Rud, Spectre du Gobelin de l'étoile Terrestre de l'Insignifiance

Rud

Hadès

VOTRE HISTOIRE

Nous sommes en 1722 dans le petit village de Fawney en Irlande du nord. Elwyn et Caitrinoa sont agriculteurs dans leur petite exploitation céréalière. La vie paysanne est difficile, le travail harassant et les rendements demeurent faibles. La terre n'est pas vraiment propice à la pouce du blé ou de l'orge mais c'est bel et bien ce que produit l'exploitation d'Elwyn et ceux de père en fils depuis quatre générations. Aussi les récoltes sont maigres et de mauvaises qualités, pas de quoi en tirées grande fortune. Au niveau du bétail le cheptel est à l'image de la richesse de ses propriétaires : pauvre. On y trouve trois poules et deux vaches maigrelettes. Impossible pour les fermiers d'investir davantage dans leur bétail ou même dans un changement de culture tellement les fins de mois sont compliqués. Le climat et le froid toujours plus glacial d'hiver en hiver ne facilite pas la tâche de nos amoureux. Et pourtant au milieu de cette misère le couple de fermier survit tant bien que mal. Une survie qu'ils doivent à leur amour indéfectible, mais aussi à la forte solidarité paysanne de la région. Tous sont dans la même galère, tous sont dans la même misère.

C'est durant ce rude hiver 1722 que le ventre de la belle Caitriona commença à gonfler, un heureux événement était en route. Cependant, si la joie grandissante du couple était omniprésente une certaine angoisse maternelle fit son apparition. Une angoisse qui s'intensifiait mois après mois si bien qu'elle empiétait complètement sur le bonheur du couple. Elwyn tentait de rassurer la future mère mais les inquiétudes étaient trop fortes et trop nombreuses. Comment allons-nous éduquer notre enfant dans cette misère ? Quel avenir avons-nous à lui offrir ? Comment allons-nous nourrir une bouche de plus alors que nous mourrons déjà de faim tous les deux ? Et comment se fait-il que je ne sente pas notre enfant ? Oui tiens... Comment se fait-il qu'elle ne sente point son bébé ? Phénomène assez étrange et rare pour être souligné, l'enfant ne bougeait quasiment pas, aucun coup de pied, aucune agitation, c'est à peine si on entendait son petit cœur battre. Le médecin avançait une insuffisance cardiaque liée à la faible alimentation de madame prescrivant de manger de la viande en quantité. Le prêtre quant à lui, après rites et incantations, dressa le bilan d'un enfant possédé par le diable cumulant les péchés de ses parents qui ne donnaient, selon lui, que trop peu à l’Église. Inutile de dire que l'arrivée du bébé était désormais plus crainte qu'attendue.

Les craintes étaient néanmoins justifiées car dans la nuit du 24 septembre 1723 Caitriona accoucha d'un petit garçon mais y laissa en contrepartie sa vie. Elwyn prit son fils dans ses bras mais il ne criait pas, il ne gesticulait pas, il se contentait de le regarder fixement la bouche béante et dégoulinante de bave. Il avait les yeux de sa mère mais il avait le regard vide comme une porte ouverte sur le néant lui-même. Elwyn était père mais il était veuf.

Plus le temps passait et plus la tristesse envahit le cœur du paternel. La tristesse d'avoir perdu l'amour de sa vie au prix d'une nouvelle vie pour qui il ne ressentait rien et qui ne semblait rien lui rendre en retour. Le jeune père était si désorienté, si affecté par la mort de sa femme qu'il n'avait même pas donné de prénom à son fils. Plusieurs années passèrent et la tristesse ne disparaissait pas, pire elle s'amplifiait. L'enfant grandit mais sans réel attention de son père qui se noyait dans la dépression. Il dépensait le peu d'argent mis de côté dans de la gnôle infâme, qu'importe la qualité pourvue que la quantité suffise à noyer son chagrin. L'enfant était tout sauf vif, n'avait aucune curiosité, aucune imagination. Son passe-temps était de regarder le ciel ou les arbres pendant des heures sans que rien ne passe. L'incompréhension du père face à la passivité de son fils se transforma en colère qui se mêla à la toujours plus présente affliction. Elwyn s'isolait socialement et ses crises colériques s'orientaient vers ses proches qui venaient lui rendre visite. Mais la violence de celles-ci fit que progressivement il se brouilla avec tout le monde de Galway à Belfast. Les rares qui osaient s'aventurer dans sa ferme demeurent sa mère et son frère qui éduquèrent partiellement le petit garçon, du moins dans l’acquisition du langage. Un des rares pan de l'éducation qu'il avait déléguée.

« Dit papa pourquoi je n'ai pas de prénom » demanda son fils un soir où le père était à peu près sobre.

« Tu veux un prénom fils ? »

« Oui » répondit-il doucement avec platitude.

« Tu veux vraiment un prénom ? »

« Oui » répondit-il sur le même ton.

Tout en secouant son fils« Je ne t'entends pas ? Tu le veux ou pas ce prénom ? »

« ...Oui » toujours avec la même intonation.

*soupirant profondément de désespoir*  « Tu t’appelleras Rud désormais »

« Pourquoi Rud ? »

« Cela veut dire chose »

« Chose ? Mais ce n'est pas un vrai prénom si ? »

« Tu ne mérites pas un vrai prénom. »


Refusant catégoriquement que quelqu'un d'autre assume le rôle de père, pensant que le peu dignité qu'il lui reste était en jeu, Elwyn apprit à son fils les travaux des champs. Il lui transmis ce que son père et le père de son père avant lui avaient transmis. Il le fit cependant avec une poigne de fer transformant et considérant son fils en véritable bête de somme. « Il peut être dénué de vie ou d'intérêt mais il n'en sera pas moins actif, productif et utile pour le monde. Pas de feignant dans ma lignée ! » pensa t-il. C'est donc à coup de fouet et de bâton que Rud dut s’intéresser tant bien que mal aux travaux agricoles. Rud avait été quelques fois au bourg ou au marché enfant avec son père mais bien trop peu pour en comprendre l'utilité réel. Les villageois le trouvait froid et insipide et les courageux qui l'approchaient se faisaient violemment réprimander quelques jours après par Elwyn. Ce dernier jalousait le peu de bonheur que son fils pouvait avoir et souhaitait qu'il partage sa souffrance, une souffrance dont sa naissance était la cause et qui devait demeurer le fardeau du reste de sa vie. De même il était hors de question pour lui d'aller à l'école. Ainsi Rud fut-il dépouillé de toute vie sociale.

L'état de santé mentale paternel s'aggravait de jour en jour si bien qu'à plusieurs reprises il faillit tuer son fils, ce dernier se laissant faire avec une incroyable soumission. Mais l'énergie dépensée dans cette éducation esclavagiste affaiblissait la santé physique d'Elwyn qui  avait de moins en moins la force de corriger Rud.

« Rud tu es maintenant suffisamment grand. Je te cède cette partie de mes terres, de la rivière au grenier. Puisse-tu y faire ta nouvelle vie et devenir un homme même si j'en doute fortement. Sache que je ne veux plus te voir... en particulier les yeux de ma tendre Cait »

Rud débuta ainsi sa nouvelle vie sans broncher. Il cultiva ses terres qui le nourrissait tant bien que mal et vivait dans un minuscule cabanon ou l'on stockait autrefois les outils. Il survit miraculeusement à la famine de 1740 mais sa grand-mère et son oncle n'eurent pas cette chance. Les derniers visiteurs de l'exploitation avaient ainsi rendus l'âme. Rud vivat dans l'extrême pauvreté et l'extrême solitude pendant trois années. Une vie que beaucoup considère comme pénible mais qui ne dérangeait en rien l'agriculteur solitaire.

Tout bascula un soir du terrible hiver 1743, le froid dans sa bicoque devenait insoutenable si bien que dans un élan de survie et dans un ultime espoir il se rendit chez son père. Ce dernier saoul comme un cochon répondit à la détresse de son fils par de violents coups de bâton. Rud, considérablement affaiblie, n'eut pas la force de rentrer chez lui ni d'atteindre une quelconque bâtisse. Il succomba dans le froid au milieu d'un de ses champs, la tête dans une bouse de vache à moitié étouffé par les excréments bovins. Son corps se décomposa nourrissant la faune et la flore environnante et ne fut retrouvé que quatre ans plus tard par un lointain cousin qui venait d'hériter de la terre d'Elwyn qui venait de mourir. Ses os eurent le même destin que son détestable père, ils furent balancés dans la rivière. En effet la rancune avec le cousin éloigné était assez tenace et le caractère irlandais n'était pas non plus prompt au pardon.

L'âme de Rud n'eut aucun mal à trouver la porte des enfers. N'ayant eut aucune funérailles ce dernier aurait dû attendre un siècle torturé par le fameux Cerbère, mais étrangement le chien infernal laissa passé Rud à l'étape suivante. Malheureusement, la traversée du Styx s'avéra un obstacle de taille car vivant dans l'extrême pauvreté il était impossible de payer le passeur Charon. Aussi l'âme de Rud erra des années durant sur les bords de l'effroyable fleuve. Il déambula ainsi sans but, sans espoir mais étonnamment sans peine, sans supplice et sans agonie. En effet les âmes semblables à la sienne bloquées sur les bords du Styx et de l'Achéron hurlaient à l'inverse leurs désespoirs dans une éternelle litanie. Cette douce mélodie qui plaisait tant au divin maître des lieux, le dieu des enfers, Hadès. Durant son errance dans les limbes son jeune corps avait laissé place à une enveloppe plus vieillissante semblable à une momie ambulante. Les rides du temps se creusèrent sur son visage, son teint devint grisâtre et la seule chose un tant soit peu vivante fut la pousse d'une tignasse de long cheveux sombre et négligée. L'âme vagabonde de Rud avait comme trouvée sa place dans l'Univers errant dans une profonde plénitude et sérénité. Même si ce bonheur macabre dura plusieurs années il fut malgré tout de trop courte durée. Déboulant d'on ne sait où, le Juge Eaque, Spectre du Garuda de l’étoile Céleste de la Vaillance, retrouva l'âme de Rud.

« Tu pensais trouver le repos en te cachant ici bas ? Nulle n'échappe au jugement de notre Seigneur Hadès, encore moins dans son propre domaine. Tu n'as point besoin de franchir le Styx ou d'être jugé de nouveau, ton cas fut scellé il y a bien longtemps. Aucune prison ne pouvait te convenir aussi ton tourment éternel fut et sera de servir pour l'éternité ton Maître. Remet toi au travail, quel que soit ton nom, Spectre du Gobelin de l'étoile Terrestre de l'Insignifiance ! »

Sans un mot Rud s'écrasa sur le sol dans une piètre révérence digne d'un vers de terre. Le juge lui balança son surplis, sa prison personnelle et fila dans les aires en quête de préoccupation bien plus importante...

PS : Je me suis permis d'utiliser un juge PNJ. Dites-moi si je dois corriger ou si un vrai spectre veut prendre sa place *clin d’œil appuyé*

MES INFOS +

Que dire que dire...
Rud n'a ou ne recherche aucun rapport avec les autres. C'est un insociable des plus extrême. La seule chose qu'il pourrait à la limite rechercher est l'amour paternel. Un amour et une reconnaissance qu'il pourrait chercher dans son rapport de soumission à son dieu. Il ne connaît ni l'amitié ni l'amour ni la camaraderie. Les liens qu'il a avec autrui sont forcés par son service à sa divinité. En soit il s'écrase devant tout et tous n'aspirant qu'au néant, qu'à sa mort spirituelle. Il n'en demeure pas moins d'une obéissance absolue et fera son possible pour obéir au mieux aux tâches qui lui sont confiées.