Le lien divin (FB Askhan-Kakyo)

La cascade de Rozan.
Un symbole immuable pour bien des chevaliers d'Athéna. Un lieu à nul autre pareil où légendes, harmonie, cosmos et paix coexistaient sous un bruit interrompu depuis des éons.
Une rumeur voulait que la légendaire armure du dragon repose dans les tréfonds du point d'eau où se déversaient la cascade qui recelait de la poussière d'étoiles. Une pure fable pour les sceptiques de tout poil.
Mais l'adolescent qui se tenait assis sur un rocher à quelques pas de la chute d'eau n'était pas de ceux là. Pour cause, il avait lui même assister à ce phénomène.
Si on exceptait l'Olympe et son calme paradisiaque ou Elysion, la cascade de Rozan demeurait l'un des rares, très rares lieux où Zeus se sentait suffisamment apaisé pour laisser libre cours à ses pensées éternelles.
La génération actuelle ne comptait ni chevalier de bronze du dragon, ni même protecteur de la Balance. Les lieux étaient donc vides de toute présence humaine.
Une configuration parfaite au vu du trouble et de la lassitude du roi des dieux. Le réveil d'Arès n'avait engendrer que problèmes et tensions, comme c'était prévisible. Le retour d'Athéna, de Poséidon, les visées folles de Cronos...
Tout ce maëlstrom d'égos et d'arrogance divines qui s'affrontaient pour imposer une domination vaine et illusoire.
Zeus se devait de préserver sa neutralité et d'éviter de sombrer dans cette frénésie de conflits qui dominaient chez ses parents et enfants. C'était pour cela, que le maitre de la foudre goutait parfois au plaisir simple des beautés terrestres ou même, en de rares occasions, aux échanges d'avec les mortels de tous horizons.
En parlant de cela...
Un bruit de pas se fut entendre malgré le grondement de la cascade. Zeus ressentit un cosmos léger mais bien présent et attendit de voir si le nouvel arrivant allait venir l'apostropher.

Askhan n’était pas arrivé là par hasard. Il avait entendu parler de cet endroit, malgré l’isolement de son ancien temple. Une merveille de calme et de sérénité. La cascade ronflait dans les oreilles, interceptant les pensées. Un endroit de paix, où l’on pouvait se ressourcer avait on dit. Il s’était toujours fait cette promesse, le jour où il partirait, il devrait aller y jeter un œil. Confirmer les rumeurs. Il bifurqua de son chemin pour faire un petit détour. Personne ne lui en aurait voulu. Personne ne l’attendait, il n’avait aucune prérogative en somme. Et puis c’était pour lui une sorte d’hommage en son passé.

Très peu de gens venaient ici, et c’en était que mieux ainsi. Un endroit idéal pour faire le vide dans sa tête, méditer et peut être pourquoi pas resserrer les liens avec son cosmos. Le voyage avait été bien assez pénible alors autant faire une petite pause.

Avançant d’un pas lent destiné à contempler le paysage autour de lui, des souvenirs du bon vieux temps refaisaient surface, peu à peu. Un brin de mélancolie se dessinait sur son visage, des sourires ici et là, il se perdait volontiers dans ses pensées. Que de bons moments !

A sa grande surprise le sommet était déjà occupé. Un jeune homme trônait là, dos à lui, les yeux perdus dans cette cascade, les pieds ballants. Une jarre bien étrange attachée à ce jeune garçon qui semblait ne pas avoir dépassé la puberté, et des cheveux rouges le distinguait. Un garçon bien étrange dans cet endroit, non accompagné.
Mais ne voulant pas sombrer dans la paranoïa à croire que l'ennemi rodait à tout les coins de rues, Askhan lui offrit le bénéfice du doute et alla à sa rencontre. Après tout, bien qu’intriguant ce n’était certainement qu’un enfant, il ne portait pas d’armure et aucun cosmos n'emmenait de ce corps. Pourquoi s’en méfierait-il ? Le monde n’était pas seulement peuplé de chevaliers.
A ses côtés, il s’accroupit pour arriver à sa hauteur et lui adressa un sourire en guise de salut. Sa voix était douce, sans agressivité.

Cet endroit te plait ?

Puis, il détourna son regard en direction de la cascade pour en prendre une profonde inspiration avant de continuer.

C’est vraiment magnifique… Comme je me l'étais imaginé. Je m’appelle Askhan, et toi ? C’est plutôt inhabituel comme endroit pour un jeune homme. Que viens-tu faire par ici?

Le mortel semblait amical au premier abord.
Heureusement pour lui... le moindre signe d'agressivité aurait pu lui couter très cher.
Le jeune homme vint s'assoir prêt de Kakyo et le salua avec chaleur. Il sembla le prendre pour un adolescent perdu. Amusant... Le cosmos de cet inconnu était apaisant, lumineux. Probablement un saint pour posséder de telles émanations de pouvoir. Décidément, Zeus avait le don d'attirer les fidèles de sa fille adorée.
Le roi des dieux continua d'observer la cascade sans laisser entrevoir son cosmos et répondit d'un ton neutre.

- C'est un endroit unique au monde. J'en déduis que c'est la première fois que vous venez ici. Pourtant ce lieu est connu pour être le refuge de deux chevaliers liés à la déesse Athéna. Si je ne m'abuse, vous la connaissez non ?

Zeus tourna alors la tête pour dévisager son interlocuteur. A peine plus agé que son hôte actuel, le visage harmonieux et la taille fine. Un adepte de l'esprit plus que de la force physique à première vue. Intéressant.

- Je suis Kakyo. Humble voyageur de mon état.

A force de jauger le jeune homme, Zeus eut la surprise de détecter une part d'ombre en son for intérieur. Une âme tourmentée ou un coeur voué à l'équilibre ? Cet humain était spécial. Tout comme la majorité des saints d'Athéna d'ailleurs. Zeus allait continuer à l'observer jusqu'à savoir ce qui se cacher sous ce masque de bienveillance.
Des grains de sable vinrent voleter autour des deux hommes. Un simple fait de la nature et jouet du vent ? Peut être pas...

Askhan fut interpellé par la culture de ce jeune homme. En tant que chevalier il connaissait bien sûr ce que représentait cet endroit et du trésor qu'il pouvait y renfermer pour l'heureux élu. Une fable qui se répandait par le bouche à oreille chez la population et les voyageurs sans pour autant pouvoir la confirmer. Pourtant ce jeune homme avait outre passé cette légende, il en parlait comme une évidence, en prononçant même le nom de la déesse Athéna. Bien informé ce jeune homme! Qu'il ait déjà rencontrer un chevalier était encore l'explication la plus plausible. Quel malheur était passé par là?
Il lui répondit gardant sa même attitude.

- Oui c'est la première fois que j'en ai l'occasion, à mon grand regret d'ailleurs. C'est si calme. Toi non apparemment... Mais je suis sûr d'y revenir. Il y aurait même une armure là au fond et qui attend son possesseur. Je suis sûr qu' avec beaucoup de travail, d'entrainement et d'effort ici, elle saura reconnaitre ton mérite! Si tu souhaites la posséder bien entendu.

Puis lui tendant la main pour officialiser la rencontre.

- Enchanté Kakyo, humble voyageur. Et moi j'en déduis que tu es bien informé sur le sujet...
Oh, je crois que tu dois perdre un peu de sable de ta jarre.

Ce dernier geste si anodin en apparence ne l'était pas. En effet, cela lui avait permis de rentrer au contact du jeune Kakyo de façon délicate et masquée, pouvant resserrer l'accroche au besoin. Avoir connaissance d'Athéna n'était que trop peu probable pour un homme lambda, quand à affirmer qu' Askhan pouvait la connaitre... C'était plus que louche!
En disant ses dernières paroles, le Silver saint avait pu regarder d'un peu plus près cette jarre, de façon discrète, mais s'était aussi placé à hauteur des oreilles du jeune homme où il pu entendre d'une voix plus nette et franche.

- Sinon, t'es qui?

Lorsque que le chevalier revient face à lui, sa main toujours dans la sienne, son sourire s'était effacé. Un visage neutre et inexpressif le regardait droit dans les yeux. Il attendait la suite.

Un mince sourire étira les lèvres fines de Kakyo. Ce dernier se contenta de renvoyer un regard énigmatique au jeune homme à l'esprit subtil.
En un instant, Askhan sentit une poigne de roche le saisir la gorge, l'étranglant à moitié avant que des langues de sable ne le tirent par les jambes pour le suspendre en l'air au dessus de la cascade.
Le malheureux saint se retrouva alors pendu par les pieds, la gorge enserrée.

- Tu es futé, mortel. Un peu trop peut être pour ton propre bien. Il est souvent recommandé de dévoiler ses cartes une fois qu'on a cerné l'individu qui nous fait face, et surtout son potentiel. Imagine que tu mettes à mal la couverture d'un adversaire bien trop fort pour toi.

La main de roche resserra son étreinte, empêchant le malheureux de respirer.

- Voilà ce qu'il pourrait advenir, vois tu.

Kakyo s'avança vers Askhan en marchant dans les airs pour lui faire face. Les bras croisés dans une posture détendue, l'adolescent aux cheveux de feu dévisagea le mortel.

- Je suis Zeus. Roi des cieux et maitre de l'Olympe. N'ais aucune crainte. Je n'ais nulle raison de te nuire car tu ne m'as manquer de respect que par ignorance. Mais retiens bien cette leçon. Ne dévoile l'étendue de ta sagacité qu'à condition d'avoir envisager toutes les situations. J'étais venu rencontrer un individu mais il m'a fait faux bond. Merci de m'avoir diverti en l'attendant

Les mains de sable relâchèrent leur étreinte après avoir propulser Askhan au sol. Ce dernier heurta le rocher qui dominait la cascade. Après un sourire d'adieu, Zeus se devint peu à peu translucide avant de disparaitre totalement. Sans un bruit.

Kakyo ne tarda pas à dévoiler qu'il n'était pas ce qu'il prétendait être. Ce regard en disait long, il était beaucoup trop sage, trop expérimenté pour n’être qu'un simple voyageur de son état. Il se tramait bien quelque chose en fin de compte, et en un sens Askhan avait remporté cette victoire en le perçant à jour. Mais à quel prix. Car il est vrai que ce stratagème avait précipité les évènements, en dévoilant sa méfiance il avait déclenché le courroux de son interlocuteur. En temps normal, il aurait bien été en mesure de contrer l'attaque surprise, sauf qu'il n'avait pas prévu de tomber sur du aussi lourd, tout allait beaucoup trop vite. Le niveau était impensable. Il ne s'attendait vraiment pas à rencontrer par pur hasard une telle personne, aussi imposante, sur un rocher au bord d'une cascade. Comment savoir? Il ne comprit pas de suite d'ailleurs. Impossible d'imaginer que derrière le visage et ce corps d'adolescent, n’émanant de surcroit aucun cosmos, l'un des dieux les plus important s’adonnait aux petits plaisirs simples de la vie.

Askhan était maintenant suspendu dans le vide, la tête en bas en direction des remous du court d’eau. Lorsque Kakyo s’annonça très directement comme Zeus, le maitre de l’Olympe, de grands yeux ronds et la bouche béat traduisait la surprise. Il n’en su pas quoi répondre. Mais ce sentiment fut vite balayé laissant place à l’embarras. En effet, il venait de réaliser qu’il avait tout d’abord tutoyé, l’encourageant à acquérir l’armure du Dragon. Qu’est-ce qu’un Dieu pouvait bien en avoir affaire d’une simple armure de Bronze ? C’était ridicule. Et puis surtout, sa situation s’était enfoncée en le menaçant. Jamais il n’y aurait pu avoir un tel affront, il le savait. Tout bonnement impardonnable !

Lorsque Zeus en eut fini avec sa présentation encore suspendu dans le vide, Askhan se retrouva au pied du rocher qu’il venait de heurter. Il ne s’en releva pas, bien au contraire, il s’agenouilla devant le divin. Avec toute l’humilité possible, il tenta de se faire pardonner. C’était le moins qu’il pouvait faire à présent.

Je vous présente mes plus sincères excuses pour cet affront grand Zeus, Dieux des Dieux. Ma simple âme de mortel n’a pas su voir qui vous étiez réellement, derrière ce jeune corps et pour cela je m’en veux terriblement. Mais malgré tout, vous avez su montrer toute votre miséricorde à mon égard, en me donnant même une leçon de vie, que je retiendrai soyez sur. Pour tout cela, je ne saurai jamais assez vous remercier.

Zeus disparu devant lui après ces mots de respect, il se demanda toutefois quelle personne avait bien pu lui faire faux bond.

Poussée par le vent, une carte étrange tomba aux pieds d'Askhan.


Avant que le jeune garçon n'ait eu le temps de la saisir, une voix doucereuse résonna à ses oreilles.

- Pas la peine de t’aplatir autant devant lui. Certes, Zeus mérite tout le respect que nous nous devons de lui exprimer mais il t'a pris par défaut en ne révélant pas son identité. Je ne me serais pas vexé pour si peu mais qu'importe.

L'homme qui venait d’apostropher Askhan se tenait assis avec nonchalance sur un rocher qui parvenait à peine à dépasser de la vigoureuse cascade. Vêtu d'un costume noir du plus bel effet, l'inconnu réajusta les étranges lunettes qu'il portait pour dissimuler son regard et gratifia son interlocuteur d'un sourire torve.

- Je n'ai pas pu m'empêcher de laisse trainer mes oreilles. J'espère que tu ne m'en tiendra pas rigueur. Je déduis donc que tu es un protecteur de la déesse Athéna, je me trompe ? Pas qu'il soit rare d'en croiser en ce lieu mais c'est toujours un plaisir que de m'entretenir avec l'un de vous.

D'un mouvement ample, l'inconnu s'éleva dans le ciel pour atterrir tout en grâce et souplesse aux cotés d'Askhan. Le nouveau venu tendit la main au jeune homme en lui lançant un sourire amical et rassurant.

- Je suis Seishiro. Enchanté de faire ta connaissance.

Malgré son attitude polie et amicale, un étrange sentiment put envahir Askhan. Une sourde inquiétude, un malaise indistinct en total désaccord avec ce qu'il voyait de cet homme affable.
Une étrange brume venait peu à peu ternir l'ambiance apaisée de cet endroit pourtant connu pour son caractère sacré. Mais était ce une simple vue de l'esprit ? Un songe dû à la fatigue ou à l'inquiétude d'avoir eu affaire au turbulent Zeus ?

Il n’aura pas fallu bien longtemps pour qu’il ait la réponse à sa dernière pensée. Alors qu’il commençait à quitter les lieux, une carte, poussée par le vent, effleura le sol sur un mouvement ample et précis. Des mots résonnèrent de derrière lui, pas franchement des plus amicaux envers Zeus.
Néanmoins, plus intrigué par cette carte, Askhan la plia à sa volonté, presque par habitude, et la ramena entre ses doigts avec délicatesse. Il la regarda quelques instants, perdu dans ses pensées, sans un trait d’émotion.  Un intérêt pour les cartes ?

S’agenouiller devant le Dieu des Dieux n’est pas une marque de faiblesse. Bien au contraire. Et je ne pense pas qu’il se soit vexé.
Le doute, l’hésitation, le choix possible entre deux directions avant d’être frappé par la flèche qui scellera le destin…. Pour un peu j’y verrai un message caché par le choix de cette carte.

Sur cette dernière phrase, le chevalier se retourna vers son interlocuteur pour appuyer sa remarque.  D’un mouvement rapide de la main, il renvoya sa carte droit sur lui, accompagné d’un sourire. L’homme en profita pour écourter la distance qui les séparait. Inutile d’en dire plus, ces mouvements, cette assurance à toute épreuve dans la limite de l’arrogance, le fait d’avoir masqué sa présence jusqu’alors… Les éclats de soupçons qui auraient pu subsister sur la nature de cette personne s’envolèrent lorsque son aura malsaine envahit peu à peu les lieux. Une sensation qui serrait le cœur dans un étau, malgré cette main tendue en sa direction en guise d’amitié. Tout semblait être calculé, chaque geste, chaque mot, pour entretenir ce sentiment dont il paraissait si fier.
Askhan aurait volontiers succombé à ce malaise général créé par ce si puissant cosmos de noirceur. Mais il possédait également cette part d’ombre, une part de lui s’y sentait même à l’aise. Le tout était de savoir jauger convenablement ses émotions, dans la lumière ou les ténèbres. Tel était son crédo. Il avança un pas de plus pour lui serrer la main. Décider du contraire aurait été malvenu dans ces circonstances. Et puis si ce Seishiro avait voulu le tuer, il l’aurait probablement déjà pu le faire sans aucune difficulté. Il adopta ce même sourire auquel il était confronté. Après ce qu’il venait de vivre avec Zeus, il se garda bien de trahir le fond de sa pensée.

Mais je dois bien l’avouer, vous n’avez pas cette même timidité à vous dévoiler. Je suis Askhan, chevalier du Paon au service d’Athéna. C’est un plaisir. Et ne vous inquiétez pas, je n’ai pas grand-chose à cacher. Pardonnez mon inculture Seishiro, mais seriez-vous du genre à vous vexer si je vous demandais à quel Dieu j’ai l’honneur de parler ?

Quel savoureux, petit mortel.
Oh Seishiro parvenait à sentir sans doute possible la terreur qu'il lui inspirait mais plus encore, la tentation qu'il attisait par sa seule présence. Ce jeune saint était à part indéniablement. Une part d'ombre dormait en lui.
Lucifer sortit une cigarette d'un étui de cuir et l'alluma d'un geste de la main. L'ange déchu inspira une généreuse portion de fumée qu'il recracha dans le visage d'Askhan.

- Effectivement, tu ne sembles pas avoir grand chose à cacher...

Le sourire de Seishiro était on ne peut plus explicite. En chaque mortel cohabitaient une part d'ombre et de lumière. Telle était la nature humaine dans sa plus rudimentaire base. Mais cette dichotomie semblait exacerbée c'est ce Saint. Un individu protégé par la constellation des gémeaux peut être ? On s'ennuyait rarement avec des chevaliers de cette nature. Peu de risques d'entendre un long prêche sur les valeurs morales.

- Nulle offense. Je suis Lucifer, le porteur de lumière. Banni du paradis et rejeté par l'Olympe pour avoir voulu défendre les hommes en leur retirant les chaines imposées par les immortels.

Seishiro se rapprocha d'Askhan et lui prit le menton pour le dévisager avec attention. Il lui saisit alors le bras d'un geste vif.


- Qui es tu ? pas ton nom, ta nature. Ta lumière apparente ne parvient pas à masquer les ténèbres qui te consument. C'est peu habituel chez les fidèles de cette chère Athéna. Les dieux auraient-ils touchés ton âme ? En as tu encore une d'ailleurs ?

Une légère moquerie, presque un défi, sonna dans le ton de Lucifer, avide de vérifier sa théorie.

Plus rien autour ne comptait. La cascade, le vent, tout ce décor semblait ne plus avoir d’importance. Il ne restait que cet homme en face et ce cosmos aussi noir que les ténèbres qui les entourait tous les deux.
Seishiro s’annonça comme le réceptacle d’un des dieux les plus sombres, lui valant de nombreux noms au fil des générations, portés en guise de trophée pour ses actes. Lucifer. Banni du paradis, exclu du reste des divinités. Il était sans l’ombre d’un doute une entité à part.
Le chevalier baissa un instant le regard, avant de lui répondre d’une voix grave.

Je vois… Pour quelles raisons vous êtes-vous montré à moi aujourd’hui ?

Askhan essaya malgré tout de garder la tête froide, en dépit de cette atmosphère étouffante. Mais il ne pouvait trahir un sentiment de surprise. Cet homme semblait le fixer, de longues secondes durant. Pourquoi ? Pourquoi s’intéresserait-il à un simple humain ? Il se rapprochait lentement de lui, toujours un peu plus à chacune de ses paroles, se délectant de la réaction de l’autre en usant de ce malaise. Très vite, il en vint à le toucher même. Le chevalier eut beau avoir un très léger mouvement de recul, il en profita aussitôt pour l’empoigner. Jamais il n’aura été aussi proche d’un Dieu.
Mais craquer sous cette pression n’aurait que trop réjoui l’ange déchu, lui montrer autant de faiblesse n’aurait pas fait honneur. A ses yeux, ce n’était qu’un jeu.
Une carte blanche traversa le regard de Lucifer. Elle virevoltait à leur cotés comme une petite âme consciente observant la conversation, un pentacle comme seule inscription. Sur un simple mouvement, la carte se retourna et les couleurs s’inversèrent. Elle devint noire. Un léger sourire et son regard bascula un instant dans la froideur.

Oh, vous parlez de cette carte n’est-ce pas ? Je la dois en partie à Hadès. A ses serviteurs du moins… Mais ma nature fait que je ne me laisserai pas consumer. Je me fiche de savoir si cela est rependu ou pas. J’ai seulement décidé d’assumer cette part, pleinement. Car telle est notre nature, nous les humains. Il est dit qu’elle nous fait avancer au même titre que la lumière, et je dois même vous avouer que cela a été le cas pour moi… Car au-delà, je ne cherche que la vérité.

La vérité. Quel concept à la fois tangible et si immatériel.
Ainsi Hadès avait jouer un rôle dans le devenir de ce jeune garçon. C'était là une ironie peu étonnante au final. De part la guerre qui les liait à travers les âges, Athéna et son oncle semblaient devoir agir sans cesse sur les fidèles de l'autre. Un véritable ballet prévisible.
Mais au delà d'un simple destin "mauvais endroit, au mauvais moment) l'aura d'Askhan continuait à intriguer Lucifer. Contrairement aux saints nés sous la protection des Gémeaux, dont l'essence même semblait la dichotomie et le combat entre ombre et lumière, l'adolescent paraissait unir ses deux aspects en un équilibre encore fragile mais ô combien intéressant.

- A l'origine, seul le hasard a décidé de notre rencontre. Toutefois, tu as su attirer mon attention.

Aussi rapide que la lumière, Seishiro se jeta sur Askhan pour le saisir par le bras dans une poigne de fer. Une paire d'ailes ivoire et ébène jaillirent de ses omoplates pour projeter les deux hommes dans les cieux d'un battement qui souleva un large nuage de poussière.
Sans prêter garde à la peur d'Askhan de tomber d'une telle hauteur, Lucifer continua son ascension, dépassant même les nuages. Seishiro projeta alors le paon au dessus de lui et le laissa retomber de quelques mètres avant de le saisir à la gorge, le tenant au dessus d'un vide à la fois magnifique et terrorisant.

- Tu cherches la vérité dis tu ? Alors tu peux t'estimer bien chanceux car je puis te la faire découvrir. Regarde en contrebas. Voici ce qu'est l'humanité aux yeux d'un dieu. Un vulgaire champ empli de fourmis travailleuses. Entends tu leurs cris ? Leurs prières ? Leur souffrance ? Bien sur que non... Rares sont les dieux capables d'y prêter attention. En observant cette vision de ton monde, que ressens tu ? Tes sentiments, tes craintes, tes peurs ne semblent-elles pas inutiles et vaines ?

Askhan n’eut pas le temps de réagir au commentaire de Seishiro. Très vite, il sentit son corps se faire agripper et monter dans les airs. Il regarda un instant cette personne qui possédait maintenant des ailes, mais il n’observa qu’un visage déterminé, le sourire aux lèvres, fixant les cieux. Où pouvait-il bien le mener ? Il se rendit vite compte qu’aucune destination n’était visée, que la hauteur était son seul objectif. Durant les premières secondes, il essaya bien de se délier, de se débattre avec vivacité. La chute en serait moins violente se disait-il. Mais en vain, sa poigne était de fer. Puis d’autres secondes passèrent, et la hauteur en devenait mortelle. Le chevalier était en cet instant complétement dépendant du bon vouloir de Lucifer, et quelque part, il était certain que la situation devait lui procurer satisfaction. Le hasard les avait réunis, il avait attiré son attention ? Il en était pourtant suspendu au bras du diable en personne, la gorge serrée…

Il lui exposa le point de vue d’un Dieu, perché sur ce décor. Cette vision était bien représentative: la petitesse. Tout paraissait si minuscule depuis ces hauteurs. Les montagnes n’étaient que des traits, les villages des points sur la Terre, les hommes non distinguables… Voilà ce qu’était le monde à leur image.
Néanmoins, aux paroles de Lucifer, Askhan ne put s’empêcher d’avoir un rire nerveux au vue de la situation.

Vous oubliez un détail Seishiro. Je ne suis pas un Dieu. Bien sûr, je ne peux les entendre d’ici. Je fais partie de cette fourmilière. J'observe avec votre même froideur notre insignifiance face à vous. Mais les cris, les pleurs, la douleur... Je refuse de croire que tout cela soit sans raison, il doit bien y avoir quelque chose derrière notre existence. Et vous, les Dieux, à quoi servez-vous dans ce cas si vous y êtes aussi insensibles ? Athéna les entends, elle m’a entendu…

Il porta ses mains contre les siennes pour essayer d’alléger cette gorge qui commençait à manquer d’air.

Malgré tout le respect que je vous dois Lucifer, pourquoi vous êtes-vous rebellé du paradis et du reste de l’Olympe si tout cela est aussi dénué de sens et sans valeur ? Vous n’êtes pas si diffèrent de nous au final, vous avez voulu croire en une alternative, en un but. Car pourtant vous continuez de parcourir cette Terre. Vous auriez pu rester endormi, mais vous avez décidé d’agir car il y a un intérêt…  Sauf que vous semblez vous contraindre dans cette obscurité. Il y a bien d’autres énergies qui parcourent ce monde, vous ne trouvez pas?

Malgré la tentative bien compréhensible d'Askhan pour atténuer l'emprise des mains implacables de l'ange déchu, ce dernier ne concède pas un pouce de terrain. Lucifer dévisage le jeune homme en se moquant de la souffrance due au manque d'air qu'il lui inflige. Il a bien autre chose en tête que le confort du saint.

- Non. Tout ceci n'a aucune raison d'être. Les dieux ont fait des hommes à leur image pour mieux vivre à travers eux. Il s'agit là d'un jeu pervers et cruel. Cette vie n'est pas vraiment la votre tant il suffit d'un de nos battements de cils pour vous oublier. C'est pour cela que je me suis rebellé. Je ne prône pas l'obscurité mais il faut bien que quelqu'un endosse ce fardeau. Votre Athéna est douceur et compassion. Mais elle refuse d'agir comme la situation l'exigerait.

D'un geste brusque, Seishiro relacha son emprise et le malheureux Askhan se mit à chuter d'une hauteur mortelle. A sa grande surprise, ce dernier vit alors différentes scènes défiler devant ses yeux ébahis.
La naissance du premier homme, façonné par Zeus lui même.
La Terre se peupler peu à peu d'humanité, de cris, de clameurs.
La guerre de Troie, la trahison, les carnages, le viol des troyennes, la fuite des survivants.
La destruction du continent de Mû, civilisation brillante vouée à l'oubli.

- Observe, vois donc de tes yeux mortels l'histoire des tiens. Comprends tu mieux le détachement des dieux ? Ouvre ton esprit pour ressentir ce qu'il y a au delà de ta condition d'éphémère.

Dans un craquement atroce, Askhan heurta le sol du promontoire de la cascade. Mais pourtant un étrange tapis de plumes amortit sa chute, le sauvant d'une mort certaine. A ses cotés, debout dos à la tombée d'eau, Seishiro lui renvoya un sourire désarmant.

- Tu es spécial. Lorsque tu seras disposé à véritablement entendre ce que j'ai à te dire et à découvrir ce qui se cache par delà ta condition, reviens me voir. Je t’ourdirais les portes du monde de l'éternité. Tu seras alors peut être l'homme le plus proche des dieux...

Un vent enflammé se leva, faisant disparaitre Lucifer dans un éclat ardent.