L'exil, premier temps...

  Le Sanctuaire

Voilà plusieurs semaines que j'erre aux alentours du Sanctuaire, jonglant entre partie de cache-cache avec les autorités du Sanctuaire, et cette volonté de revenir auprès de ma Déesse...

J'avais œuvré pour aider mes anciens frères d'armes et aucun d'eux ne m'avaient jugé... Même si je sais qu'il me voyait en tant que le Déchu, les derniers que j'avais croisé... Kristr, Délio, Stella... avaient eu la décence de me respecter...

Malgré mes dernières bonnes actions, le Grand Pope restait encore et toujours silencieux... Sa colère devait être infinie, je ne suis pas certain qu'il reviendra vers moi un jour... ou du moins qu'il me permette de revenir vers lui.

Je suis ainsi rendu à un état de manque... mon foyer, le contact des mes compagnons d'arme... ma Déesse... Restant dans les environs du Sanctuaire, je pouvais sentir son aura bienfaisante, apaisante... Elle restait une lumière qui me guidait dans les Ténèbres de ma cécité.

J'avais ainsi besoin de faire le point, de trouver un refuge afin de méditer, de pouvoir faire une introspection, comprendre réellement ce qu'il s'est passé, pourquoi en suis-je arrivé là... Un seul endroit me vient à l'esprit... là où tout a commencé, où j'ai débuté à apprendre... Le Temple de la Compassion... Oui, c'était décidé, j'allais regagner l'Asie, rechercher ma voie, essayer de Le réentendre, d'écouter à nouveau Ses préceptes.

A travers le Cosmos, j'observe une dernière fois les fluctuations du Cosmos qui composent le Sanctuaire, doux répit dans le Chaos de mon exil. Je souris... mais cette fois, je ne pleure pas... non, je m'en vais, décidé à devenir meilleur, à devenir quelqu'un d'autre...

Les jours qui suivent m'emmènent à un village reculé de la Grèce... Je suis choqué par la désolation qui règne ici... C'est une aura de Mort qui prédomine ici... que s'est-il passé... Les maisons délabrées sont trahis par le grincement des volets, le claquement de quelques portes mal fermées... Il y a quelques habitants, je le perçois, comme je sens leur regard se poser sur moi...

Ils sont méfiants, d'autant que par honte, j'ai décidé de porter un masque, sous mon chapeau habituel. Mon parchemin géant s'est terni dans mon dos, comme si mon énergie ne l'alimentait plus... Et ça faisait un moment que je n'avais sollicité mes amis du Plan Astral... Même pas envie d'invoquer le Passeur pour aller plus vite vers le Tibet...

Une aura attire mon attention... Elle est si faible... presque éteinte... Je décide m'approcher... Un enfant... emmitouflé dans de vieilles bicoques en lambeaux... Je le sens un peu sursauter lorsque je pose ma main sur son épaule... La faim, le froid, la maladie... le désespoir... voilà ce qui caractérisent ses émotions...

Je serre les dents... mon estomac se noue... encore et toujours cette colère tapie au fond de moi qui attend la moindre occasion pour me consumer... Non, tu ne m'auras pas ! Concentrant mon Cosmos de Vie, je l'insuffle dans le corps meurtri de l'enfant, et je sens déjà ses forces revenir... Je sors des plis de ma tunique un bout de pain et quelques fruits, et lui tends...

Il les prend et j'entends très vite des bruts de mastication, et sa respiration qui se régularise... D'autres personnes approchent de moi... Et je sens une certaine velléité de certains... qui souhaitent probablement me dépouiller de mes biens... pas peur vice, mais pas nécessité... Comment un Seigneur pouvait-il laisser son peuple dépérir de la sorte ? Devais-je agir comme nous l'avions fait au Japon ?

« N'ayez pas peur, je ne vous veux aucun mal, bien au contraire... Je suis peut-être en mesure de vous aider, si vous m'expliquiez quel mal ronge votre village... »

« Ce n'est pas bien dur à vo... »

Les mots s'étouffent alors que je retire mon masque, dévoilant le bandeau qui couvre mes yeux morts.

« Notre village est meurtri par la famine... nous n'avons plus rien pour nous, nous sommes régulièrement pillés ! »

« Pillés ? Il n'y a nul milice qui puisse arrêter les voleurs qui sévissent ici ? »

« Le... voleur ! Il agit seul, il est puissant, et ne nous épargne pas ! Ceux qui ont tenté de lui résister l'ont payé de leur vie... Nous ne pouvons rien faire, si ce n'est nous soumettre au moindre de ses désirs... »

« Je vois... Peut-être pourrais-je mettre un terme aux agissements de ce malfrat... Quelques indices qui pourraient m'aider ? »

« Je ne vois pas ce qu'un infirme pourrait faire pour nous... si ce n'est fournir un peu de ce pain à nos enfants... »

« Je vais tâcher de vous trouver des vivres et de faire cesser ses actes criminels à ce malfrat. Laissez-moi un peu de temps. En attendant, réorganisez le village, reprenez le travail. Si je ne parviens pas à le trouver... c'est lui qui me trouvera ! »

Prenant congé de mes hôtes d'infortune, je quitte le village. Je concentre alors mon Cosmos pour trouver une piste mais rien dans les parages, juste les traces d'un puissante aura, laissées il y a de cela plusieurs jours maintenant...

Je m'enfonce un peu plus loin dans les terres, à bonne distance du village... Je trace une ligne dans le vide, ouvrant une brèche sur le Plan Astral...

« Invocation cauchemardesque ! Le Détraqueur !! Trouve ma cible pour moi ! »

La créature chaotique hume l'air, et j'ai pris soin de bien choisir l'endroit, où stagne un résidu du Cosmos que j'avais déniché... Au bout de quelques secondes, le voilà à foncer vers le Nord-Est. Je m'efforce à le suivre de près.

Au bout de presque deux heures, le chasseur prend de la vitesse, si bien que je ne peux plus le suivre, il a dû trouver, c'était indéniable... Puis soudain, un éclat cosmique explose, et je ne sens plus la présence du Détraqueur... J'accélère encore, poussant les limites de ma vitesse... et je tombe nez à nez avec un homme d'âge mûre, je peux le sentir à travers le Cosmos ! Je pense qu'il me dévisage, car je sens son aura croître... il me voit comme une menace... et il a raison !!! J'intensifie mon propre Cosmos...

« Ah !! Voyez-vous ça !! Un Saint d'Athéna en personne pour venir me débusquer !! Vous n'avez rien d'autre à faire de par le Sanctuaire ? »

« Ce qui m'amène ici ne te regarde en rien misérable. Par contre, les exactions que tu mènes entachent la réputation du domaine d'Athéna. Les crimes que tu commets ne doivent pas restés impunis. J'ai toujours eu la réputation d'être clément, et aujourd'hui, je ne vais déroger à ces dires. Aussi, je te laisse le choix : quitte ces terres et ne reviens jamais, ne tourmente plus jamais les habitants du village voisin... ou alors,affronte mon courroux... »

Avais-je vraiment prononcé ces paroles ? Mon courroux ?

« Mes crimes hein... Je vois... Je ne vais pas perdre mon temps à t'expliquer. Vous autres Saints être trop têtus pour entendre raison. Bien, approche Chevalier d'Athéna, qu'on en finisse... »

« Ca tombe bien, je n'ai pas de temps à t'accorder justement. Tu as fait ton choix, j'espère que dans la vie qui t'attend après, tu sauras faire de meilleurs choix... »

Le combat que nous menons peut être qualifié d'épique. Nous combattons bien sûr sans armure et apparemment, l'homme qui me fait face a forcément été porteur d'une Cloth par le passé. J'ignore sa condition, mais ses attaques sont précisés, puissantes, acérées... Les secondes, les minutes défilent, et je dois l'avouer, je suis éprouvé ? Suis-je affaibli par la perte de mon armure, ou est-ce que mon adversaire est plus puissant qu'il n'y paraissait...

Pourtant, je parviens à sortir victorieux de ce combat... Mon ouïe aiguisée est attirée par le bruit de pas, plusieurs... Alors que je détourne l'attention, je sens une puissante vague d'énergie déferlée vers moi... J'ai juste le temps de dresser ma barrière cosmique pour l'intercepter que le guerrier est déjà sur moi... dans un ultime et vain assaut... Car mon poing, instinctivement serré, instinctivement frappé... vient de le traverser de par en par...

J'halète, car ma colère est grande... J'ai agi par réflexe... Jamais je ne l'avais fait auparavant, tous mes actes étaient réfléchis, même les plus discutables... Pourtant, j'avais achevé mon adversaire sans même contrôler le moindre de mes mouvements... Et j'en ai éprouvé une certaine satisfaction... Parce que j'avais éliminé un criminel ? Peut-être... ou peut-être pas...

« Papa !!! »

Une voix qui me fige sur place... Des personnes arrivent enfin... deux... non... trois... Une femme... et des enfants.... ? Ces derniers se penchent sur le cadavre de mon ennemi..... ?

« Oh non... papa... réveille-toi... faut que tu te lèves... papa... »

Leurs pleurs me glacent le sang... Je ne comprenais rien à ce qu'il se passait... Soudain... des petits poings me martèlent l'abdomen...

« Pourquoi !!!?? Pourquoi est-ce que tu as fait ça à mon papa !!! Pourquoi ?? »

Je reste-là... sans mot... figé dans le temps, dans l'incompréhension totale... Je sens un regard posé sur moi, plein de pitié, de haine, de chagrin, de douleur...

« Il était l'un des votre autrefois... Mais il a souhaité arrêter de se battre il y a des années, pour s'occuper de nous... Il ne demandait qu'une retraite paisible... et les habitants du village nous ont chassé... Parce qu'ils sont trop éloignés du Sanctuaire, qu'ils ne savent pas ce qu'est le Cosmos !!! Ils nous ont chassé par peur, nous considéraient comme des monstres !! Mon mari ne l'a pas accepté... Il ne voulait pas leur faire de mal... Il voulait juste un peu de nourriture... Il ne voulait pas s'attaquer à eux... Il n'a pas eu le choix... Il était... l'un des votre... »

Sa voix se perd dans sa souffrance, dans ses larmes... Je me retourne et me met à courir, vite, tellement vite, à en perdre haleine... Qu'avais-je fait...? j'avais agi pensant rendre la justice... mais quel était ce goût amer qui me faisait grimacer ? M'étais-je une fois de plus trompé ? Mon jugement restait-il si partial ? Si soumis à l'erreur ? Avais-je eu raison d'essayer de tromper Lucifer pour mettre le Sceau d'Ouranos en sécurité ? Avais-je eu raison d'emmener Kazuki et Poséidon dans mon sillage jusqu'à la Guerre aux Enfers, pensant protéger le Sanctuaire et par-là même l'humanité de l'éveil d'Ouranos ? Avais-je eu raison de me dresser face à Altia ? Face à Orion ? Je ne savais plus...

Je stoppe ma course et tombe à genoux... Ma respiration reste incontrôlée... jamais je n'ai été dans une telle transe... Mais que m'arrive-t-il bon sang ? Je tente de me ressaisir... et je me rends que l'air qui m'entoure m'est familier.... Le village... Combien de temps ai-je ainsi couru ?

Je les observais tous à travers les Cosmos... Ils étaient tous là, à s'affairer à redresser un peu le village, comme je leur avais conseillé... Pauvres brebis... vous veniez de me trahir ! Comment avez-vous osé me tromper et me forcer à tuer un innocent...... un des miens...

Je me redresse... Je respire fort... Et je pénètre dans le village... d'un pas déterminé... Je la ressens une fois de plus, mais cette fois, je ne la repousse pas... Des habitants me voient et viennent vers moi...  Je peux lire leur joie de me revoir à travers leur aura... Pauvres âmes en peine qui avaient cru bon de me tromper...

« Etes-vous parvenu à éliminer le criminel ? »

« Le criminel... oui, il est mort... Mais dites-moi, qu était-il vraiment ? Pour vous ? »

« Un homme est venu il y a de cela quelques mois, avec sa famille... Il avait d'étranges pouvoirs... des sorts terribles et menaçants !!! Ce monstre voulait à manger !! Nous ne pouvons accueillir de tels atrocités dans notre village, c'est contre nature monseigneur, vous le savez, les Dieux eux-même les rejettent... »

« Monstre... atrocité... Dieux... Que savez-vous de ce qui se joue en-dehors de ces murs... Que savez-vous de ces... monstres ? De ces atrocités ? »

Ma voix se durcissait à mesure que je parlais... Je les sentais reculer, épouvantés par l'aura qui m'entourait maintenant... Mon cosmos, non plus doré, car je n'étais plus chevalier d'or...

« Vous... vous... êtes un monstre aussi... Vous voulez nous tuer ??? Non pitié, prenez ce que vous voulez, je vous en prie, épargnez-nous !! »

« Tout ce que je veux, c'est sentir le désespoir vous parcourir !! Vous m'avez menti !!! Vous m'avez forcé à le tuer !!! L'un des miens !!! »

Mon Cosmos explose..... Et je les sens courir dans tous les sens, fuir ma...... Colère !!!

« HAKURYU !!! »

Le Dragon Sacré, gardien du Plan Astral apparaît au-dessus du village, et j'entends les cris de terreur, je m'en abreuve... Jusqu'à ce que le silence règne de nouveau... Quelle paisible sérénité... plus aucun bruit... Hakuryu regagne son royaume... non sans avoir accompli son forfait, ce que je lui avais ordonné... Tout est si paisible... Je m’assois un instant pour sentir cette quiétude... Jusqu'à son odeur emplisse mes narines jusqu'à en avoir le nausée... La Mort... Dans toute sa quintessence... Des dizaines et des dizaines de morts... Je n'avais épargné personne... Non !!!!!.....

Je me relève d'un bond, en proie à une grande confusion.... Non... de la panique.... Je ne maîtrisais plus rien.... Je prends les jambes à mon cou !!! Je cours, à travers les bois, les sentiers battus, loin de ce lieu maudit... loin de tous ces cadavres.... L'écho de cette destruction massive ne tarderait pas à se faire connaître au Sanctuaire.... Il allait y avoir une enquête... ou pas.... Je ne sais pas..... Je dois malgré tout partir.... très loin d'ici.... personne ne doit jamais.... savoir..... Je dois rejoindre le Temple de la Compassion..... retrouver la paix intérieure..... Suis-je si ridicule ??? Non... oui.... les avis seraient partagés..... mais quel est le mien..... Je suis incapable de répondre à cette question....

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