Happy Ending ! ... ou pas

''Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaarrrrrrrrrggghhhhhhhhhhh !!!!!!''

   Une insupportable douleur me vrillait la poitrine. J'avais beau essayer de faire tout ce qui était en mon pouvoir pour tenter de la faire disparaître, mais c'était impossible. Mon corps fut pris de soudains spasmes, contorsionnant mon corps et agitant mes bras dans tous les sens tantôt tendus vers le ciel comme un appel à l'aide tantôt gisant près de moi. Du rouge. Du rouge partout. Je ne voyais que du rouge, du rouge recouvrait ma vue, mon corps aussi bien que la pureté hivernale environnante autrefois d'une blancheur incomparable, désormais ternis à jamais par la couleur de mon sang qui continuait de se répandre toujours en profondeur, ancrant à jamais cette terre maudite. J'allais très certainement mourir ici. Je ne me souvenais plus la manière dont cela était arrivé, ma raison étant trop occupée à se remémorer autre chose, mais mon corps était quelque peu... coupé en deux. Je n'avais donc aucun espoir de survivre à cela. Mais malgré tout, bien que des rictus était encore visible sur mon visage, et sentant que la mort venait me chercher à grand pas, je n'étais pas triste de mon sort. J'avais eu ce que je voulais, j'étais mort bravement sur le champs de bataille au cours d'une mission. Même si je n'avais pas eu le temps de la terminer, au moins Altia se chargerait de la finir pour moi. Je ne regrettais rien. Et à présent qu'un léger voile commençait à m'envelopper de son doux et apaisant manteau, mes yeux se fermèrent lentement...

Mon histoire aurait très bien pu se finir comme ça et à vrai dire j'aurais bien voulu m'arrêter là. Je trouvai d'ailleurs que cela aurait pu être une très bonne fin pour un ''héros''. Mais malheureusement pour moi ce n'était pas encore finis. Lorsque j'ouvris à nouveau les yeux bien plus tard, je me retrouvai dans un endroit lugubre et pestilentiel. En essayant de me relever quelque peu, je remarquai que je ne souffrais plus. Mon corps ne faisait à nouveau plus qu'un. Mon armure ne me recouvrait plus. Je n'étais plus qu'une âme pour l'instant errante et devant moi s'étendait un très large et sombre fleuve. Nous savons tous très bien ce qui se passe par la suite et nous sommes plutôt bien placé pour savoir qu'elle est beaucoup moins réjouissante. .. Un léger sourire s'étirant sur mes traits, sûrement le dernier d'ailleurs, je m'apprêtais à encourir ma peine pour l'éternité...

Attendant calmement l'arrivée du passeur sur la rive du fleuve des enfers, j'eus la désagréable impression que l'on m'observait. J'avais beau tourner mon regard dans toutes les directions pourtant je ne voyais personne. Je finis donc par en conclure que comme pour la première fois que j'avais atterris par ici, cela devait sûrement être une de ces âmes errantes que j'avais aperçu au loin qui devait être en train de m'observer. Ce fut donc avec stupeur et méfiance que je vis quelque chose apparaître devant moi. Après quelques secondes, la sinistre apparition - dont on ne pouvait distinguer où était le pied, de la tête - se décida à revêtir la silhouette d'un homme, un homme d'une extrême pâleur, dont on aurait dit qu'il avait été affamé depuis des semaines tant il paraissait n'avoir que de la peau sur les os, mais qui pourtant ne semblait pas nager dans son costard noir juste ajusté à sa taille. L'inconnu me fixa durant de longues minutes sans mot dire, mais ce n'était pas un regard comme les autres, c'était un regard pesant, insoutenable, inspirant de la crainte et de l'effroi.

    Plus son regard était rivé sur le mien et plus je me posais de questions. C'était la première fois que je le voyais, il n'était pas là la première fois que je suis venu ici alors qui était il ? Et que me voulait il... Est ce qu'une condamnation pire encore que la dernière fois m'attendait ? Cet individu était si maigre, allait il dévorer mon âme ? Comme sentant que je commençais à céder à la panique, ce dernier s'avança d'un pas avant de s'arrêter à nouveau, pour encore recommencer de plus bel jusqu'à presque me toucher, et me tendre sa main. Là, ce fut le geste de trop, me relevant d'un bond, je gardai une certaine distance de sécurité qui me permettrait de fuir les jambes à mon cou si cela s'avérait trop dangereux. Etant donné que je ne portais pas mon armure sur le dos, tenter de l'affronter pourrait être extrêmement dangereux surtout que je n'avais pas du tout la moindre idée de ce dont cet individu était capable.

Mais avant que je n'eus le temps de faire quoique ce soit, la prise de parole de mon invité m'arracha un mouvement de recul. Je ne m'attendais pas du tout à ce que la voix de cet homme pourtant d'aspect si frêle puisse être aussi caverneuse mais en plus qu'il s'agisse en réalité de la si célèbre et reconnu universellement ''Faucheuse'' elle même face à moi. Ainsi donc, son apparence n'était donc que coutumière variant donc d'une personne à une autre, passant d'une terrifiante silhouette encapuchonnée dotée d'une faux, à un homme d'une maigreur extrême pour ma part. Que pouvait elle bien me vouloir ? Etait il possible qu'elle ne souhaitait simplement que me guider à travers l'Achéron en attendant que quelqu'un d'autre ne prenne le relais ? Et ainsi, aurait elle délibérément décidée de cette accoutrement pour ne pas m'effrayer davantage et susciter davantage ma confiance ? En tout cas, ce qui était sur, c'était qu'il allait me falloir faire un choix. Devrais-je pour une raison ou une autre la suivre ou devrais-je plutôt rester ici en attendant plutôt le passeur ? Je pris une profonde inspiration avant de prendre une décision. De toute façon, j'étais préparé à subir ma condamnation alors je n'avais peut être rien d'autre à perdre en faisant un petit tour avec la mort elle même.

''Je.. Je vous suis'' prononçais-je en me rapprochant pour arriver à nouveau à la même hauteur et en saisissant maladroitement la main tendue, dans la mienne même si je n'avais pas la moindre idée de la raison pour laquelle j'avais besoin de le faire...

  Accompagné par mon guide de fortune, nous nous enfonçâmes plus loin encore sur les Terres du Seigneur des Ténèbres. Ainsi, nous nous rapprochâmes davantage des rives du fleuve des Enfers que là où je me trouvais quelques instants auparavant. J'avais eu une sacrée chance de tomber sur la Faucheuse elle même pour me guider. Heureusement que j'avais pris la décision de la suivre sinon j'aurais sûrement pu attendre encore longtemps afin de pouvoir traverser, pensant que je me trouvais au bon endroit. J'aurais même sûrement finit par devenir une de ces âmes errantes n'ayant pas pu trouver leur chemin, se condamnant ainsi à se perdre pour l'éternité, perdant petit à petit la raison qui les animait autrefois ainsi que leur apparence pour ne devenir que des êtres uniformes à mi chemin entre des hommes et des cadavres... Tel était le sort qui semblait leur être réservé en tout cas c'est ce que j'en finis par conclure...

  Pour ma part, la question ne se posait pas étant donné que la sortie était en train de m'être indiquée. Même si j'en vins finalement à me demander quelle condamnation était la pire ; celle que j'allais subir d'ici mon arrivée au Tribunal des Morts - à moins que la faucheuse elle même ne me réservait autre chose après être venue jusqu'ici - ou celle qui attendait les âmes errantes. De toute manière, je n'allais pas être en mesure de comparer puisque mon guide interrompit ses pas et sans ne plus m'adresser le moindre regard, m'annonça que notre route s'arrêtait ici, qu'il était déjà resté beaucoup trop longtemps en ma compagnie, qu'à présent ce qui m'arriverait ne serait plus de son ressort et qu'il me faudrait donc continuer seul mon chemin au sein du Royaume d'Hadès. Ce fut sur ces propos que mon accompagnateur disparut dans un sombre nuage de fumée. Instinctivement, ma main se leva pour essayer de le retenir et un simple mot, lourd de sens s'extirpa de mes cordes vocales bien malgré moi:

''MERCIII !''

Malheureusement en vain. L'homme en costard noir s'était déjà volatilisé...

   Très étrangement, en dépit de sa voix - qui semblait provenir de la plus profonde des caverne - et de son apparence - qui pouvait s'avérer déconcertante voir même terrifiante au premier abord - la traversée aux côtés de cet être issue d'un tout autre univers m'avait été réconfortante. Si là était son but, réconforter les défunts avant qu'ils n'aient à subir leur condamnation pour l'éternité, c'était réussi. Même si je trouvais cela pour le moins frustrant. A quoi cela servait il ? A quoi bon redonner une once d'espoir à ceux qui n'en ont plus besoin désormais, là où personne ne viendrait les délivrer de leur sort. Etait-ce là le rôle qu'il était forcé de jouer, même si lui même était contre cela ? Etait-ce pour cette raison qu'il m'avait emmené si loin et qu'il ne s'était pas retourné au moment de ces adieux ? Je ne trouverais sans doute, jamais de réponses à ces questions là malheureusement. Sur ces pensées, mes pas me conduisirent au bord du fleuve, mon regard se braquant sur l'horizon dans l'attente cette fois-ci belle et bien réelle de l'arrivée imminente du passeur...

   Tandis que j'attendais l'arrivée du passeur, un hurlement se fit entendre au loin. Me retournant vivement pour voir d'où cela pouvait bien provenir, je fus surpris de constater qu'il n'y avait rien à l'horizon. Et pourtant un bruit de fond était bel et bien présent et continuait d'approcher lentement dans ma direction. Ce n'était pas des éclats de voix, mais à ce qu'il semblerait, cela ressemblait plutôt à des gémissements, à une longue complainte sans fin. Qu'est ce que cela pouvait il bien être ? Je l'ignorais mais à coup sur cela arrivait et ils avaient l'air nombreux. Qu'allais-je bien pouvoir faire si ils venaient tout droit dans ma direction. Je ne portais pas mon armure, et même si l'idée de me défendre me traversait l'esprit, n'étant plus qu'une âme, je me retrouverais bien vite à cours d'énergie...

   Scrutant à nouveau le lointain, cette fois je les discernais bien nettement. Une foule d'âmes errantes était en marche. Elle se mouvait lentement et comme elle le pouvait, mais les individus qui la composait étaient vraiment nombreux. Ce serait sûrement peine perdue si j'essayais de me défendre. De plus, j'ignorais même si j'en serais capable. Bien avant qu'ils n'aient dû revêtir cette hideuse apparence ils étaient tout de même des êtres humains comme moi après tout. Ils n'avaient juste pas eu de chance c'est tout. Que pouvais-je bien faire... ? Il allait falloir que j'agisse et vite si je ne voulais pas me faire cerner de toutes parts. Et si je prenais la fuite, cela ne ferait il pas qu'attirer leur attention et les lancer à ma poursuite ? Raahhhh c'était rageant ! La Faucheuse m'avait elle conduit ici dans ce but là ? Non c'était impossible ! Je refusai de croire cela. Que faire ? Instinctivement mes poings se serrèrent et mon pied droit fit un pas en arrière avant de finir dans le lac. Je fis volte face et retirai mon pied de là, m'imaginant déjà me faire entraîner sous l'eau par les morts qui se trouvaient coincé dans le fleuve. A quel moment m'étais-je retrouvé aussi près de l'eau ? Je l'ignorais, mais il ne fallait pas que je perde le nord. Me retournant à nouveau, je gardai bien en vue la longue file de marcheurs. J'étais en train de céder à la panique malgré moi, il fallait à tout prix que je me calme sinon cela allait mal finir pour moi. Pis qui sait, ils ne me verront peut être pas, il reste encore peut être de l'espoir. D'ailleurs n'en étais-je pas également un, un chevalier de l'espoir ? Alors n'était-ce pas aussi mon rôle de croire ? Inspirant longuement, j'attendis le plus calmement possible que les choses se passent.

  Les âmes continuèrent leur chemin sans trop venir par ici. Je les regardai passer sans bouger, jusqu'à ce qu'ils quittent mon champs de vision comme ils y étaient entrés. Lorsque ce fut fait, un soupir de soulagement s'extirpa de mes poumons. '' Aie !!'' Mais alors que je relâchai mon corps de toute la pression que je lui mettais dessus, un coup m'avait frappé à la tête. Tout en me passant la main à l'endroit qui avait été touché, je me retournai pour voir de quoi cela pouvait bien provenir, surpris. Un homme se tenait là, une longue faux à la main, et avant que je n'eus le temps de dire quoique ce soit, la lame se trouvait juste sous mon cou.

''D'accord, d'accord. Je vous suis, je vous suis !!''