[Quête de camp - FB - Le Fruit Défendu - Sujet Principal]

Cela faisait maintenant des heures que la longue caravane progressait lentement le long de la route enneigée. Elle était constituée de plusieurs long véhicules, chacun tracté par un quatuor de chevaux robustes. La joyeuse compagnie qui constituait la majeur partie de la troupe se rendait en direction du Grand Est, par delà l'Oural. Les artistes itinérants savaient que de belles soirées de spectacles et de festivités les attendraient de l'autre côté du grand continent. Mais pour l'heure, il fallait atteindre le bout de cette route et son prochain village : étape essentielle pour se reposer, se nourrir, ravitailler les vivres, et pourquoi pas donner une représentation festive. Cette étape s'appelait Nimiru : un village de paysans tranquille lové tout contre la plus grande forêt de Roumanie.

Parmi les voyageurs de ce convoi se trouvaient également d'autres âmes non membres de la troupe : on y trouvait des aventuriers, des amants en fuite, des vieux philosophes avides de connaissance, et même un barde. Tout du moins était-ce ainsi qu'Antéros s'était présenté. Vêtu d'une longue cape recouvrant l'entièreté de son corps, seules quelques mèches de sa chevelure de feu outrepassaient la protection offerte par sa capuche. Il était assis au sein de l'une des trois plus grandes caravanes transportant des passagers. Cette dernière était entièrement fermée et seules quelques ouvertures entre deux planches de bois laissaient apparaître les arbres enneigés environnants. A l'intérieur, l'ambiance était chaleureuse comme au sein d'une taverne ambulante, et seuls les chaos réguliers provoqués par l'irrégularité croissante de la route empruntée trahissaient le fait qu'il s'agissait d'une caravane mobile. Autour du guerrier divin dissimulé pour les besoins de sa mission : des artistes de la troupe ambulante ainsi que d'autres étrangers.

Antéros admirait paisiblement la lueur de l'une des bougies murales de la caravane, absorbé par la beauté et la sécurité que le feu pouvait prodiguer auprès des hommes. Lui qui venait d'un endroit où le feu symbolisait la survie, ici-bas il était le fruit du luxe et de l'opulence : pas moins d'une trentaine de lampes dans une caravane d'une vingtaine d'individus... Il fallait tout de même reconnaître qu'à l'allure du vent et de la neige à l'extérieur : ces bougies restaient les bienvenues. Dehors la nuit était tombée, et Antéros ne savait trop pourquoi, mais quelque chose le préoccupait vis à vis de la forêt qu'ils étaient en train de longer : une sensation de macabre, une odeur de mort...ou quelque chose de pire encore.

Tout à coup, la caravane stoppa, et bientôt des cris se firent entendre en provenance des véhicules à la tête du convoi. Des hommes en appelaient d'autres pour venir les aider. Curieux de cet arrêt impromptu, Antéros sortit de sa caravane pour rejoindre les hommes de tête, et découvrit avec stupeur la scène qui lui faisait face. La route était bloquée par ce qui restait d'un autre convoi, apparemment moins conséquent mais plus armé que le leur. Entre les caravanes déchiquetées, les chevaux éviscérés, et les cadavres humains à moitié décomposés : il était difficile de dire quelle horreur avait pu s'abattre sur ces pauvres âmes. Très vite les femmes et les enfants furent renvoyés dans leurs caravanes, et les hommes s'affairèrent pour tenter de repousser les débris, humains comme matériels, histoire de déblayer un passage au plus vite. Le vent froid soufflait assez fort et la neige tombante formait comme un voile opaque autour du convoi, et Antéros fronça les sourcils lorsqu'il sentit une nouvelle effluve morbide atteindre ses sens...quelque chose se tramait dans les ombres environnantes, le cosmos le lui soufflait, et déjà les cordes de sa harpe, alors cachée sous sa cape, vibraient. A côté du guerrier divin l'un des chefs de la troupe : un homme robuste du nom de Bunyan, le prit à partie tout en désignant l'un des cadavres :

"- A voir leur état, je dirais qu'ils ont été tués il y a environ deux ou trois lunes. Je me demande bien ce qui a pu leur arriver, mais je n'ai pas envie d'être là pour le match retour, dégageons-ça vite fait et déguerpissons. Le village de Nimiru n'est plus qu'à une petite demi-heure de route. D'après ce que je vois ça devait être un convoi religieux...sainte mère de dieu !"

Tout en se penchant de plus près sur le cadavre, Antéros fronça les sourcils et répondit à Bunyan :

"-  Pas un convoi religieux, mais un convoi sous la protection d'un dieu. Je connais ces uniformes et ces signes. Il s'agit de soldats du Sanctuaire. A en juger par leur effectif ils étaient en mission...je dirais même qu'ils devaient transporter quelque chose de précieux dans cette caravane là-bas."


Bunyan n'eut pas le temps de répondre qu'un effroyable hurlement lui glaça le sang ainsi qu'aux autres, en provenance de la forêt. La tension monta d'un cran en une seconde, et les hommes commencèrent à crier, à décamper, ou à s'armer pour les plus courageux. De sont côté, Antéros se redressa et demeura sur sa position : que le qui-vive. D'autres hurlements se firent entendre, cette fois-ci partout autour du convoi. Les choses se compliquaient : l'attaque était imminente...mais par quoi ?

[HRP : Je vous laisse embrayer, en supposant que vous faisiez partie de ce convoi. Construisons-ensemble une belle histoire d'horreur^^]

Tout s'était passé si vite. En quelques fractions de seconde, une horde de bêtes aux hurlements aussi violents que leurs griffes et crocs s'était mise à déferler sur le convoi. Elles émergèrent des bois bordant la route bloquée, visiblement galvanisées par un assaut frontal qui avait été préparé. Quelques secondes avant, Antéros avait été pris à parti par une femme, visiblement une guerrière, et pas n'importe quelle guerrière, puisqu'il s'agissait d'une Ase. Eta n'avait pas ressenti sa présence jusqu'alors, trop centré sur cette étrange aura cosmique émanant de l'ombre de cette forêt. Elle s'adressa directement à lui, visiblement peu rassurée par la menace qui pesait sur leurs frêles épaules, avant d'aller revêtir son armure. Antéros lui lança un fin sourire : elle était l'une des sept tout comme lui...une alliée inespérée en de telles circonstances. Il eut tout juste le temps de lui rendre la pareille avant que l'attaque n'éclate enfin :

"-  Antéros d'Avnor, guerrier divin d'Eta. Nous n'avons guère le temps de converser plus, ils arrivent, et ce ne sont pas de simples loups, prends garde."

Bien qu'il ne le montra point, le guerrier divin était surpris de la réaction amicale de sa comparse. Après tout, il était Antéros et son nom était plutôt connu en Asgard. Les autres guerriers l'évitaient en général, se méfiant de lui et de ses origines non asgardiennes. Mais cette femme ne semblait pas le connaître, et c'était sans doute mieux ainsi. La bataille s'engagea très mal pour les hommes et femmes du convoi. Les bêtes surgirent littéralement des ombres pour se fondre parmi leurs proies, et c'est avec une férocité sans bornes qu'elles entamèrent leur oeuvre, massacrant rapidement les quelques hommes armés qui se situaient au plus proche de la cime des arbres.

Rapidement, un loup géant bondit sur la position du guerrier divin, qui était toujours recouvert de sa longue cape. A l'instant où la bête lui arriva dessus, elle déchira l'immense cape en un coup de ses redoutables griffes, mais Antéros n'y était plus. Grâce à sa vitesse supérieure, le guerrier divin avait tout simplement esquivé l'assaut, et se retrouvait désormais dans le dos de son agresseur, armure apparente. Sa Lyre était prête, et déjà ses doigts jouaient les premières notes qui seraient les dernières pour cet étrange monstre. Des cordes cosmiques jaillirent de la terre tout autour de la bête et l'emprisonnèrent, avant que la terre elle-même ne finisse par l'ensevelir vivante. Un ultime hurlement confirma la fin brutale du monstre, qui fut broyé par les entrailles de celle qui l'avait vu naître, la Terre reprenait son enfant.

D'un rapide regard, le guerrier divin estima la situation de l'attaque : cela se présentait plutôt mal. Au niveau des caravanes les défenses étaient très limitées, et les êtres fragiles qui s'étaient enfermés dans les véhicules étaient encerclés par les monstres. Le bois et le fer de ces abris de fortune n'allait pas tenir longtemps : il fallait intervenir au plus vite pour éviter le bain de sang. Plus en avant, vers les débris du premier convoi qui avait bloqué leur avancée, il y avait plus de combativité de la part des quelques hommes d'armes, qui parvenaient à retenir quelques bêtes, mais la situation n'était pas non plus assurée. Ils finiraient tôt ou tard par être débordés et massacrés.

Tout à coup, un choc aux pieds d'Eta le tira de son analyse. Il écarquilla légèrement les yeux en constatant qu'un autre guerrier divin se battait lui aussi. Antéros crut reconnaître son armure sans pour autant pouvoir mettre un nom sur ce visage fin qui était en train de gémir suite au coup qu'il venait de recevoir. Il n'y eut pas de temps pour les présentations, car déjà un monstre aux crocs déployés bondissait en direction du jeune Ase aux pieds d'Antéros. D'une note bien placée sur sa Lyre d'Avnor, Eta invoqua une corde du sol qui attacha une patte de la bête in-extremis avant que celle-ci ne puisse atteindre sa cible. La bête était momentanément retenue mais pour combien de temps... Sans dire un mot de plus Antéros reprit la lutte en entamant une mélodie destinée à entraver un maximum d'assaillants : il laisserait aux hommes d'armes et à ses deux nouveaux compagnons le soin de les achever.

La bataille qui n'en était pas une se poursuivit dans le tumulte des esquives et des coups échangés. Evitant habilement tout corps à corps, Eta se contentait de créer des copies de lui-même pour berner un peu plus les monstres en les attirant vers des artifices. Quelque chose d'étrange chez eux attisait la curiosité du guerrier divin, qui ne cédait pas à la violence du combat et s'évertuait à analyser le plus calmement possible la situation. Elles ne se contentaient pas de massacrer les hommes, certaines d'entre elles enlevaient leurs proies avant de les traîner dans les bois puis de s'évanouir dans les ténèbres : un comportement des plus étranges compte-tenu de leur férocité apparente. Le taux d'enlèvements augmenta de plus belle lorsque des flèches tirées depuis l'autre côté de la route commencèrent à faucher les monstres en plein dans leur assaut. Les cris d'horreur des survivants se changèrent peu à peu en cris d'espoir.

"- Là-bas : les chasseurs de Nimiru nous viennent en aide !"

Cette aide était la bienvenue mais ne suffirait pas à redresser la situation. Tout en esquivant un autre de ses monstres, Antéros s'approcha de ses deux compagnons qui étaient eux-mêmes empêtrés dans les corps à corps bestiaux :

"- Il reste un groupe de ces monstres qui s'en prend à la dernière caravane, il faut que l'un de nous s'en occupe. Un autre devrait aller soutenir les hommes en tête du convoi pour dégager un chemin vers les archers. Quant à moi, je vais poursuivre les fuyards qui ont enlevé des hommes. Je vous retrouverai à Nimiru, alors nous parlerons."

Sans plus attendre, le guerrier divin s'engouffra à grande vitesse dans les bois sombres de l'épaisse forêt aux ombres menaçantes. L'un des points forts d'Antéros était son absence totale de sentiment de peur : il avait voilé cette dernière avec l'ensemble de ses sentiments d'homme pour parfaire son statut de guerrier divin au service d'un dieu qui, il le savait, n'était pas le sien, mais à qui il devait tant.

[HRP : Je vous laisse le soin de poursuivre dans ce topic à deux, Oro et Amalthia, Antéros s'étant isolé en s'enfonçant dans les bois. Vous pouvez donc enchainer les tours sachant que l'option de gagner cette bataille en bonne et due forme et de rallier le village de Nimiru pourrait être sympa, mais ce n'est pas une obligation vous êtes libres de vos décisions^^ Si vous avez des questions sur l'état du village ainsi que les PNJ importants que vous y rencontrerez, demandez moi je vous donnerai les détails par MP sans pour autant tout dévoiler, c'est plus marrant ainsi^^]

[HRP : Rappel, pour cette quête je suis Antéros d'Avnor, guerrier divin d'Eta.]

En sursaut, Antéros reprit connaissance en toussant une gerbe de sang qui alla s'écraser juste au dessus de sa tête. Juste au dessus ? Mais... Oui, le temps de comprendre malgré la vive douleur qui lui vrillait le crâne : il était suspendu à l'envers, fermement ficelé par les jambes et les bras dans le dos par ce qui semblait être des lianes. Un rapide regard douloureux tout autour de lui permit de constater qu'il se trouvait dans une sorte de clairière, une clairière assez sombre à vrai dire, même de nuit. Les souvenirs finirent par se ramener à lui. Il chassait ces étranges bêtes, des loups géants, au cœur d'une forêt qui avait craché la mort au nez et la barbe des pauvres gens du convoi en destination de Nimiru. Et tandis qu'il courait vivement après les agresseurs pour tenter de sauver leurs prises encore vivantes, il était tombé dans un vulgaire piège de trappeur et avait perdu connaissance. Quelle ironie ! Ainsi donc par ici les loups étaient les trappeurs et les hommes de vulgaires proies sauvages. Intérieurement le côté artiste d'Antéros ne pouvait que saluer cette symbolique inversée.

Mais pour l'heure, il devait se sortir de se guêpier, et au plus vite ! Sa Lyre n'était plus là, et son mal de crâne s'intensifiait au fil de son retour à la pleine conscience. Il avait reçu un très sale coup sur le crâne et était blessé. Sa protection divine n'avait pas été endommagée par le combat, mais sans sa Lyre à portée de ses doigts, il ne devait compter que sur ses capacités cosmiques. Fort heureusement, le guerrier divin n'en était pas dépourvu. Commençant à concentrer son énergie, il ferma les yeux en tentant d'isoler le sentiment de douleur du reste de sa condition physique. Peu à peu, une aura lumineuse se forma tout autour de son être : c'était le cosmos ! Toujours concentré, il intensifia son pouvoir vers ses poings liés, laissant son énergie s'immiscer dans les lianes qui le retenaient prisonnier. De l'énergie pouvait naître la chaleur, et de cette chaleur, il pourrait rompre ses liens. Tout du moins était-ce qui se serait passé si une voix sombre ne l'avait pas surpris et stoppé net dans sa tentative.

"- C'est inutile, jeune homme. Si tu te libères avant que nous n'ayons eu une petite discussion, sache que mes amis ne retiendront pas leurs crocs à ton égard."

Les yeux du guerrier divin s'ouvrirent aussitôt pour constater la présence de celui qu'il n'avait pas pu sentir approcher, trop concentré dans sa tentative d'évasion... une erreur de débutant, se dit-il, décidément il manquait de pratique du combat. Face à lui, un homme grand au regard couleur rubis, entouré de deux loups à l'allure normale vis à vis des autres bêtes qu'il avait affrontées jusqu'alors. L'homme semblait calme ainsi que ses loups. Mais très vite, les grognements sombres et bestiaux atteignirent les oreilles du guerrier divin, qui, en tournant douloureusement la tête, finit par constater l'ampleur de sa mauvaise posture. Tout autour de la petite clairière, des yeux monstrueux s'allumaient dans les ombres, bientôt rejoints par la lueur de crocs encore ensanglantés de leur dernier massacre. Les loups géants étaient là eux-aussi, s'approchant méchamment d'Antéros et de son mystérieux hôte. Ils avançaient d'un pas implacable, accompagnés de leurs grognements les plus menaçants vis à vis de celui qui avait tué plusieurs des leurs avec sa Lyre. Sa Lyre, Antéros devait la retrouver et vite, sinon son sort serait scellé. L'homme mystérieux reprit, d'un ton étonnamment calme malgré l'approche de tous les monstres. Il sortit alors de son manteau la Lyre d'Avnor : l'arme la plus terrible d'Antéros.

"- Peut-être cherches-tu ceci. C'est un très bel ouvrage, je me demande même si sa création ne m'est pas antérieure."

Puis se tournant vers tous les hommes-loups qui poursuivaient leur avancée macabre :

"- Il suffit ! C'est assez proche comme cela, vous allez finir par indisposer notre invité. Il n'est pas comme les autres et mérite quelques égards....particuliers."

Instantanément, les monstres stoppèrent et se calmèrent, se recroquevillant au sol tout en continuant néanmoins à fixer le guerrier divin avec hostilité. Antéros avait compris le message : s'il bougeait d'un iota (ou peut-être était-ce d'un Eta pour sa part), c'en était terminé de lui. Reprenant enfin tous ses esprits malgré sa condition des plus désagréables : il finit par s'adresser à son mystérieux hôte :

"- Qui es-tu et qu'attends-tu de moi ?"

L'homme afficha un sourire glaçant avant de reprendre :

"- Ah, enfin un comportement sage de la part d'un étranger...cela faisait bien longtemps. Qui je suis n'a que peu d'importance, mon nom ne te sera d'aucune utilité. Sache seulement que je ne suis pas ton ennemi, et eux non plus d'ailleurs."

L'homme aux yeux rouges désigna l'ensemble des loups géants qui entouraient cette curieuse rencontre. Antéros rétorqua, d'un ton calme mais néanmoins dédaigneux :

" - Vous venez de massacrer sous mes yeux hommes, femmes, et enfants... et vous voudriez que je vous traite en amis. C'est mal me connaître, je tiens les massacres en horreur."

Antéros savait de quoi il parlait, lui qui n'avait que trop bien connu le massacre autour de lui. Son peuple, sa famille, tout avait été balayé en un instant au nom de la guerre. Et pour couronner le tout, ses bourreaux en avaient fait leur fils d'adoption. Non, il était hors de question qu'il accepte une nouvelle fois d'embrasser le front de ceux qui avaient perpétré la mort, quelle que soit leur raison. C'était sans compter sur ce que l'homme allait lui révéler par la suite.

"- Les apparences sont parfois trompeuses, guerrier. Sache que nous ne sommes pas le pire des maux. Cela fait des siècles que je vis ici avec mes compagnons loups, et les relations avec Mimiru étaient pacifiques... du moins avant son arrivée."

La curiosité d'Antéros fut plus forte que son dédain pour celui qui lui parlait. Il demanda :

"- Son arrivée ? Cela aurait-il un lien avec cette caravane que nous avons trouvée sur la route ?"

Le sourire de l'homme s'amplifia :

"- Tout juste ! Ils sont arrivés il y a trois lunes. Des guerriers au service d'une déesse de l'ouest qu'ils appelaient Athéna. Au début, je me contentais de les observer. Ils étaient venus chercher quelque chose au cœur de la forêt, une chose dont j'ignorais l'existence jusqu'à ce qu'il la déterre, et c'est là que tous nos ennuis ont commencé. Aujourd'hui Nimiru est perdu, tout comme tes deux amis d'ailleurs, car s'ils ont atteint le village, ils sont déjà probablement sous en emprise."

"- Mais de quelle emprise parles-tu ?"

"- Je veux parler de leur "guérisseuse", Siré. Une jeune femme native du village qui a activé ce qui a été déterré par les étrangers. Depuis, la mort éternelle se répand tout autour du village. Chaque mortel s'y aventurant n'en ressort jamais plus, ou tout du moins pas sous la même forme. Ils ont l'air normaux, mais ce ne sont plus que des marionnettes au service de Siré. J'ignore quels sombres pouvoirs sont à l'origine exacte de cette œuvre macabre, mais ils surpassent les miens. Je sais uniquement que la guérisseuse tient ses marionnettes en leur proposant un étrange fruit qu'elle cultive dans le plus grand secret. Tout ce que j'ai pu faire pour endiguer cette menace, c'est créer ma propre engeance en capturant hommes et femmes qui s'aventurent trop prêt du village. Ces hommes-loups qui nous entourent sont sous mon emprise, et s'ils massacrent ou capturent tout ce qui approche du village tout en éprouvant chaque nuit ses défenses, c'est précisément pour tenter de stopper et d'annihiler la menace qu'il représente désormais."

Un silence de plomb s'installa dans la clairière, et même les hommes-bête avaient cessé leurs grognements, comme si la conscience collective gérée par cet hommes aux pouvoirs si étranges leur intimait de laisser Antéros à une profonde réflexion sur ce qu'il venait d'entendre. De son côté, le guerrier divin était interdit par ce qu'il venait d'entendre. Les paroles de l'homme ne pouvaient être contredites car tout pouvait trouver une certaine logique dans son discours. Mais d'un autre côté, croire aveuglément à une seule version de l'histoire serait stupide de sa part. Il fallait aussi qu'il puisse se forger son propre jugement sur cette délicate situation dans laquelle il s'était retrouvé malgré lui. A entendre son hôte, ses deux compagnons de fortune qui étaient aussi des guerriers divins étaient en grand danger s'ils atteignaient le village. Intérieurement, Antéros espéra que ce ne fut pas le cas, ou bien qu'ils sauraient se défendre en cas de piège. Quoi qu'il en soit, il ne pouvait pas rester là attendre sans agir.

Comme si l'homme aux yeux rouges avait sondé son esprit, il leva la main gauche vers Antéros, et immédiatement les lianes relâchèrent leur emprise, libérant ainsi le guerrier divin qui tomba certes lourdement sur le sol, mais qui se sentit instantanément en meilleure posture. Après tout il pouvait enfin se tenir droit et faire redescendre le sang qui commençait à sérieusement le gêner. A peine eut-il le temps de se relever que son hôte lui envoya un objet de l'autre main, qu'il rattrapa dans un réflexe moteur avant de se rendre compte qu'il n'aurait osé espéré la retrouver si vite entre ses mains : sa précieuse Lyre lui était enfin rendue, lui donnant ainsi l'opportunité d'en découdre avec tous ses agresseurs. Mais du statut d'agresseurs ils étaient passés autre chose, et l'homme qui avait fait le pari que cela soit le cas avait bien fait.

"- Tu es différent des autres mortels, tu as ce pouvoir, de même que tes deux compagnons. Tu as entendu ce que j'avais à te dire, maintenant que vas-tu faire, guerrier ?"

Antéros ferma les yeux et prit un air des plus sérieux. Il harmonisa son énergie avec celle de son instrument, et de nouveau la lumière de son cosmos apparût tout autour de son être.

"- Antéros... je me nomme Antéros. Si ce que tu dis est vrai je dois en avoir le cœur net, et tu pourras alors compter sur moi pour régler le problème une bonne fois pour toutes."

La messe était dite, le guerrier divin avait pris sa décision. Le village de Nimiru serait sa prochaine destination, mais pas avant d'avoir pu régler quelques menus détails avec ses hôtes.

Aux portes du village le calme semblait être revenu après l'arrivée des survivants de la caravane. Les hommes et femmes avaient été accueillis, ou plutôt cueillis selon les termes d'un contrat des plus sombres, ourdi par la plus terrible des vipères. La nuit était à présent parée du plus noir de ses manteaux, et même la lune semblait s'être refusée au spectacle macabre qui allait s'emparer cruellement des lieux. Etrangement, les gardes de la porte ne semblaient absolument pas atteints par la fatigue, ils étaient comme mus par une énergie surnaturelle. On leur avait demandé de garder la porte, et c'est ce qu'ils faisaient sans coup férir... seul petit bémol, ils ne gardaient pas le village contre les agressions extérieures, mais depuis l'intérieur : les ordres avaient été des plus clairs, cette nuit personne ne sortirait vivant de ce village.

C'était sans compter sur la fine mélodie qui commença à raisonner en provenance des bois non loin de la porte principale. Au début les gardes firent vole face armes bandées, tels des pantins qui auraient subitement reçu l'ordre de stopper net ce son dérangeant. Mais très vite, les armes tombèrent au sol. Le requiem leur était pleinement parvenu jusqu'aux oreilles, et l'arcane d'Antéros faisait son œuvre...en un instant, toute combativité s'en était allée, perdue dans les méandres de souvenirs déjà oubliés. C'était là le don de la symphonie d'Atarax, divinement bien joué par le guerrier divin d'Eta, dont la silhouette se montrait enfin. Tranquillement, il s'avança en direction de la porte et passa à côté des hommes d'arme, littéralement subjugués par la beauté et la tranquillité de sa mélodie. Ils ne pouvaient plus rien faire face à ce pouvoir : la Lyre d'Avnor les avait emmené bien loin, et de toute manière, leurs âmes avaient déjà pris le large il y a fort longtemps... pauvres victimes de la sorcière qui siégeait au cœur de cet infâme guêpier.

D'un geste d'une douceur infinie, et tout en continuant de jouer de sa précieuse lyre, le guerrier divin poussa la lourde porte en bois et pénétra dans l'enceinte de ce lieu maudit. Il n'avait plus besoin d'aucune preuve pour aller confronter celle qui devait très probablement déjà l'attendre quelque part au milieu de ces limbes improvisées : l'heure était au dénouement. A chacun de ses pas, les notes s'enfonçaient un peu plus dans les bâtiments du village. Rapidement, des lumières, accompagnées de grognements, puis du tintement métallique des armes et des armures : les pantins sortaient les uns après les autres pour venir "accueillir" leur invité. C'était sans compter sur le requiem que le dernier fils d'Avnor leur avait réservé. Ils sortaient, courraient, menaçaient de mort, et chargeaient leur cible...mais aucun ne parvenait à traverser les derniers mètres les séparant du bel Antéros qui, sans leur accorder le moindre regard, continuait sa progression, bientôt entouré de toutes ces âmes immobiles : victimes d'une paix qu'elles méritaient par dessus tout.

Le village n'était pas si grand, et rapidement le guerrier divin atteignit la place centrale, qui jouxtait le cimetière au sein duquel il savait pertinemment la trouver, la vile responsable de toute cette danse macabre. Au niveau de l'autre porte du village, des cris se faisaient de nouveau entendre, accompagnés par le hurlement des bêtes puis le bruit désespéré d'une bataille perdue d'avance. Les hommes loups attaquaient depuis l'autre entrée, mais contrairement à Antéros ils officiaient tout en violence et sans la moindre vergogne. Et pourtant, c'était bel et bien Antéros qui faisait là preuve du moins de pitié envers ces pauvres âmes. pour lui, ils étaient déjà morts, et rien ne pouvait s'opposer à sa volonté d'aller faire payer cette tragédie à la principale responsable. Tout en progressant entouré de tous ces villageois stoppés nets dans leur vaine tentative de le tuer, il finit par atteindre le cœur même du cimetière. Face à lui, un immense arbre aux branches plus sinistres que les enfers trônait fièrement, habillé de cadavres en décomposition et paré d'un étrange manteau d'énergie morbide. Au bout de ses branches, les fruits défendus se tenaient comme une insulte envers tout ce qui était bon et vivant. Antéros grimaça face à un tel spectacle : l'humanité était dont aussi pourrie que ces pommes.... qu'à cela ne tienne, il le savait déjà avant cette mésaventure.

"- Te voilà dans mon domaine, chevalier. Me feras-tu l'honneur d'accepter l'un de mes fruits en guise de bienvenue ?"

La voix féminine au timbre surnaturel attira aussitôt l'attention du guerrier divin, qui daigna porter son regard aux yeux rouges vers la femme qui lui tendait l'une de ses pommes. Elle portait une longue robe blanche détonnant parfaitement avec l'ambiance sombre de tout ce qui l'entourait. Son teint était aussi pâle que la neige d'Asgard et sa longue chevelure toute aussi blanche dansait tout autour d'elle. Elle n'avait rien d'humain...elle avait même quelque chose de divin : son cosmos était une véritable menace au sein du fragile équilibre énergétique maintenu par Antéros tout autour de lui. Mais qui était-elle ? Un sorcière ? Un démon ? Quelque chose de pire encore ? Les questions brûlaient les lèvres du jeune homme, qui finit par répondre, tout en poursuivant son requiem de plus belle, mais dont l'effet semblait totalement nul sur elle.

"- J'ai pris l'habitude de manger pour vivre, et non pour mourir. Je me dois donc de refuser votre offre. Sachez que je ne suis ici que pour vous arrêter. Je hais ce que vous avez fait ici, je hais ce qui transparait de vous. Et ce que je hais, je le purifie dans la douceur de ma musique. Mon prochain requiem sera pour vous, et il vous renverra définitivement d'où vous venez, qui que vous soyez."

Le ton parfaitement calme d'Antéros détonnait avec la violence de ses propos, et cela n'eut pour effet que de provoquer un rire aux éclats de la part de la sorcière. Elle daigna néanmoins lui répondre d'un ton ferme, accompagné d'un doigt accusateur.

"- Tu ne m'amuses plus, d'ailleurs tes deux amis non plus. Je dois néanmoins reconnaître que vous avez du cran pour oser venir ici. J'ai un petit quelque chose pour vous, un  présent que, contrairement à mes fruits, vous ne pourrez pas refuser. A moi, mes guerriers !"

Tout à coup, et sans qu'Antéros n'ait le temps de réagir et ce malgré sa grande rapidité, trois tombes émergèrent du sol déjà fracturé du cimetière. Dans un spectacle affligeant, les tombes s'ouvrirent, et une intense lumière s'en échappa, aveuglant le guerrier divin d'Eta, qui n'eut d'autre choix que de se protéger les yeux avec sa lyre, interrompant ainsi brutalement sa mélodie. Le charme était brisé, et les villageois commençaient déjà à revenir à eux, prêts à en découdre. Heureusement ou malheureusement pour lui, Antéros n'aurait pas le temps de s'opposer à eux. Car de l'une des tombes, surgit une silhouette à peine visible qui se mit à tourbillonner dans les airs telle une tornade avant de s'abattre avec une violence inouie sur sa proie. Antéros et le mystérieux ennemi s'enfoncèrent dans les méandres de la terre, disparaissant l'un l'autre.... un combat terrible s'y déroulerait...mais il restait encore deux tombes et tout un village sur le point d'en découdre avec les assaillants, hommes loups comme guerriers venus de loin. Siré...Siré, l'anagramme d'une divinité qui aurait mieux fait de ne jamais refaire surface...