l'intendant digne d'un roi

Elle n'y arrivera pas. Il le savait bien, mais il avait pour principe de donner sa chance à tout le monde. A elle de ne pas le décevoir. Laisser sa chance à quelqu'un lui permettait de voir à quel point l'humanité pouvait se montrer intéressante. On pouvait aussi prétendre que la première chance donnée à un humain était celle d'être en vie. Il n'était pas spécialement d'accord avec ce principe-là. On ne choisit pas de naître, pourquoi nous donnerait-on une chance ? A croire que la vie est une chance. Il pensait que c'était le contraire. La vie en elle-même est un fardeau. Obligé de subir les déboires de ses sentiments, des sentiments des autres, obligé de faire les bons choix, de suivre les bonnes personnes, d'être l'exemple de l'humain parfait... et quand bien même la perfection habite cet habitant de la Terre, il n'est pas exclu que le jour du Jugement Dernier, il ne finisse par rôtir en Enfer en compagnie du Seigneur du monde des morts. Alors qu'on ne vienne pas lui dire que la vie valait la peine d'être vécue. Grosse connerie, ça encore.


Mais dans sa grande mansuétude, il lui a laissé l'opportunité de l'impressionner, bien qu'il sût d'avance qu'elle allait être décevante. Parce qu'il en était de même pour tous les êtres peuplant cette Terre à la con. Pas un seul n'était capable de relever le niveau. L'humanité ne servait à rien, et c'est pas aujourd'hui qu'il allait penser le contraire. Justement, à chaque seconde qui s'écoulait, il devenait de plus en plus haineux du genre humain. Mais il avait fait une promesse, un pacte avec un Olympien : celui de ne pas attenter à la vie humaine, directement du moins. S'il tuait de ses propres mains les femmes et les enfants de ce monde, il romprait le contrat établi... Et ça, il ne pouvait pas se le permettre. Sa propre existence était le fruit d'un contrat. Chercher à le rompre anéantirait entièrement sa vie. L'esprit du divin Deimos détruit (ou du moins emprisonné quelque part) en était la preuve. Tout le monde pensait que Deimos avait perdu face à la puissance d'Eths. D'un point de vue purement théorique, c'était le cas. Mais la réalité était toute autre. Il s'agissait-là d'un contrat passé l'un  avec l'autre. En l'échange du corps originel et de sa puissance et de son total contrôle, Eths promettait quelque chose que le Dieu de la Terreur ne pouvait refuser. Mais qu'on se rassure : Il reviendra. Parce que le contrat avait une date écrite à l'ichor.


Il laissa son héraut vaquer à ses occupations. Il n'était pas un Dieu qui souhaitait tout contrôler. Ses sujets pouvaient entreprendre ce qu'ils voulaient. A condition que leurs actions n'amènent pas la honte sur sa divine personne. Ca, il ne le pardonnerait pas. Adonaï avait le pardon facile à quiconque avoue ses fautes. Mais, il ne fallait pas que ça l'atteigne. Il avait du mal à passer outre ce genre de blasphème. Il l'avait laissé partir et s'était rassis sur son trône, situé à plusieurs centaines de mètres d'altitude, au-dessus d'un domaine qui s'étendait jusqu'à l'infini. La magie des domaines divins... Il ferma les yeux et se concentra sur ses prochains objectifs. Être calife à la place du Calife. Tenir le crâne de la divinité de la Guerre dans ses mains et le broyer, faisant gicler tout ce sang sur son visage, lécher chaque goutte rouge qui perlerait autour de sa bouche... Un rêve. Lui arracher le cœur et l'avaler goulûment, sentir les effluves de la Guerre et de la Destruction parcourir son estomac et le rendre plus puissant encore, plus malfaisant, plus... terrifiant. Il s'était endormi... Il parcourait cette splendeur qu'il créait par son imagination. Ce monde où il serait le seul Dieu, le Dieu Unique. Comme un pied de nez au grand Créateur, le Père de toute chose. Ses ailes noircies par sa déchéance n'existeraient plus... Il n'en aurait plus du tout l'utilité puisque toutes les divinités, tout l'Eden n'existerait plus. Cette cité d'argent aurait sombré dans le chaos le plus total, chaos dont il serait à l'origine... La corruption qu'il s'efforçait de combattre à l'aube de l'humanité avait eu raison de lui et il était devenu la corruption la plus pure jamais imaginée.


Il s'est réveillé, au plus profond de l'étreinte des pins gelés. Pas un lambeau de vêtements, mais il n'avait pas froid. Les bois enveloppaient son âme et sa perception se multipliait. Ses sens s'élevaient à l'extrême. Son cœur battait de plus en plus vite. Seul ce son était audible, si ce n'est les gémissements du vent à travers les arbres glacés. Les frontières de la chair humaine mortelle l'avaient abandonné depuis des millénaires alors il se renouvelait. Il avait rêvé d'une telle mutation pendant d'innombrables nuits d'hiver. Son essence, devenue celle d'une bête, l'énergie de la Terreur bouillait à l'intérieur de ses veines gonflées. Son but s'était manifesté dans ses rêves. Comme né sous une forme de loup, à la recherche de chair humaine dirigé par la faim vampirique... Désireux d'être baigné dans le sang d'un enfant, pour étancher sa soif avec des lambeaux de chair vierge, pour délivrer le monde de ses faibles mensonges. Envenimé, il était l'incarnation la plus noire qui ait pu être imaginée. Il referma les yeux, très fort puis les rouvrit. Non. Aucun arbre, aucun pin, pas le moindre vent, seulement une espèce de neige cendrée tombant d'un ciel grisé d'orages et de malheur. Était-ce une vision qu'il venait d'avoir ? Non... En l'espace d'une seule seconde, il avait vu juste : l'énergie de la Peur s'était manifestée. Même si Adonaï était également un Dieu, il n'en était pas moins le jumeau de Phobos. Leurs énergies, bien que différentes, avaient la particularité d'avoir un impact sur l'autre. Elles communiquaient. La Peur et la Terreur, réunies dans cette dimension, dans cet espace-temps. Se levant de son trône, il se laissa tomber en contrebas, offrant à tout son domaine un léger tremblement de Terre. Les deux frères, ou du moins le frère et la sœur se devaient d'être ensemble. Ensemble, ils pouvaient régner sur le monde. Ensemble, ils pouvaient tout accomplir... L'un apportant la destruction pure, l'autre apportant la corruption. Quel beau tandem ils feraient... Encore faudrait-il qu'ils s'entendent, ce qui n'était pas une mince affaire. Ils avaient des idéaux, des responsabilités, des volontés, des valeurs différentes... Deux frères, quoi. D'un pas décidé, habillé de sa plus belle tenue, un costume trois pièces taillé sur mesure, un gilet quatre boutons, une cravate nouée à la perfection, à la française, une serviette violet foncé qui sortait de sa poche avant, des mocassins Richelieu d'un noir de jais à la semelle rouge, apportant ce côté flamboyant à la tenue, une chemise assortie à la serviette, il prit la décision de rejoindre Phobos au temple suivant, celui d'Arès.


D'ailleurs, pourquoi avoir fait éclater son pouvoir dans le temple du "maître" des lieux ? Il cherchait à impressionner quelqu'un ? Peut-être appelait-il Arès ? Je la pose la question. Et je me chcrafouille la curiosité. Peu importe, finalement. L'important était que le "Temple" de Deimos se trouvait juste avant le Palais d'Arès. Quelle curiosité de la part du Dieu d'avoir voulu mettre son fils le plus rebelle et le plus éloigné de lui, au plus proche de sa résidence. Pour le surveiller, peut-être ? Ou pour, tel un étau, qu'il soit entre Phobos, le fifils à papa et Papa lui-même ? Trop de questions, si peu de réponses. Montant les quelques dizaines de marches qui menaient à l'intérieur du temple. Et il était là. Il avait posé son infâme derche sur le trône du Père. Il ne put s'empêcher d'afficher une mine déconfite. Il ne savait absolument pas comment réagir face à cette vision. Avait-il gagné ? Arès était-il en dehors de toutes les négociations pour que l'aîné soit sur le trône ? Est-ce qu'Adonaï avait perdu cette guerre familiale ? Ou bien le Dieu de la Destruction a-t-il élevé le Seigneur de la Peur au rang de roi du royaume ? Était-ce parce qu'Adonaï avait usurpé l'identité de Deimos et qu'à partir de cet instant, tous les efforts d'Adonaï était réduit à néant ? Ou alors le Maître de la Peur était devenu le Maître de ce royaume, devant le chef de son petit frère ? Ou tout simplement, comme il n'y avait personne, il en a profité pour goûter au doux plaisir d'être le Roi ? Il était rare de voir le Seigneur de l'Effroi dans l'incompréhension, lui qui avait la faculté de tout saisir, tout comprendre, tout anticiper. Le Maître de la Peur a-t-il réussi à réveiller une crainte dans l'esprit de la divinité ? Non, même lui, il en était incapable... Mais après tout, par le simple fait qu'il n'ait pas été présent depuis je ne sais combien de temps, Phobos était-il devenu plus puissant, plus fort, plus influent que son petit frère ?


La fin de sa maladie était-elle arrivée ? Non, c'était absolument impossible. Il avait gagné, c'est ça ? C'est donc ça l'amer goût de la défaite ? La défaite de tout, l'unique volonté d'en finir avec sa propre existence... Deimos n'était-il pas l'Empereur de la Vengeance ? Sa vengeance balançant une main lourde, écrasant la volonté de ce Dieu usurpateur, voleur de trône qui lui revenait de droit ! Où était-il pendant toutes ces années ? Où était-il quand Arès ne daignait même pas se présenter à ses guerriers ? Où était-il quand Poséidon revint à la vie ?! Il n'était pas là ! Il n'avait aucun droit d'être ici... Et dire qu'en partant du Temple de la Terreur, Adonaï voulait conclure une paix et un marché avec son grand frère... Toute sa volonté s'était envolé... Pour d'innombrables nuits d'hiver, il n'avait jamais osé cauchemarder d'un tel jour où il se verrait ramper sous un repaire tourbillonnant de douleur, face au sort de toute cette création, face à la chute de sa propre existence. Ce qu'il visait, c'était l'éternité. Il n'était pas venu là pour meubler, pour servir de pion. Il voulait graver son passage sur la Terre, dans cette dimension, dans cette temporalité, la seule qui le voyait devenir ce qu'il était aujourd'hui. Les étoiles brillent au-dessus de celui qui croit fort, si l'avenir paraît mauvais, qu'il repense à avant, qu'il repense au passé, comme il a peiné, comme il a lutté.

"J'ai pas envie de me perdre, mais je crois que je me perds quand même. Envie de sortir de la merde, mais qu'est-ce que je fais si je perds les rênes ? J'ai pas la tête à ça, mais si je me noie, oh aide-moi... Oh l'ambition ça donne des ailes... Mais si le plomb s'empare d'elles.... Mais j'ai peur de l'échec."


Il avait peur de perdre. Perdre un combat, on s'y fait. Là, il perdait tout. Adonaï avait un très gros défaut. Il avait tendance à surinterpréter tout ce qu'il entendait, tout ce qu'il voyait, tout ce qu'il sentait. Là, il faisait des plans sur la comète pour anéantir Phobos avant qu'il n'ait le temps de respirer, mais il était fort probable qu'à cet instant précis, Phobos se sentait particulièrement seul(e) et qu'en tant que seul divinité crédible du camp, il ait décidé de poser son cul là. En temps normal, Adonaï n'aurait même pas relevé cette action de son grand frère (par adoption), mais là, il n'était pas réellement en forme d'une part. Et d'autre part, il voyait en ce geste, anodin pourtant, toute une symbolique. "Je suis l'intendant digne d'un roi". Et ça, il avait du mal à l'accepter, et ce malgré l'affection (limitée, entendons-nous bien) qu'il pouvait porter au fils d'Aphrodite.


Non, il devait reprendre ses esprits. Il n'avait pas le choix. Qui serait-il, sinon ? Il n'avait pas bâti toute cette création pour s'écraser si près du but. Il n'était pas Icare à vouloir voler trop près du soleil et s'écraser comme une grosse fiente de goéland. Il se trompait sûrement. Ce qu'il croyait n'était pas la vérité. Il l'aurait senti plus tôt, sinon. Il n'était pas n'importe qui, il n'était pas n'importe quoi. Il était ce que l'humanité avait fait de plus ignoble, il était ce que les dieux avaient fait de plus terrifiant. Il n'allait pas s'écraser face à qui que ce soit. Il n'a pas ployé le genou face à Héphaïstos, ce n'est pas devant Phobos qu'il allait le faire. Son aura se fit assez menaçante, terrifiante, un concentré de haine pure. L'essence même de la Terreur était visible à travers les yeux bruns de la divinité, figure de proue de la troisième génération. Sa voix, d'un léger accent britannique très bourgeois, était sombre et teintée d'une légère sournoiserie.


"Fais comme chez toi, Phobos."


Une certaine ironie, dans cette phrase. Parce qu'il était chez lui, d'une certaine manière. Même si vous ne vivez plus chez vos parents, dès que vous mettez mes pieds à l'intérieur de leur maison, vous êtes immédiatement chez vous. De là à ce que votre père vous laisse vous asseoir dans son fauteuil, celui qu'il a modelé à son anatomie, celui qui est légèrement affaissé, du fait du gros bide de votre vieux. Dans tous les cas, ce n'était pas sa place. Il n'était pas là où il devait être. S'il voulait régner sur le Royaume de la Guerre, sur l'humanité toute entière, il devait se créer un trône qui lui était propre. Un trône unique, pas prendre celui d'autrui. S'il voulait jouer dans le symbolisme, la meilleure des idées serait de détruire devant tous les guerriers d'Arès le trône de ce dernier et d'en créer un nouveau à partir des ossements de la divinité remplacée. Du moins, c'est ainsi qu'Adonaï voyait les choses. Et il était fort à parier que Phobos imaginât la même chose s'il avait réellement l'intention de devenir Calife à la place du Calife.


"Assez plaisanté, mon frère. Ne reste pas dans son trône devant les invités qui ne devraient pas tarder à arriver ici. Ca enverrait un message de division à ces sous-merdes."


Il n'avait pas la langue dans sa poche, évidemment. Afin d'éviter que quiconque ne vienne les importuner ici pendant une probable conversation importante et confidentielle, il lui parla par télépathie. Une chose qu'il maîtrisait parfaitement. La Terreur fonctionne avant tout dans la tête d'autrui, et pour ce faire, il faut pouvoir communiquer sans aucune voix, n'est-ce pas ?


*Montrons que nous sommes ensemble... Pour le moment.*

HRP:

 Entrée du Royaume de la Guerre.

Le groupe arriva donc dans l’antichambre de la salle du trône d’Arès. Naama prit les devant, demandant aux marinas de rester dans cette pièce le temps que les deux femmes s’entretiennent avec les fils de l’Unique. Celestia avait senti, dès son arrivée, que Phobos n’était pas seul dans la salle du trône, l’énergie cosmique de son maître se faisait sentir particulièrement fort derrière les lourdes portes. Quelque chose n’allait pas, ce qui fit froncer les sourcils de l’Héraut de la terreur. Tout en s’approchant de la porte afin d’entrer s’entretenir avec Phobos, la cavalière d’Arès ne manqua pas de faire la remarque comme quoi son maître semblait particulièrement en colère. Celestia ne répondit rien, suivant sa camarade dans la vaste salle et son sang ne fit qu’un tour.

En effet, devant elle se tenait Phobos sur le trône de son Père. Deimos se tenait à ses côtés, cependant cette image eut le mérite de faire se poser des questions. C’était en effet son maître, avec elle à sa droite qui auraient dû être sur ce trône. Pas l’autre. Avait-il eu un combat ? Un affrontement ayant été gagné par la peur ? Impossible, Celestia l’aurait su. Cette fois, ce fut ses lèvres que la guerrière mordue discrètement pour se calmer. Pas étonnant que Deimos soit de mauvaise humeur si on lui avait volé sa place ! Quoi qu’il en soit, elle se garda de commenter quoi que ce soit, il y avait plus urgent qu’une dispute familiale. Pas qu’elle soit particulièrement ravie de se faire humilier à nouveau par les frères de la Guerre, cependant ils avaient des invités qui attendaient et il fallait leur exposer la situation rapidement.

Naama expliqua alors l’objet de leur présence dans la salle du trône, expliquant que les marinas étaient en train d’attendre pour rencontrer Arès. Suite à ses dires, la jeune femme laissa Celestia finir le rapport donc sans lui octroyer un sourire en coin.  A genoux sur le sol froid de la salle, Ifrit allait donc expliquer ce qu’il s’était passé lorsqu’elle avait reçu l’ordre de ramener Poséidon à l’Unique. C’était donc le moment tant attendu pour certains, car la curée allait être particulièrement délectable pour les fils d’Arès.

« - A l’époque, Arès m’a ordonné d’aller au Sanctuaire Sous-Marin afin d’inviter Poséidon à le rencontrer. Commença la demoiselle d’un timbre sans émotions. Jeune recrue, j’ai pris la demande de l’Unique comme un ordre. Etant spartiate, une combattante aguerrie, j’ai donc accepté cette mission en ayant la ferme intention de l’accomplir. »

Car après tout, les ordres de l’Unique sont absolu. Et comme Celestia l’avait dit, c’était une guerrière et elle se devait par honneur de ramener Poséidon sans se poser de questions. Elle n’était pas diplomate de base donc elle n’était pas disposée à en faire dans un claquement de doigts.

« - Du coup, une fois là-bas, expliqua Ifrit d’un ton solennel, j’ai expliqué au Général de Poséidon que l’Unique demandait que le dieu des Mers se présente à lui… Veuillez m’excuser pour cette erreur, à l’origine je pensais bien faire en essayant d’accomplir ce que souhaitait l’Unique, sans forcément me poser des questions sur la manière de le dire. Arès souhaitait voir Poséidon, j’allais le lui amener…Un ordre de votre Père étant absolu ici, cela prévaudrait sur  la diplomatie. »

Celestia omit le fait qu’elle avait fait une crise d’angoisse lorsqu’elle était arrivée dû à sa phobie de l’eau. Cela n’était pas important que cela se sache, si ce n’est que pour enterrer définitivement son honneur de combattante. Cependant, chacun en ce monde avait une faiblesse, ici c’était l’eau pour le Berserker de Smaug à l’époque. Quant à son erreur diplomatique, il fallut pas mal de self-contrôle pour ne pas dire qu’elle était une guerrière avant d’être une diplomate et qu’elle avait plus d’affinités à taper les gens qu’à parler avec, quant bien même elle était une ancienne reine de clan spartiate. Silencieuse à nouveau, le regard de Celestia restait au sol. Il était maintenant venu le temps des explosions et elle se prépara mentalement à encaisser les prochaines humiliations qui lui seront lancée à la figure suite à cette erreur de jugement de sa part.

Qu'on en appelle aux cendres de tous ces innocents annonçant la fin des temps. La fin du temps et de l'espace, dirons-nous. Ténèbres et cris d'agonie, dans son esprit, il l'imaginait supplier d'être à nouveau libre de ses mouvements, libre de pleurer, libre de sourire, libre de ne plus souffrir. Comptons les secondes... Une... deux... trois... quatre... cinq... six... sept... huit... neuf... dix... Il ne fallait pas moins de tout ce temps pour avaler ce manque total de respect de cet être inférieur. Non, il n'a absolument pas réagi à l'apparition de cette cavalière pâle. Non, il n'a absolument pas réagi aux erreurs commises par son héraut. En dix secondes, tout un tas de choses peuvent se passer. Comme si ces dix secondes devenaient dix années. Lentement, par petites saccades, malgré tout, la colère montait. La Terreur n'existait plus à cet instant précis. La honte l'envahissait, progressivement. Personne n'avait jamais osé l'envoyer chier de la sorte. Jamais personne. Même Héphaïstos, alors qu'ils se battaient jusqu'à la mort, faisait preuve de déférence à l'encontre du Seigneur de la Terreur. Il avait fermé les yeux, pour tenter de contenir sa colère. Phobos devait prendre son pied là. Il était assis, là, à la place qu'il cherchait à occuper dès qu'il avait mis les pieds dans ce royaume... Il avait pris la place qui lui revenait de droit... Il reconnaissait tout, par un esprit adolescent, toute la noirceur qui régnait ici. La noirceur émanait des deux êtres présents. L'amour fraternel n'était pas réellement au beau fixe ces temps-ci. Pouvons-nous d'ailleurs parler d'amour ? Après tout, ils étaient juste les fils de la Guerre et de l'Amour. Ils s'aimaient et se détestaient mutuellement. Éprouvaient-ils du mépris l'un envers l'autre ? Il n'y a que l'avenir pour répondre à cette question.


Il jouait avec ses sentiments. Phobos a toujours su être provocant et savait mieux que quiconque rendre Deimos chèvre. Même si dans les faits, Deimos n'était pas réellement présent, il n'empêche qu'Adonaï en était l'essence et partageait donc les souvenirs de la déité originelle. Il était fort, très fort. Contrairement à Adonaï qui, lui, était davantage dans la violence et dans la réaction directe à n'importe quel stimulus, Phobos savait rester calme. Parce que la Peur était plus insidieuse, elle savait se cacher, là, dans l'ombre de la vie elle-même, tandis que Deimos lui, était constamment dans l'agressivité et la brutalité la plus pure jamais imaginée par l'Homme. Phobos était la science tandis que Deimos était le sport. Tout dans les muscles, rien dans la tête. N'allons pas dire que Deimos était idiot, loin de là, mais Phobos savait mesurer les choses, mesurer ses propos.... et surtout, il savait cacher des choses. Il savait ne pas montrer ses sentiments, rester dans l'intouchabilité la plus totale. On ne pouvait à peine savoir s'il était en colère, s'il était triste, s'il était apeuré. Oui, pour le dieu de la Peur, c'était presque antinomique. Il n'empêche que comme tous les êtres divins, il était doué de sentiments et que comme la Terreur, la Peur pouvait prendre de nombreuses formes différentes les unes des autres. Adonaï prit une profonde respiration et rouvrit les yeux.


Seigneur, est-ce une épreuve ? "Sur la vie de ma mère j'me contiens parce que sur la vie de ma mère j'suis en train de me contenir", comme dirait une grande figure de l'intellectualisme du XXIe siècle. Il n'avait pas bâti tout ce qu'il avait bâti pour craquer à simplement deux centimètres du Saint Graal. Il fit le vide dans son esprit, difficilement, certes. Son aura avait du mal à suivre. Elle se faisait bien plus agressive, bien plus pesante qu'il y a quelques minutes seulement. Il fallait se laisser tomber et laisser la pression retomber mais rester réveiller et ne plus bouger. Ni les bras, ni les jambes, comme paralysé. Et bizarrement, c'est ce qu'il était à l'instant. Alors qu'il cherchait à se calmer, pour le bien de la diplomatie, pour le bien de tous les membres du camp ici présents, il était comme incapable de se libérer de cette emprise, de ce désir de vengeance. Il ne se souvenait pas comment se libérer lui-même de ça. Il se sentait mal. Une goutte de sueur perlait sur son front. Il ne faisait pas une attaque, il ne faisait pas une crise de panique ni de tétanie. Il ne contrôlait juste plus son corps. Peut-être avait-il eu les yeux plus gros que le ventre en s'accaparant le pouvoir du dieu Deimos ? Surtout à côté du frère aîné, Phobos... Eths n'était pas le meilleur concernant les choix tactiques. Il a tendance à rentrer dans le tas. Certes, à l'origine, il était, de toute façon, plus puissant que les dieux jumeaux, mais entre le pouvoir d'un être céleste quoique mortel était différent de celui d'un être divin immortel. L'essence était différente.


Son regard brun avait entièrement disparu pour laisser place à une couleur rouge qui ferait pâlir les flammes de l'Enfer. En une simple fraction de seconde, l'aura pure de Deimos était perceptible. Perceptible par son frère, naturellement, Naama qui avait connu les deux dieux jumeaux et Celestia qui, de par son rôle et son cosmos, pouvait reconnaître le véritable Deimos. Mais il n'a été là que le temps d'un instant. Malgré le contrat passé entre Eths, nouvellement Adonaï, Deimos n'était jamais réellement parti. Il restait là, tapi dans l'ombre. Il lui laissait le contrôle absolu, parce qu'il y trouvait son compte. Une lente réhabilitation du Seigneur Deimos allait se faire. Pas maintenant, évidemment. Mais elle va avoir lieu. Il attendra jusqu'au dernier souffle. En un sens, il se tenait là, derrière lui et il ne le voyait pas, telle la mort glorieuse qui frappe chaque guerrier au combat. Elle planait là, dans l'attente constante de voir quelqu'un manquer un coup. Une ombre sans visage qui restait tout au fond de son être, tout au fond du véritable corps de la Terreur. Une présence qui saisit d'une peur sans nom, une peur terrible, une peur extrêmement violente. Son destin deviendra obsolète quand le fantôme des damnés le possédera, quand les aveugles conduiront les aveugles. Car chaque homme, chaque être mortel est maudit jusqu'à ce qu'il meure, et tout ce qu'il savait ou aimait disparaîtra, inéluctablement. Le temps n'était pas encore venu de quitter le monde, de ce sommeil mortel dont il ne se lèvera jamais. Deimos avait une emprise sur lui, dans une bataille qu'il ne pouvait pas gagner.


"Sombre fils de p..."


Il laissa s'échapper cette injure. Avec la difficulté de se calmer, c'était obligé qu'Adonaï réplique. Il n'était pas du tout du genre à se taire, face à quiconque. Même face à Arès, qui lui était en tous points supérieur. Ce n'était pas dans son caractère. Mais il fallait faire avec... Il ne pouvait pas se permettre de lui éclater sa race devant tout le monde. Pour qui il allait passer sinon ? Pour qui ils allaient passer ? Certes, ce sont les dieux de la guerre, mais ils restent des dieux frères, jumeaux, et ne devraient pas se battre, surtout pas devant des ennemis potentiels. Ennemis, ils n'en avaient que le titre. De par ses nombreux voyages à travers le monde, Adonaï avait pu rencontrer plusieurs guerriers d'horizons différents. Il avait pu connaître Hogo Ewen, Ashram, Orion, Altia, Dio, Diana, Amalthia, Siegfried, Ragnar, Alfengard, Réa... et j'en passe. Les deux derniers étaient effectivement présents, dans l'antichambre du temple d'Arès, en plus d'être les meilleures rencontres qu'il ait pues faire. Il était étrange pour un être aussi haineux que lui d'avoir développé des sentiments sinon un attachement certain envers ces deux êtres. Il s'était battu contre l'un d'entre eux, et comme deux véritables guerriers, ils s'étaient rapprochés. Non pas que la haine attise le feu cruel de l'amitié, mais plutôt que lors d'un combat, on montre réellement qui on est. On est soi-même à 100%.



"Naama, quel plaisir de te voir de nouveau."


Il avait repris ses esprits. Il avait enfin pu accueillir cette nouvelle ancienne recrue. Son statut et son histoire étaient compliqués. Ne rentrons pas dans des détails qui vont perdre tous les lecteurs. Comme dit plus haut, Celestia était là aussi. Du coup, elle avait bel et bien résisté à la puissance de l'énergie de la Terreur pour devenir son héraut. Les effets secondaires pouvaient se faire ressentir plusieurs mois ou années après le changement. Personne ne ressort indemne d'un mélange de sang et d'énergie avec une divinité. Elle avait commis une erreur, prétextant que les volontés d'Arès étaient considérés comme des ordres par tout le monde. Elle n'était pas la meilleure en diplomatie, en effet. Arès avait mal jugé la situation en lui confiant cette mission, c'était certain. Après tout, on ne demande pas à une guerrière au sang chaud d'effectuer des missions diplomatiques. Faut être un peu con.


"Nul besoin de t'excuser, Celestia. Tu n'es en rien responsable de cette erreur. Tu as expliqué tes raisons. Si tu le souhaites, tu peux partir et vaquer à tes occupations. N'oublie pas que tu es libre."


Oui, la liberté était extrêmement importante pour Adonaï. Ses guerriers devaient pouvoir faire absolument tout ce qu'ils voulaient. A condition de ne pas mettre le dieu dans la merde à cause d'une erreur de jugement, ou simplement à cause de leur orgueil. Tout le monde sait que les Berserkers d'Arès ont un orgueil démesuré. Malgré la profonde colère et la haine extrêmement présente dans l'entièreté du temple du Dieu de la Destruction, il s'adressa aux deux demoiselles avec beaucoup de douceur dans la voix.


"Naama, obéis à Phobos, je te prie."


Il était du côté de son frère pour une fois : ce n'était pas à lui d'aller accueillir les guerriers présents à côté. Ni à Adonaï. Ils étaient des dieux, ils commandaient, ils n'avaient pas à s'abaisser à jouer les portiers ni les accompagnateurs. Chacun son travail. On ne mélange pas les torchons et les serviettes. Il but une gorgée de sa flasque qui contenait un alcool extrêmement fort et qu'on ne peut décrire ici, sous peine d'être catalogué comme contrebandier. Il remit sa flasque à sa place, à l'intérieur de sa veste. Il vérifia que ses boutons de manchette étaient bien ajustés et terminaient parfaitement ses bras. Les yeux du Seigneur de la Terreur étaient toujours d'un rouge vif, signe qu'il était encore en furie. Qu'on ne se fasse pas d'illusion : dès qu'ils seront seuls, il lui baisera sa race.

HRP: désolée pour cette mini-réponse ><

Un effet de surprise passa sur les traits de Celestia l’espace de quelques secondes. En effet, que cela soit Deimos ou Phobos, aucuns ne tient compte de son erreur. Tirons le champagne, le frère de son maître ne lui avait même fait l’honneur de lui lancer une pique pour lui rappeler son inutilité en temps qu’ancienne humaine. Si cela fut plutôt passé crème, la fameuse pique fut lancée à Adonaï, qui reçu très mal cette injonction d’aller accueillir les marinas. Il essaya longuement de ne pas se jeter sur Phobos, avant de demander poliment à Naama de se coltiner le rôle de portière. Si cela ne tenait qu’à elle, Celestia se serait jetée elle aussi sur le Dieu de la peur. Ce dernier se prenait trop pour le Roi, dommage que la présence des Marinas dans l’antichambre   les empêchait de régler leurs comptes. Heureusement que la vengeance se mangeait froide, ils auraient tout le temps de faire payer ce péteux plus tard.

Deimos allait devoir prendre sur lui, comme il essayait déjà de faire. Le pauvre, il n’aimait pas être pris pour de la merde, cela devait être difficile pour lui de ne pas faire regretter ses paroles à Phobos. Naama, quant à elle, décida d’obtempérer à l’injonction du fils d’Arès. Elle héla un serviteur, lui ordonnant de faire entrer les guerriers de Poséidon. Les trois protagonistes entrèrent alors à la suite de la jeune servante, tandis que Nereus se présenta aux fils d’Arès. Alfengard et Réa s’avancèrent également, présentant deux armes comme cadeau. Silencieuse comme une tombe, Celestia avait eu l’autorisation de se retirer, cependant ce qu’il s’était passé avant l’en empêchait. En temps que Héraut de Deimos, elle se devait d’être présente auprès de lui, afin de savoir ce qui allait se passer à présent. De plus, au vu de la situation particulièrement tendue, il était hors de question qu’elle s’éclipse alors que son maître ne se faisait pas respecter par le Dieu de la Peur…

Il ne fallait plus faire attention à ce personnage une seule seconde de plus. Perdre du temps sur ça... Quelle utilité, vraiment ? Absolument aucune. Le temps, même s'il n'avait pas la moindre importance pour une personne de son rang, n'était pas quelque chose qu'il fallait perdre, bêtement. Chaque seconde compte, chaque minute compte, chaque heure sur cette foutue planète de merde compte. S'attarder sur un "problème" X ou Y n'était pas quelque chose d'envisageable. Il en était parfaitement conscient. Après, chasser le naturel et il revient au galop. Surtout s'il est sur un cheval, et connaissant la taille de ses attributs, on pouvait le considérer comme un pur sang arabe. Bref, rentrons dans le vif du sujet.


La présence de trois Marinas. Même si Celestia avait commis une erreur en "ordonnant" à Posy chéri de venir immédiatement en territoire de la guerre, il n'était pas nécessaire d'envoyer trois généraux. Soit Poséidon voulait montrer une partie de son armée et ainsi prouver à Arès qu'il ne fallait pas le provoquer, soit il avait un sérieux problème de proportion et comme une petite bite roulant en gros pick-up, le Seigneur des Mers envoya ses plus puissants guerriers. Adonaï avait tendance à penser que c'était la deuxième solution la plus plausible. On connait l'orgueil et les chevilles enflées des dieux. C'en était légendaire. Adonaï pouvait le confirmer par sa propre expérience : il était d'une prétention, à en faire pâlir Apollon. Dans son ancienne vie, c'était bien là son péché. C'est le péché de l'Homme, quand on regarde bien. La tour de Babel en est l'exemple le plus criant. Comme quoi, Dieu a bien créé l'homme à son image. Rien n'a jamais été plus vrai.


Quel adorable visage ! Une mignonnerie si attendrissante... tellement attendrissante que le malaise présent dans toute la pièce se faisait moins pesant. Et en plus, elle venait avec un présent. Une arme... Une belle arme. Une épée... Pourquoi pas la lance pour lui ? Remarque, à part faire du javelot avec, il ne voyait pas trop l'utilité d'un piquet de grève. L'énergie qui s'en dégageait était spectaculaire, impressionnante. Même s'il s'agissait de l'invention de simples créatures mortelles, force était de constater qu'il s'agissait d'une ravissante oeuvre. Surtout quand c'était offert par une âme si merveilleuse que celle de la ravissante Réa. Adonaï saisit l'arme des mains de la Générale des Lyumnades et ne put s'empêcher de la remercier par le plus beau des sourires. Détaillant chaque trait de son visage, il s'attarda sur ses cheveux rappelant les mille et une merveilles de cet univers. Elle était la preuve que le fantastique, barrière mince entre le réel et l'irrationnel, existât.


"Tout le plaisir est pour moi, Sublime Réa."


Quel dragueur du dimanche ce gars, vindieu. Il répondit à son ami, Alfengard du Kraken par une petite boutade, rappelant leur première entrevue, celle qui avait déterminé le degré de leur amitié. Il était étrange, d'ailleurs, de voir qu'Eths, nouvellement Adonaï ait pu se faire des amis. Alfengard, Réa, Hogo Ewen ou Amalthia. Lui qui méprisait toute l'espèce humaine, ne se fiant qu'à la toute puissance de Mère Nature, création de notre Père qui est aux cieux. Que son nom soit sanctifié, soit-dit en passant. Son aura se faisait plus agréable qu'il y a quelques minutes. Non pas qu'elle était devenu douce et chaleureuse, mais il était fort notable qu'elle avait baissé en intensité et en cruauté pure. La présence de ses deux amis et de son héraut réussissait à calmer la nouvelle divinité, celle qui partageait le corps originel de la Terreur. Ce n'était que partie remise pour les "frères jumeaux".


"Effectivement, Alfengard. La dernière fois que nous nous sommes vus, une vie avait quitté votre royaume. La tienne a failli l'accompagner..."


Un rire franc s'échappa de la divinité. Et dire que ce jour-là, il avait buté deux personnes et il aurait pu niquer la troisième. Morrigan, Ragnar et Alfengard. Une journée bien remplie, comme on les aime. Ils devraient s'affronter à nouveau tous les deux, pour voir à quel point le Général du Kraken s'était amélioré. Il le sentait. Il sentait que le forgeron avait progressé, tant en puissance qu'en maturité. Etant une personne assez loquace, le voir être particulièrement discret prouvait qu'il était capable de s'adapter à toutes les situations. Surtout que, même s'il n'y avait aucune animosité entre tous les protagonistes, la présence des deux fils de la Guerre rendait n'importe quelle situation compliquée.

hrp:

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