[Flashback] Winter is coming (avec Holvir)

Depuis une semaine, il faisait froid et il neigeait sans relâche. Un vent glacial balayait la plaine faisant tourbillonner les immenses bancs de brouillards givrants qui s'enroulaient sur la cime des arbres rachitiques.

Une silhouette sombre et solitaire se dessinait, assise à l'entrée d'une grotte ou crépitait un discret petit feu.

En silence, Epiméthée mâchait lentement son maigre repas tentant de se rappeler à quoi pouvait ressembler cette partie du monde quand il était jeune. Sûrement pas à ce pays glacial où le givre avait pénétré les entrailles de la terre jusqu'à deux mètres de profondeurs.

Il secoua la tête faisant tomber les cristaux blancs qui s'étaient amoncelés dans ses courts cheveux ébènes puis remonta de sa main libre la peau d'ours, qui lui servait de protection contre les frimas de l'hiver boréal. En faisant ce geste, celui qui se faisait passer pour un humain de 36 ans du nom de Benigno Genovese, dissimula son armure de mercenaire.

Puis le gaillard de 2 mètres 30 poussa un soupir posant délicatement sa cuillère dans sa gamelle vide. Son visage déjà peu expressif était plus sombre qu'à l'habitude. Cette situation lui compliquait la tâche.  L'escapade du titan daté d'il y a 3 semaines. Il  c'était aventuré aussi loin au nord dans l'espoir de trouver une rareté minérale : l'argile bleue. Cette terre n'avait que peu de valeur en soi, mais c'était l'élément nécessaire à un projet de sculpture qu'il avait en tête depuis quelques temps. Et dans la mémoire du fils de Japet et de Thémis, on en trouvait beaucoup sur les terres du nord. Qui plus est, dotée d'une pureté exceptionnelle. Parfaite pour lui donner forme. Malheureusement durant ses années d'enfermement dans le tartare, le climat avait changé et depuis son arrivée sur les terres d'Asgard, Epiméthée n'avait pas réussi à retrouver la moindre veine. Le soi-disant homme releva de nouveau la tête pour observer le paysage qui l'entourait. Son regard couleur couché de soleil détaillant chaque formation rocheuse, chaque courbe du terrain. Non, rien. Aucuns indices.

Il allait donc lui falloir rentrer bredouille. D'autant que la prudente divinité archaïque ne souhaitait pas éterniser sa présence en ses lieux. Ce serait malvenu d'attirer l'attention des gardiens de ses terres sur lui et les membres de sa famille alors qu'ils n'avaient pas encore pu regagner leurs forces premières.

Où pouvait-il bien être ? Le froid mordait et lynchait depuis trop longtemps sur les terres de Norvège, et les proies se faisaient trop peu nombreuses dans la vallée de son village... Le seul moyen avait été de remonter vers le Nord, toujours plus au Nord. Quoi manger sinon ? Ainsi Holvir avait finit par se résoudre à une vie nomade, pour le moment. Chaque kilomètres qu'il parcourait lui semblait devenir interminable, et le froid lui, ne s'estompait pas. Oh non... Bien au contraire. Alors que le chasseur était partit il y a une semaine sous une légère neige, voilà qu'il se retrouvait à courir dans la forêt balayée par la puissance du blizzard. Le souffle court, les cuisses brûlantes, et des hurlements provenant de son aval. Dans son malheur, Holvir avait été prit en chasse par une meute de loup blanc trop affamés pour fuir l'odeur de l'homme : Ce fumet pourtant nauséabond à la narine des lupus, semblait le plus doux qu'ils n'aient jamais connu, et prompt à satisfaire une jeûne de plusieurs semaines.

Les arbres défilaient à la vitesse du galop sous les yeux du Nordique, tandis que ses poumons se glaçaient à chaque inspiration. Comment le froid pouvait-il sembler si brûlant ? Il jeta un œil derrière lui : Les grognements se faisaient de plus en plus oppressant, et quelque chose ne voulut pas à cet instant que sa course folle continua ainsi. Il tomba au sol,et roula sur les dures racines qui avaient probablement freiné sa course du fait de la vitesse. Se relever ! Vite ! Prenant appuis sur un tronc d'arbre, il usa de sa force pour se remettre en piste, et retomba sur le sol. Sa cheville lui faisait mal, terriblement mal. Et les truffes commencèrent à pointer à travers les buissons, les yeux de feu des animaux enragés fixant leur prochain dîner. Tant bien que mal, Holvir se mit debout, non sans grimacer : Aucune chance de survie, il fallait faire face. Boitant, il se déplaça latéralement en fixant la meute qui s'avançait lentement vers lui. Deux, Trois, Six, Onze... Bon sang, s'il s'en sortait... Le Nordique d'un geste agile empoigna l'arc qu'il avait dans le dos et encocha une flèche en direction du loup le plus proche. S'il tuait le chef de meute, peut-être les autres fuiraient-ils. Les loups s'arrêtèrent devant le chef d'oeuvre redouté de l'humanité qu'ils ne connaissaient que trop, et montrèrent de plus belle leurs crocs brillant de pâleur sous la lumière de la Lune. La Lune... L'archer leva le regard une fraction de seconde, et mit son plan à exécution : il décocha la flèche dans les hautes branches et poussa un cri roque qui traversa la nuit, suffisant pour déstabiliser les bêtes une fraction de secondes, et une avalanche de neige fondit du firmament sur la sphère terrestre, écrasant de tout son poids les invités surprise. Il profita de cette diversion et se remit à courir. Où aller ? Il ne pourrait pas continuer comme cela indéfiniment, surtout avec sa cheville... Mais les dieux en avaient visiblement décidé autrement. Il aperçut au loin un panache de fumé, léger, détourné par la puissance des vents. Avec un peu de chance... Et de savoir, il tomberait sur le camp. Des grognements surgirent derrière lui, les loups revenaient déjà à la charge tandis qu'il corrigeait sa trajectoire à travers les bois. Un bruissement sur la droite, et une masse grise bondit sur l'homme. Holvir roula au sol et poussa un cri de douleur par le choc au même instant où il sortit une flèche de son carquois sur laquelle le loup vînt s’empaler. Profitant de l'inertie du mouvement, il roula et se releva d'un bond qui lui élança de nouveau la cheville, la douleur faisait battre ses tempes à se les rompre, et les autres loups continuaient de le suivre. Il y était presque...

Prêt du feu de camp, un grand homme à la mine sombre finissait son repas, et commençait très probablement à se demander de quoi provenait tout le remue-ménage de la forêt. Le seul soucis... C'est qu'il semblait bien que son questionnement allait être assouvie. Un humain, un homme, dans la fleur de l'âge bondit hors de la forêt et se dirigeait vers le campement avec les enfers au trousse. A proximité de l'observateur le fuyard lâcha un "Bonjour !", et glissa sur les genoux jusqu'au feu. Il attrapa alors la gourde qui pendait à sa ceinture et la lança vers la forêt, puis encocha une flèche qu'il alluma avec le feu de camp.

- Si j'était grand et fort comme toi, j'empoignerai un bon couteau ou une épée. La cavalerie arrive !

Qu'elle idée avait-il eu de venir jusqu'ici ? Pourquoi si loin au nord ? Et puis... Où était-il bon sang ?! Holvir se savait horriblement chanceux d'être tomber sur une forme de vie ne voulant pas faire de lui son dîner. Bien que cela... Il n'en était toujours pas certains. Surtout quand le géant brun sortit une gigantesque lame digne des légendes. Plus grand qu'une claymore, elle semblait pourtant adapté à sa taille... Mais les lignes et l'âme de l'arme heurtèrent tout de même la conception du Nordique : Jamais il n'avait pu voir de tels détails dans le métal, jamais il n'avait pu voir une telle finesse dans le forgeage. Quelque chose clochait, et cela n'était pas rassurant...

Les loups surgirent alors des buissons, tendant à la lisière. Les flammes avaient l'effet escompté, et tenait les créatures à distance... Enfin, pas pour longtemps. Un des canidés plus intrépide que les autres bondit sur les humains. Holvir n'allait pas tirer, il en attendait plus... Mais avant qu'il eu le temps de prévenir le géant, celui-ci avait tranché la bête en deux... Littéralement. Il baissa son arc légèrement devant le spectacle surhumain : Qui pouvait faire cela ?! Il secoua vivement la tête, il ne fallait perdre sa concentration, puis remit sa cible en joug : La gourde de métal qu'il avait lancé nonchalamment il y a quelques secondes, tout en espérant que son plan marche. Et comme il s'y attendait, une fois le premier loup à terre, les autres entrèrent dans la danse. Dans un grondement terrible de course quadrupèdes, de grognement et de bruissement de feuilles, la meute se jeta dans la mêlée... Maintenant !


Holvir lâcha la corde de son arc, et la flèche enflammé vînt se planter directement dans la gourde de métal, la pointe traversa la coque, et les flammes furent alors en contact avec le liquide. Une fraction de seconde... Et une explosion jaillit du sol, barrant le chemin des loups d'un mur de flammes éphémères, projetant des morceaux éclatés de métal dans toutes les directions. Plusieurs jappements se firent entendre, puis une fuite effréné. En a peine une minute, la lisière était de nouveau calme, des flammes terminant de se consumer sur le cadavre béant de la gourde. Devant ce spectacle, Holvir toujours à genou cria son contentement bestialement, puis entreprit de s’asseoir près du feu, en posant son arc et son carquois à ses côtés. Il devait bien maintenant, quelques explications à son hôte...


Holvir prononça la dernière phrase avec un timbre qui trahissait beaucoup d'appréhension, tandis qu'il regardait sa cheville terriblement douloureuse maintenant que l'adrénaline ne faisait plus effet...

Il cuisinait... Tant mieux. Quelque chose clochait, et Holvir le sentait dans ses tripes. Comme lui disait son père, le plus important pour un chasseur était de cultiver ses instinct. Les animaux sont des êtres instinctifs, ainsi pour mieux les attraper, il fallait aussi vivre selon ce model de pensée. Cela lui avait toujours parut difficile jusqu'ici, car aussi intriguant que cela puisse être, il n'était pas naturel pour un homme de ressentir et de vivre au son de ses certitudes irrationnels. L'éternel combat entre les passions et la conscience... Aujourd'hui tout son corps lui criait de fuir. Mais aujourd'hui, il lui était impossible de le faire. Sa cheville le lançait terriblement, et tandis que le grand étranger se déplaçait auprès du feu, il se traînait avec peine à son exact opposé. Peut-être serait-il plus en sécurité...

Le grand brun commençait à préparer la viande d'un loup sous la lumière crépitante de l'unique source de chaleur dans cette nuit. Son oncle, un homme dangereux ? Holvir s'ébroua. Visiblement, cette personne avait de drôle de notion du danger. Cependant, il ne répondit pas de suite, cherchant à peser ses mots. Mieux ne valait pas provoquer une mauvaise réaction...

- Mon oncle était dangereux sûrement oui... Et moi, je pense que ma cheville est là pour en attitrer. Enfin... D'habitude je m'en sort très bien ! Les loups ici sont... Étrange, véritablement étrange. Cette saison n'est vraiment pas bonne, ni pour eux, ni pour nous. C'est pour ça que je suis ici. on village à déjà de la peine à subvenir au besoin des sédentaires... Tout les chasseurs ont été envoyé vivre plus loin, pour sauver des vivres. Je vous jure... C'est tout les hivers pareils à vrai dire, disette ou non. Et on rentre à chaque fois au début du printemps, lorsque la neige commence à fondre. Les gens ne nous attendent même pas. Pas une seule personne pour compter ceux qui ne reviennent pas. Mais on finit par s'y faire... Je suppose...

Le jeune homme décrocha une cape de fourrure mal tannée et l'étala près du feu, puis s'étendit dessus afin de rapproche un maximum de sa corpulence des flammes. Il porta un regard au loin, vers les étoiles. Le ciel tremblait toujours de ses offices, et les nuées tombaient toujours venant s'attarder quelques fois parmi les cheveux blonds du chasseur. Il ne se tirerait jamais de là. Jamais... Alors autant poser la question directement.

- Et toi, pourquoi est-tu là ? Qu'est-ce qui t'amène dans le froid du nord du trou du cul du monde ? Et surtout... Qui est-tu vraiment ?

Le géant continuait à se faire mystérieux. Il ne daigna d'ailleurs même pas décliner son prénom ! Holvir, toujours attentif au moindre danger, releva cependant une pointe d'autorité dans le ton que prenait l'étranger. Peut-être que son identité lui était impossible à décliner... Par la honte, la haine, ou la peur. Comment cela pouvait-il être la peur ? Un homme de sa carrure aurait probablement réussit à faire décamper tout les habitants de son village en un seul bâillement. Ou alors était-il recherché, ce qui expliquerait son retranchement dans les terres lointaine. Il était certains ici que la milice ne viendrait jamais pour lui... Ni personne d'ailleurs, sauf peut-être sur un chasseur par un, heureux, hasard. Tout en écoutant l'histoire de son voisin, le chasseur sortit deux fémurs d'un petit sac qui devait probablement lui servir à stocker le fruit de son travail, puis une lanière et entama de se fabriquer une attelle.

« Quand à ce qui concerne ma présence ici… elle n’a pas beaucoup d’importance en soit. Un simple caprice que je crains de ne  pouvoir assouvir. »

Holvir fit une pause à son oeuvre devant l'expression du "presqu'inconnu".

«  Je suis à la recherche d’une certaine argile. Une glaise de couleur bleutée qu’une amie d’autrefois aimait beaucoup. Je croyais pouvoir en trouver ici. Malheureusement, ses terres glacées n’ont pas su satisfaire ce désir. Alors je m’en retournais vers d’autres latitudes plus clémentes. »

"Une amie d'autrefois"... Le chasseur baissa la tête un moment pour reprendre son ouvrage sans rajouter mot, mais le silence fut une nouvelle fois rompu.

«  Ta cheville est très mal en point, n’est-ce pas ? Penses-tu pouvoir survivre seul après mon départ demain matin ? »

Il achevait alors bricolage : peu stable, branlant, la pauvre lanière trop courte et trop usée ne serrait pas suffisamment les os, qui eux avaient beau avoir la qualité d'être solide, ils n'en étaient pour le moins pas assez large pour remplir une telle office. Holvir grommela, puis tourna le regard vers le grand brun.


Le Nordique se redressa pour surplomber le feu et pouvoir faire face à l'étranger.


Il marqua une pause.


Le chasseur reprit une position plus adaptée à son infirmité.

Pourquoi une telle réaction ? Pourquoi tant d'intérêt pour ce qui aurait pu sembler être le destin d'un étranger, dont nul ne se doit de se soucier plus que le sien ? Les vents du Nord ont forgé les hommes différemment, de par leur apparence, les cheveux d'or et les yeux de cobalt. De l'acier coule dans leurs veines, de l'orage brille dans leurs yeux. Enfant du Nord, fils et filles du Grand Arbre, ce ne fut pas leur seule bénédiction. L'esprit des peuples nordique est lui-même touché par un affect étrange. Il y a cela des centaines d'année, alors que le culte d'Odin était prédominant, les guerriers, ou les simples fermiers, car il n'y avait aucune différence, pouvaient s’entre-tuer pour l'honneur, l'argent, ou tout simplement l'envie. Cependant, il fut rare que de telles querelles soient poussées jusqu'à la haine. Ce même peuple a pu piller et saccager nombres de contrées, brûler des villages entiers... Et s'attirer les mauvaises augures de bien d'autres royaumes. Mais les hommes, les familles, accueillaient avec fraternité les étrangers, ce qui causa souvent le trouble des diplomates s'attendant à voir de rustres barbares. Les hommes du Nord ne pensent pas de la même logique que ceux du Sud. Voilà ce qui avait poussé Holvir à agir ainsi. Sa survie importait peu devant la détresse de l'inconnu. Car bien que celui-ci tente tout les artifices pour cacher ses impressions, celle-ci se lisait dans ses paroles et sa présence. Et le faible remerciement tout juste perçut vînt raviver la certitude du chasseur.

Holvir renifla l'air ambiant : le ragoût était prêt ! Tout en se frottant les mains d'avance d'un repas chaud, un vrai, le colosse le servit dans une gamelle qu'il s'empressa de saisir. Il faisait vraiment faim, et puis c'est bon pour les entorses le ragoût. L'étranger se leva ensuite, et prononça quelques mots :



Et il s'éloigna dans la neige... Enfin, peut-être, Holvir était trop occupé par sa nourriture pour s'enquérir d'une telle information. Après les quarante-quatre secondes de lapage intensif, le chasseur releva la tête pour se retrouver seul près du feu...


Tout en haussant les épaules, il reposa la gamelle près du feu, et se traîna légèrement pour remettre un peu de bois sur les cendres iridescentes. Un drôle de phénomène... Il attrapa ensuite sa cape et se roula dedans afin de se protéger un maximum du froid de la nuit. Morphée n'attendra pas longtemps tandis que le Nordique regardait le ciel.
Une nouvelle étoile venait d'apparaître.