La Fin du Cardinal du feu, la Renaissance d'un Ange

> Palais d'Asgard

Depuis le domaine de Gamma, Wilfrid avait à nouveau rejoint les profondeurs des sous-bois qui se prolongeaient jusqu'aux frontières d'Asgard. C'était le domaine de l'ombre, territoire où se tapissaient les bêtes sauvages et les brigands. Il comptait y retrouver les fidèles de Loki, car il n'en avait vu aucun sur son chemin : ils devaient avoir senti que le vent avait tourné et s'étaient réfugiés dans les recoins les plus oubliés du pays.

* Comme des rats. *

Un rictus leva le coin de sa bouche avec cynisme. Bien sûr, il aurait pû rester là-haut dans le palais d'Odin et profiter un peu de la vie de château. A vrai dire, il était possible que certains des partisans du dieu du mensonge y soient restés, prêts à se dissimuler ou à plaider leur cause pour rester malgré tout à côté du trône. Mais Wilfrid n'avait aucun talent pour la politique ou les intrigues. Il savait que même s'il se faisait violence pour se fondre dans le décor, ses efforts seraient rapidement anéantis. En réalité, il préférait la condition du rat à celle du caméléon, obligé de peser le pour et le contre à chaque fois qu'il posait une patte devant l'autre.

Le guerrier de Grani venait à peine de traverser un premier ruisseau. Le cours d'eau tombait en cascade abrupte au milieu des mélèzes et des épicéas noirs. C'était une limite que ne franchissaient guère les bons sujets du dieu Odin. Du haut du promontoire, il vit néanmoins un spectacle assez préoccupant : un incendie dans le ciel. Juste au-dessus des résineux. Interloqué, il regardait cette boule de feu qui se divisait, s'embrasait, virevoltait au-dessus de la taiga hautement inflammable.

Grani perçut alors deux combattants. Qui étaient-ils, quel compte avaient-il à régler ? En tout cas leurs attaques étaient ravageuses et les choses allaient certainement mal tourner. Ce pronostique pessimiste ne tarda pas à se réaliser, et une partie de la forêt disparut dans les flammes. La catastrophe fut aussi désastreuse que brève, comme le sont les accidents cosmiques. Et une étoile monta dans le ciel. Wilfrid la suivit des yeux avant de se ressaisir.

La décision la plus rationnelle pour des fugitifs était de partir au plus vite. Même si le retour de la prêtresse allait provoquer beaucoup d'affairement, on enverrait certainement du monde pour savoir ce qu'il s'était passé ici. Et la manière la plus rapide de se déplacer avec un chargement était d'utiliser la voie de l'eau. Wilfrid fit descendre son regard au gré des ressauts du ruisseau sur les rochers. Celui-ci allait alimenter le lac. Les partisans de Loki allaient sans doute passer par ce carrefour aquatique . Alors il descendit le cours de l'eau pour le rallier.

Il n'y avait apparement personne. Simplement, si on y regardait attentivement, une silhouette ailée assise sur un rocher. La jeune femme avait encore des traces de suie sur les joues. Elle était plongée dans ses pensées. De l'autre côté du lac, une brume s'élevait de l'eau et commençait à s'insinuer entre les troncs calcinés. Très crédible, mais pas naturel. C'était une illusion, sans doute créée par un prêtre de Loki pour cacher ce qui ne devait pas être vu. Ce type d'illusion pouvait être brisé par un effort de méditation, et Wilfrid comprit tout de suite le péril qu'il y avait à laisser cette femme contempler seule ce paysage.

Elle semblait épuisée. Il aurait été facile de la prendre par surprise et de supprimer le risque qu'elle représentait. Mais Wilfrid n'était pas de cette humeur. Avec plus ou moins de conscience, on l'avait laissé quitter le palais sans lui poser trop de questions, alors il préférait retenir ce petit bateau les quelques instants nécessaires avant de le laisser filer à nouveau sur le cours du destin. Il s'approcha et leva la voix. Une voix aussi tranquille et paisible que la surface du lac, à peine ridée par un souffle de vent.

" C'était un combat difficile n'est-ce pas ? Etre confronté à son propre élément n'est pas le plus agréable. L'issue est incertaine. On est mis face à ses propres limites, ses propres failles. Même lorsque l'on réussit, on n'a pas l'esprit en paix. "

La réflexion n'exigeait aucune réponse. Les pas de Grani s'arrêtèrent à une distance modérée de la jeune femme. Il lui laissa le temps de prendre en compte sa présence, de réfléchir à ses impression. Puis, alors qu'il allait commencer à s'enquérir de qui elle était, le guerrier divin perçut une nouvelle présence et posa aussitôt la main sur la garde de son épée accrochée dans son dos.


[HRP : Angèle, peux-tu attendre l'intervention de Siegfried qui veut participer au sujet avant de répondre ?]

Palais d'Asgard

Quel pied de ne plus avoir à s’en servir pour se déplacer sur de longues distances, ces ailes étaient une excellente chose, en tout cas pour le moment car le guerrier divin avait su décoller, rester en l’air et il ne manquait plus qu’une étape, l’atterrissage. Dans l’immédiat, il faisait du vol presque en rase motte au dessus de la cime des conifères ou des montagnes de glace, au cas où il aurait un problème, afin de tomber de moins haut, nul besoin de jouer les Icare tant qu’il n’aurait pas eu le temps de s’entraîner pour une maîtrise parfaite de ce gros plus de cette armure.

Arrivant à situer un faible cosmos qui n’avait rien de commun avec celui des braves d’Asgard, Siegfried réduit sa vitesse, pas la peine de servir de cible trop facile et puis ce serait sans doute plus simple pour se poser dès que besoin. Ce fut près d’un lac donc l’eau n’était pas gelée, sans doute que la source se réchauffait en passant proche du volcan du domaine de Beta, en tout cas, l’intrus était par là, d’ailleurs il l’eut assez vite en visuel et sentait bien qu’il n’était pas seul, la vision des silhouettes le confirmait alors il se posa à une centaine de mètres de façon peu artistique mais au moins il resta debout sans se vautrer, les ailes disparurent comme par enchantement avant que le jeune homme se dirige à travers la végétation, toujours accompagné par le corbeau qui voletait de sapin en sapin.

Détournant le dernier arbre, les deux objectifs étaient à présent bien visibles et le guerrier divin d’Odin eut un léger rictus en reconnaissant l’un des deux.

« Comme on se retrouve… Mais je ne suis pas venu pour toi, enfin pas encore ! »

Continuant d’avancer, il ne stoppa qu’à trois mètres deux autres et enleva son casque avant de fixer du regard la demoiselle qui devait avoir des choses à dire pour justifier sa présence à un endroit où elle ne devrait pas être. Vu son état, il était nécessaire de l’aider à comprendre ce qu’on attendait d’elle.

« Siegfried de Dubhe, guerrier divin protecteur d’Asgard, qui êtes-vous et quelles sont vos intentions ? »

Clair, net, précis, on ne pouvait pas faire plus simple pour avoir une réponse rapide, l’important était de savoir à qui on avait à faire avant de se faire avoir ! Il est vrai aussi que la journée commençait à être longue et bien remplie de rebondissements alors la patience était un peu moins de mise.

* Une promesse. *

Il y avait une expression étrangement sereine sur le visage de l'ange de métal. Cela sentait le règlement de compte personnel, un peu complexe, mais sans conséquences sur Asgard qui devait avoir été placé sur le chemin des combattants par le hasard. Alors probablement cette femme allait repartir d'où elle venait après avoir repris des forces. Ou non. Avec un effort de volonté, elle se releva avec des intentions autres.

Le dragon du palais, attiré par tout ce grabuge, avait atterri à une centaine de mètres, accompagné par un corbeau. Celui-ci affichait une assurance agressive, assez différente de l'accueil franc qu'il réservait aux visiteurs au château. Wilfrid en prit lui-même pour son grade. C'était de bonne guerre après leur échange au palais. Cette incompatibilité de caractères que le guerrier de Grani pressentait allait naturellement apparaître, même si cela ne l'arrangeait pas que cela arrive en cet instant. Il lâcha cependant prise sur Gram et adopta une attitude neutre.

" Siegfried. Tu viens t'assurer que je m'acquitte correctement de ma tâche ? "

Au palais, il avait évoqué une mission de surveillance, mais il apparaissait que l'Alpha était aussi de service. Aborder cette femme de manière aussi rude après le spectacle auquel le mercenaire de Loki avait assisté n'était peut-être pas la meilleure méthode. Elle était vraiment forte, et même si elle était fatiguée, sans doute avait-elle encore suffisament d'énergie pour se défendre. Mais cela, c'était le problème de Siegfried.

Par chance pour lui, elle coopéra. Elle venait du Sanctuaire et souhaitait rencontrer le tuteur d'Asgard. En l'occurence Thor selon la logique des choses, même si son nom n'était pas évoqué. C'était peut-être l'occasion de transformer cette spéculation en certitude. Wilfrid inclina la tête vers le dragon zélé, disposé à le laisser continuer l'interrogatoire, puisqu'il semblait y tenir. Et en fait, si le guerrier divin volant pouvait escorter la demoiselle au palais, cela lui retirerait une épine du pied.

La réponse obtenue fut satisfaisante, le visage fermé de Siegfried laissa place à un peu de chaleur dans ces terres froides, un vrai sourire et le reste des traits allant dans un sens positif avant de s’exprimer :

« Mademoiselle Angèle, vous êtes la première personne de là-bas que je rencontre, c’est un honneur, j’ai toujours été fasciné par… »

Se rendant compte que l’instant n’était pas vraiment idéal pour parler de la Grèce et de son histoire, le guerrier marqua une pause de deux secondes avant de cette fois tourner la tête vers Wilfrid.

« Non, je ne te surveille pas mais estimes-tu que je le devrais ? Plus sérieusement, c’est ce grand corbeau qui m’a poussé à venir et non je ne suis pas fou de dire cela ! »

Le ton était plutôt amical, il ne connaissait pas assez son homologue pour se faire une idée, en tout cas, il n’était pas un ennemi puisqu’il portait une armure d’Asgard, juste un caractère plutôt froid mais ne sachant rien de son passé, c’était trop tôt pour le cataloguer.

Il était temps de revenir sur la demande de l’envoyée du sanctuaire qui n’avait pas donné plus de détails sur son statut d’où le fait de la nommer « mademoiselle » même si ce qu’elle portait pouvait donner des indices, il s’agissait aussi de voir sa réaction pour la pousser à parler un peu plus.

« Bien, je vais laisser Wilfrid vous conduire au palais puisqu’il pense que le petit nouveau veut lui piquer sa place… Que vous puissiez rencontrer Dame Séléné, prêtresse d’Odin et le seigneur Ashram, élu de Thor et gardien d’Yggdrasil »

Evidemment que le jeune homme ignorait le lien entre Angèle et le porteur de Mjollnir, il ne faisait que dire une réalité, il essayait aussi d’amadouer le guerrier de Grani en le taquinant gentiment car ce n’était aucunement dit sur le ton de la méchanceté.

« Je vous aurais bien proposé mes services aériens pour aller plus vite mais c’est à vos risques et périls et puis je vois que vous avez aussi de quoi voler donc je pourrais vous guider si vous me suivez car de toute façon j’y retourne, cela permettrait à notre ami de poursuivre sa tâche sans qu'on le dérange »

La suite allait dépendre déjà de la décision de Wilfrid, après tout, il était le premier arrivé alors le guerrier divin d’Odin estimait qu’il avait la priorité dès lors que cela était dans l’intérêt du royaume, ensuite, tout dépendait aussi du bon vouloir de leur visiteuse.

L'atmosphère s'était un peu détendue : dès lors que la demoiselle disait venir du Sanctuaire, c'était qu'il s'agissait d'une amie, voire d'un modèle à suivre. Du moins, c'était l'opinion de Siegfried. De bonne humeur, l'Alpha laissa échapper une plaisanterie en réponse à la remarque du guerrier de Grani, et il motiva sa présence en désignant l'énorme oiseau noir qui l'accompagnait. Angèle ne manifesta pas d'élan d'affection envers le charognard, mais Wilfrid s'y intéressa davantage.

" Les corbeaux peuvent être très intelligents. J'ai connu un homme dans l'Empire Ottoman, très influent, plutôt habile. Lorsqu'il avait une décision à prendre, il préférait prendre l'avis de son corbeau plutôt que celui de ses conseillers. "

Il passa sous silence qu'il avait travaillé pour ce janissaire étranger, et que cet emploi était assez salissant pour les mains, au sens imagé du terme. Mais la cruauté de cet homme n'avait rien à voir avec son familier. Le volatile avait beau être d'un noir sinistre, ce n'était qu'un animal qui vivait au-delà du bien et du mal. Il servait plutôt à soulager le janissaire du poids de ses décisions, à se donner une liberté qu'il ne se serait pas permise autrement.

L'attention de Grani se suspendit un instant aux attitudes du corbeau, aux croassements et aux battements d'ailes intermittents de l'oiseau. Il se demandait, comme les animaux avaient certains sens plus développés que les humains, si celui-ci était capable de sentir la présence des clandestins qui s'enfuyaient dans le brouillard.

Entre une représentante du Sanctuaire et un guerrier divin au sommet de la hiérarchie, Wilfrid avait plutôt intérêt à faire profil bas et à continuer de dissimuler ce qui se produisait. En cas d'échec, il n'aurait plus qu'à sauver quelques meubles s'il le pouvait. Et si Loki revenait au milieu de ce scénario catastrophe, il ne donnait pas cher de son droit sur l'armure de Grani et tout simplement de sa propre peau.

*Fais comme si de rien n'était. Il ne se passe rien d'anormal, ce n'est qu'un détail.*

Certains contrebandiers étaient avides de cette poussée d'adrénaline dans la tromperie et la dissimulation. Ces gens étranges ne vivaient que pour la ressentir, mais ce n'était pas le cas de Wilfrid. Le sbire de Loki passait un mauvais quart d'heure et faisait de son mieux pour n'en rien laisser paraître. Par bonheur, Siegfried semblait trop nouveau dans les affaires pour se douter de quelque chose, il parlait déjà de repartir.

Quant à Angèle, elle évoqua l'attaque spectre et s'excusa du désordre que son arrivée avait provoquée. Il secoua la tête pour signifier qu'il n'avait pas vécue cette invasion. De plus, ni l'un ni l'autre des asgardiens ne pouvait avoir de grief personnel contre les Saints. Siegfried soit parce qu'il n'était peut-être pas très au courant des problèmes de la dernière alliance, soit parce que sa foi en Athéna et le pacte qu'elle avait fait avec Odin était plus forte que les viles petites rancoeurs du commun des asgardiens ; et Wilfrid parce que tout cela lui était assez indifférent.

" La forêt repoussera. Les cendres font une bonne terre pour de nouveaux arbres. La reconstruction elle ... Je ne saurais donner de pronostic, tout est assez instable. A Odin a succédé Loki, celui-ci est parti sans donner plus d'explications que celle qu'il avait des affaires à traiter hors d'Asgard. Et voilà que l'élu de Thor est régent. J'ai entendu des grincements de dents à l'auberge, concernant les guerriers du Sud. Les gens d'Asgard sont très fiers, la vengeance est dans leur sang, mais ils doivent aussi s'occuper de leur survie. On peut difficilement faire les deux en même temps. Il vaudrait mieux demander directement au palais ce que les chefs ont l'intention de faire. "

" Pourquoi demandes-tu cela, Angèle du Sanctuaire ? Les grecs veulent nous annoncer que tout sera à reconstruire encore une fois dans peu de temps ? "

Un sourire teinté d'une ironie douce-amère se dessina au coin de la bouche de Wilfrid. Si c'était pour tenter d'arrêter l'engrenage d'une tragédie irrémédiable qu'elle avait fait tout ce chemin et s'était battue contre un rival dans l'art de manier le feu, elle se donnait vraiment beaucoup de mal ... Cela dit, Siegfried avait peut-être lui aussi son mot à dire sur le sujet. Surtout s'il savait si "l'élu de Thor" était défavorable aux chevaliers d'Athéna.

Bien sûr, les impressions de deux guerriers divins ne valaient pas la parole d'un responsable. Il fallait se résoudre à conduire l'envoyée grecque au palais d'Odin. La voie des airs n'inspirait pas confiance à la jeune femme. Le dragon avait encore un peu d'entraînement à prendre, et elle était sans doute la mieux placée pour pouvoir l'évaluer. Elle se tourna alors vers le lac, et Wilfrid acquiesça avec prudence.

" Il est plus rapide et sûr de faire un détour le long de la rivière que de couper à travers bois. Les habitants de cette région sont assez méfiants, mais je les connais. Nous pourrons suivre le cours de l'eau en barque. De là, rejoindre le palais sera très facile. Et vos frères, auront-ils besoin d'aide ? Malheureusement, je peux difficilement m'éloigner de cette région, mais peut-être que d'autres sont plus libres de leurs mouvements ? "

Siegfried avait acquiescé de la tête quand Angèle lui avait confirmé son sentiment que ce n’était pas le moment de parler de la Grèce, peut être plus tard, au moins elle ne fermait pas la porte, ce qui était une bonne chose. Wilfrid préféra parler du corbeau quand les deux asgardiens purent comprendre que la visiteuse ne les portait pas dans son cœur, et Alpha ne manqua pas d’ajouter :

« Ils sont certes intelligents mais aussi utiles pour éliminer la charogne et ainsi éviter la prolifération des nuisibles, on dit avant tout qu’ils sont le lien entre nous et Odin »

Vint la phrase sur le fait que le jeune homme était fraîchement débarqué dans ses fonctions, ne s’en étant pas caché afin d’éviter des soupçons de ne pas être franc sur les faits survenus avant son arrivée, là encore, le guerrier de Grani prit la parole pour donner une réponse, ce à quoi le dragon à deux têtes ajouta :

« Moi non plus, pour la reconstruction, je ne sais même pas si des civils ont été touchés physiquement par la destruction d’une partie de la montagne, quand j’étais bien plus jeune, la population restait loin de cette zone alors j’espère que cela à été encore le cas lors de cet affront »

L’option des airs étant mise de côté pour favoriser celle du sol, alors Siegfried laissa son compatriote indiquer ce qu’il voulait faire, d’autant qu’il connaissait ce secteur bien mieux d’après les détails qu’il donnait, par contre il ne proposait pas le service complet, sans doute sa fameuse tâche de surveillance à poursuivre. Il revenait donc à Alpha de rester avec eux, afin de servir d’unique escorte quand l’autre guerrier n’irait pas plus loin vers le palais. Se tournant vers la représentante du sanctuaire, il lui dit :

« Il ne nous reste plus qu’à suivre notre guide si je comprends bien et je prendrai le relais quand il nous abandonnera, s’il dit vrai sur certains habitants alors avoir un guerrier divin avec vous évitera des choses dont on n’a pas besoin »

Cette fois, le rictus était un peu plus crispé et son regard se porta sur Wilfrid, de nouveau il avait une impression étrange, voir quelqu’un qu’il connaissait mais qui semblait avoir légèrement changé physiquement en l’espace d’un jour à tel point que ce dernier faisait comme si ils n’avaient jamais passé tant d’années loin de tout. Peut être était-ce fait exprès alors Siegfried se devait de continuer à jouer le jeu en attendant d’en savoir plus à minuit.

" Eliminer la charogne. Alors cela veut sûrement dire que tu laisses beaucoup de cadavres derrière toi, Siegfried. "

Grani lança un regard intrigué à l'Alpha d'Odin. Le décallage entre cette remarque crue et la personnalité assez amicale du dragon était bizarre. Mais les hommes tout autour de la Terre étaient plus étranges les uns que les autres. Wilfrid ne pouvait rien faire d'autre qu'en prendre acte jour après jour. Cela dit, ceci n'était rien en comparaison de cette sensation de déjà-vu. Et maintenant qu'il y pensait, ils avaient peut-être déjà combattu par le passé. Mais sans doute que ni l'un ni l'autre ne s'en souvenait. Huit ans de voyages, c'était un bel ensemble de strates à remonter pour déceler un souvenir lointin et irritant, comme une épine prise dans des chaussettes superposées.

* Si je le défie à l'épée, je pense que je me rappellerai. *

Ce n'était pas le moment : Angèle avait repéré le bateau caché entre les rochers et faisait des pieds et des mains pour larguer les amarres. Vu comme la sainte était lancée, elle était capable de partir en plantant les deux guerriers divins sur le bord de l'eau pour aller voir l'autre bord du lac. L'alarme fut sonnée dans la tête de Wilfrid : ce n'était pas possible, elle ne pouvait pas vouloir traverser le lac pour aller se cacher sur le terrain rasé, alors qu'elle avait prétendu que les Berserkers étaient isolés la minute d'avant.

Il ne savait pas quoi dire, et suivait le mouvement sans trouver la moindre idée à cet enchaînement des choses : non seulement il n'avait pas réussi à tranquilliser assez le guerrier divin d'alpha sur l'escorte qu'il comptait donner au chevalier du Sanctuaire (quel piètre baratineur il faisait), mais en plus la sainte aux yeux rusés se doutait de quelque chose et projetait de découvrir le pot-au-roses derrière le brouillard. Il lui prit la corde des amarres des mains pour laisser à Siegfried le temps de monter et posa une question, pour gagner du temps :

" Némésis ? Je n'ai pas entendu cette histoire. "

Pendant ce temps, il fit mine de préparer les voiles. Son flegme n'était pas trop suspect : Wilfrid respirait naturellement tout sauf l'entrain et l'énergie. Le temps gagné sembla suffisant, car il entendit le hululement d'un hibou. Un signal qu'il connaissait : il savait qu'il pouvait compter sur l'action d'un autre partisan de Loki. Finalement, les voiles hissées, ils atteignirent le milieu du lac. Ils n'étaient plus très loin du banc de brouillard. Et c'est alors que la surface de l'eau, jusqu'alors paisible, se troubla. Cela commença par des vaguelettes, puis des visages apparurent sous les flots. Un membre perça la surface du lac dans un bruit d'aclaboussure, mais peut-être était-ce un poisson ? Wilfrid surveillait les réaction des passagers, comme du lait sur le feu.

" Est-ce que tu veux vraiment traverser le lac, Angèle ? "

A peine avait-il dit ces mots qu'une dizaine de bras livides émergèrent dans une gerbe d'eau et attrapèrent les rebord du bateau. Ces bras étaient sordides, décharnés, et des lambeaux de tissus noirâtres pendaient le long de leurs chairs décomposées. S'ils avaient appartenu à des humains, la vie qui les animait n'avait elle rien d'humain. Avaient-ils l'intention de les faire chavirer ou de les rejoindre à bord ? Il ne fallait pas être quelqu'un de normal pour se poser une telle question dans cette situation. Wilfrid lui n'était pas trop inquiet pour lui-même : il savait se débrouiller en eaux troubles. Mais il n'avait aucune idée de ce que ses passagers allaient faire pour se sortir de ce mauvais pas.

Siegfried eut de nouveau un sourire quand Angèle en remit une couche sur les croyances des gens du sud à propos des corbeaux, quant à Wilfrid, il ne voyait que le mal en pensant que le jeune homme était un habitué du meurtre, il tint juste à conclure cette parenthèse par ces quelques mots :

« Chez nous, ils n’apportent pas que de mauvaises nouvelles, c’est vrai qu’ils peuvent servir de messagers et que bien souvent les messages sont négatifs mais ils n’y sont pour rien… Et non Wilfrid, ils n’ont pas besoin de moi pour trouver leur pitance mais je te remercie de m’avoir éclairé ! »

L’affirmation de Grani montrait bien que cet homme ne pouvait être son maître, ce dernier ayant vécu des années avec Alpha qu’il n’aurait pu sortir une telle sottise alors  le mystère restait complet sur leurs liens qui pourraient expliquer leur ressemblance. L’hypothèse la plus primaire était qu’ils soient des frères jumeaux mais cela restait à confirmer.

N’en restait pas moins la présence de troupes étrangères dans le coin, le bruit entendu de l’autre côté du lac valait bien une inspection mais le dragon à deux têtes n’aimait pas ce brouillard qui pouvait masquer l’ennemi. Ce fut concentré qu’il monta à bord de cette maudite barque en pensant que l’option aérienne n’était peut être pas la plus folle par rapport à une balade romantique sur un lac paisible où on serait bientôt dans le flou.

Au milieu du lac, la visibilité était encore bonne sur la partie qu’ils venaient de faire mais les conditions évoluèrent au niveau de l’eau, devenant agité, ça déjà c’était quelque chose d’anormal alors que le vent ne soufflait pas, il fallait bien se tenir pour ne pas faire chavirer la frêle embarcation. Siegfried cru voir un visage sous l’eau et se dit dans un premier temps que ce devait être un poisson qui s’était agité au moment de passer et que son imagination avait fait le reste mais cela, c’était avant d’en voir un autre puis encore un autre. La question de Wilfrid sembla stupide sur le coup car ils n’allaient pas rester là alors qu’il était clair qu’ils étaient attaqués et que cela empirait

« C’est quoi ça ? Un Berzerker qui veut jouer avec nos nerfs ? Quoi il te faut son autorisation pour traverser ?  Bah non on va rester là, l’endroit est parfait pour faire une petite sieste ! Allez, baissez-vous et accrochez-vous ! »

Il y avait certes du stress dans la voix de Siegfried mais ce n’était pas non plus de la panique, plutôt des questions et de l’ironie, quoiqu’il en soit, il se mit de dos par rapport à l’avant de la barque puis arrima fermement ses membres inférieurs au fond de l’esquif avant de déployer lentement ses ailes afin que personne ne soit éjecté par le manœuvre. De grands à-coups dans un sens et des mouvements plus légers pour remettre sa voilure en place, de quoi pouvoir faire avancer l’embarcation de façon rapide et efficace si les bras morbides voulaient bien la lâcher. De la façon dont était positionné le jeune homme, le trio se dirigerait vers le brouillard en cas de réussite.

L'embarquement s'était déroulé un peu plus rapidement que Wilfrid ne l'aurait souhaité, Angèle n'était pas d'humeur à donner des explications. Quant à Siegfried, il ne chercha pas à défendre plus que cela la réputation du genre animalier de son compagnon. Lui aussi avait sans doute hâte de traverser le lac. A quel point le corbeau avait-il influencé la sainte et le guerrier divin ? Etait-il finalement apprivoisé et aux ordres du chef divin d'Asgard ? En tout cas, l'attaque des morts naufragés était le signe qu'ils étaient bien trop près du convois des fugitifs. Angèle jura par le Styx.

" Le Styx ? Il paraît que ce lac était autrefois un passage vers Helheim. Il est trop tard, nous n'aurions pas dû aller aussi loin. "

Mais ils continuaient de rejeter la cause sur les Berserkers. Wilfrid ne comprenait pas cette peur : ces guerriers du Sud étaient-ils si isolés qu'Angèle le prétendait ? Ou peut-être avaient-ils une réputation assez répandue pour les coups fourrés, jusqu'en Asgard. Dès lors ce fut la panique à bord. Siegfried eut une réaction à laquelle Wilfrid ne s'était pas attendue. Il ouvrait les ailes de son armure pour faire avancer le bateau. Grani ouvrit de grands yeux, interdit. Cette fois-ci , ils allaient rejoindre l'autre rive en un clin d'oeil. Wilfrid fit mine de coopérer, mais sans se presser, prétextant cette lenteur par l'assaut des noyés qu'il renvoyait dans les flots à coups d'épée.

Au fond, peu importait que cette initiative aboutisse : plus au coeur du brouillard, Siegfried et Angèle allaient rencontrer d'autres difficultés. Mais Angèle ne s'y laissa pas prendre : elle profita de la stabilité que Siegfried donnait au bateau pour décocher des flèches. Les morts-vivants touchés disparurent dans les profondeurs du lac et Wilfrid comprit alors que la sainte était non seulement d'une puissance redoutable, mais qu'elle était également tout sauf naïve. Une boule de feu acheva de dissiper le brouillard qui avait dissimulé le prêtre de Loki. Par bonheur, le gros des troupes était vraissemblablement parti.

Le débarquement eut lieu dans un fracas, et Wilfrid bondit aussitôt sur le sol et noua l'amarre à une souche calcinée. Il n'était sans doute plus question de reprendre la navigation après cette mésaventure, du moins pas tout de suite. Angèle lui attrapa l'épaule et le somma de s'expliquer. Wilfrid lui lança un regard en biais. Ce n'était pas très plaisant de se faire bousculer ainsi. On ne pouvait pas nier pourtant que cette sainte avait du chien. Il lâcha d'un ton traînant :

" Tout cela ne concerne pas les saints d'Athéna. Je trouve que tu agis un peu comme si tu étais chez toi, Angèle du Sanctuaire. "

D'un simple mouvement de l'épaule, il lui fila entre les doigts avec la fluidité d'une anguille pour se poster à distance respectable d'Angèle et de Siegfried. Il les observa tour à tour, épée en main, tandis que soudards, mercenaires et fanatiques sortaient des décombres de l'incendie où ils s'étaient terrés, l'un de derrière un tronc brûlé, l'autre des rochers du rivage, un autre encore de derrière une butte de cendres. Ils étaient une bonne vingtaine en tout, apprêtés d'armes et d'armures de fortune, lances, épées, parfois de véritables antiquités, mais souvent constitués de cuirs et d'os travaillés avec les moyens du bord ; certains portaient des crânes de cerf en guise de casque. Et tout cela constituait l'arrière-garde du convois, restée sur place par manque de temps.

" Tout le monde n'a pas l'intention d'attendre gentiment au pied du trône de Polaris de recevoir des ordres au nom d'Odin ou de son fils Thor. Certains pensent que l'on a assez vécu assez longtemps dans ce royaume glacé selon la loi du Père de Toutes les Servitudes ! "

Le blasphème n'avait pas été inventé par lui, mais c'était plaisant de pouvoir dire ce que l'on pensait d'Odin et de ses décisions qui engageaient la vie de tout un peuple. La rancoeur était partagée par ceux qui l'entouraient. Un sourire cynique se glissa au coin de la bouche de Wilfrid et son cosmos s'éleva. Il était sur la défensive. Seul, il n'avait aucune chance contre Angèle et Siegfried, mais il comptait sur l'aide de ses complices pour prendre un petit avantage et mettre l'un ou l'autre en difficulté.

Une brume argentée envahit à nouveau les lieux, réduisant la visibilité à néant, et donnant lieu à toutes sortes de mirages fantômatique. Mais cette fois-ci, les alliés de Wilfrid n'étaient pas des âmes perdues. C'étaient des partisans de Loki habitués à la dissimulation qui profitèrent du couvert de la brume pour se précipiter Siegfried et Angèle comme la misère sur le monde, scramasaxes et hallebardes en avant, hurlant contre Odin et Athéna. Wilfrid les laissa exprimer leur férocité en attendant de décider, au vu de ce qui allait se passer, de la manière dont il allait agir.

Grâce aux actions cumulées des deux combattants actifs, la barque finit par reprendre sa route mais beaucoup plus vite que sur la première moitié du trajet, on pouvait voir la berge qui approchait rapidement alors Siegfried tentait dans les derniers instants avant le choc de se servir de ses ailes comme d’un frein mais il ne pouvait pas trop, sentant qu’il perdait de la stabilité et qu’il risquait de finir à la flotte.

Le choc semblait inévitable alors le dragon prit son envole pour foncer vers le bord du lac, arrivant un peu vite, il dû faire quelques pirouettes avant de terminer avec un genoux au sol, de dos aux deux autres qui n’allaient pas tarder à débarquer de façon violente. A peine le temps de se retourner que le jeune homme se retrouva avec Angèle dans ses bras, cette dernière s’extirpa non sans avoir failli l’atteindre au visage dans son empressement.

« Quoi ? Je sens mauvais ou vous avez peur que je profite de la situation ? »

Alpha haussa les épaules, il n’attendait pas de réponse alors il lui tourna le dos pour surveiller les alentours, c’est alors que des accusations furent prononcées, à qui l’emplumée du sanctuaire disait-elle ça, un chance sur deux que ce soit à lui mais il n’y voyait pas de raison. Quand il tourna la tête, il vit que Wilfrid était sur le grill, avait-il manqué quelque chose ou son manque de suspicion sur l’un des siens le rendait-il aveugle ?

« Qu’est-ce que tu racontes ? »

La demoiselle allait devoir en dire plus sur ce qu’elle avait en tête et vu la réaction du guerrier de Grani qui était à prévoir, l’ambiance était à la défiance entre ces deux caractères bien trempés, Siegfried allait devoir s’employer à essayer de calmer la situation d’autant que son compatriote semblait prêt à en découdre en ayant son épée à la main. Pas le temps de dire quelque chose que des individus ayant les caractéristiques des gens d’Asgard venaient leur faire face. Et puis les paroles cinglantes de celui qui révélait ses convictions…

« A quoi joues-tu Wilfrid ? Refuser l’autorité du père, c’est de la folie, je t’en prie, reprends-toi… Crois-tu que ce sera mieux avec un autre ? Mais tu ne parles pas de Loki qui était là il n’y a pas si longtemps, est-ce volontaire ? »

Tout était enfin limpide, une guerre entre frères et sœurs risquait d’éclater et cela désolait Alpha, le sang ne coulait pas assez qu’il fallait en ajouter, triste moment, à peine revenu et déjà déçu par le comportement d’une petite partie des siens, prêt à frapper fort en marquant leur entrée en guerre par la tentative de tuer un chevalier d’Athéna.

« Je suis désolé Angèle… »

Ces mots pouvaient avoir deux sens et sans plus de détails, impossible pour le Sagittaire de savoir si le dragon en avait gros sur le cœur ou s’il avait décidé d’épouser la cause de ces hommes armés. La réponse ne tarda pas trop par une constatation puis une mise en garde :

« Wilfrid, tu fais la même chose que ceux que tu critiques, tu te sers de ces hommes pour les envoyer à la boucherie… Mes frères, ne m’obligez pas à vous combattre, partez si vous refusez de vivre selon nos lois ancestrales ! »

Leur adversaire principal éleva son cosmos et pour ne rien arranger, le brouillard réapparu, ce qui n’était vraiment pas bon pour voir ces fous furieux arriver sur la position des deux indésirables. Le jeune homme ferma les yeux pour se concentrer sur les bruits, les cris lointains du corbeau s’étant envolé laissant place à un silence précaire remplacé par les bruits des rebelles approchant à vive allure, impossible de ne rien faire, il les avait prévenu et avec regret, il allait devoir agir pour sa survie et celle de la demoiselle.

« Ne faites rien Angèle… Odin’s Shield ! »

Un bouclier de glace épaisse et translucide se format autour de Siegfried et d’Angèle qui étaient côte à côte, enfin si cette dernière avait suivi la demande au lieu de n’en faire qu’à sa tête, il ne fallait surtout pas que le premier coup soit porté par une étrangère ou par un fidèle d’Odin sans quoi cela aurait été récupéré par ces fanatiques pour se faire passer pour des victimes, hors de question de tomber dans leur piège. La réplique risquait d’être sanglante dans le cas où ces individus arriveraient à briser la défense du guerrier divin d’Alpha.

Vie 175/175
Cosmos 185/205 (-20 pour le bouclier)

Le plus étonné du tour que prenait les choses était Siegfried. De manière assez prévisible, il montra qu'il ne pouvait concevoir que l'on puisse être en révolte contre Odin ou chercher une alternative. Loki était-il meilleur que le maître d'Asgard ? Sans doute non. Mais la perspective de servir le dieu de la fourberie était simplement et paradoxalement la solution la plus suportable qu'il aie trouvée. En entendant la mention du dieu de la ruse, Wilfrid ferma les yeux en signe d'acquiescement et admit que le dragon était sur la bonne piste.

" Quelle perspicacité, félicitations. En effet, je suis un serviteur de Loki, le dieu de la discorde. Et ces hommes le sont également ! "

Angèle de son côté préféra rester en retrait. Elle garda les raisons pour elle, mais sa décision n'était vraisemblablement motivée par la peur. Malheureusement, elle était là et elle avait vu quelque chose qu'elle n'aurait pas dû avoir sous les yeux. C'est alors que Siegfried s'avança pour faire rempart entre elle et les partisans de Loki pour prendre au final son parti. Il ordonna aux mercenaires de reculer. Grani joignit un sourire en coin au concert de ricanements des malfrats qui s'en suivit.

" Partir ? Je crois que tu vas être décu : aucun d'entre nous n'a l'intention de partir. Ces hommes n'ont pas besoin de moi pour avoir envie d'attaquer un serviteur d'Odin qui ose leur donner des ordres. Ils ne sont pas comme vous qui hésitez à vous gratter le nez tant que votre dieu ne vous en a pas donné la permission ! "

Et tandis que les mercenaires passaient à l'attaque, Wilfrid se servait de la brume pour mieux percevoir le déroulement de l'assaut, les mouvements lui parvenant comme les perturbations et les tourbillons que sent un poisson dans l'eau. Le bouclier de glace sur lequel des lances se brisèrent et des épées ricochèrent suscitèrent chez lui un froncement de sourcil de déplaisir. De manière assez inhabituelle, cette réponse l'irrita au lieu de le décourager, et il s'apprêta à se lancer à son tour à l'attaque.

" Essaye de nous faire partir, Siegfried ! Il faudra nous débusquer de la moindre grotte, de la moindre futaie, de tous ces lieux laissés à l'ombre où nous attendrons le retour de Loki. Je te préviens, il te serait moins difficile de dresser Fenrir à t'apporter tes chaussons ! "

Cependant, alors qu'il se préparait à attaquer épée en main, un hululement de chat huant se fit entendre. Wilfrid en fut assez surpris, mais il avait reconnu un signal de ralliement des siens. Les fugitifs avaient sans doute besoin de leurs complices pour surmonter des difficultés en aval. L'appel se répéta, insistant, et Wilfrid fit signe aux partisans de Loki qu'il valait mieux abandonner la partie s'il y avait mieux à faire que d'attaquer deux égarés sur l'emplacement de leur ancien campement. Ils disparurent alors dans le brouillard qui devait se dissiper peu après.

Ne voyant pas d’autre solution contre ces pauvres bougres qui se lançaient dans une attaque suicidaire sous les yeux d’un guerrier qui restait dans son coin à attendre le spectacle de boucherie qu’il devait espérer, Siegfried ne pouvait se résoudre à lancer une attaque, tuer des asgardiens n’était pas une option envisageable alors seule la fuite pouvait éviter un carnage, cela serait peut être prit pour de la lâcheté par des esprits faibles mais au contraire, il en fallait du courage pour ne pas tomber dans la facilité qui consistait à verser le sang sans prendre trop de risques face à de simples hommes en armes.

Entendant les cris lointain du corbeau qui semblaient provenir d’un angle situé dans son dos, il se basa dessus pour déterminer la direction à prendre, cela donnait sur le lac donc il allait devoir se servir de ses ailles une fois de plus. Ce qui l’inquiétait le plus, c’était de devoir agripper la femme du sanctuaire au passage, de toute façon, son mur de glace n’allait pas tenir indéfiniment et elle allait finir par y passer en restant seule ici. La maîtrise du vol en solo n’était pas au top alors en duo… Sensations fortes assurées !

Prenant une longue respiration avant de passer à l’action, tout changea d’un coup, les assaillants se retirèrent et Wilfrid avec eux. Le mur protecteur tomba en même temps que le brouillard se dissipait, la désolation du jeune homme était grande, il garda le silence, les yeux dans le vide, se demandant comment on pouvait trouver Loki plus respectable que Odin, à moins d’avoir un pète au casque ou de ne plus avoir d’honneur…

Ce qui était certain et qui le peinait, c’était que ces gens étaient comme des monstres, assoiffés par la haine au point de ne plus entendre ou voir le respect que le guerrier d’Alpha leur avait accordé, d’autres les auraient balayés sans remord alors que lui avait cherché le dialogue tout en prévenant des risques à s’en prendre à sa personne, en vain.

Il aurait pu les poursuivre mais à quoi bon, peu de risque que ces sauvages ne tuent ou violent dans le coin, les seuls campements qu’il devait y avoir devait être les leurs alors autant les garder isolés dans cette zone. Par contre, il allait falloir en parler en haut lieu afin qu’une décision soit prise, ils représentaient une menace pour la paix en Asgard et donnaient une très mauvaise image aux visiteurs, à commencer par la représentante du sanctuaire qui avait assisté à ce premier acte qui allait en appeler d’autres sans doute encore moins agréables.

« Je comprends mieux mon maître quand il disait que l’humanité est capable du meilleurs comme du pire, même ici on en arrive à vouloir s’autodétruire, et ce Wilfrid qui voit en nous des marionnettes d’Odin alors qu’il ne voit pas ses propres fils tenus par Loki… »

Cela était dit calmement, des mots dit à voix haute sans qu’ils ne soient adressés à quelqu’un en particulier, non c’était l’instant philosophique qui allait bien avec son vague à l’âme. Le grand corbeau qui coassait dans les airs n’arrivait même pas à le faire réagir, pas certain qu’Angèle non plus.

--- Un étranger sur les terres enneigées

Elle osait parler de charme, l’homme qui se disait supérieur aux animaux n’en avait que l’illusion d’un ego démesuré, Siegfried était parti enfant de ces terres ou Odin régnait comme un bon père de famille pour que chacun puisse subsister avec les moyens du royaume, il était revenu jeune homme dans cette civilisation qu’il ne reconnaissait plus, Loki semblait avoir perverti ceux qui avait soif de pouvoir et de richesse, les rendants bien inférieurs aux animaux.

Pourtant, la main de cette femme, posée sur l’armure du dragon à deux têtes au niveau de l’épaule était inattendue, lui faisant redresser la tête pour l’entendre dire qu’elle ne se mêlerait pas de cette histoire, c’est bien ce qu’il espérait de toute façon.

« C’est bien normal »

Le regard portant dans la direction prise par les fuyards, nul doute qu’il s’attendait à les revoir un jour et sans doute pas pour les contenir car ils étaient ingérables, c’étaient frapper avant de discuter, ils voyaient le mal partout sans se rendre compte que ce mal était en eux et qu’ils le propageaient.

Sorti de ses pensées par le duo des emplumés, il se décida à bouger, signifié par un hochement de tête envers Angèle puis marcha en suivant les autres pour contourner le lac en restant sur la rive, se rendant compte que cela devait les emmener à l’opposer du palais, là où n’importe quel bon guerrier aurait accouru pour dénoncer les rebelles. C’était comme leur donner uns seconde chance, leur montrer que les représentant d’Odin n’était pas tous des monstres qui ne vivaient que pour trucider du fidèle de Loki. D’un autre côté, cela devait être su pour éviter de tomber dans leurs pièges, notamment Asbjörn qui devait savoir à quoi s’attendre en parcourant son domaine proche des planques de ces fous furieux.

Regardant parfois en arrière, la vision de cette forêt dense qui s’éloignait et les traits de ce Wilfrid qui ressemblait comme deux goûtes d’eau à ceux de son maître, il se refusait de croire qu’il s’agissait du même homme, on ne pouvait pas former un guerrier d’Odin et ensuite vouloir se battre pour Loki, ou alors ce dernier avait réussi un de ses mauvais tours pour changer la mentalité du mentor d’Alpha. En y repensant, ce guerrier de Grani lui avait donné un rendez-vous nocturne, était-ce un piège ou le moyen de lui parler en privé afin de lui expliquer son revirement qui était peut être de l’espionnage au final.

Domaine de Gamma (Un étranger sur les terres enneigées)

Wilfrid, ton aventure se poursuit ici => http://www.saint-anthologie.com/t13126-sous-la-protection-de-la-temperance