Se sacrifier pour elle [Quête de résurrection]

« Je te ramènerai »

Toloméa

Je suis désolé Ahina, je n’ai pas su tenir ma promesse et te protéger, je ne suis qu’un pauvre fou issu d’une infamie, je te demande pardon… quand à toi Athéna, tu as intérêt à ce que ton hôte s’en sorte sinon tu seras sur ma liste de déicide tout comme ton père et Hypnos !

Ces quelques mots lui parvinrent, filant secrètement à travers son esprit, l'ultime message que Scareface lui adressa avant de rendre son dernier souffle. L'ironie... c'est qu'ils moururent presque en même temps... à quelques toutes petites secondes d'intervalle. Cependant, leur destination respective n'était pas la même.

Je n'ai pas su te protéger...
Si elle l'avait pu... les poings de la fille de Zeus se seraient refermés sévèrement sur eux-mêmes. C'était à elle de le protéger et non l'inverse. Elle aurait du lui éviter de telles épreuves. Quelle folie lui était passée par la tête d'autoriser Ahina à l'emmener avec elle en Enfers... Pourtant elle la lui avait concédée car, au fond de son coeur, elle pensait que cette épreuve était nécessaire. Tôt ou tard, Scareface aurait du faire face à Hadès. Peut être que son erreur avait été d'imaginer que ce moment était arrivé.
Non... tout cela n'avait eu aucune incidence. Rien de tout cela n'avait provoqué le triste résultat d'aujourd'hui.
La cause de cette guerre... la raison qui avait précipité la chute du Cancer et la sienne... n'était autre que sa propre soeur, Perséphone.

Perdue au coeur du pire endroit que ce monde puisse porter, l'âme d'Athéna erra quelques temps sans but, sans destination, sans savoir quel allait être son sort dans cet Enfer que les Dieux redoutent entre mille.
Ces quelques heures, qui se comptaient en minutes à la surface de la terre, furent cependant utilisées à bon escient.

Doucement, la volonté et l'intention de la Sagesse enfermèrent l'âme d'Ahina, scellée au plus profond de l'esprit errant de la déesse des hommes.

Je ne laisserai pas son âme être détruite... Scareface.

Les réincarnations sont des cas à part, dans la grande manigance des enveloppes divines. L'âme de l'humaine et l'âme divine étant étroitement liées, il arrive parfois que la première accompagne la seconde au Tartare, lorsque la Divinité vient à mourir.
C'est ce qu'il se produisit aujourd'hui.

Vaporeuse tel le fantôme revenant hanter les vivants un soir de pleine lune, les bras d'Athéna s'élevèrent vers le ciel rougeoyant qui la surplombait.

" Ô toi, Maître du Tartare, Seigneur de l'Enfer des Dieux. "

Son âme vibrante de lumière d'or, s'exprima d'une voix forte avec que ses lèvres ne bougeaient pas. Comment l'auraient-elles pu... privées de leur essence charnelle.

Non... Scareface. Quoi qu'il en coûte... cela n'arrivera pas.

" Entends ma prière... entends mes mots...
Je me présente à toi avec humilité... j'accepterai et subirai ton courroux et la sentence que tu promulgueras sans m'y opposer.
Je t'en fais le serment...
Mais... je t'en prie... laisses l'âme de cette humaine en dehors de ta sanction.
Elle ne devrait pas être ici. Sa place... n'est pas ici.
Alors... je t'en conjure.
Fais de moi ce qu'il te plaira, mais laisses la en paix. "

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« Je te ramènerai »

Toloméa

Si elle pouvait encore sentir son coeur battre dans sa poitrine, nul doute qu'il se serait arrêté dès les premiers mots du Maître du Tartare. Ses bras retombèrent lentement le long de ses flancs, alors que son esprit revoyait rapidement ses derniers échanges avec Niké.
La dernière fois qu'elle l'avait vue c'était au Sanctuaire Sacré. La Justice devait se rendre chez les Titans. Comment... avait-elle pu finir au Tartare... Les Titans n'auraient tout de même pas osé... Elle était l'une des leurs, la fille de Styx et de Pallas. Ils ne s'en seraient pas pris à elle, elle avait beaucoup de mal à l'imaginer.

" Niké... ici... mais comment... que s'est-il passé ? "

Il y avait fort peu de chances que le Maître réponde à sa question, mais ses mots s'étaient extirpés de son âme spontanément. Elle n'eut cependant pas le loisir de réfléchir plus avant à cette nouvelle des plus désastreuses et funestes, qu'il reprenait la parole.
Athéna leva les bras au-devant d'elle immédiatement, en secouant doucement la tête de droite à gauche.

" Non ce n'est pas ce que je te demande. Je t'implore simplement de ne pas lui faire subir ton courroux pour la simple raison que son âme n'a pas à se trouver ici. Les humains n'ont rien à faire au Tartare. Abats ta sentence sur qui la mérite, moi et non elle. "

Les mots qu'il lui répondit la soulagèrent sur l'instant. Une pointe d'inquiétude demeurait en son sein, car elle avait formulé sa requête sans réellement envisager qu'il lui accorde. Le Maître n'était pas réputé pour sa clémence. Mais peut être que... peut être avait-il réellement entendu qu'une âme humaine n'avait rien à faire en son domaine. Peut être avait il entendu qu'il ne serait pas juste, ni tolérable pour Ahina de subir les affres du Tartare.

Mais ce qu'il se passa en suivant fit frémir la protectrice les hommes. Elle n'eut pas le temps de réagir qu'il extrait, sans la plus petite difficulté, l'âme d'Ahina de sa protection dorée, profondément cachée en la Déesse.
Athéna ne pu rien faire qu'elle était déjà aspirée par le sol inconsistant sous ses pieds, échangeant peu à peu sa place avec l'âme qui accueillait sa réincarnation en cette ère. En place de l'esprit fantomatique de la divinité, apparut celui de la fille du clan Takumi. Athéna lui transmis une dernière once d'énergie, tout ce qu'il lui restait et cela ne serait pas suffisant.

" Ne vous inquiétez pas... Athéna. Je tiendrai. "

Ahina n'était pas Athéna. Bien sûr, elles avaient de nombreux points en commun, mais leur caractère était différent. Et cela effrayait la Divinité qui ne pouvait qu'assister, silencieuse et impuissante, à ce qui allait suivre.
Les paupières légèrement opalescentes d'Ahina s'ouvrirent lentement, dévisageant l'étrange créature qu'était le Maître du Tartare. Ainsi... on en était là.

" Bien... puisque tu y tiens... Allons y si tu veux bien, je n'ai pas toute la journée. "

Là encore, si Athéna l'avait pu, son coeur aurait sans doute raté un battement. Comme avec Hadès... comme avec Thanatos... à chaque fois qu'Ahina se retrouvait "seule" en compagnie d'entités qui lui étaient foncièrement hostiles, elle avait tendance à dire exactement ce qu'il ne fallait pas.

« Je te ramènerai »

Toloméa

Ahina fixait le maître des lieux d'un air plat. Le nombre d'horreurs qu'elle avait entendu à son sujet suffirait à faire frémir de terreur n'importe quel guerrier aguerri. Mais pourtant... Maintenant qu'elle était face à lui ce qui, en temps normal, n'était pas censé se produire à vrai dire, elle ne le trouvait vraiment pas à la hauteur de sa réputation.
C'était "ça", le truc qui faisait mourir de peur tous les dieux ? Très loin de s'estimer plus forte d'une quelconque manière, elle avait cependant bien du mal à comprendre cet effroi général.

" Vous dites ça parce que vous n'avez pas goûté à ma cuisine. "

Répondit-elle avec légèreté alors qu'il s'étonnait de l'affection qu'Athéna pouvait entretenir envers ses pairs.
Ceci étant... elle regretta cette pointe d'humour assez mal appropriée dès que cette phrase acheva de passer la barrière de ses lèvres. Car, justement, s'il y avait bien une divinité en laquelle elle avait toute confiance, c'était Athéna. Celle la même qui s'était mise en danger, qui avait mis jusqu'à son âme dans la balance, pour la protéger de celui qui se trouvait face à elle.
Il ne payait pas de mine comme ça mais... quelque chose au fond d'elle lui faisait craindre une très grossière erreur de jugement.

" Pourquoi ne devrais-je pas être pressée de vous quitter ? Sauf tout le respect que je vous dois, votre petit domaine est bien sympathique, mais ça manque un peu de fleurs... "

Si ce pauvre Biscione était là, nul doute qu'il aurait fait l'un des nombreux infarctus dont il avait l'habitude en sa présence. Mais le fait est qu'elle ne comprenait sincèrement pas pourquoi l'entité lui disait une chose pareille... La logique intimait principalement le contraire : qu'elle se hâte de sortir de ce trou noir pour rejoindre les siens, panser leurs plaies tout autant que leurs âmes et protéger le Sanctuaire si cela était encore possible. Elle n'avait rien à faire ici.

" Décidément... ça à l'air d'être votre truc... la boue. "

Elle fixa les pans de roches liquides qui grimpaient lentement le long de ses jambes. Qu'elles soient ou non matérialisées ne changeait pas grand chose dans ce lieux. Son corps était à des milliers de kilomètres de là, mais pourtant c'est comme si elle ne l'avait jamais quitté. Elle ressentait le contact de cette boue gluante et puante comme si elle était belle et bien accrochée à son corps.

Cependant... elle déchanta bien vite quand elle aperçut les créatures rampantes et visqueuses qui se dirigeaient vers elle. Ahina avait beau accueillir l'esprit de la Déesse de la Guerre depuis de nombreuses années maintenant, elle n'en restait pas moins une femme. Et tout ce qui a plus de quatre pattes, qui rampe et est gluant de surcroît... ça ne passe pas outre mesure.
Une grimace de dégoût s'afficha très clairement sur son visage, alors qu'elle agitait les bras dans tous les sens pour essayer d'endiguer la présence des répugnantes bestioles qui se rapprochaient un peu trop à son goût.

" Ah non mais ça c'est dégoûtant ! Virez moi ces saletés de là ! Je n'ai pas le temps de jouer avec vous ! Les Saints m'attendent... Ori... "

La suite de sa phrase mourut au fond de sa gorge alors que ses poings se fermaient. Orion... qu'était-il devenu... et Altia... Kurayami... Hogo... elle les avait tous ressentis arriver en Enfers les uns après les autres. Mais elle ignorait réellement ce qu'il leur était arrivé. Avaient-ils survécu... ou non... Son coeur se serrait aussi sévèrement que ses phalanges. Elle releva le visage vers le maître des lieux, essayant de faire brûler le peu d'énergie qu'il lui restait, sans succès.

" Laissez... moi... PARTIR D'ICI ! Maintenant ! "

« Je te ramènerai »

Toloméa

" Orion... "

Elle aurait sans doute pu tenter de l'aider à la dégager... oui, probablement. Mais elle ne le put d'aucune façon, trop étonnée, voire perturbée... qu'elle l'était, face à cette apparition aussi impromptue qu'improbable.
Pourtant il était là. Le contact était bien réel, l'emprise de son bras sur son corps pour la sortir de ce bouge puant... était bien réel. Mais... ce n'était pas possible... comment...

" ...comment as-tu réussi à parvenir jusqu'ici... "

Il n'est pas impossible pour un humain de venir au Tartare. Mais cela reste un exploit, même pour un coeur aussi vaillant que celui de Chevalier d'Or du Bélier. Des larmes perlèrent dans le regard d'émeraude de la jeune femme.
Il était dans un tel état... Sans doute avait-il affronté les guerriers d'Hadès, et malgré cela, il avait bravé les pires tourments pour venir la chercher ici... Elle le reconnaissait bien là. Jamais raisonnable dès lorsqu'il s'agissait d'elle. En ce point, ils étaient pareils, ils l'avaient toujours été.

" Tu... tu ne devrais pas être ici Orion. C'est bien trop dangereux... Tu... "

Elle fut interrompue alors qu'il la serrait dans ses bras, prononçant quelques paroles qui se voulaient réconfortantes et apaisantes. Ahina fronça les sourcils. Non... Orion ne pouvait pas se trouver ici. Malgré toute l'ardeur que renfermait son coeur, elle ne devait pas oublier l'endroit où elle se trouvait.
D'un geste sec, elle repoussa le chevalier du plat de ses paumes. Levant les yeux vers le ciel rougeoyant qui se déployait au-dessus de leurs têtes, elle apostropha le maître des lieux avec colère.

" Arrêtes de me prendre pour une imbécile ! Orion ne peut pas être ici ! Par ailleurs tu as commis une erreur. JAMAIS Orion ne m'a appelée "ma douce" !!! "

Mais lorsque le Saint entreprit de nouveau de la serrer contre lui, en affirmant un peu plus sa prise et, qu'à nouveau, il lui murmura quelques mots à l'oreille, le doute l'enserra de nouveau. "Mon amour"... là elle le reconnaissait d'avantage.
Et elle se prit... oui... elle se prit à abandonner. Oh juste un peu... un tout petit peu... Car, depuis combien de temps les amants maudits avaient-ils rêvé de ce moment. Cruel destin que celui-ci soit au Tartare. Mais, après tout, pourquoi ne pourrait-elle pas en profiter... Juste un tout petit peu... Alors qu'il l'embrassait avec tendresse et que le ciel se dégageait au-dessus d'eux. Comme si... comme si Athéna, de la prison où l'avait enfermée le Tartare, réussissait malgré tout à bénir cette union qui était une aberration pour la majorité des dieux de ce monde.

Et pourtant... Athéna, de là où elle était, incapable de l'aider, incapable de la protéger, incapable de la prévenir... que tout ça n'était qu'une odieuse supercherie du Maître des lieux, qu'il ne fallait sous aucun prétexte qu'elle cède, ne serait-ce qu'un peu. Qu'elle mette, ne serait-ce qu'un pied dans l'abîme qu'il était en train de créer juste pour elle.

Une étrange odeur lui parvint, alors qu'elle se pressait contre celui qu'elle attendait depuis si longtemps... Du... soufre ? Elle n'eut guère le loisir de lever les yeux vers lui pour savoir d'où provenait cette étrange odeur, que sa peau commença à la faire terriblement souffrir. Ses doigts s'élevèrent vers son visage, alors qu'elle lâcha un cri de douleur lorsqu'elle frôla la peau brûlée qui lui resta sur les doigts.

" Tu es... un être infâme... Je t'interdis... "

Ahina repoussa le corps qui la serrait contre lui, mais le geste était mou, sans réelle conviction. Sa voix se mit à gronder du plus profond de sa poitrine.

" ...d'utiliser Orion comme une marionnette pour m'atteindre ! "

« Je te ramènerai »

Toloméa

Qu'il serait doux de se laisser aller à la tendresse de celui qu'elle espérait si ardemment revoir, en vie et en bonne santé. Après tant d'épreuves, tant de batailles, tant de souffrances... une boucle sans fin.
Le cycle se reproduisait inlassablement, encore et encore... et, à cet instant, Ahina ne savait plus que croire, ne savait plus qui croire. Cette apparition était-elle vraiment une chimère, issue de l'esprit retord du gardien des lieux, ou Orion avait-il bel et bien réussi à se frayer un chemin jusqu'à elle, malgré l'immense complexité que revêtait celui-ci...?

" Je... "

Elle aurait voulu reculer, mais rien en elle ne lui permettait de bouger. Ni l'âme qui possédait ce semblant de corps, ni une volonté qui lui semblait presque inexistante à cette minute.
Peut être disait-il la vérité... Cette expression qui parait son visage, cette... déception. Ce n'était pas la première fois qu'il la regardait ainsi. Elle l'avait déçu à Jamir, puis au Sanctuaire. Elle l'avait une nouvelle fois déçu lors de l'assemblée générale du Chrusos. Finalement... elle ne faisait que cela, le décevoir. Pourquoi aujourd'hui ferait-il exception à la règle.

Les mots et attitudes rassurantes se succédaient les uns après les autres. Il était ainsi dans la réalité, à vrai dire... et était-ce bien ce qui la faisait douter. Comment le Tartare aurait pu aussi bien imiter Orion... était-ce au moins possible ?
Mais le masque tomba bien rapidement. Finalement, tout ce qui lui importait, c'était qu'elle souffre et, surtout, qu'elle le lui montre. Et la vision qu'il lui offrait n'aurait pas pu avoir de pire impact sur l'âme de l'humaine.

Les uns après les autres, les visages aimés se succédèrent. Lorsque ce fut le tour de Vael, les paupières d'Ahina s'écarquillèrent de terreur. Bien sûr... il avait un accès total et illimité à son âme. Il était donc en mesure de percer la moindre de ses faiblesses, la plus petite faille, et toute la culpabilité qu'elle gardait soigneusement emprisonnée au fond de son coeur.
Décidément... cet être là était sans conteste le plus abjecte qu'elle ait rencontré. Même Lucifer faisait office d'enfant de choeur à côté de cette entité là.

Elle avait beau avoir conscience que tous les visages qui défilaient devant ses yeux n'étaient pas les leurs, que ces regards méprisants qui se posaient sur elle n'étaient pas les leurs, cela ne changeait en définitive pas grand chose.
L'impact sur son esprit était épouvantable. Car la vérité était bien là. Ils étaient tous morts... par sa faute... si ce n'est...

" Milan... Milan n'est pas mort... tu te trompes... "

Elle recula enfin d'un pas quand l'apparence d'Orion se manifesta à nouveau sous son regard.
Non... elle le savait, elle en était persuadée... Milan était vivant. Elle ne savait ni où, ni pourquoi, ni comment... mais il était vivant, c'était une certitude.

" Qui prétend... qu'est-ce que... qu'est-ce que tu veux dire... "

Ahina tomba à genoux. Ses poings se refermèrent sur la boue qui trônait sous elle, cette même boue qui l'avait prise en otage quelques minutes auparavant. De fines larmes dévalèrent ses joues pour finir leur course sur le dos de ses mains.
Non... il mentait... Elle avait confiance en Orion. Il ne pouvait pas y avoir homme sur terre en qui elle avait plus confiance. Il ne lui aurait pas menti... non ça jamais.

« Je te ramènerai »

Toloméa

Ce cauchemar ne prendrait-il donc jamais fin... Allait-il s'évertuer à la faire souffrir, encore et encore, simplement pour son bon plaisir ? Elle en venait presque à regretter la verve d'Alessio. Presque.

Ses poings se refermèrent sur la terre meuble qui s'étendait sous ses doigts.

" Tu peux dire ce que tu veux... tu n'as pas ce pouvoir... tu n'as d'emprise que sur l'existence des dieux, pas sur celle des mortels ! "

Qu'il puisse la torturer comme il le faisait n'était du qu'au fait qu'elle était la réincarnation d'Athéna. En temps normal, jamais il n'aurait pu infliger un tel tourment à une âme humaine. Et elle se refusait à croire qu'il puisse commettre le moindre mal à Milan. Elle ne le permettrait pas... pour autant qu'elle puisse réellement s'y opposer...
Car le désespoir commençait à gagner son coeur aussi insidieusement que du poison. Allait-elle rester ici pour le restant de ses jours... allait-il la maintenir ainsi prisonnière jusqu'à ce que son âme ne soit plus qu'un amas de lambeaux...

" Là encore... tu te trompes... "

Ces mots furent à peine murmurés. Non pas qu'elle ne croyait pas en ce qu'elle disait, cependant... son âme était fatiguée, tellement fatiguée. Subir le Tartare est déjà difficile lorsque l'on est une âme divine, alors humaine... C'était tout bonnement insupportable.
Elle avait juré à Athéna qu'elle tiendrait bon. Oui... elle lui avait juré. Mais elle commençait sérieusement à se demander si elle aurait la force de tenir sa parole.

" Grâce à Athéna... je connais le coeur des hommes bien mieux que tu ne les connaîtras jamais... "

Alors qu'elle parlait à voix basse, sa longue chevelure se répandant dans la boue et cachant en partie son visage, une aura d'or vint entourer le corps frêle de l'âme fatiguée.
De là où elle était, Athéna trouvait encore le moyen de faire un pied de nez au Maître des lieux et de tout faire pour protéger celle qui lui avait dédié sa vie.

" J'ai... j'ai confiance en Orion... Tu pourras dire ce que tu veux, prendre son apparence autant de fois que tu veux... tu n'y changeras rien... "

En définitive... ce n'est pas en Orion qu'elle n'avait pas confiance, mais en elle-même.
Après tout... elle lui avait imposé tant de choses, tant d'épreuves, tant de décisions contre lesquelles elle avait refusé qu'il s'élève. Si elle devait perdre son amour à jamais, elle ne pourrait s'en prendre qu'à elle-même. Si Orion décidait un jour de l'abandonner... ce ne serait pas parce qu'elle avait manqué de confiance en lui, mais de confiance en elle.

" Je... "

Doucement, avec une lenteur infinie, Ahina se releva pour finalement se remettre sur ses jambes.
Son corps était parsemé de tremblements, alors qu'elle leva les yeux vers l'individu abjecte qui se tenait à quelques mètres d'elle.

" Je ne suis pas un pion. Je suis fidèle à Athéna et à mes chevaliers. Et s'ils ne me voient pas vraiment, soit ! Tout ce qui compte c'est qu'ils protègent l'humanité ! Je n'existe que pour les y aider. "

Elle dévisagea le maître des lieux avec froideur. Et alors qu'elle disait ces mots... des voix se mirent à résonner au Tartare. Tout autour d'eux, masculines aussi bien que féminines, tous ceux qui étaient actuellement auprès d'elle au Sanctuaire, qui lui insufflaient leur énergie, étaient en train de l'aider à sortir de cet immonde endroit.
Niké... Hogo... Stella... Helmwig... leurs énergies enveloppèrent l'âme tourmentée pour lui redonner force et courage.

C'est avec une motivation renouvelée, qu'elle apostropha le gardien des lieux.

" Tu vois, je ne suis pas seule, contrairement à ce que tu essaies d'insuffler dans mon coeur. Même par-delà la mort, même ici, ils sont avec moi, ils sont toujours avec moi. Même cette petite boule de poils que tu t'évertues à dénigrer. Du haut de ses 20 centimètres, elle vaut mille fois mieux que toi ! "

« Je te ramènerai »

Toloméa

Les poings d'Ahina se serrèrent. Cela avait beau n'être qu'une copie, le Orion qui se tenait à quelques pas était en tout point fidèle à l'original. Même sa voix était identique. Mais pour que la copie soit réellement parfaite, il aurait fallu qu'il le connaisse aussi bien qu'elle le connaissait. Et en cela, le Tartare pourrait faire ce qu'il voulait, il ne lui arriverait jamais à la cheville.

Cependant... Cet échange véhément qui avait lieu entre eux et qui ne semblait trouver aucune fin, tout cela... passait par le chevalier qu'il avait dupliqué. Et, aussi paradoxal que cela pouvait être, Ahina commençait à éprouver bien des difficultés à tenir cette discussion avec le corps qui était en face d'elle.

" Mais qu'est-ce que tu veux à la fin ?! "

Elle l'apostropha une fois encore avec colère. Que voulait-il ? Où voulait-il en venir ? Son petit manège de tortionnaire allait-il durer encore longtemps ? Quel était son but !

Lorsqu'il reprit la parole, le visage d'Ahina se para d'une expression incrédule. Bon la princesse était sans doute pour elle, mais... le preux chevalier et le roi chantant... Sans compter le Disney...
Etait-elle en train de perdre la raison...? Ou peut être que c'était bien le Tartare, qui était en train de perdre la sienne...

Enfin... elle sut. Du moins, elle aurait du savoir. Mais il était trop tard.
Cela faisait des heures qu'elle était psychologiquement malmenée par le Maître des lieux. Des heures... peut être des jours... cela lui paraissait si long... Car il ne faut pas se méprendre sur le rôle et l'impact du Tartare. C'est à l'âme qu'il s'attaque. Et lorsque l'âme se fissure...

Ahina eut un pas de recul en entendant les voix qui résonnaient tout autour d'eux.
Elle aurait du se dire que c'était impossible. Elle aurait du comprendre que tout cela n'était que supercherie. Scareface haïssait Athéna, il n'aurait jamais pu tenir de tels propos... Pas plus qu'Altia... Pas plus que...

" Orion... "

La jeune femme déglutit avec peine, alors qu'elle n'était même plus dotée d'une enveloppe charnelle. L'une des preuves incontestables que son âme était en train de céder. Chaque manifestation visuelle n'était autre qu'une nouvelle fissure qui brisait son âme. Lorsqu'elle était tombée à genoux, lorsqu'elle avait versé des larmes, lorsqu'un sang qui n'existe pas dans ce royaume, s'était pourtant répandu sur le sol. Tout cela... n'était qu'une fracture d'âme supplémentaire.
Et celle-ci, était celle de trop.

« Je te ramènerai »

Toloméa

Trremblantes, les paumes de la jeune femme s'élevèrent faiblement vers son visage. Son regard d'émeraude n'osait même plus se poser sur les différentes formes que le Maître des lieux faisait naître pour elle dans sa grande perfidie. Elle n'était plus capable de discerner la réalité de l'illusion, le mensonge de la vérité.
Les âmes humaines ne sont pas faites pour résister au Tartare. Cela est déjà pénible pour une Divinité, alors... un humain, toute réincarnation qu'elle soit, ne fait pas exception.

" Taisez-vous... "

Ses paumes se posèrent de part et d'autres de son visage, l'enserrant comme s'il revêtait la dernière once de réalité à laquelle elle pouvait se raccrocher. Ses paupières tremblaient très légèrement alors que ses iris pers s'obstinaient à fixer le sol sans jamais lever les yeux vers le couple maudit que l'on avait créé pour elle.

Au fond de son coeur, subsistait une petite flamme. Une très faible lueur de confiance qui perdurait malgré tout ce qu'elle entendait, tout ce à quoi elle était confrontée. Orion... il n'aurait jamais pu lui faire une chose pareille...
Cependant...

" Arrêtez... Laissez-moi... "

C'était à cet instant précis qu'elle avait besoin d'aide. A ce moment là, qu'il lui aurait fallu quelque chose de ferme à quoi se raccrocher. La vilenie du maître des lieux était pire que tout ce qu'elle avait pu supposer, pire que tout ce qu'elle avait pu imaginer. Elle aurait du écouter Athéna et ployer le genoux immédiatement. Mais cela aurait-il été suffisant...?
Sans doute pas. Car cet être là... était bien la pire créature que ce monde puisse porter.

Personne ne pouvait l'aider. Athéna était impuissante, mise hors d'état de nuire par le Tartare lui-même. Ses chevaliers étaient en train de se battre au péril de leur vie, de tomber pour certains. Elle n'avait personne vers qui se tourner. Elle était seule, définitivement et irrémédiablement seule. Cette constatation, et le malencontreux mouvement qui lui fit lever le visage au pire moment, achevèrent la dernière résistance qui perdurait encore grâce à la confiance qu'elle vouait en Orion.

L'image se fixa sur son âme au fer rouge. Ses bras retombèrent mollement de chaque côté de son corps alors que son visage pris une teinte grisâtre semblable à de la pierre. L'âme d'Ahina... était vaincue.