Une visite de courtoisie

Les enfers

Après un vol rapide, je finis par poser pied sur un promontoire rocheux qui offrait une vue relativement satisfaisante sur le domaine du dieu de la guerre. Arès était-il incarné ? Possible mais peu probable si je tenais compte du contexte de paix qui semblait dominé les contrées divines.
Les propos du juge du Garuda m'avaient poussé à la réflexion pour planifier au mieux une stratégie gagnante. Le chaos...
A l'époque de mon précédent éveil, j'avais sympathiser avec les fils d'Arès, et il était temps de vérifier si les anciennes ententes tenaient toujours. Même si cela me peinait de l'avouer, j'avais besoin d'une aide pour mettre sur pied la prochain étape de mon plan. Et je me voyais mal demander un tel appui à un Saint ou un Ase... Quoique.
Tout sourire, je laissais de vieux souvenirs revenir à la vue de ce décor que j'avais jadis contribué à façonner. Sous des tonnes de roche, le cadavre d'un Pégase noir dément devait avoir nourri les vers, ce qui lui donnait de son trépas bien plus d'utilité que de son vivant. N'est pas déicide qui veut et Ryuken n'avait pas fait exception à la règle.
A première vue, je ne sentis la présence de nul gardien. Un fait étrange... Les frontières du domaine de la guerre étaient-elles également laisser à l'abandon ?! Par courtoisie, je cessais de masquer mon cosmos et décidais d'attendre quelques heures pour voir si ma présence allait faire venir à moi un émissaire quelconque.
J'avais l'éternité devant moi, mais l'impatience de mettre en branle mes projets futurs commençait à s'imposer. Le monde allait bientôt sortir de sa léthargie... Pour le pire.

Après une interminable attente dont la longueur m'étonna grandement, je sentis enfin un cosmos venir dans ma direction. Et pas n'importe lequel ! Une vieille connaissance amicale semblait avoir choisie de m'accueillir en personne. Un gain de temps doublé d'un honneur qui me flatta.
Toutefois, la présence de Phobos pouvait également avoir une toute autre signification...
Je saluais aimablement mon interlocuteur avec un ton plus chaleureux que formel.

Un grand merci, seigneur de l'effroi. Je vois que tu as su profité du temps passé depuis ma dernière visite...

En effet, l'aura et le physique de Phobos n'avaient plus grand chose à voir avec le souvenir que je m'en faisais. Gain de puissance ou évolution logique ? Je laissais cette question en suspens le temps d'apaiser la curiosité du fils d'Arès.

Pour tout te dire, j'ai pris le temps d'explorer le monde actuel depuis mon réveil, et j'ai constaté avec étonnement une absence quasi généralisée des divinités de l'Olympe et une faible proportion de guerriers éveillés. Un monde en paix... Endormi... Peut être à la merci du premier venu. Et ma toute récente visite aux Enfers n'a fait que confirmer mon sentiment. Hadès lui même semble endormi... En est-il de même pour ton père ?

De la réponse de Phobos pouvait dépendre bien des éléments. L'écheveau de mes futures visées commençait à prendre forme peu à peu, et la rencontre avec le juge du Garuda m'avait éclairé au plus haut point. Tout sourire, j'appuyais ma question précédente.

Je suis venu pour avoir une vision claire des forces en présence, vois-tu. Une armée digne de ce nom est-elle prête à s'activer où seuls quelques élus gardent-ils les terres sacrées, en attendant un éventuel retour de leurs souverains divins ?

Chaque mot était pesé, chaque geste ou rictus choisi. Je n'avais pas n'importe qui face à moi, et je devais parfaitement saisir les particularités d'une période de calme bien différente de la précédente.

Chaque mot, chaque intonation avait un sens précis. Or, comme l'aurait dit un célèbre médecin de l'antiquité : "Tout le monde ment". A quoi j'aurais rajouter : sciemment, par omission ou non.
Phobos répondit à ma requête sans pour autant entrer trop dans le détail. Une attitude neutre qui ne m'étonna guère, surtout lorsqu'il me proposa de gagner son domaine. Je devais bien avouer qu'un tel lieu risquait de nous causer, par sa nature, quelques désagréments, dont d'éventuelles visites non désirées.
Je pris néanmoins quelques secondes pour analyser la situation sous un jour plus clair.
Arès était éveillé, mais occupé... Comme Hadès en somme. Un étrange hasard de circonstances, surtout pour des divinités aussi conquérantes. En outre, selon Phobos, l'armée de Berzekers restait en effectif réduit mais de qualité. Une autre réponse aurait été bien surprenante, tant je voyais mal le dieu de la peur critiquait de vive voix les guerriers de son propre père. Cherchait-il à masquer une réalité peu enviable ? Déni peut être ? Ou vérité... Cette dernière option me semblait peu plausible, mais je n'en pipais mot.
Un individu aussi intelligent que Phobos allait tout faire pour m'extirper un maximum d'informations sur mes visées, tout en gardant précieusement ses propres révélations. C'était là un jeu de diplomatie pure dont je commençais bien les enjeux et règles. C'est donc avec un sourire félin mais aimable que je finis par accepter son offre.

Je te remercie de ton hospitalité et l'accepte avec plaisir... Je suis persuadé que les puissants guerriers qui demeurent encore dans le domaine de ton père suffiront largement à empêcher toute intrusion non désirée... Et dans le cas contraire, je me ferais un plaisir d'y remédier par égard pour Arès et toi.

J'appuyais la légère pique par un clin d’œil et disparut dans un nuage de plumes blanches. Par politesse, je laisserais tout de même mon divin interlocuteur passé devant. La reconnaissance de' l'hôte...

Temple de Phobos

Asgard

Après un voyage rapide, où j’avais filé aussi vite que possible, une ride de contrariété barrant mon front, j’avais finis par me poser sans autre forme de procès à la frontière de territoire du dieu de la guerre.
Ma visite récente avait été pour le moins frustrante, malgré un échange avec Phobos. Arès n’avait pas daigné me recevoir, trop occupé à folâtrer avec Aphrodite, mais suite à mon départ, le fils de Zeus avait envoyé l’un de ses sbires à ma rencontre, en plein territoire hostile. Soit, Arès regrettait de n’avoir pu discuter avec moi et tenait à réparer l’affront, soit… il souhaitait me mettre en difficulté face aux Ases. Mais comment aurait-il su où me trouver ? Bah, qu’importe.
L’entretien avec Thor avait été à la fois encourageant et terriblement décevant. La croisade face à Kazuki n’en était donc qu’à ses prémisses, à mon grand regret. Jamais je n’aurais cru le puissant fils d’Odin aussi timoré, mais j’avais rapidement compris qu’il demeurait pieds et poings liés par l’autorité de son géniteur, véritable maitre d’Asgard. Les négociations avec Arès en seraient donc d’autant plus délicates. A moins que le dieu de la guerre ne souhaite réellement reprendre la route d’un conflit ouvert. Mais le connaissant, une alliance avec Hadès n’était pas à exclure. Dans ce cas de figure, je m’étais jurer de retrouver une neutralité de bon aloi, plutôt que de choisir un camp voué à la défaite. Les Ases n’auraient que ce qu’ils méritent… Mais en l’occurrence, l’espoir était encore autorisé. Et je conservais l’idée de sauver Thor d’une destruction prévisible, si le conflit venait à être déclaré. En tant que guerrier honorable et fils dévoué à un père absent, je ne pouvais que compatir et comprendre sa situation. Le diable pouvait-il faire preuve de bons sentiments ? Assurément, mais en toute discrétion et en de rares occasions.
Une fois le pied posé sur une falaise à pic, j’observais les alentours, notant l’absence de tout gardien. Rien d’étonnant vu l’état des armées d’Arès. Un facteur à prendre en compte.
Vu que j’avais reçu une invitation en bonne et due forme du maitre des lieux, je repris mon envol sans autre forme de procès, avide de savoir ce qu’Arès me voulait… Les terres désolées défilèrent rapidement sous ma silhouette à découvert, et je gardais tout de même une posture méfiante. Seuls les imbéciles relâchent leur garde en de telles circonstances. Et le diable était bien placé pour connaitre cette maxime.

Temple d'Arès suite à invitation