American Trio (USA) - pv Setesh et Ryûichi

Et je finis enfin par regagner mon appart' après cette nuit mouvementée qui m'a vu naître (ou renaître, c'est selon) en tant que Spectre.

Outre le Surplis, je n'avais gardé, de cette soirée, que le masque* que l'on m'avait obligé à porter pour la cérémonie satanique (ce n'était pas autre chose à mes yeux) : il était splendide et était resté intact et non souillé du sang de mes victimes. La cape, par contre, avait été complètement déchiquetée.

Juste avant de quitter les lieux, j'avais fait les poches de quelques cadavres, histoire de leur soutirer un peu de fric, fric dont ils n'avaient plus besoin de toute manière. Nada. C'est bien les richards ça : ils détiennent les trois-quarts des richesses de la planète, ont un salaire mensuel équivalant au P.I.B. d'une république bananière mais ils sont même pas foutus d'avoir un dollar sur eux... Bande de guignols !

La nouvelle parut aux infos et dans les journaux le surlendemain : une cinquantaine, de personnes, faisant partie du gratin américain avaient trouvé la mort au cours d'un gala de charité suite à une explosion provoquée par une fuite de gaz. Un gala de charité... Mon cul sur la commode !

Bien entendu, la Toile s'embrasa suite à cette affaire. Chacun, du complotiste pur et dur au pseudo-expert en paranormal, avait son idée sur la question : pour certains, les victimes étaient des reptiliens qui avaient été trucidés par leurs ennemis de toujours, les Targlin'kon de la Constellation du Centaure (ou de l'Ours), pour d'autres ce massacre avait été perpétré par la Mafia italienne, l'une des triades chinoises, les Yakuza, les platistes extrémistes (sic), les eco-warriors, les néo-druides, l'Opus Dei, les fantômes de chanteurs et d'acteurs morts dans des conditions douteuses, la Mère Denis... Et ça s'engueulait, ça s'insultait, ça se menaçait alors que dans trois mois ils seront passés à autre chose.

J'avais craint à un moment donné de recevoir une visite des flics, du F.B.I. voire carrément de la N.S.A mais nada : absolument rien ne me rattachait à cette histoire, hormis le SMS dont le numéro n'était plus attribué. Bizarre. Pareil pour la limo : j'avais fait ma petite enquête et il apparut que la société de location n'avait trouvé nulle trace du véhicule dans leurs fichiers, comme s'il n'avait jamais existé.
Pour ce qui était des 20 000$ par contre, je les avais reçu d'avance, dans une grosse enveloppe, qui avait été glissée dans ma boite aux lettres.


J'avais donc repris ma routine, notant toutefois quelques changements en moi : j'étais plus forte, plus rapide, mes sens étaient plus aiguisés et j'arrivais à percevoir les auras des gens autour de moi en me concentrant un peu. Naturellement, c'était l’Étoile Céleste qui, jusque là étant restée en sommeil, avait opéré ces modifications lors de mon "éveil".
Grâce à elle j'appris également ce qu'il y avait à savoir sur les Dieux, leurs luttes ancestrales, leurs guerriers, le Cosmos, et tout le tralala.

Avant, les divinités gréco-romaines étaient pour moi des noms, dont la plupart m'étaient inconnus, évoqués dans certains péplums ou films pour ados : Zeus ou Aphrodite ne m'étaient pas inconnus mais pour ce qui était d'Hermès, par exemple, je croyais que, jusqu'à maintenant, c'était une marque de foulard !

Je sus également qu'Hadès, mon patron, avait remporté une grande victoire contre son ennemie de toujours, Athéna, Déesse de la Guerre et de la Sagesse, il y a plus de 200 ans de cela et qu'il avait ainsi pu étendre sa domination sur le monde. Domination discrète, à la présence subtile.


Ma nouvelle couleur de cheveux avait fait un peu jaser au départ, surtout parmi ma clientèle et mon voisinage, mais rapidement ils s'en étaient vite accommodés, comme si en fait cette couleur était naturelle chez moi, et que je l'avais toujours eue.

La nuit venue, je montais sur le toit de mon immeuble afin de m'entrainer avec mon nouveau fouet qui était une véritable petite merveille : il épousait parfaitement ma main, était aussi léger qu'une plume, aussi solide que l'acier et répondait à chacune de mes pensées et sollicitations. Les lanières pouvaient s'allonger démesurément, perforant l'acier ou éclatant la roche avec une facilité déconcertante.

Naturellement je ne l'utilisais pas sur mes clients au cours de mes séances : ils auraient été réduits en charpie en un clin d’œil !


Ce matin là, je faisais un jogging à Central Park. Sans que je m'en rende compte, je sprintais comme une championne olympique, m'attirant quelques regards interloqués de la plupart des autres joggeurs ; certains allèrent même jusqu'à m'imiter mais, ne pouvant soutenir longtemps un tel rythme, ils finirent par abandonner, la langue pendante.

Je finis par m'arrêter, nullement essoufflée, et allai regagner mon appart' quand je sentis une présence à la fois étrange et familière...

S'il y avait bien un endroit sur cette planète que Nathan détestait au plus haut point c'était bien les États-Unis. L'air vicié par il ne savait combien de toxines, l'attitude des locaux et leurs capacités à traiter les Noirs à travers l'histoire... Tout cela lui filait des hauts le cœur rien que de penser à ce pays. Cependant, pour récupérer de l'argent, il était prêt à faire des efforts. Car après l'Asie et la République Latine, la tournée devait passer par les États-Unis. Et vu la population actuelle fan de japoniaiseries comme aiment le dire les détracteurs de l'Asie...Tous ces zéros en plus donnaient le tournis.

Le Spectre sous couverture sortait des bureaux, valisette contenant les contrats en mains. La journée ayant bien avancée il se demandait comment passer une bonne soirée. Malgré la cacophonie ambiante il vit sur un écran de télévision une bande défilante.

Cinquante morts pendant une soirée ? Des huiles en plus ? Qui est surpris ? Pas moi en tout cas. Se dit-il en haussant des épaules. Pourquoi cette question ? Parce que ce pays était un excellent pourvoyeur d'âmes à torturer. Crimes sanglants et corruption étaient monnaie courante par ici, le plus drôle venant des forces de l'ordre sensées protéger et servir et qui préfèraient buter et s'engraisser. Sympa l'ambiance non ? Car, même si cela l'amusait de mêler plaisir acoustique et travail, Nathan n'en restait pas moins l'un des plus redoutables Spectres de l'armée d'Hadès. Qui sait : peut-être trouverait-il une quelconque âme potable à ramener au Sombre Monarque ?

Un dîner et une bonne nuit de sommeil plus tard, le guerrier ébène avait fini de préparer ses affaires pour se rendre dans le sud du pays - un pays continent de cette taille, qui avait eu cette idée saugrenue ? - et voulu profiter du poumon vert de la ville : Central Park. Seul endroit respectable de la ville du moins de jour, suffisamment grand pour flâner sans se poser de questions. Un petit footing de quelques kilomètres pour se mettre en jambes ne serait pas de refus. Une centaine de tours du parc plus tard, Nathan s'était posé sur un banc, pas fatigué pour un sou, et bu une gorgée d'eau fraîche quand...

Hm ?

Une signature cosmique ici ? Elle lui était inconnue mais d'un niveau élevé. Un Spectre Céleste. Il fallait en avoir le cœur net. Guidé par ses sens aiguisés il finit par apercevoir qui possédait cette signature. Une femme à la chevelure rose, au physique que beaucoup qualifierait de bombe anatomique malgré la tenue de sport moulant son corps mais qui ne l'affectait nullement. À la regarder ainsi elle ne dégageait rien de spécial et pourtant quelque chose l'interpellait. Afin de savoir s'il ne risquait pas de perdre de temps, le Bénou s'approcha d'elle en souriant innocemment tout en diffusant un peu de son énergie cosmique. Si c'était bien une Spectre elle le reconnaîtrait immédiatement. Sinon il passerait son chemin.

Hello young lady. Nice weather today isn't it ? (Bonjour jeune fille. Beau temps aujourd'hui n'est-ce pas ?)

La jeune femme au physique très avantageux pour beaucoup mais quelqconque pour Nathan le regardait comme s'il venait de Mars. Avait-il dit quelque chose de bizarre ? Pourtant l'anglais était presque devenu une seconde nature à force de voyager. En tout cas elle avait l'air de ressentir l'énergie cosmique du lieutenant.

Alors qu'il allait répondre, le Bénou eut l'intuition que les deux personnes allaient bientôt être trois. Et qu'elle ne fut pas sa surprise de voir débarquer un invité de marque : l'un des Mekai Sankyotô et pas des moindres. Le plus brutal et le plus fort des troupes d'Hadès : Setesh. Nathan en savait quelque chose puisqu'ils s'étaient expliqués avec leurs poings à leur première...non, seconde rencontre. Depuis l'ambiance était bien plus détendue en eux, un respect mutuel entre puissants combattants des Enfers.

Nathan du se baisser un peu pour arriver à la hauteur du Juge qui venait de passer son bras autour de son épaule de façon familière tout en s'adressant à la femme de la même manière.

Ce bon vieux Setesh. Ça fait longtemps que je ne t'avais pas vu. Et cette poulette comme tu l'appelles je l'ai trouvé par hasard. Son énergie cosmique vaut une Étoile céleste.

La couverture du Juge dans le monde des humains laissait à désirer mais correspondait bien à son style et son attitude de rebelle. Un biker... Décidément personne ne pouvait et ne pourrait sûrement jamais comprendre ce qu'il se passait dans cette tête à la chevelure blanche.

Concentré sur le possible - voire probable - recrutement de la Spectre, Nathan faillit tomber à la renverse après la dernière petite pique de son supérieur fonctionnel (la hiérarchique étant l'autre salo**erie de Cinara). Un balai dans le c.. ? M'enfin, c'était quoi cette remarque gratuite ? La femme aux cheveux rose pouffa ce qui fit rougir de honte le guerrier. Déjà qu'il faisait ÉNORMÉMENT d'efforts pour se mêler aux autres Spectres, être moqué en public ,même gentiment, le gênait beaucoup. Et l'énervait encore plus. Une veine saillit sur sa tempe tandis qu'il sourit avec une fausse innocence au Juge.

Mais je sais me détendre très cher. J'ai eu une vie bien remplie et savoir en profiter était mon activité préférée. Surtout avec des poulettes bien gaulées comme tu aimes si bien le dire. Je suis sûr qu'on aurait pu s'entendre encore mieux à l'époque. Sinon on a aussi ma seconde activité préférée. Tu sais, celle qui t'as laissé quelques marques ci et là ? Et si on lui faisait une démonstration à la petite...euh...

Nathan n'avait pas retenu son nom. L'avait-elle au moins prononcé ? Là femme sculpturale se nomma, comme si elle avait lu dans ses pensées. Vertu... Visiblement elle ne devait pas en avoir beaucoup des vertus. Ou alors pas forcément debout en train de parler... En tout cas ce n'était pas le moment de se remettre sur la gueule avec la Wyvern. Redescendant dans les tours, l'éternel jeune homme s'adressa à sa potentielle consoeur.

La maison H ? Voilà une manière originale de parler du Mekai. Ou des Enfers si tu préfères la version internationale.

Le Juge et la Spectre décidèrent de s'allumer chacun une cigarette. Pouah, comment faisaient-ils pour supporter cette mer*e en tube ? Quoi qu'il en était, le lieutenant sentait comme une attraction entre Vertu et Setesh. À moins que ce n'était que son imagination ? Il renchérit.

Je me nomme Ryûichi du Bénou, lieutenant des armées d'Hadès. Et l'autre ahuri là, dit-il en le pointant du pouce, c'est Setesh de la Wyvern. On ne dirait pas comme ça mais c'est l'un des trois Juges des Enfers. Un peu notre boss quoi. Ne le titille pas trop : il a beaucoup de répondant. *tousse tousse*

La fumée commençait vraiment à l'incommoder. Il avait aussi remarqué les regards interrogateurs de la Succube autour d'eux, comme si quelque chose pouvait l'inquiéter.

Dites. Quand vous en aurez fini avec vos sucettes à cancer, ça vous dirait d'aller s'attabler dans ce dinner ? Je ne sais pas pour vous mais, moi le matin j'ai faim.

Au moins, en etant posés tranquilles, Dame Vertu pourra poser toutes les questions qu'elle voudra. À moins que le Juge veuille en faire autrement. Après tout, c'est lui le boss ici...

On dirait que la présentation faite par Nathan du Juge ne lui avait pas fait plaisir. Setesh s'énerva au point d'en faire venir des nuages orageux au-dessus de Central Park et de faire cracher des bulles aux pauvres personnes présentes autour d'eux.

Quel caractère celui-là vraiment...La relation entre le Juge et le lieutenant s'était arrangé avec le temps mais pas sa façon d'agir visiblement. Comment oublier qu'il s'adressait à un bidon de 1,65m de nitroglycérine sur place ? Par contre, Setesh lui avait oublié que le subordonné du Garuda n'était pas en reste non plus. Face à face durant de longues secondes pouvant paraître une éternité, le guerrier soutint sans sourciller le regard furieux et la pression de son supérieur fonctionnel, l'air devenant plus chaud autour d'eux. Puis il se ravisa : raser une ville de cette ampleur pour un concours de cékikialaplusgrosse était ridicule. Après tout, la nature avait déjà donné sa réponse sur ce sujet...

En tout cas la proposition d'aller manger ravit tout le monde...sauf le portefeuille du lieutenant.

Eeeeeeeeeeeee ???? Pourquoi moi ?...

Bah, ce n'était pas comme s'il était sur la paille. Au moins l'atmosphère serait moins tendue au propre comme au figuré.


La musique rétro, la déco des années 60, l'odeur de la saucisse grillée,...il y avait dans ce dinner exactement de quoi ouvrir l'appétit et assouvir les curiosités. À la fois gentleman et respectueux de la hiérarchie (quand il le faut et qu'il le souhaite surtout), Nathan laissa Vertu et Setesh s'installer en face de lui. La serveuse vêtue à l'ancienne arriva sur ses patins afin de prendre leurs commandes. Génial, il allait pouvoir manger autre chose que des ramens ou de la nourriture infâme anglaise. Franchement, qui pouvait manger de la viande bouillie avec de la sauce à la menthe ?

Alors... Oho tout m'a l'air appétissant là-dessus... Allez, je vais partir sur des œufs brouillés avec 2 saucisses et une assiette de légumes. Avec un quart de jus d'orange et une Apple pie pour 3 please.

Une fois que la serveuse au fessier rebondi - il en croquerait bien un morceau s'il n'était pas aussi fidèle - ait pris la commande des trois Spectres, la Succube leur expliqua son réveil récent. Et quel réveil ! Offerte en sacrifice afin de convoquer on ne savait quoi, elle était revenue à la vie en tant que Spectre. Tu parles d'une façon sordide de mourir...

Jambes écartées, les bras le long du dossier de son canapé, Nathan pencha la tête en arrière après avoir entendu cette histoire.

Yare yare...Je savais que depuis presque trois siècles l'engeance humaine était décérébrée mais à ce point...Tu as bien fait de nettoyer cet endroit, ils ne méritaient rien d'autre que de crever salement.

Nathan n'aimait toujours pas les humains malgré leur propension à inventer des choses utiles et leur argent. Ramenant sa tête dans le creux de ses mains, il plongea ses iris dorées dans celles bleues de la jeune femme.

Pour rejoindre la maison H comme tu l'appelles la mort n'est pas le seul moyen. Par exemple j'y suis rentré en 1756 en étant encore vivant. Tout dépend de ton Étoile protectrice. Mais notre cher Juge saura mieux t'expliquer la chose que moi. N'est-ce pas "Sieur" Setesh ?

Le Bénou avait appuyé volontairement sur le titre du Spectre légendaire pour lui montrer qu'il le boudait encore un peu. C'était de bonne guerre entre eux et cette fausse rancœur ne durait jamais longtemps.