[FB] Une expérience... étonnante ! [PV Seti]

Une petite brise effleura le visage du borgne qui en profita pour ajuster son couvre-chef. Abel avait insisté auprès de Ryuichi et du clan pour escorter cette cargaison de matière première avec quelques hommes, « simplement pour voir ». Et finalement c’était d’un ennui ! Aucune attaque de bandit, aucune rencontre digne d’intérêt mais ce n’était pas le pire. Le pire, c’était de devoir camper et d’oublier les auberges dignes de ce nom, auberges où il aurait été facile de se trouver une petite courtisane pour passer la nuit, soit dit en passant.

Enfin bref, le futur spectre de Méphistophélès se consolait avec les magnifiques paysages du Japon. Pour lui qui avait eu la chance de voyager régulièrement il n’y avait aucune comparaison possible avec son pays natal. Les cerisiers étaient en fleur et offraient d’ailleurs un indescriptible chemin de couleurs, ouvrant la route aux voyageurs. Un spectacle d’une beauté à couper le souffle, surtout pour les touristes passant dans le coin. Beaucoup se déplaçaient pour se régaler d’un tel tableau et même les natifs ne s’en lassaient guère.

Un peu plus sur la droite, le jeune homme pouvait voir de la fumée ou plus exactement de la vapeur s’élever, signe que des sources chaudes n’étaient pas très loin. La perspective de se relaxer en ces lieux était tentante, seulement, il n’avait pas le temps et ce n’était pas ces abrutis de Ronin qui allaient accepter de faire un petit détour. Pour ces semblants de samouraïs, il n’y avait que la mission qui comptait et rien d’autre. Pourtant, Abel était sûr qu’avec un peu d’argent, il était possible de les acheter. Sa main se posa machinalement sur sa bourse lorsque des cris à l’avant du convoi l’alertèrent.

« Une attaque, une attaque, une attaque ! » Murmura le japonais tandis qu’il accélérait le pas en direction de l’avant. L’excitation à l’idée de devoir se battre était bien présente et sa cosmo-énergie ne bouillonnait rien qu’à cette idée. Il se découvrait un petit tempérament impulsif sur le moment, sans doute à cause du contexte. Une fois à destination, il ne pouvait que constater que quelqu’un avait abattu les arbres, bloquant ainsi le passage. La seule solution consistait à faire un détour par cette plaine dégagée et entièrement recouverte de chrysanthèmes violets. L’endroit idéal pour un assaut.

« Allons-y… » Lança-t-il aux ronins ignorant au passage les mises en gardes de l’un d’eux. Il voulait montrer au clan qu’il pouvait être utile sur le terrain et ainsi commencer à se faire une réputation parmi eux. Gagner le respect de ces types pourrait devenir un réel avantage pour ses affaires. Et puis, il lui fallait bien montrer qui était le chef dans l’histoire.

Baillant à s'en décrocher la mâchoire, Setesh s'ennuyait fermement. L'ennui l'avait gagné tandis qu'il traînait au fin fond des Enfers. Les dieux étaient endormis, peu de spectres étaient éveillés, et les rares parmi eux en activité n'étaient pas spécialement d'une bonne compagnie. Ou intéressante. Quoiqu'il en soit, l'heure avait été venue pour lui d'aller s'amuser dans le monde des mortels. Cela n'était pas sans intérêt, bien au contraire. Le spectre, né il y avait plusieurs millénaires, en avait profité pour accumuler les expériences, les savoirs, les modes de vie, etc etc... cela incluant également les moyens de tuer. 

Pirate, assassin, et même sorcier à l'occasion, le vieux soldat des enfers paraissait aisément pour un démon aux yeux des simples mortels, un yokaï comme on les appelait dans cette contrée. Cela faisait un bail qu'il n'avait pas arpenté le sol nippon, et cela allait lui changer des grandes et désastreuses aventures en mer, sa plus récente carrière dans la piraterie s'étant dramatiquement terminé au fin fond de l'estomac d'un kraken. Tout le monde ne pouvait se vanter d'avoir fait goûter l'expérience d'un ulcère du bide à une créature légendaire, et cela n'avait beau être une première, il se passerait volontiers de ce genre de faits d'armes. Comme quoi, l'immortalité n'avait pas que du bon. Quoiqu'il en soit, il avait alors pour son escapade chez les mortels embrassé la carrière de bandit des grands chemins. 

Un métier sans risque, plutôt tranquille, et à moins de tomber sur un de ces sauveurs de la veuve et de l'orphelin, il allait pouvoir accomplir méfaits et autres joyeusetés du genre sans le moindre soucis. Et quand bien même un de ces éclopés d'Athéna se serait égarés jusqu'ici, la grande majorité d'eux ne pouvait se vanter d'être ne serait ce qu'une plaie au cul pour le spectre qu'il était. Même les trois légendaires Juges n'avaient pas le moindre autorité sur lui, c'est dire le morceau de choix qu'il était. 

Il ne lui a pas fallu bien longtemps pour prendre la tête d'une bande de bandits, massacrant sans grand peine son prédécesseur. Après avoir assis son autorité avec une petite démonstration de ses pouvoirs, Setesh se faisait obéir aux doigts et à l'oeil par les crapules qui constituaient ses sbires. Ce n'était pas des flèches, bien sur, l'intellect étant loin d'être une qualité possédée par ceux qui vivaient une telle vie, mais ils avaient au moins un bon instinct de survie. Ils n'étaient pas prêt d'oublier  comment il avait désossé l'homme qui avait refusé de l'accepter comme chef devant eux, ainsi que la petite illusion des plus macabres qui en avait fait fuir quelques uns, ces derniers hurlant au yokai ou à l'oni. 

Sa réputation était faite! 

Depuis, ils vagabondaient, pillant marchands et échoppes qui se trouvaient sur leur chemin, sans compter les jeunes femmes qu'ils "invitèrent" à quelques soirées. Certes, les bandits lui devaient une obéissance sans faille, et passé la terreur qu'il leur inspirait, ils avaient une bien meilleure vie maintenant qu'il était à la tête de leur bande. Mais cela devenait quelque peu monotone et facile de se reposer sur ses capacités hors norme, alors Setesh tentait de varier les plaisirs. Il avait ordonné à ses sbires d'organiser une embuscade, histoire de goûter un peu à la saveur du frisson d'un traquenard bien mené et de la surprise de la proie tombée dans le piège. Et puis, comme dans une boîte de chocolat, on ne savait jamais sur quoi on allait tomber! 

Setesh, ou plutôt Jakkaru comme il se faisait appeler, ce qui signifiait Chacal, laissait à ses hommes le soin d'organiser le piège. Si il s'en mêlait, où serait le plaisir? Au moins, en leur déléguant les sales besognes, il n'était pas à l'abri d'une déconvenue, d'un truc qui pouvait dérailler, histoire de pimenter les choses. 

Le spectre, qui était à moitié endormi, avait ouvert un oeil. Une sensation bizarre venait de le titiller. Comme si une présence non pas familière, mais qui sortirait du lot, n'était pas si loin. Haussant les épaules, cela n'était sans doute rien, peut être l'effet du manque d'exercices. 

Adossé à un arbre, ils attendaient depuis un petit moment déjà que des malheureux prennent ce chemin. Sa bande avait pris soin, lui avait on dit, de bloquer les autres sentiers. Il était dans leur intérêt de ne pas avoir foiré leur coup car si jamais ils avaient patientés en vain, le sang aurait sans nul doute coulé, réduisant des lors l'effectif du groupe. Mais cette fois ci, ils semblaient avoir réussi leur coup. 

D'un signe de la main, il avait stoppé son gars, lui faisant comprendre ce qu'il attendait. Le jeune homme, à l'allure plus pathétique que menaçante, n'avait pas l'air bien malin. Il trébucha pendant quelques secondes, aux prises de toutes évidences à la panique, et lui apporta enfin ce que son boss exigeait. Attrapant la bouteille de Sake avec une grimace, il lui fit signe de dégager tandis qu'il portant le liquide à sa bouche. 

Des cris éclatèrent tandis que ses hommes se jetaient sur ceux qui s'avançait dans la plaine. Pas bien malins, certes, mais ils n'en restaient pas moins des combattants corrects, pour des bandits néanmoins. Jakkaru observait alors, sous l'ombre des arbres bordant la plaine, le spectacle qu'ils allaient lui offrir. 

Les bandits ne tardèrent pas à tomber sur les Rônins du Clan Shumei pour le plus grand plaisir d’Abel. Sans doute trop sûr de lui le gamin japonais n’hésitait pas à s’amuser au milieu de ce champ de bataille alors que les bandits avaient clairement le dessus. Le borgne esquivait, donnait quelques coups de poings en réponse mais aucun KO, aucune attaque mortelle. Ses hommes prenaient une déculottés sévères et il remarque que les ennemis étaient particulièrement motivés, comme s’ils craignaient quelque chose. Il y avait bien un autre là-bas au loin en train de picoler sauf qu’il ne semblait pas avoir la carrure d’un chef, pas comme Ryuichi qui en imposait sévère.

Abel recula d’un pas esquivant par la même occasion un coup de sabre avant de mettre KO son vis-à-vis d’un coup de poing. Le malheureux s’effondra sur le sol, plié en deux et complètement abasourdi par la puissance de ce coup. Il n’y avait plus que deux trois rônins pour presque le triple de bandits. L’effectif d’Abel et du clan allait prendre un sérieux coup bien que pour le jeune homme ils ne méritaient pas de survivre. Il n’y avait pas de place pour les faibles en ce monde selon lui. Un bandit tomba ensuite rapidement puis un deuxième sous le coup de sabre d’un des rônins, sans doute remotivé par les coups d’éclat du borgne. Un des derniers rônins périt si bien qu’il ne resta plus qu’Abel, un rônin et un bandit encore capable de se battre. Les bandits furent presque repoussés mais à quel prix ?

« Bien j’ai envie de m’entrainer. »

La pupille mordorée d’Abel brillait d’un éclat que l’on pourrait qualifier de sinistre et une aura noirâtre se développa tout autour de lui. Le rônin tomba sur les fesses alors que le bandit hurla comme un beau diable en se jetant sur Abel. D’un geste, la main du futur spectre le traversa le torse de son ennemi pour se saisir de son cœur avant que le malheureux ne s’écroule quelques secondes plus tard. Quelle sensation agréable, ressentir la vie quitter cet organe petit à petit jusqu’à ce qu’il ne bouge plus c’était…. Agréable.

Il arborait désormais un facies de prédateur lorsque son unique œil se posa sur le rônin complètement effrayé par la situation. Sans hésiter une seule seconde, Abel l’attrapa par le col faisant tomber le chapeau de paille de sa victime avant de l’envoyer de toutes ses forces sur le dernier bandit encore en vie. L’autre qui pensait pouvoir se la couler douce et à s’alcooliser en attendant que les petites mains ramènent le butin.

« Et l’ami, si tu veux la marchandise va falloir se bouger un peu ! » Lança Abel en direction de l’inconnu. Toutefois, il pensait que cet homme devait être au-dessus de la moyenne ne serait-ce que par la crainte qu’il avait inspiré à ses hommes.

Observant le déroulement des choses, Setesh continua de bâiller, visiblement ennuyé par ce qu'il voyait. Rien de bien folichon pour un guerrier aussi averti que lui, alors il s'évertua à vider le saké pour qu'au moins il ait un goût agréable en bouche à défaut de pouvoir se délecter d'une bataille intéressante. Mais tandis que le temps passait, alors que ses hommes avaient visiblement le dessus, quelque chose le fit tiquer un instant. Cette sensation qui le démangeait jusqu'ici, comme un fourmillement qu'il pensait dû à l'ennui, revint de plus belle et s'exacerba jusqu'à ressentir un cosmos tout proche. Proche, mais brutal et surtout un cosmos qui semblait comme livré à lui, abandonné de tout contrôle. Une utilisation primaire et brutale, voilà qui était étonnant. 

Certes, il ne s'attendait pas à croiser la route d'un mortel sachant manier le cosmos. Ou tout du moins, qui en connaissait l'existence, car pour ce qui est de l'utiliser, Setesh connaissait des spectres terrestres plus habiles. Il regarda, l'air dépité, le garçon dont provenait ce sombre cosmos. Comme emporté par l'euphorie que devait provoquer le déploiement de son énergie macabre, le jeune arracha le coeur du bandit, s'extasiant de l'agonie de Yoshinori. Setesh quant à lui, semblait imperturbable et continuait de boire comme si de rien n'était, la scène le laissant complètement de marbres. 

Le guerrier ne devait pas l'avoir entendu d'où il était, Setesh gromelant dans sa barbe alors qu'il constatait le vide de sa bouteille. La jetant négligemment tandis que le garnement le provoquait, il se redressa lentement, attrapant le sabre qu'il avait récupéré auprès d'une vieille connaissance. Son haori rouge était sale, ne portant rien en dessous. Son pantalon grisâtre témoignait d'une vie pour le moins rurale et à l'arrachée tandis que ses pieds étaient tout simplement nus. Sortant de l'orée des bois, il présentait une allure pour le moins grotesque, si ce n'est pathétique, avec ses cheveux gris sales. Et si son regard était pour le moins aussi nonchalant que sa démarche, une lueur d'agacement faisait briller d'un éclat menaçant ses yeux carmins.

Loin d'être démonté, il se tenait là, devant le jeune héritier et le dernier rõnin, comme si de rien n'était. Puant le saké, et semblant sortir d'une sieste, son allure était pour le moins piteuse, mais en aucun cas il ne paraissait être inquiété par les deux guerriers. Ses yeux passaient de l'un à l'autre, son sabre posé sur son épaule. 

Abaissant l'arme toujours logée dans son fourreau, Setesh était pratiquement les bras ballants devant eux. Soudain, sa silhouette sembla alors comme paraître floue l'espace d'un clignement de l'oeil. Le temps que l'héritier le réalise, une gerbe de sang l'arrosa, tombant sur lui telle une pluie écarlate. Il n'y eût pas le moindre cri. Rien. A un instant, le rõnin était là, à ses côtés, et l'instant suivant, il tombait au sol, une plaie énorme lui traversant tout le poitrail. De l'épaule droite jusqu'à la hanche gauche, les entrailles de l'homme s'écoulaient dans un flot de sang alors que le corps tombait, inerte, au sol. La mise à mort avait été instantanée. 

Setesh tenait désormais son sabre dans une main et le fourreau dans l'autre. Ses mouvements avaient été si rapides et si précis, Abel n'avait rien pu voir. Une attaque portée quasiment à la vitesse de la lumière. Tenant la lame vers le bas, le sang coulait de celle ci, donnant l'impression qu'elle était si tranchante que le sang même n'arrivait pas à y rester. Relevant lentement la lame, le spectre la regardait, un plaisir certain dans les yeux.

Puis, son regard quitta alors la lame pour se poser sur Abel.

L'atmosphère sembla comme se refroidir, une obscurité recouvrant dès lors le ciel d'un voile d'ébène. Les myriades de chrysanthèmes violettes se fanèrent avant de pourrir littéralement sur place, ainsi que les corps, rõnins comme bandits, qui se putréfièrent en quelques secondes. Le champ était désormais un lieu aussi macabre que glauque. Des ombres se mouvèrent en silence, encerclant en silence le jeune héritier, des ombres canines menaçantes qui semblaient prêtes à lui sauter à la gorger pour le mettre en pièce. 

De l'individu qui avait surgit des bois, une aura mortuaire émanait de lui. Mais cette aura était telle qu'Abel allait avoir du mal à comprendre à quel point elle était intense. Froide, macabre, le cosmos d'Anubis était la mort même qui venait faucher toute vie. Se trouvant comme piégé dans l'oeil du cyclone, si Abel était puissant, le spectre qui lui faisait face était d'un tout autre niveau. 

Rangeant sa lame dans son fourreau, Setesh toisait d'une lueur mauvaise mais amusée le gamin qui se tenait devant lui, un gamin en proie avec un émissaire même de la mort. 

Pris au piège, les options d'Abel étaient limitées. Qu'allait il donc bien pouvoir faire? 

Ce type était certainement le chef de cette bande de rats mais il n’en avait pas l’allure. Réa disait bien qu’il ne fallait pas juger un livre à sa couverture, d’accord sauf que là le livre avait été dévoré par les bestioles ! Pieds nus, sale, vieux vêtements… non l’inconnu ne payait pas de mine. Abel ne bronchait pas, quelque chose clochait et n’était pas normal avec ce type. Bon nombre de ces malheureux que le borgne venait de tuer avaient plus de chance de représenter un véritable chef que lui. Il semblait agacé, normal en perdant sa main d’œuvre, Abel l’aurait été s’il ne pouvait pas compter sur le clan de Ruiychi. Les propos du type lui confirmèrent sa première intention.

« Si tu ne voulais pas que je les éclate il ne fallait pas me les envoyer l’ami. » Déclara le borgne tout en restant sur le qui-vive. Il ressentait quelque chose vis-à-vis de cet homme mais quoi exactement ? Une étrange sensation comme si son sixième sens l’incitait à se méfier plus que de raison. Abel n’était pas à l’aise alors que pourtant ce type mal lavé n’avait rien d’exceptionnel en première intention. Mais pourquoi ? Peut-être l’odeur du saké bon marché comparable à de la pisse de cheval ?

Le futur Méphistophélès eut déjà un premier élément de réponse avec cette attaque éclair mais néanmoins puissante sur le dernier rônin encore debout. Dire qu’il comptait l’exécuter… dommage. Abel tourna la tête pour mieux observer le malheureux ainsi que la plaie ayant conduit à sa mort. Sur le coup, il avait été tué sur le coup. Mais où se trouve l’intérêt de la mise à mort si on ne peut pas faire souffrir sa cible ? Et cette histoire de second ? d’où ça venait ? Affichant un sourire de façade malgré les questions qui commençaient à lui tarauder l’esprit il entreprit de répondre :

« Mais la place de second me va très bien mon ami. Assez haut pour déléguer les tâches subalternes et juste en dessous pour éviter les responsabilités et les prises de décisions. Fou est celui qui souhaite prendre la place du roi. »

Lui il visait tout autre chose en réalité : La place des dieux.

L’atmosphère changea, les fleurs et les corps pourrirent rapidement offrant ainsi un spectacle morbide des plus étonnants.

« Magnifique. » Laissa s’échapper Abel qui venait de comprendre qu’il avait un éveillé en face de lui. Un peu comme Ryu… non beaucoup plus haut que Ryu. Ce type avait une puissance qu’il n’avait jamais senti auparavant. Avait-il rejoint une faction ? Clairement il n’était pas du Sanctuaire et des fameux chevaliers plaqués or. Rien que son aura lui paressait incompatible. Encerclé, le borgne était dans une mauvaise posture sauf que si l’inconnu voulait le tuer, il aurait très bien pu le faire plus tôt. A dire vrai il n’aurait pas remarqué qu’il était mort avant que son cœur ne cesse de battre.

« Le premier coup tu te fous de moi ? Il est certain que tu vas me tuer aussi rapidement que ce samouraï de seconde zone. J’ai peut-être tous les défauts du monde mais je ne suis pas cinglé. Enfin pas à ma connaissance. »

Il concentra tout de même sa cosmo-énergie jusqu’à un certain point pour s’envelopper d’une aura ténébreuse espérant ainsi limiter les dégâts du piège en cas d’attaque.

« Bon et si je te disais que je suis capable de te fournir un saké au moins dix fois supérieur à cette pisse que tu sembles apprécier… » Il faisait un cercle avec ses doigts désignant le piège. « Euh tu pourrais m’apprendre à faire ça ? »

Ce petit plaisantin ne savait pas encore à qui il parlait. Tuer trop vite? Il semblait pourtant à Setesh qu'il avait laissé une proie en vie, histoire justement de jouer un peu avec cette petite souris, souris qui semblait se prendre pour un lion. Et qui se méprenait visiblement sur ses intentions. 

Alors qu'il le menaçait, il apparut alors que  ce gus semblait vouloir le soudoyer avec du saké. Voilà qui était amusant. Ou pas. Setesh le regarda alors avec un air ennuyé. Il était toujours aussi hostile et méprisant même, considérant de plus en plus sa proie comme étant sans intérêt finalement. 

Haussant légèrement le ton, la différence d'attitudes était toutefois notable. Peu lui importait la qualité de l'alcool qu'il pouvait lui offrir, Setesh ne s'embarrassait pas de ce genre de détails lorsqu'il partait vagabonder de la sorte. Aux Enfers, il pouvait mettre la main sur tout ce qui se faisait de mieux, alors la proposition de ce blanc-bec le laissait complètement indifférent. Enfin, non, cela est mentir de dire que cela l'indifférait, disons plutôt qu'au-delà de l'inutilité du marché, il le prenait davantage comme une insulte, vu la façon dont il lui proposait. Encore, s'il l'avait supplié, s'il était en proie à la peur comme les innombrables civils qu'il avait déjà menacés, torturés et malmenés dans le passé, il aurait pu envisager la chose. Mais non, ce gamin semblait vouloir apprendre de lui. 

Une moue désapprobatrice se dessina alors sur le visage de l'antique spectre. 

Soudain, la meute funèbre du spectre d'Anubis se mirent à courir fougueusement vers leur proie, bondissants avec légèreté, prêt à déchirer le jeune noble. C'est alors qu'un poing se ficha dans sa figure, laissant un bleu particulièrement marqué, témoignant de la violence du coup. 

Sa meute était liée à son ancienne vie, une vie également faite de servitude il est vrai, mais davantage spirituelle que guerrière. Un vestige en somme, qui ne pouvait alors être enseigné à quelqu'un qui ne croyait pas, qui ne pouvait croire, et surtout qui n'avait jamais eu la foi en ces anciens dieux. Setesh avait manié sa meute de sorte à le distraite un instant, s'en servant comme leurre afin de frapper par surprise cet inconscient. Il allait lui inculquer la peur, celle que les mortels ressentaient quand ils faisaient face à un véritable messager de la mort. Mais ce coup n'était en réalité lui aussi qu'une feinte dont le but était de déstabiliser sa proie. Et avant qu'il ne puisse se ressaisir, tandis qu'il était encore à la proie conjuguée du choc et de la surprise, Setesh entoura la gorge d'Abel d'une main ferme et le souleva. Il était peut être petit, mais le spectre était fort, aussi fort qu'expérimenté. 

Son regard carmin plongea alors dans celui mordoré de sa proie alors qu'il serrait de plus en plus la gorge. Le rapprochait dangereusement du sommeil glacée de la mort, Setesh le regardait, savourant la lutte du gamin pour rester en vie, comme un poisson se débattait hors de l'eau. Les yeux rubis du soldat des enfers s'illumina alors d'un éclat surnaturel. Soudain, Abel fut alors submerger par des visions, d'innombrables scènes d'un passé sombre et tumultueux, emplis de drames, de morts, de guerre et de chaos. Il ressentait toutes les souffrances qu'avait connus le spectre d'Anubis, toute les expériences macabres, les morts qu'il avait subi, toutes les atrocités qu'il avait commis également, et elles étaient nombreuses. L'étendue de la noirceur de l'âme de Setesh semblait se déverser, dans un chaos sans nom, les scènes défilant sans ordre, se superposant même parfois. 

Puis, il balança avec force celui qui n'était qu'un gamin à ses yeux, l'envoyant bouler au sol avec rudesse. Si Abel l'avait trouvé expéditif, et bien Setesh allait lui inculquer ce qu'était une mise à mort, lente et douloureuse. Car il ne savait rien de ce qu'était le plaisir de retirer une vie, pas en comparaison de ce que le spectre ancestral savait faire.  

Bien sûr que le futur spectre essayé d'acheter son interlocuteur. Pour Abel chaque homme pouvait avoir un prix du moment de mettre le bon. Sauf que ce type en face de lui ne semblait pas d'accord sur le principe ou alors le borgne ne proposait pas assez. La meute du type commençait à se mouvoir en sa direction pour le dévorer. En garde Abel s’apprêtait à recevoir les serviteurs de son adversaire avant que le poing de ce dernier ne vienne s'écraser sur son faciès. Une diversion vieille comme le monde qu'il n'avait pas vu venir. Il recula de quelques pas avant de voir sa gorge enserrée par la main du type et de se faire soulever du sol.

"...."

Aucun son ne sortait alors de sa bouche, incapable de parler à cause de la forte profession exercée. A ce même moment il eut une sorte de vision voyant l'homme devant lui se battre, ses drames et ses expériences. Le type qui était en train de lui broyer la gorge n'était pas n'importe qui, très clairement.

La suite fut tout aussi violente puisque l'inconnu balança le borgne avec force sur le sol. Le choc était si impressionnant que le japonais crut tout d'abord avoir plusieurs os de cassés. La main sur sa propre gorge, il se redressa lentement pour de nouveau se remettre en face d'Anubis. Ce type avait un passé forçant le respect. Seulement Abel restait Abel....

"C'est bon t'as fini ? T'as montré que tu en as une grosse ? T'es content ?" Il marqua une pause avant de s’asseoir, croisant les jambes. Il allait certainement s'en prendre une autre, si ce n'est pire. "Tu peux m'apprendre à être plus fort oui ou non ? Avec des siecles d'expérience comme toi ce serait dommage de ne pas faire profiter les autres de ton savoir non ?"

Avec sa maigre expérience il était difficile pour Abel de comprendre la technique du type en face de lui. Le sabre semblait plus puissant que son porteur… non plus maléfique. A croire que ce gars sans allure détenait une relique divine ou quelque chose dans le genre. Le borgne essayait de garder son calme pour mieux appréhender la suite, ressentir l’essence des ténèbres de son tortionnaire. S’il survivait à tout cela peut être qu’il pourrait l’expérimenter à son tour. Abel se surprenait à penser qu’il était bien qu’Elyn ne soit pas présente aujourd’hui, ce diable au sabre d’ébène aurait pu en profiter.

Un cri de douleurs s’échappa malgré lui lorsque le sabre le transperça. Ce qu’il ressentait était pour le moins étrange. Il y avait tout d’abord une immense douleur bien sûr mais cette douleur était différente. Cela allait bien plus loin qu’une simple douleur physique. Abel avait mal bien au-delà de son corps déjà meurtri. Une attaque psychologique ? Non c’était encore bien plus profond que ça. La première douleur passée, il tenta de se redresser sans succès.

« Intéressant oui… » souffla le borgne avec un petit rictus sur le visage. Il allait avoir le droit à une magnifique séance de torture dont peut être pourrait-il s’inspirer à l’avenir.

Son tortionnaire ne comptait se stopper à une petite attaque non, il continua de le trancher à tout va provoquant une nouvelle fois de multiples cris de la part du borgne. Il faisait de son mieux pour serrer les dents, ne pas montrer sa faiblesse mais rien à faire c’était plus fort que lui. La douleur était trop forte, impossible de la surmonter. Il ne comprenait qu’à moitié les paroles de son adversaire, enfin si on pouvait encore lui donner ce qualificatif. Si duel il y avait il était à sens unique !

Quoi qu’il en soit, Abel ne comptait pas sombrer dans la folie si tel était le but de son vis-à-vis. Il avait bien trop de projets pour en rester là. Un nouveau coup lui arracha un nouveau cri bien plus rauque celui-là. Il venait de se faire clouer à même le sol pour le plus grand plaisir de ce sadique. Il comptait bien faire durer le plaisir d’après ses paroles. Entre deux souffles Abel lui répondit :

« Tu sais ce qu’on dit, plus c’est long plus c’est bon ! »

Et il lui adressa un clin d’œil de son œil valide avant de crier de nouveau, le sadisme de son adversaire montant encore d’un cran. Il ne se contentait que de remuer le sabre mais c’était assez pour provoquer de nouvelles douleurs atroces au jeune homme.

Le futur spectre avait néanmoins un mince espoir, un infime espoir qu’il accepte de le former. C’était ce qu’il déduisit des dernières paroles de son tortionnaire en tout cas. Il en voulait plus ? Alors il en aurait plus. Abel irait jusqu’à déchirer son âme pour accomplir ses desseins, bouleverser les dieux et leur hiérarchie. Il voulait que l’on se souvienne de lui, avoir un rôle à jouer dans tout cela.

Faisant de son mieux, il attrapa son bourreau par le col, profitant de la proximité. Une prise ferme, il donnait son maximum pour ne pas tourner de l’œil à cause de ce foutu sabre démoniaque. Et dans un effort presque surhumain il essaya tant bien que mal, à cause toujours, de ce sabre planté en lui d’asséner un coup de boule au spectre. Il y mettait toute sa hargne et sa volonté dans ce cou.

Mais avait-il réussi à le toucher ?