Sous ses douces pattes, ta peau d'albâtre frissonne. La bête, aussi immonde soit elle aux yeux d'autrui, initie délicatement, gracieusement, son ascension le long de ton bras. Tu te redresses. Un sourire ourle tes lippes. Immonde aux yeux d'autrui, mais bien loin de le paraître aux tiens. Tes iris lumineuses se posent sur elle, celle qui jusqu'à maintenant a été ton seul réconfort. Tu lèves ton autre main, le cliquetis des chaînes brisant le silence, pour cueuillir ton araignée du doigt. Elle est ta seule compagnie depuis qu'ils t'ont enfermée là, dans ce trou miteux, si froid.
*Il arrive...*Tu attrapes Kumo, et la glisse tant bien que mal derrière toi, lui soufflant de ne pas se montrer. Tu rabats tes genoux contre ta poitrine, enfouissant ton menton derrière ceux-ci. Tu ne laisses plus paraître que des pupilles d'or derrière quelques mèches d'argent. Regard si innocent qui décèle pourtant une peur irréversible chez le géniteur qui entre dans l'obscurité. Il n'ose jamais croiser ton regard comme si ... il craignait d'être maudit. Il glisse une assiette d'étain, avec son pied. S'approcher de toi est trop dangereux. Tes yeux s'emplissent de larmes, ta voix tremble ...
"P-papa ... Je veux ... sortir ... J'ai froid ..."*Il ne te répondra pas ... Plus jamais. Qui parlerait à un monstre ?*Tu commences à sangloter. Tu n'attends aucune réponse de sa part, seulement le bruit d'une porter qui claque, laissant s'évanouir le peu de lumière que entrebâillement t'offrait. L'obscurité, encore, toujours. Et là, sur ton épaule, Kumo s'installe, comme pour te consoler.
[...]
*Il l'a tuée... Il l'a tuée... Tu es seule, toute seule... Avec moi !*La tête entre les mains, tu pleurniches encore et encore. Et pourquoi donc ? Pour cette simple petite araignée, accidentellement écrasée sous les pas précipité de ton géniteur. Tu n'es qu'une simple enfant, une enfant qui chouine pour pas grand chose ... Mais des autres gamines, n'émane pas cette aura sombre, ces volutes ténébreuses.
*Démon. Démon. Démon.*C'est ainsi, que ton père t'a appelé, la première fois que cette étrange aura t'a entourée. Et depuis, tu croupis là, dans ce trou. Mais le
grand jour est là. Et en ce jour, c'est ta mère qui te fait l'honneur de te visiter. Tu ressens sa peur, sa crainte, son angoisse ... Un seau d'eau chaude, un linge propre, elle te débarbouille de toute cette crasse accumulée, te répétant que nous allons te purifier. Comme si on le pouvait. Ils ne comprennent pas ce que tu es. Eux et leur esprit si simpliste. Pour eux, magie est synonyme de sorcellerie, de démoniaque.
Tes iris d'or embués de larmes, tu restes muette, profitant de ce peu d'attention que l'on t'apporte. Tu n'en as pas bénéficié depuis si longtemps. Petite idiote, comment peux-tu rester là, à rien faire, avec tout ce qu'ils t'ont fait subir ... Tu ne bronches pas, laissant ta génitrice coiffer ta crinière argentée, avec délicatesse, comme si tu étais une poupée de porcelaine ou plutôt ... comme si tu étais un démon qui pourrait l'engloutir à la moindre mèche arrachée.
*Sa peur ... Tu la ressens, n'est-ce pas ?*Elle pense que le Mâlin va te quitter. Moi, je ne suis pourtant que le fruit de ton imagination tordue, de ta pathologie mentale non traitée, non décelée. Une voix qui restera à jamais ancrée dans ta tête, pour te tourmenter, te torturer. Et le reste ... Ce pouvoir ... Quelqu'un te l'expliquera un jour, peut-être ?
C'est l'heure, ta mère te quitte. Tu es belle, dans ce yukata sombre aux éclats dorés. Ils ont mis les petits plats dans les grands pour la cérémonie. Tu restes indifférente à la scène qui se déroule sous tes yeux d'enfant, un regard désormais dénué de toute émotion, de toute innocence. Un prête, face à toi. Tes géniteurs, en retrait. A la fois curieux et effrayés. Vont-ils retrouver leur petite fille "normale" ? L'inconnu s'approche de toi. Tu ressens quelque chose chez lui, quelque chose de familier. Tu soutiens son regard tandis qu'il glisse délicatement un doigt sous ton menton.
"Intéressant ... Montre-moi donc ton pouvoir, jeune Akane.""Il y a ... un démon ... en moi ... Aidez-moi ..."*Comment oses-tu m'insulter de la sorte, petite idiote !*"Je vais t'aider."Inconsciemment, ton aura t'entoure déjà, depuis qu'il s'est approché de toi. Lui ne semble pas effrayé. Tu ne décèles aucune crainte émanant de lui. Il relâche ton menton, sommant à tes parents, si l'on peut les appeler ainsi, de s'approcher. Leurs pas sont hésitants, mais il finissent par s'approcher. Une lueur étrange passe dans le regard de l'inconnu, sa main se glisse sous sa toge, saisit ce qui semble être la garde d'un katana.
La lame fend l'air, une fois, deux fois. Les corps s'effondrent, sans vie, baignant dans une mare de sang à l'effluve si enivrant. Oui, tu aimes cette odeur n'est-ce pas ? Oh mais ... que se passe-t-il sur ton visage ? Pourquoi ... Pourquoi un sourire si radieux ourle-t-il tes lippes ?
*Que le spectacle commence.*[...]
"Un... deux... trois... Soleil !" Tes prunelles dorées fixent le corps sans vie.
"Oups, il ne bouge plus. Sensei ! Il va me falloir un autre jouet !"Un de plus, trépassant de tes mains maculées de sang, autant au sens propre qu'au sens figuré. Tes dents emprisonnent ta lèvre inférieure tandis que tu contemples ton oeuvre. Tu excelles désormais dans ton art ... L'art de la mort. L'art du sang. D'ailleurs, en parlant de sang ... Tu t'agenouilles, ton pouce cueuillant une perle rubis que la pointe de ta langue vient déguster. Tu savoures le liquide de vie de ta victime, ce goût métallique qui te procure une sensation de puissance, de plaisir intense. Un rictus malsain s'empare de ton visage.
*Continue donc, jolie poupée.*"Oh, je ne suis pas une idiote, aujourd'hui ?"Tu lâches un léger rire, cristallin. De l'extérieur, on peut te voir parler seule, entretenant ta folie désormais acquise et bien ancrée en toi. Tu n'es plus seule, et pourtant, je suis toujours là, au fond de toi, dans ton esprit, dans ton coeur - à supposer que tu en aies encore un. L'organe de vie, oui, mais qu'en est-il de ce symbole d'émotions ? Il n'existe plus. Une coquille vide, se délectant de la peur, de l'horreur, de la mort ... S'amusant avec autrui, le séduisant avant de le poignarder là où la douleur sera la plus insupportable, le torturant jusqu'aux supplications, jusqu'à ce que la faucheuse ne vienne s'emparer de ces malheureux pantins qui sont tiens.
Un monstre, un véritable monstre. Ce n'était pourtant pas ce que tes imbéciles de géniteurs auraient voulu. Tu es devenue tout ce qu'ils souhaitaient éviter. Et tu en es si fière ...
"Akane ! T'as encore foutu du sang partout ! Je t'ai pourtant demandé de t'amuser dans la propreté, t'imagines un peu combien m'a coûté ce tapis ? Pfff ...""Bla, bla, bla ..." murmures-tu avant de t'exprimer à haute voix.
"Il était moche de toute façon. Je n'ai fait qu'y ajouter ma touche personnelle."Amusée, tu te retournes avec grâce, t'inclinant face à l'homme qui t'a recueuillie, qui t'a tout appris. Homme qui ne lésine pas sur le saké, d'ailleurs. Il secoue la tête, de dépit avant de se détourner de toi. Tu penches la tête, l'observes. Tes iris d'or se posent sur la garde de son arme. Ce katana ... Il sera bientôt à toi. Et tu lui porteras le coup de grâce avec sa propre lame. Maintenant que tu maîtrises tes ombres, à quoi pourrait-il te servir ? A-t-il conscience que l'élève a désormais surpassé le maître ?
[...]
Des bougies parsèment la pièce, brisant la pénombre de celle-ci. La nuit est là, il ne va pas tarder à rentrer. Ta crinière argentée, tressée, ramenée sur ta poitrine, dégage une délicieuse odeur florale. Douce, délicate. C'est l'image qu'autrui a de toi avant que tu ne les exécutes. Si belle, si fragile. Une rose aux épines meurtrières, acérée. Tu portes élégamment le yukata qu'il t'a offert. Noir aux dorures étincelantes, une manière de te rappeler ce qu'il a fait pour toi. Car tu en portais un similaire, ce jour où il t'a soit disant sorti de l'enfer, libérée de tes entraves. Tu réajustes ton obi lorsque tu entends le grincement de la porte.
*J'aime quand tu es si diabolique.*Tu souris à l'entente de ces mots, uniquement présent dans ta tête. Cette nuit marquera la fin d'une époque, et le début d'une nouvelle pour toi. Que prépares-tu ? Vile créature. Ceci n'est que la finalité d'un plan que tu élabores depuis des mois, depuis ce jour où tu as décelé ce regard désireux à la vue de tes courbes généreuses. Tu n'étais qu'une enfant lorsqu'il t'a trouvée, une simple enfant. Désormais, tu es une jeune femme délicieuse, désirable aux yeux de tout homme, maîtrisant parfaitement ses charmes. Un art que tu as perfectionné par toi-même au fil du temps. Les hommes sont si bêtes, ne pensant qu'avec leur "outil de plaisir".
"Akane ? Qu'est-ce que tu fais dans cette tenue ? Et c'est quoi tout ça ?"Tu t'approches de lui, glissant l'un de tes doigts pour lui barrer les lèvres, lui signifiant de se taire. Ton autre main glisse sur ton torse de manière tendre et sensuelle. Tu le charmes du regard, le séduit par tes gestes, il ne tarde pas à céder. Quelques douces paroles sortent de ta gorge, ta voix est si enjôleuse, il ne peut résister. Et c'est ainsi, que tu t'offres à lui, sans qu'il ne se doute un instant de la raison. Il est si sûr de lui ...
[...]
"Les hommes sont si vulnérables aux charmes des femmes ..."Tu souris en l'observant. Sans défense, paupières closes, endormis. Tu t'extirpes lentement de ton étreinte pour te saisir du katana abandonné non loin. Tu découvres la lame, là où tu peux y observer le reflet de ton regard. Sadique, inhumain. Tenant fermement l'arme, tu te places à califourchon sur ta victime qui s'éveille lentement.
"Bonne nuit, Sensei ..."Tu lèves l'arme au-dessus de ta tête. Le supprimer grâce à sa propre arme a son importance pour toi. A peine eut-il ouvert les yeux, constatant la scène avec effroi que la lame lui perça la peau, traversant sa chair pour venir empaller son coeur. Tu es trop douce. Il n'a pas souffert comme bon nombre de tes victimes. Tu lui as accordé cette fleur. Ta peau d'albâtre est désormais maculée de son sang. Tu n'aurais certainement pas risqué de tâcher ton beau yukata. Il ne t'a fallu qu'un seul petit instant pour te débarasser de celui qui t'a tout appris, sans même une pointe d'hésitation ou d'émotion.
*Bonjour. Belle veuve noire ~*[...]
Un massacre. Tes corps jonchant sur le sol devenu mare de sang. Ta peau, tes mèches d'argent, tes vêtements sont parsemés de tâches carmines. Un sourire malsain ourle tes lippes, comme à chaque meurtre commis. Tu es si belle, jolie Veuve Noire. Tu fermes un instant les yeux pour humer cet air chargé de mort et de sang. Quelque chose attire ton attention, une puissance bien supérieure à la tienne. Tu poses les yeux sur cette femme, à la prestance inébranlable. Et c'est ainsi que tu devins Akane, la Tisserande de l'Horreur.