Bienheureux sont ceux qui savent faire preuve de discernement.
D'un léger mouvement du visage, la voilà qui accorde l'importance qui est due aux mots prononcés par la jeune Valkyrie de lumière. Car... de lumière, en est-elle inondée. Chère enfant au coeur pur, à la loyauté sans faille, au courage sans limite. Elle saura guider les autres. Un jour viendra... où cette mortelle... deviendra immortelle. Mais cela... elle n'a pas à le savoir. Du moins pas pour l'heure.
Une lueur diaphane pourfend le ciel qui les surplombe, éblouissant la cime terne des arbres qui pleurent celui qui a rendu son dernier souffle pour protéger la Sagesse Grecque. Délicatement, son visage de neige s'élève vers la tempête qui ne semble pas s'apaiser. Une manifestation divine, sans le moindre doute. Quel qu'il soit, celui qui a la capacité de commander à la Lumière ne doit pas être pris à la légère. Mais tout vient à qui sait attendre. Et pour l'heure...
Aucune réponse ne sera apportée à ses questions. Un sourire aimable sera l'unique chose qui lui sera offerte. Pour autant est-ce déjà beaucoup... ce dont elle ne tardera plus à se rendre compte.
Ainsi se détourne-t-elle de la jeune femme à la chevelure dorée. Ses pieds nus foulant la glace qui se répand sur le sol, elle la guide en silence.
Jusqu'à ce qu'elles parviennent au pied de la cascade sacrée, aucun son n'avait passé la barrière de ses lèvres. Stoppant ses pas, Cyn se tourna vers Kara qui transportait toujours son fardeau sans émettre la moindre plainte. Comme si ce poids était sa rédemption... pour être arrivée trop tard.
La jeune femme à la chevelure aussi blanche que le fond de ses prunelles, leva le menton vers le ciel en colère. Un délicat sourire se dessina sur ses lèvres alors que ses paumes oscillèrent vers les nuages qui filaient à grande vitesse au-dessus de leurs têtes. Dans un étrange effet de miroir, la tempête nuageuse sembla se refléter au coeur de ses mains. Pour autant... cela ne dura que l'espace d'un battement de cils. Les paupières d'albâtre se fermèrent avec une lenteur presque irréelle. Aussi légère qu'une plume, et pourtant parfaitement audible, le doux timbre de sa voix parvint jusqu'aux oreilles de la guerrière.
« La Reine du ciel se doit d'apaiser le courroux de celui-ci, lorsqu'il devient incontrôlable »
A peine eut-elle achevé ses mots, que la tempête s'apaisa immédiatement. Le ciel restait surchargé de nuages sombres, un léger vent poursuivait sa route sur les terres d'Asgard, mais rien de comparable au terrible blizzard qui régnait jusqu'alors.
Lorsque Cyn rouvrit les yeux, se furent deux prunelles d'un gris de perle qui se posèrent sur Kara. Son visage était le même, son allure et ce qu'elle dégageait étaient identiques. Cependant... quelque chose avait changé, sans que cela ne soit définissable.
« Je suis fière, Kara, Valkyrie de Siegrune »
Ses mots furent prononcés en direction de celle qui n'avait donné ni son nom ni son titre, d'une voix extrêmement solennelle.
Elle brisa la distance qui les séparait, ses paumes s'élevant en coupe vers le visage ensanglanté de l'enfant alors qu'elle enserraient ses joues.
« Fière de voir qu'Asgard possède encore en son coeur des esprits aussi vaillants que le tien. Fière que tu aies risqué ta vie pour ramener l'hôte de mon époux jusqu'en ses terres. »
Le regard qu'elle posait sur elle se voila un instant d'une très légère tristesse.
Fière... oui elle l'était, du plus profond de son coeur. Mais la destinée ne peut mentir à la prescience de Frigg. Personne... ne le peut. Son coeur de Mère, Mère d'Asgard et de chaque créature qui y vit, ne peut que saigner en silence à la vue de si jeunes âmes contraintes d'affronter de telles épreuves. Kara... ne devrait pas porter cette charge. Mais le Nord est-il ainsi. Et cela serait lui faire offense, que d'alléger sa charge ou de l'en défausser.
Ainsi, portera-t-elle son fardeau jusqu'à Séléné.
Délicatement, les mains de la Déesse délaissèrent le visage juvénile, alors que la pulpe de son doigt repoussait légèrement une mèche de cheveux d'ébène derrière l'oreille de feu son époux. Frigg savait... oui... si Kara avait ramené le corps de cet homme jusqu'en Asgard, c'est qu'il était destiné à accueillir à nouveau l'âme du Divin.
Le visage lunaire se pencha et souffla à l'oreille de son époux. Lorsque ces quelques mots s'échappèrent de sa poitrine, de ses lèvres se détachèrent quelques filaments de lumière opaline qui s'immiscèrent dans l'oreille de Lothar. Le lumineux Amour est toujours une aide bienvenue, afin de traverser les épreuves du monde d'en bas.
« Hâtes-toi de rentrer mon époux... Asgard demeure bien instable en ton absence »
Et était-ce bien la vérité. Car si elle avait pu apaiser le ciel, cela ne serait que pour un temps fort court. D'ici quelques heures, un jour tout au plus, ragerait-il à nouveau sur les terres d'Asgard, et sans doute plus violent qu'auparavant. La terre réclamait son Roi. La Reine n'était pas suffisante et Frigg en avait parfaitement conscience.
Alors qu'elle se redressait, un aimable sourire se dessina sur ses lèvres.
Kara savait déjà. Comme elle l'avait envisagé la première seconde où elle avait perçu sa présence. Elle s'était agenouillée, quant il n'y avait pas la moindre raison à cela. L'âme humaine sait être merveilleuse. Et celle-ci ne faisait pas exception. Elle avait cru faire preuve de déférence envers une aînée... Douce utopie. Mais son âme, elle, connaissait la réalité de ce profond respect, bien avant que la conscience ne le réalise. Valkyrie.
Et tel l'être qui a besoin qu'on la pousse à avoir confiance en elle plus encore, la dame blanche reposa ses prunelles de perles sur Kara en ajoutant.
« Il était temps de quitter Fensalir... Ne penses-tu pas, ma chère enfant »
Car aucune Valkyrie, quels que soient son âge ou son expérience, ne peut ignorer le nom de la demeure de celle qui est la Patronne Asgardienne de toutes les femmes.