Chut... tout va bien... tout ira... bien. ¤ Tartare [solo]

"Chut..."

On assimile parfois le noir à l'absence. A un vide. A... rien du tout. Quelque chose d'impalpable, d'insondable. On tend la main dans sa direction, mais ne saisit que le vide, car il n'existe pas. Un flou qui rend aveugle.

On assimile parfois le noir à l'obscurité de la nuit. Au calme. A... la tranquillité. Quelque chose de paisible, de doux. L'esprit attend de lui le sécurisant réconfort du silence. Une quiétude qui rend sourd.

"Oui..."

Au Tartare, le noir n'est pas vide.
Au Tartare, le noir n'est pas paisible.
Car le Tartare... n'accorde aucune trêve à celui qui est pris dans ses filets.
Aucun repos.
Nulle quiétude.
Jamais.

"Tout va bien..."

Les genoux recroquevillés contre sa poitrine, les prunelles naturellement parées d'or éteintes telles deux braises dont le froid mordant viendrait petit à petit à bout, la fille des Courants fixe le vide qui l'entoure d'un regard absent.

L'absence du Père.
L'absence de l'Enfant.
L'absence de la Famille.
L'absence du Royaume.
L'absence... de tout.

"Oui..."

Elle se balance doucement, lentement, d'avant en arrière.
La Voix murmure. Elle ne cesse de pénétrer son âme. Ne cesse de tourmenter son esprit. Chuchotant le mal et la violence à son oreille. Attisant la Haine du brasier de son coeur.


D'amples vagues sombres s'étendent tout autour d'elle. Une nappe nauséabonde, goudronneuse, telle la marée de pétrole prête à tout saccager sur son passage.
Elle transpire de cette force implacable dont seuls les éléments sont capables. De cette force qui ne laisse aucune échappatoire. Tel le cyclone qui se heurte contre la falaise, cette dernière n'ayant d'autre choix que d'affronter la tempête en espérant tenir bon.

"Tout ira..."

Souffle souffle... la petite voix malveillante à son oreille.
Depuis près de trois siècles... sans répit.
Filent filent... les mots acides et corrompus jusqu'à son esprit.
Depuis 88 743 jours... sans répit.


Encore et encore... les sentiments bafoués.
Depuis 1 064 916 d'heures... sans répit.
Encore et encore... la colère attisée.
Depuis 63 894 960 de secondes écoulées.

"Bien..."

La longue chevelure de blé de la Titanide traîne dans la poussière du sol tandis qu'elle redresse la tête. Une paupière s'ouvre lentement, comme l'esprit embrumé tentant de s'extirper d'un songe. Une prunelle d'un rouge incandescent fixe le vide, sous le regard malveillant et le sourire étiré du Maître des lieux.

Près de trois siècles. Près de quatre vingt milles journées. Plus d'un million d'heures. Quelques soixante quatre millions de secondes.
Briser l'esprit d'un Titan... n'est pas une entreprise aisée, même pour le Tartare.