Forum de jeu de rôle dans l'univers du manga Saint Seiya, qui se déroule au XXIème siècle dans un climat de dystopie où Hadès règne en maître. |
| | Couper les griffes du tigre (France, 2016) Oko - Léandre | |
| Auteur | Message |
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Léandre Chevalier d'or du Capricorne
| Sujet: Couper les griffes du tigre (France, 2016) Oko - Léandre Jeu 26 Sep 2024 - 22:01 | |
| Pays de merde...
Quatorze jours de pluie d'affilée. J'avais hésité à rejoindre l'Angleterre voilà peu de temps, mais ce temps de chien avait rapidement mis fin à ce plan stupide. Tel était probablement le destin des âmes errantes. Enchaîner projet stupide sur idée nébuleuse, afin de combler le vide de leur existence. Mon errance à travers l'Europe s'étirait sur quatre longues années. Et la tentation de retourner chez moi, dans l'orphelinat qui m'avait vu grandir, se voulait forte ces derniers temps. Mais comment affronter le regard empli de jugement de Joshua, mon mentor ? Trempé jusqu'aux os, j'observais mon reflet pathétique dans la vitrine d'une boutique louche. Je faisais peine à voir... Amaigri, l'oeil mauvais, des cernes sous les paupières et ma tignasse sombre cachée sous une capuche trouée, je serrais les pans de ma veste avec l'énergie de celui qui tente en vain de se réchauffer. Un clochard effrayant. Un rebus de cette société pourrie. Pourtant cette image me laissa indifférent. Je ne ressentais plus grand chose depuis cette fameuse nuit, voilà... Quatre mois ? Ce moment clé durant lequel j'avais touché du doigt le paradis, avant que cette humanité pervertie ne me replonge dans les abysses, gueule la première. Depuis, tel un fantôme assoiffé de sang, je rodais en quête d'une nouvelle proie. Un criminel, un serial killer, un gourou quelconque. Les journaux ramassés dans les poubelles vantaient presque leurs exploits, me permettant de retrouver leurs traces... Et de transformer ces chasseurs d'innocents en vulgaires proies sous mes doigts tachés de sang impur. Le ventre vide, mais épuisé par l'usure de la pluie, je finis par accélérer le pas afin de gagner une voie de chemin de fer, que je traversais d'un bond. Là, de l'autre côté, s'étalait une assemblage mal assorti de dizaines d'usines et de locaux désaffectés. Abandonnés aux rats et aux vagabonds. Mon chez-moi depuis que j'avais posé le pied dans cette ville du nord de la France. Un sans-abri croisa mon regard et se hâta de s'enfermer dans son abri de fortune. Sans y prêter attention, je gagnais l'ombre d'une ancienne fabrique de pneus, pour y retrouver le matelas troué que j'y avais caché quelques nuits auparavant. Caché dans les replis de la couverture mitée posée dessus, je dégotais une boite de conserve et un réchaud. Au moins, je mangerais de quoi me revigorer pour ce soir. Étrangement, alors que mon repas gagnait en température, le clapotis de la pluie sur le toit de taule me fit monter les larmes aux yeux.
Vie de merde... |
| | | Ôko Chevalier de Bronze du Loup | Sujet: Re: Couper les griffes du tigre (France, 2016) Oko - Léandre Ven 27 Sep 2024 - 10:27 | |
| Année de merde.
2016, Ôko n’était encore qu’un jeune homme en colère, errant sans but précis sur les terres du nord de la France. Ce garçon n’était à ce moment là, animé que par la rage, la faim et une soif insatiable de prouver sa valeur au monde, aux yeux du vieux-maitre, à ses propres yeux. Le froid mordant de l’hiver soufflait contre son visage tandis qu’il marchait le long d’une route déserte, ses pieds traînant dans la boue, laissant derrière lui des empreintes irrégulières. La pluie tombant sur son visage le faisait sentir encore plus pathétique que jamais.
Temps de merde.
Le paysage qui l’entourait n’était guère plus accueillant que son humeur. Les bâtiments gris et délavés s’étendaient à perte de vue, vestiges d’une époque industrielle révolue. Il se trouvait près d’une ancienne usine de pneus, désaffectée depuis des années. Ses murs, autrefois imposants et pleins de vie, étaient désormais lézardés et couverts de graffitis, leurs fenêtres brisées laissant passer le vent froid. Ôko s’y arrêta un instant, contemplant les ruines avec un mélange de mépris et de fascination. Cet endroit semblait refléter son propre état intérieur : abandonné, en colère contre le monde.
Son estomac se tordait de faim, et chaque mouvement lui rappelait combien il était affamé. Il n’avait rien mangé depuis des jours, si ce n’était un bout de pain rassis trouvé dans une poubelle d’un petit village voisin. Mais ce n’était pas tant la faim physique qui le torturait, c’était la faim de reconnaissance, la faim de prouver qu’il valait quelque chose, qu’il n’était pas simplement ce garçon perdu, errant dans une ville qui ne voulait pas de lui. Il serrait les poings, les ongles s’enfonçant dans la paume de ses mains, tentant de maîtriser cette colère bouillonnante qui montait en lui. La rage contre le monde, contre les circonstances, contre tout et tout le monde. Sa rage prenant le dessus sur lui, il donna un coup de poing contre le mur le plus proche, s'arrachant des pans de peau dans le mouvement.
Mur de merde.
Il regarda de nouveau l’usine de pneus, ses entrailles sombres et vides semblant l’appeler. Il n’avait nulle part où aller, et cet endroit, bien que sinistre, offrait au moins un abri temporaire contre la pluie qui dégoulinait sur son visage. Avec un soupir frustré, il se dirigea vers l’entrée effondrée de l’usine, ses pas résonnant dans l’écho presque vide des lieux. À l’intérieur, tout n’était que silence. Les machines rouillées, autrefois moteurs de production, reposaient désormais comme des carcasses d’animaux morts, figées dans le temps.
L’espace d’un moment, il eu l’impression de sentir le temps s'écouler en le laissant en arrière. Comme si le fleuve de la vie poursuivait sa course pendant que Ôko restait coincé dans un bras mort au milieu des poissons crevés et des vieux troncs moisis.
Ôko s’avança plus profondément dans le bâtiment, passant sous les poutres métalliques tordues et évitant les débris éparpillés au sol. L’usine, aussi désolée soit-elle, offrait une cachette parfaite pour celui qui cherchait à se soustraire au monde. Il trouva un recoin relativement à l’abri du vent et s’y laissa tomber, dos contre un mur glacé, ramenant ses genoux contre sa poitrine pour tenter de conserver un peu de chaleur. Son souffle créait de petits nuages de vapeur qui flottaient devant lui avant de disparaître.
Il ferma les yeux, mais son esprit n’était pas en paix. Des souvenirs douloureux lui revenaient en tête. Son enfance marquée par l'isolement, la perte de ceux qui comptaient pour lui, et cette rage qui ne l’avait jamais quitté. Il se souvenait des coups reçus, des humiliations subies, et de la solitude profonde qui l’accompagnait partout. Il se battait pour survivre, mais à chaque victoire remportée, une nouvelle défaite venait l’écraser, alimentant sa colère. Ce cycle semblait sans fin.
Soudain, un bruit sourd attira son attention. Instinctivement, il se redressa, aux aguets. Le silence était devenu son allié, et il pouvait distinguer le moindre changement dans son environnement. Quelqu’un ou quelque chose se trouvait à proximité. Des pas légers, discrets, mais bien réels, résonnaient dans l'usine déserte. Son corps se tendit, prêt à se défendre s’il le fallait. Les années passées à se battre dans la rue l'avaient rendu méfiant, toujours prêt à affronter une nouvelle menace.
Le silence retomba, mais Ôko ne relâcha pas sa vigilance. Il savait qu'il n'était jamais vraiment seul, même dans un endroit aussi désert. Des silhouettes pouvaient surgir à tout moment, qu’il s’agisse de vagabonds comme lui, de malfrats à la recherche d’une victime facile, ou pire encore. Les rues lui avaient appris à ne jamais baisser sa garde. La faim, la colère et la méfiance se mêlaient en lui, formant une barrière invisible entre lui et le monde. Il se sentait comme un loup solitaire, traqué mais prêt à mordre à la moindre provocation.
Il savait qu’il devait devenir plus fort, non seulement dans ses poings, mais dans son esprit. Mais à cet instant précis, tout ce qu'il désirait, c'était un peu de nourriture et un moment de répit, loin du froid, loin de cette colère incessante qui le rongeait de l’intérieur.
"Qui va là ?" demanda t-il soudainement, sa voix rauque remplie d'une colère toujours aussi sourde et menaçante.
Chienne de vie
---------------------------------------- On n'est pas le meilleur quand on le croit mais quand on le sait. |
| | | Léandre Chevalier d'or du Capricorne
| Sujet: Re: Couper les griffes du tigre (France, 2016) Oko - Léandre Ven 27 Sep 2024 - 23:47 | |
| Une voix rauque. Tous mes sens se mirent instantanément au diapason de la menace. Quelqu'un osait pénétrer sur mon territoire... Alors, oui, il ne s'agissait que de tôles et de ferraille mais cette pauvre usine m'apparaissait comme un espace vital. Ce ton, empli de colère, invitait à ne pas prendre la menace à la légère. L’œil aguerri, le faciès inexpressif, je me fondis dans les ombres afin de détecter ma proie. La conserve continuait à mijoter, répandant une délicieuse odeur d'haricots à la viande dans tout l'espace. Quant au réchaud, il offrait l'unique source de lumière aux alentours. Idéal pour un traquenard. Un sans-abri ne pouvait se trouver ici que pour deux raisons : se reposer ou tenter de trouver à manger. Parfait, je lui offrais les deux. Mes années d'errance m'avaient enseigné l'art de traquer, de ruser, de tuer sans se mettre en danger. Aussi, je me mis à courir vers une sortie opposée à l'origine de la voix, en faisant volontairement résonner mes pas lourds sur le sol de béton. Une porte grinçante pour couvrir ma "fuite", et je revins me placer dans l'obscurité, le regard tourné vers mon repas. Plus silencieux que la nuit, je glissais à quelques enjambées de mon havre de paix, en attendant que l'intrus trouve l'audace de s'en approcher. Je pourrais ainsi l'observer et décidé s'il constitue une menace sérieuse. Ici bas, la pitié, la négligence engendraient la mort. Or, si j'étais bien doué pour une chose, c'était survivre. Et me venger... Le silence se fit, linceul d'âmes inconnues. Le sang allait-il couler ce soir ? Au fond, je ne le souhaitais pas, mais... La décision ne m'appartenait pas. Ma cible fuirait-elle après avoir entendu mon départ, ou trouverait-elle le cran de tenter de me dérober ma nourriture, qu'elle pensait abandonné ? L'acte de mort me causait-il encore une quelconque émotion ? Oui, peut-être. Mais je devais survivre. Encore, et encore. Jusqu'à ce que... Je rende la justice pour un acte impardonnable. Viens donc, étranger. Et si tu portes du rouge sur les mains, ta vie volera bien vite vers d'autres horizons... |
| | | Ôko Chevalier de Bronze du Loup | Sujet: Re: Couper les griffes du tigre (France, 2016) Oko - Léandre Mar 1 Oct 2024 - 17:43 | |
| Le vent glacial s’engouffrait à travers les ruines de l’ancienne usine, balayant les débris et les souvenirs d’un temps révolu. Les murs de béton gris, marqués par l’usure du temps et la végétation rampant à leurs pieds, semblaient murmurer des secrets oubliés. Ôko errait dans ce décor désolé, son corps affamé réclamant désespérément de la chaleur et de la nourriture. Chaque pas sur le sol froid résonnait comme un écho de son malaise intérieur. Enfin, Ôko trouva un point où le vent ne lui fouettait plus le visage et il soupira. Au moins, était-il protégé de cela désormais. Et pourtant…
Sa colère bouillonnait toujours sous la surface, une flamme vive prête à se libérer à la moindre provocation. Les semaines d’errance et de solitude avaient érodé sa patience, et la faim ne faisait qu’aggraver son état. L’adrénaline pulsait dans ses veines alors qu’il avançait, attentif à chaque son, chaque mouvement dans l’ombre. Puis, soudain, un bruit retentit, perçant le silence oppressant de l’usine. Ce n’était pas un bruit banal : c’était un cliquetis, suivi d’un léger grattement, comme si quelque chose s’était déplacé.
Au même instant, une odeur délicieuse, inexplicablement alléchante, parvint à ses narines. C’était un parfum de nourriture, bien loin des restes putrides qu’il avait l’habitude de croiser dans son errance. La promesse d’un repas éveilla en lui un mélange d’anticipation et de colère. Qui d’autre pouvait se trouver ici, à profiter de ce qu’il convoitait désespérément ? Cette pensée seule suffisait à alimenter la rage en lui, un tourbillon de frustration et d’impuissance.
Guidé par son instinct, Ôko s’approcha, chaque pas mesuré, ses sens en alerte. La colère s’emparait de lui, brûlante et insatiable, tandis qu’il se forçait à réfréner l’envie de déferler sa rage sur quiconque se trouvait sur son chemin. En se faufilant entre les colonnes de métal rouillé, il aperçut une lueur vacillante au fond de l’usine, à travers les débris éparpillés. Quelqu’un avait allumé de quoi faire chauffer son repas.
La colère d’Ôko s’évanouit un instant, remplacée par une frustration profonde. C'était une trahison silencieuse que ce visiteur inconnu se permette de manger pendant qu'il souffrait de la faim. L’idée de frapper, de déverser sa rage sur ce qui l’empêchait de satisfaire son besoin primal, le traversa. Au fond, il savait que l’heure de la confrontation approchait. Les mots et la violence se mêlaient dans son esprit, et il était prêt à faire face à tout ce qui se dresserait sur son chemin pour retrouver le goût de la victoire, même si cela signifiait détruire ce qu'il ne comprenait pas.
Il restait pourtant sur ses gardes, les sens en alerte, prêt à se défendre. Chaque battement de son cœur résonnait dans ses oreilles comme un tambour de guerre, et une seule pensée l’animait : le contrôle était un luxe qu’il ne pouvait plus se permettre. Alors qu’il se tenait là, prêt à agir, il se demanda ce qui serait le plus gratifiant : récupérer la nourriture ou infliger sa colère sur l’inconnu qui l’avait défié. Dans cette usine oubliée, l’ombre de la violence se tenait à ses côtés, l'appelant à faire le choix qui le définirait à jamais.
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| | | Léandre Chevalier d'or du Capricorne
| Sujet: Re: Couper les griffes du tigre (France, 2016) Oko - Léandre Mer 2 Oct 2024 - 10:00 | |
| Appât
La patience est souvent récompensée. Et mon appât me donna pleine satisfaction. L'homme semblait agile, particulièrement doué pour glisser entre les ombres. Son talent m'interpela. Il ne s'agissait pas du premier sans-abri venu. Pourtant, la colère qui pulsait dans ses veines me permit d'entendre son souffle. De manière subtile, à peine perceptible mais suffisante pour le repérer. Il était jeune lui aussi. Une menace, assurément. Nul doute qu'il était assailli par la faim, et que malgré le piège, sa raison demeurait voilée du manque cruel. Dans un monde plus doux, je lui aurais peut être proposé de partager. Mais ici, dans cette société où la violence et la loi du plus fort demeurait la norme, je ne pouvais me résoudre à m'handicaper pour un inconnu, qui n'aurait probablement aucun scrupule à m'ouvrir la gorge. Pour autant, le considérer comme une cible lambda m'apparut comme une erreur. Je ne connaissais pas ses capacités. Aussi, l'idée de forcer mon avantage attira ma faveur. Comme si de rien n'était, je rouvris la porte de l'usine en ruines, dans un grand fracas métallique, et fit semblant de revenir vers mon campement de fortune. Épaules voûtées, je laissais chacun de mes sens en alerte, tout en arborant une mine faussement épuisée. Au moindre geste de sa part, la réaction serait immédiate. Ce n'était pas le premier sur qui j'usais de cette tactique. D'un pas lent, je m'approchais de ma boite de conserve, déjà chaude, et m'en emparais, avant de m'asseoir sur le matelas. La délicieuse senteur de viande et de haricots embauma les environs, alors que je soufflais sur le repas pour le tiédir avant dégustation. Une véritable torture pour l'intrus, posté à proximité.
Délicieux !
Placé de manière à lui faire face, un couteau prêt à être dégainé de ma ceinture, j'attendis sa réaction. Allait-il me bondir dessus ou tout simplement se dévoiler ?
Never-Utopia |
| | | Ôko Chevalier de Bronze du Loup | Sujet: Re: Couper les griffes du tigre (France, 2016) Oko - Léandre Mer 9 Oct 2024 - 14:00 | |
| Tout cela ne tiens qu'à un fil Le silence de l’usine désaffectée pesait de tout son poids sur les épaules d’Ôko, qui se tenait là, immobile, tendu comme un fil prêt à se rompre. Le vent glacial, s’engouffrant à travers les fissures des murs délabrés, semblait murmurer à ses oreilles, mais il n’y prêtait plus attention. Tout ce qui l’importait désormais, c’était cette présence devant lui, cet intrus qui s'était accaparé l’espace et, plus encore, ce qui aurait dû lui revenir : un maigre repas. L’odeur de nourriture s’élevait, perçant ses sens affamés comme une lame aiguisée. Son ventre, vide depuis trop longtemps, semblait se tordre dans une agonie silencieuse. Mais ce n’était pas la faim seule qui alimentait sa rage, non, c’était bien plus que cela.
Ôko sentit ses poings se crisper à nouveau, si fort que ses jointures blanchirent sous la pression. La pulsion de violence qui le dévorait était brutale, primaire, et elle se frayait un chemin à travers chaque fibre de son être. C’était une pulsion qu’il ne connaissait que trop bien. Depuis des semaines, la colère ne l’avait pas quitté, grandissant avec chaque jour passé à errer sans but dans le froid, avec chaque souffle de vent glacé qui lui mordait la peau, avec chaque nuit passée à se battre contre l'épuisement, la faim et la solitude. La rage était devenue son compagnon de route, le seul sentiment qui lui restait dans ce monde déserté. Et à présent, elle était là, à la frontière de son esprit, prête à éclater.
Il observa l’homme s’asseoir, lentement, avec une lassitude palpable. Ses mouvements lourds, marqués par la fatigue, trahissaient un être à bout de forces. Pour Ôko, cet homme ne représentait plus qu’un obstacle, un ennemi silencieux qui se dressait entre lui et ce qu’il désirait. Il n’était plus question de raisonner, plus question de chercher un compromis. Chaque pensée de son esprit était envahie par cette réalité simple et brutale : il avait faim, et cet homme mangeait.
Le grognement qui monta de sa gorge était presque animal, un son rauque, guttural, qui résonna dans la vaste étendue vide de l’usine comme l’écho d’une bête prête à bondir. Ce n’était plus un simple avertissement, mais une affirmation de sa colère, un appel à l’action. Ses muscles se tendirent encore plus sous sa peau glacée par le froid, et il sentit l’adrénaline couler dans ses veines, brûlante et vivifiante, le préparant au combat.
Et pourtant, quelque chose le retenait. Une hésitation, infime, mais présente. Son regard restait rivé sur cet individu, mais ses pieds, eux, ne bougeaient pas. Pourquoi ? Qu’est-ce qui pouvait bien l’empêcher de bondir, de frapper cet inconnu, de le repousser et de s’emparer de ce qu’il estimait être son dû ? Il n’avait pas de réponse claire à cette question, mais il savait que ce quelque chose était là, enraciné dans les profondeurs de son être.
Peut-être était-ce la fatigue qui pesait aussi sur ses épaules, ce sentiment de lassitude qui s’accumulait depuis des semaines. Il était à bout de forces lui aussi, et malgré la rage qui le consumait, il sentait le poids de l’épuisement tirer sur ses membres, comme des chaînes invisibles. Peut-être était-ce cette solitude qui l’accompagnait depuis si longtemps, une solitude si pesante qu’elle en devenait presque insupportable, et l’idée d’une confrontation, d’une interaction, même violente, éveillait en lui quelque chose de plus profond, un besoin d’être vu, entendu, même si c’était à travers les coups.
Il restait là, ses poings toujours serrés, son corps vibrant sous l’effet de l’adrénaline, prêt à bondir. Et pourtant, il ne bougeait pas. Quelque chose, enfoui au plus profond de lui, l’empêchait de céder totalement à la bête qui grondait en lui. L’instinct lui dictait d’attendre, d’observer encore, de ne pas se précipiter vers la violence immédiate, comme si une part de lui savait que la rage aveugle n’était pas toujours la solution.
Mais cela n’annulait pas sa faim, ni sa frustration. Tout ce qu'il voyait, tout ce qu'il ressentait, lui criait d’agir. Ses muscles le brûlaient de cette tension contenue, sa gorge encore vibrante du grognement de colère qui l’avait traversé. Et malgré tout, quelque chose le retenait encore de bondir sur ce qu’il considérait désormais comme sa proie.
---------------------------------------- On n'est pas le meilleur quand on le croit mais quand on le sait. |
| | | Léandre Chevalier d'or du Capricorne
| Sujet: Re: Couper les griffes du tigre (France, 2016) Oko - Léandre Dim 13 Oct 2024 - 11:44 | |
| Fin de repas
Avec une lenteur toute calculée, je poursuivis mon humble repas, à la senteur alléchante pour tout être affamé. L'autre ne bougea pas. Je parvins à réprimer un rictus amusé, face à son élan de volonté. Qu'attendait-il ? Que j'achève la conserve ? Alors quel intérêt de demeurer ici ? Son attitude m'étonna, et je commençais à analyser les possibilités à ma portée. Impossible de me laisser aller au repos, avec une telle menace à proximité. L'écho à peine audible d'un grognement confirma mes craintes. J'avais à faire à un individu dont il fallait tenir compte. Non un simple vagabond, je le pressentais. Il émanait de lui une rage palpable. L'écho de mon absence de cœur. L'inconnu me parut fournaise, là où j'avais cédé au froid de l'âme. Pour autant, je devais lui concéder un instinct affûté. Il devait brûler de se jeter sur moi, mais nul doute qu'il avait capté la menace réelle que je représentais, sous l'apparence d'une faiblesse feinte. Intéressant... Une fois vide, je déposais la conserve, m'essuyais les lèvres d'un revers de manche, et portais le regard vers les ombres qui lui servaient de refuge.
Je sais que tu es là.
Fin du jeu de dupes. J'étais curieux de connaître ses intentions. Allais-je devoir le tuer ou pouvais-je le faire fuir, avant de m'adonner à un repos bien mérité ?
Sors de là ou casse-toi.
Un averti en valait deux. Au moins, je ne le prenais pas en traître. Soit, il filait la queue entre les jambes, soit il se dévoilait avec le risque d'une confrontation. Je sortis mon couteau de ma ceinture, et me mis à me curer les dents avec. Une autre façon de lui présenter clairement la situation.
Never-Utopia |
| | | Ôko Chevalier de Bronze du Loup | Sujet: Re: Couper les griffes du tigre (France, 2016) Oko - Léandre Mer 30 Oct 2024 - 19:55 | |
| La fête commence Ôko sentait sa respiration s’accélérer, à mesure que la colère se distillait en lui, se concentrant en une force brute et incontrôlable. Chaque fibre de son corps brûlait, alimentée par la rancœur, la faim et l’humiliation. Ce type, avec son calme provocateur et son air détaché, osait se moquer de lui. D’un geste tranquille, il avait essuyé sa bouche, comme pour mieux insulter Ôko, comme pour lui signifier qu’il ne voyait en lui qu’un mendiant insignifiant, une nuisance à peine digne d’attention.
L’inconnu ne l'avait pas simplement ignoré, il l'avait délibérément ignoré. Ôko était à bout de forces, la faim le tenaillait, et tout ce qu’il voyait devant lui, c’était cette conserve vide que cet homme tenait comme un trophée. Chaque détail, chaque infime mouvement de cet homme lui apparaissait enflé, exagéré, chargé de mépris. Ôko n’avait jamais ressenti un tel déferlement d'émotions. Jamais il n’avait eu aussi faim, ni aussi froid. La rage, grondante et sourde, n’était plus qu’un battement sourd dans son esprit, se mêlant à la sensation de vide qui tordait son ventre. À cet instant, il n’était plus qu’un animal acculé, prêt à se battre pour ce qui restait de sa dignité, prêt à tout pour ne plus être relégué dans les ombres, à quémander des miettes.
Dans sa posture décontractée, cet homme semblait jouer avec lui, et ce constat alimentait encore plus la fureur d’Ôko. Il connaissait ce regard calculateur, ce sourire à peine masqué. Il se souvenait l’avoir déjà vu dans les yeux d’hommes sûrs de leur pouvoir, d’individus habitués à traiter ceux qui leur semblaient inférieurs comme des obstacles insignifiants, des créatures de passage. L’inconnu avait choisi de l’ignorer, comme s’il n’était qu’une ombre parmi les ruines de cette usine désaffectée. Mais Ôko n’avait rien d’une ombre ; il ne serait pas balayé d’un geste condescendant.
Soudain, le grondement dans sa gorge se mua en un rire rauque et acéré, presque animal, qu’il laissa échapper. L’écho de ce rire traversa l’étendue déserte de l’usine, se répercutant contre les murs écaillés, enveloppant l’espace d’une menace palpable. Un rire qui n’avait rien de léger ni de détendu, mais qui, au contraire, trahissait une tension prête à exploser. Il n’avait plus besoin de cacher sa colère, de retenir sa frustration. Cet homme, avec son couteau ostensiblement sorti, lui présentait clairement un défi. Ôko n’avait plus rien à perdre.
Le regard acéré, il fit un pas en avant, se dévoilant totalement à l’homme. Ses yeux, étincelants de haine, fixaient sa cible avec une intensité qui n’était rien d’autre qu’une promesse de violence. Chaque muscle de son corps, crispé, n’attendait qu’un signal, qu’un déclencheur pour bondir, pour laisser cette rage se déverser sans retenue.
« Tu penses vraiment que ton couteau et ton air suffisant vont me faire fuir ? » lâcha-t-il d’une voix sourde, rendue rauque par le froid et par la colère.
Il sentit l'adrénaline pulser dans ses veines, se répandre dans chaque recoin de son être, éveillant une vivacité nouvelle. Son estomac, noué depuis des jours, semblait crier autant que lui, réclamant réparation pour chaque instant de privation, chaque minute passée à subir ce supplice insoutenable qu’était la faim. Tout son corps était prêt à éclater, à se libérer de cette tension accumulée depuis trop longtemps.
D’un geste lent, mais volontaire, il ouvrit et referma ses mains, se réappropriant pleinement ses poings, ces armes qui, il le savait, pourraient faire bien plus de mal que les apparences ne laissaient croire. Ce couteau entre les mains de cet homme ne l’effrayait pas. Il avait déjà vu pire. Des lames bien plus acérées, bien plus dangereuses, l’avaient menacé. Mais celle-ci n’était qu’un prétexte, une extension de l’arrogance de cet homme qui croyait pouvoir l'intimider, le repousser comme un vulgaire animal affamé.
« Tu sais ce que je vois, moi ? » continua Ôko, avançant encore d’un pas, son regard brûlant toujours rivé sur l’inconnu. « Un lâche. Un type qui joue au dur mais qui planque son couteau comme un gamin effrayé. »
À mesure qu’il parlait, il sentait la rage se canaliser en une énergie glacée, une force contrôlée qui le poussait en avant, inexorablement. L’adrénaline courait dans ses veines comme un torrent, lui rappelant qu’il était bien vivant, bien plus que cet homme face à lui, aussi calculateur soit-il. Ôko se refusait à céder, à reculer. Ici, dans cette usine déserte, il ferait comprendre à cet homme qu’il ne pouvait pas tout lui prendre sans conséquences.
Son regard, chargé d’une intensité féroce, se planta dans celui de l’inconnu, et son rictus dévoila ses dents serrées.
« Si tu crois que je vais filer, t’es bien plus idiot que je ne pensais. Va falloir plus que des mots et une conserve pour me chasser d’ici. »
Chaque parole, chaque intonation portait le poids de sa fureur, de sa détermination. Ôko se sentait plus que jamais en accord avec lui-même, prêt à affronter cet homme, quitte à y laisser ses forces. L’écho de ses mots retomba dans l’immensité de l’usine, mais il n’attendit pas de réponse. Car à cet instant, il n’y avait plus de mots qui comptaient. La confrontation était inévitable. Il n’y avait plus de compromis possible.
Alors, il fit un dernier pas en avant, se rapprochant encore, jusqu’à sentir le froid du métal rouillé sous ses pieds. Sa main se crispa une fois de plus, et cette fois, il savait que rien ne pourrait le retenir.
HRP: Désolé j'me suis laissé emporté
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