Courageux oui, mais aussi téméraire et suicidaire. Peu encline à l'empathie Belhys respectait sa démarche sans pour autant admirer sa méthode. Il fallait dire qu'en athée convaincue il était difficile d'accepter l'autorité de gens se présentant en chair et en os qui ne faisaient que leur donner des ordres, comme si ils pouvaient contrôler leurs destins alors qu'il n'en était rien. Seules les Parques Funestes pouvaient se glorifier de manipuler les fils de leurs destinées à leur guise, et encore... C'était bien parce qu'elles se cloîtraient loin de tout et de tous, abritées des regards assassins et des malédictions les plus virulentes.

Un sourire carnassier ne quittait pas les lippes de la Vaporeuse, tandis que d'un regard acerbe elle put voir la mine impassible mais pourtant presque interloquée de la Dame Lunaire. Il semblerait qu'il y ait trop de différences entre elles, car il demeurait trop complexe de lui faire comprendre qu'elle n'avait à son égard encore aucune haine personnelle. Cependant leurs natures-même étaient aussi opposées que le jour et la nuit, bien que quelques points les réunissent... tout comme il en était pour le respect des animaux. Mais il était aussi temps que cette déesse redescende sur Terre à son sens le plus littéral, les choses n'étaient plus ce qu'elles avaient été jadis et ce n'était pas une si mauvaise chose. Si l'on pouvait déplorer le manque de respect des mortels, on pouvait aussi riposter que les déités avaient également perdu de leur crédit et de leur statut. Comment avoir une opinion moins tranchée lorsque l'on se voyait contrainte de vivre dans un monde avec des êtres tels que la pathétique Perséphone et son comportement infantile ou encore la hautaine prétendue supériorité de l'ancienne réincarnation féminine de Poséidon... Comment déjà? Ah oui, Lena. Pour Belhys tous étaient sur le même pied, si ils étaient valeureux alors qu'ils le prouvent. Elle n'espérait pas qu'Artémis le comprenne, ni prenne la peine de s'attarder sur ce qui n'étaient au fond que les convictions d'une « simple spectre », mais cela lui était au fond bien égal.

La Veuve Noire avait trop de dignité que pour se laisser écraser par qui que ce soit, alors si elle devait un jour périr à nouveau criblée par les flèches de la Farouche, autant que cela vienne sans détours. Elle n'était pas de ses lèches bottes qui ciraient les bottes des hauts placés... cela ne changerait jamais. Ce motif était toujours celui qui la rendait appréciée ou au contraire haïe. Les courbettes n'étaient clairement pas son dada et cela se sentait à travers chacun de ses pores. Ce qui fut également visible lorsque le juge du Garuda fit son entrée. Un simple signe de tête suffit à le saluer, alors qu'elle ne dit rien de plus lorsqu'il se présenta à Hadès. Silencieuse spectatrice c'était un rôle qui lui plaisait bien mais qui toutefois lui était dernièrement assigné un peu trop souvent. D'ailleurs cette sempiternelle histoire de menace la blasait à tel point qu'elle aurait déjà pris la poudre d'escampette si le Sombre Monarque ne lui avait pas demandé de rester en ces lieux. Satisfaite, elle le vit d'ailleurs réfléchir sur ce qu'il avait entendu et arriver à une conclusion première qui rejoignait sa façon de penser. Oui elle était bien d'accord, il se pouvait que ce soit une conséquence du Fléau qui leur avait tellement apporté de soucis à tous... Mais le Soporifique semblait avoir une idée encore plus précise, qui à défaut d'être confirmée était en tout cas assez vraisemblable. Le Mirari... ce nom lui semblait inconnu et pourtant il lui résonnait dans le fond de l'oreille. Était-il possible qu'elle ait lu quelque chose à ce sujet? Peut être, mais cela demanderait quelques recherches plus poussées. Toutefois il n'y avait pas de raisons de douter de ce que leur disait le fils de Nyx.

Artémis s'en allait déjà... Bien. Une bonne chose de faite, bien que la mention d'une « faveur » l'eut faite sourire. Voyez vous ça, une dette rien que ça! C'était une bien précieuse chose à savoir... car cela pourrait potentiellement leur servir plus tard. Car tout autant dans l'échelle de ses valeurs que ce soit, si l'Archère était redevable ce n'était pas sans raison. Elle savait que la Déesse n'était pas idiote, ça c'était une certitude, mais le fait est que s'engager sur ce terrain pouvait être dangereux... Une promesse ou une parole divine était synonyme d'un serment qui ne permettait pas de trahison, à moins de violer la loi du Styx et purger d'une sanction à la hauteur de leur rang. Néanmoins ce genre d'affaires ne la regardait pas et elle ne tenait pas à y être mêlée de toute façon.
Les laissant toujours occupés à leur intéressante conversation ressemblant davantage à un échange d'informations qu'autre chose, Belhys resta en retrait dans l'ombre mais s'approcha de Kazuki. Elle était curieuse de ce qui avait pu se passer, et les nouvelles du sanctuaire tardaient un peu trop... Autant gagner un temps précieux à l'avance et puis également trouver quelque chose pour se distraire tant que les dieux en présence finiraient leur discussion en venant maintenant aux formules d'usage et autres palabres sans grand intérêt. Prenant l'initiative de s'enquérir avec le juge à la susceptibilité bien connue, elle tenta de bien choisir ses mots lorsqu'elle lui parla à voix basse afin que lui seul l'entende:

- Je suis soulagée de voir qu'apparemment l'échange s'est bien déroulé, mais nous sommes sans nouvelles de notre Seigneur Mortel, Thanatos. Cependant je doute que les saints soient assez bêtes ou assez puissants pour le retenir contre son gré. Tout s'est passé comme vous l'aviez prévu?

Belhys s'était montrée à lui comme étant aussi calme que d'habitude, mais plus sombre également, comme si les ténèbres elles-mêmes s'unissaient à son essence pour ne former plus qu'une extension de sa personne. Ses yeux rougeoyants le dévisageaient avec curiosité, mais également plus dissimulé, un brin de suspicion. Ce n'était que normal étant donné le nombre d'informations peu rassurantes dont elle disposait, ainsi que le décalage entre le moment où Kyrian et Arcas étaient arrivés, avec celui du retour du juge. Bien sûr on pouvait supposer qu'il avait des choses à régler, ce qui serait normal si elle ne commençait pas à cerner la personnalité complexe du Garuda... Il fallait s'attendre à tout lorsque la puissance et le pouvoir étaient ainsi réunis... ce n'était pas nouveau. Flirtant avec le danger de trouver une mort rapide dans le cas ou sa méfiance était percée à jour, Belhys demeurait étonnamment placide. Il n'y avait plus grand chose à perdre en ce moment. Glissant une œillade vers Hadès, elle fit finalement face à son interlocuteur avec aisance... c'était le sang froid sans doute.

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Suite => Olympe

Les discussions diverses allaient bon train mais le fait est que la situation actuelle semblait pas mal stagner dans un agaçant marasme. Les divinités discutaient, les spectres attendaient dans leur coin... et beaucoup trop de monde semblait en vadrouille. D'ailleurs en ce moment Belhys se demandait où avaient bien pu aller Belgarath et Anïa, car au fond cela faisait un moment maintenant que leurs chemins s'étaient séparés. Refusant évidemment de reconnaître une quelconque inquiétude pour la suite concernant l'Alraune, l'Arcaniste tentait vainement de se concentrer sur ce qui se passait autour d'elle. Disons que bien sûr elle était attentive, mais quelque part son intellect était partagé entre plusieurs sujets trop différents. L'un d'entre eux et pas des moindres était la série de présences défilant sans cesse dans son domaine de prédilection, le lac de sang. Dernièrement il y avait une désagréable recrudescence d'intérêt pour la sixième prison, ce qui indubitablement ne la rassurait pas. Il faudrait d'ailleurs qu'elle retourne s'y ressourcer lorsqu'elle aurait le temps, mais étrangement quelque chose lui disait que ce n'était pas pour tout de suite.

Ce furent des autres catégories d'inquiétudes qui finalement réussirent à la ramener à la réalité, car l'entretien avec Kazuki aussi bref fut il, était le peu dont elle disposait pour comprendre ce qui se préparait implicitement. Souriant légèrement ironique en entendant ce qui lui fut offert en guise de toute réponse, la Veuve Noire dodelina de la tête. Que dire? C'était toujours la même histoire, les principaux concernés par ce qui avait été une bourde monumentale au sanctuaire se relançaient la balle et les fautes... Personne n'assumerait jamais les responsabilités, et il n'était guère étonnant que le Garouda soit le premier à se dédouaner. Qu'importe, de toute façon ce qu'elle voulait vraiment n'avait aucun rapport avec cette histoire certes regrettable. C'était quelque chose de plus grave encore qui était en jeu, bien que très peu, trop peu ne s'en rendent compte. Le départ du juge ne se fit alors pas tarder, et bien que déçue de ne pas prolonger l'échange verbal, la Galicienne se fit rapidement à l'idée. Il y avait fort à parier que cette visite éclair arrangeait bien le Garouda puisqu'il n'était clairement pas du genre à se justifier ou s'attarder trop longtemps lorsqu'il n'était pas question d'affaires de guerre ou du maintien des armées infernales.
Toutefois ce fut le tour du Dieu gémellaire de vouloir partir, après avoir brièvement exposé les raisons de son inquiétude... partagées évidemment. Belhys le salua alors de la tête en se demandant comment il avait fait pour entendre ses paroles, mais ne butant pas trop longtemps sur ce genre de détails. Rapidement, elle profita alors des quelques paroles qui lui furent adressées pour lui répondre cordialement, maintenant qu'il avait un tant soit peu conquis son respect.

- Je pense que sa force est peut être bien plus conséquente que nous ne l'imaginons... Peut être ai-je trop foi en sa force, mais qu'importe. Les saints pour aussi courageux qu'ils soient sont je l'espère assez intelligents pour savoir jusqu'où ils peuvent aller. Toutefois je vous souhaite bonne chance... Que l'Obscure Nyx vous garde.

Il est possible que cette demande de protection soit superflue, mais le fait est que la nature de Belhys était assez sobre pour que l'on puisse aisément distinguer qu'elle était sincère. Nyx était bien l'une des seules divinités qu'elle avait pendant longtemps servi, bien qu'à cette époque elle ne porte plus le même nom... Mais là n'était pas la question, les seules personnes qu'elle accepte de voir comme intéressantes se faisaient rares, et gagner ce statut n'était pas chose aisée. Bien sûr Hypnos n'en avait cure et c'était normal mais après tout chacun œuvrait pour son propre bien... ou son propre mal.
Les voyant tous disparaitre tour à tour, Belhys soupira de lassitude et finalement se retrouva comme au départ, nez à nez avec le Sombre Monarque. S'approchant alors sur l'une des ailes du palais, ou des torches illuminaient les murs de marbre emplis de gravures, la demoiselle le regarda intensément et lui dit sérieusement.

- On dirait bien que tous ont trouvé de nouvelles occupations ou des missions à poursuivre. Qu'en est-il de moi, dois-je continuer de vous accompagner, ou avez vous un rôle à m'assigner?

Il lui fallait garder un certain côté pragmatique pour ne pas laisser un potentiel malaise s'installer entre eux, surtout que rester non loin lui suffisait amplement à se sentir plus comblée. Le tout était une subtile perception des choses lui permettant de faire la distinction entre les moments privés où il était possible de parlementer et ceux où son guerrier devait prendre le dessus. Mais ce qui est sûr c'est qu'à défaut de faire tout comme elle le devait, elle tenterait au moins de ne pas commettre les mêmes erreurs que cette... cruche de Perséphone. Ce n'était pas forcément dur, mais c'était déjà un début !

Et voilà... comme prévu tous s'en allaient en vue de nouvelles quêtes, de nouvelles missions diverses qui étaient toutes plus ou moins nécessaires à la suite du bon déroulement des événements. Hadès avait rapidement acquiescé à l'inquiétude que certains avaient ébauché à l'encontre du dieu Létal, et rapidement celui qui partageait son sang avait voulu s'enquérir personnellement de son état. C'était compréhensible et Belhys ne pouvait que comprendre ce sentiment, elle qui avait finalement écopé de la damnation éternelle pour laver le nom de sa sœur et la hausser à la place qui lui revenait de droit, celle de reine aimée et aimante. Cela n'avait pas été sans encombres et le prix était le plus haut que l'on puisse payer... celui de la vie. Cependant aucun regret ne faisait frémir son cœur dont la conviction était plus sûre que jamais, aucun doute ne faisait trébucher l'amour pour cette partie d'elle même qui devait désormais reposer en Elysion. Étonnant comme malgré leur lien indéfectible leurs destins avaient été différents...

Soupirant d'un air mélancolique, Belhys écouta alors le verdict d'Hadès qui tomba bien assez vite, annonçant la couleur de ce qui allait suivre. La teinte du sang et du massacre... qui allait bientôt survenir sur l'Olympe où les anges allaient tomber, chassés de leur piédestal doré où ils n'avaient pas lieu d'être. Acquiesçant sobrement, un rictus se dessina sur ses lèvres bien qu'il n'y ait pas de réelle conviction. Sans trop qu'elle se l'explique elle avait envie et besoin d'autres choses en ce moment que de tuer sommairement. Peut être qu'une fois là bas il serait bon de s'adonner à quelques séances de torture afin de mieux se faire prendre du galon... Cela lui ferait sûrement du bien de reprendre quelque peu les vieilles habitudes,... ou du moins c'est ce qu'elle se disait. Mais la suite des paroles du Sombre Monarque la laissa pensive, surtout qu'il y avait comme une suggestion dans sa manière de s'exprimer. Mais ne s'agissait-il pas seulement de son imagination? L'invitation de fin la fit sourire légèrement, même si elle ne savait pas trop quoi en faire. Se devait-elle de le suivre encore une fois? La réponse était moins simple qu'il n'y paraissait, mais surtout sa manière de faire habituelle reprit le dessus.

Bien sûr elle avait envie de retrouver le Juste pour apaiser cette envie harassante d'être à ses côtés, mais d'un autre côté il n'était pas question de devenir un boulet à son pied ou une sorte de toutou fidèle tout juste bon à être caressé quand il était utile ou bien comporté. Non. Sa fierté guerrière était toujours bel et bien présente, quelque part entre les débris de la femme honnête qu'elle avait été un jour et cette nouvelle identité qui se creusait avec les « sentiments » réveillés par Aphrodite. Sa dignité était un bien précieux, le seul qu'il lui reste en réalité, alors elle n'en abdiquerait pas, même pas dans ces circonstances. Murmurant donc en retour avant qu'Hadès ne s'écarte, elle lui dit sobrement.

- Je reste ici... Mais nous nous retrouverons bien assez vite, Altesse.

Demeurée seule maintenant que tous avaient vaqué à leurs occupations, la Veuve Noire revit les ténèbres prendre le pas dans la salle à mesure que les cosmos s'écartaient. Oui, voilà qui était agréable, voilà ce qui ressemblait à son domaine. Le noir... le noir et les toiles d'araignées qui sans trop qu'elle s'en rende compte se tracèrent dans des volutes argentées sur la colonne qui lui servait d'appui. Les yeux rougeoyants se perdant dans l'immensité obscure, la spectre claqua des doigts dans un geste précis et symbolique. Alors comme si le palais entier lui obéissait en reconnaissant celle qui avait contribué à sa préservation du Fléau... toutes les torches s'éteignirent une à une.

Sa solitude tranquille n'était décidément pas destinée à durer bien longtemps, mais dans ce cas-ci ce n'était peut être pas plus mal. Au moins elle avait une bonne distraction qui lui permettait de penser à autre chose qu'à la série de sujets peu réjouissants qui la hantaient dernièrement. Entre le destin de sa sœur cadette qui était trop éloigné du sien et les petits riens qui la reliaient pourtant indubitablement à Hadès, cet homme ou plutôt cet être qui n'avait pourtant rien en commun avec elle... Damnée soit Aphrodite! Pourquoi avoir fait un truc pareil. Ce n'était pas vrai, on ne pouvait pas juste avoir un beau matin l'idée de semer un trouble aussi dévergondé d'absurde ! Se complaisant dans cette obscurité qu'elle avait elle même créée, Belhys sentit trois cosmos bien connus s'approcher. Lui. Pourquoi maintenant...? C'était ce qu'elle aurait demandé à ces catins capricieuses de Parques si elle avait un jour la chance de les rencontrer. Elle leur aurait bien fait la peau, ça c'est certain.

Le bruit de pas se fit alors entendre mais la galicienne ne bougea pas, figée dans son immobilité seulement démentie par ses prunelles sanguines qui semblaient dévisager chaque petit être et chaque petite entité foulant ses dalles sacrées. À peine visible par le manque de lumière, elle demeura peu expressive jusqu'à ce que le spectre de l'Alraune l'aborde comme à son habitude de manière piquante. Grand bien lui fasse si il pensait qu'il allait revenir avec les vieux jeux d'antan en lui faisant oublier ce qu'il avait fait, ce n'était pas encore interdit de rêver... Les toiles arachnéennes à nouveau installées dans presque toute la salle commencèrent alors à reluire d'un halo argenté avant que les torches ne s'allument à nouveau, comme pour accueillir en ces lieux les serviteurs des Enfers. Sa cape étonnamment disposée de manière à dissimuler son corps voluptueux des regards, Belhys avait l'air sérieux et martial... peut être teinté d'un brin de sadisme... mais ça c'était indissociable de ce qu'elle était. Une de ses mygales se promenait joyeusement sur son épaule, bien plus tranquille maintenant qu'Artémis était partie... Mais alors les premières provocations de Belgarath résonnèrent, alors que la patience de la Veuve Noire n'était pas forcément à son apogée.

- Depuis quand tu demandes mon avis sur ce que tu dois faire ou non...? Fais comme bon te semblera, techniquement je ne suis plus au commandement que de moi-même, bien qu'officiellement sa Majesté Hadès ne m'a pas démise de mes fonctions, aussi temporaires soient-elles.

Son regard dur le transperça, avec la même sauvagerie inaccessible d'une forteresse bien gardée, avec la barbarie auto-protectrice dont il la savait capable, comme lors du combat contre Kyrian. Belhys avait connu une grande montée en puissance et en réputation aux enfers dernièrement... mais au final ce n'était sûrement pas ça qui l'avait faite changer. Non c'était plus profond, plus lointain... mais mystérieusement inexpliqué. Se montrant indifférente aux sarcasmes acerbes du Sorcier, elle ne broncha pas... Mais commença à se demander quels péripéties avaient encore calmé les ardeurs colériques de son homologue. Très vite elle eut la réponse, lorsqu'elle vit les deux autres spectres qui le suivaient.
Ses cheveux voletant légèrement à cause de la brise légère qui courait d'on ne sait trop où, Belhys se remémora distinctement que la dernière fois qu'ils s'étaient croisés sous l'Arbre de Vie, le contact de sa crinière avait passablement agacé Belgarath. Comme quoi il suffisait de peu pour qu'il tourne son ire contre les mauvaises personnes. L'erreur de trop qui s'était déjà rajoutée à une liste trop longue... Assez longue pour qu'elle soit suffisante à créer un malaise et pas mal d'écart entre eux. C'était implicite et retors, se tapissant au fond de son esprit et attendant la bonne occasion pour revenir lui rappeler à quel point il l'avait traitée comme une pierre dans sa chaussure.

- Je ne te pardonnerai rien du tout et tu le sais très bien. Libre à toi de faire tes choix, mais ne viens pas faire comme si tu regrettais tes gestes car c'est faux. Je ne te demande rien, je ne te demande pas de reconnaître tes torts ni même de chercher l'absolution. Je ne suis pas juge, je ne suis pas ton Dieu. Fais ce qu'il te plait, mais rends moi service, cesse de te comporter comme si rien ne s'était passé.

Des flammes semblèrent danser dangereusement dans ses yeux, et bien qu'elle sache que Belgarath était plus fort qu'elle, tout cela lui était bien égal. Elle ne s'était pas opposée à Artémis il y a peu pour faire tête basse à quelqu'un qui était son égal ! Plutôt crever ou devenir saint ! Se redressant finalement pour cesser de prendre appui sur la colonnade, elle se retourna vers Kyrian et Anïa avec une expression légèrement plus calme bien qu'elle demeure toujours tendue. Disons que la tension du lac était revenue de plus belle dès qu'elle avait recroisé Belgarath... En fait ils avaient certainement une série de choses à se dire... mais en public ce serait impossible de régler les comptes qui étaient en suspens depuis trop longtemps déjà. Le temps leur manquait, et ce qu'elle allait leur annoncer le leur ferait rapidement comprendre. Un signe de tête envers Anïa suffit pour confirmer qu'effectivement elle avait eu des soupçons sur son identité depuis un moment déjà, et à lui faire comprendre également que ce qui se passait avec Belgarath n'avait rien à voir avec l'opinion qu'elle avait d'elle.

- Bien soyez bienvenus à nouveau en celle qui est aussi votre demeure. Je suis contente de voir que vous vous portez bien tous les deux... Et je te salue à nouveau Anïa, cette fois-ci sous ton vrai nom, comme je m'en étais doutée.
Mais pour te répondre, Belgarath... Le Sombre Monarque était ici il y a quelques minutes à peine en effet, et j'ai assisté à une réunion pour le moins intéressante. Je vous raconterai les détails par la suite si vous le désirez. Le plus important est de savoir qu'une mission nous attend... Nous allons sur l'Olympe, purger les hauteurs de leurs clowns arrogants et des vieux séniles coureurs de jupons. Hadès est parti donner des ordres, sûrement pour désigner les élus pour ce voyage sanglant... Pour ma part je sais que je suis de la partie et il semblerait que vous aussi, cependant je préfère ne pas m'avancer et attendre que le Ténébreux confirme ou infirme ce qu'il en est...

Prenant une pause pour mieux les regarder tandis qu'elle parlait, elle avait acquis une certaine assurance dans sa manière de s'exprimer sur des sujets aussi épineux et qui relevaient un peu du leadership. Peut être avait-elle inconsciemment une certaine vue ferme et visionnaire de ce qui devait être la position occupée par Perséphone... mais le fait est que clairement même si elle ne s'en rendait pas compte, elle la convoitait ardemment et ferait tout,... absolument tout pour la mériter. Disons que les manières nobles et accueillantes de son séjour à la porte des enfers avaient tendance à perdurer et s'accentuer avec le temps... Mais ça elle ne le voyait pas. Se dirigeant finalement à Kyrian avec un ton bien plus adouci, elle lui lança une boutade qui ne cachait pas son affection:

- Et toi l'oisillon, qu'en est-il? Tu as encore trouvé des bêtises à faire suffisantes à te faire rosser?