Gallion, Chevalier d'Argent de la Baleine [terminée]

Gallion

« Athéna »

VOTRE HISTOIRE

Mon réveil était le pire qui fût : une douleur carabinée dans toute la structure osseuse de mon crâne, une nausée terrible, des crampes dans tout le corps, et une douleur insupportable dans mon bras gauche. Et pourtant, je pensais que tout le monde avait fait son boulot sur le navire. Il fallait bien se résigner … L’Inferno venait de sombrer, quelque part, au beau milieu de l’Océan Atlantique. Il avait entraîné dans l’abîme avec lui les dizaines et dizaines de coffres remplis d’or, à destination des Antilles françaises. Et tant que commissaire extraordinaire de Sa Majesté Louis XV, inutile de préciser que ma mission de protection du magot avait été un échec. Et c’était bien la première fois. Moi, André de Géricault, Marquis, vingt-deux ans, dans la force de l’âge, je venais tout bonnement de faillir à mon devoir, ma mission royale.

Au moins, j’étais en vie, mais dans un état plus que pitoyable. Engourdi de pied en cap, je me levai péniblement alors que le soleil m’éblouissait de plus belle. Soudain, je perdis l’équilibre et tombai en arrière. Le plancher, ou plutôt l’amas de lattes de bois qui m’avaient emporté jusque sur cette plage, agonisaient elles aussi. Devant moi se dessinait un océan infini, sur lequel quelques débris de l’Inferno flottaient encore ci et là. Mon regard effectua une rotation et je compris rapidement que j’étais sur une de ces îles isolées, peut-être non cartographiées. Il y avait bien quelques arbres éparses, ainsi que l’entrée d’une forêt qui avait poussé sur le flanc d’une montagne assez abrupte. Il m’était impossible de deviner la taille de l’île, mais ce qui était certain, c’est qu’elle me conduirait à la tombe.

Je ne savais ni nager, ni survivre en milieu hostile. Avoir vu le jour au sein d’une famille noble ne m’avait jamais laissé complètement démuni. Enfin, de terribles épreuves m’attendaient, et je n’étais pas au bout de mes peines. A peine venais-je d’émerger de ma léthargie qu’un coup de propulsa en avant, non sans irradier toute la colonne vertébrale d’une douleur sourde. Je me retournai, et fis face à un drôle d’énergumène à l’air bestial et sauvage.

– Qu’est-ce que tu viens faire sur mon île, l’étranger ? Tu as fait tout ce chemin pour mourir de mes poings ?
– Par ma barbe que je n’ai pas ! rétorquai-je, je suis le Marquis de Géricault ! Je suis soulagé de voir que je ne suis pas le seul à avoir survécu à ce naufrage.
– Naufrage ? Ah oui ! Tu viens de ce bateau long courrier que j’ai explosé pas plus tard que ce matin. Je voulais tester la puissance de mes poings, hé hé hé …
– La puissance de vos poings ? Mais que …
– Tu vas avoir l’immense honneur de mourir de ma main ! Brûle, mon cosmos !!  

L’air sembla vibrer autour de moi alors que l’homme se concentrait. Une voix tonna au loin : « Arrête, Jacky !! ». Le dénommé Jacky s’arrêta net et se retourna. Un vieillard borgne se tenait derrière lui. L’index pointé en sa direction. Il y eut comme une détonation étouffée, et mon agresseur se retrouva au sol, à beugler comme jamais en se frottant le derrière avec frénésie.

– Ainsi donc, je vois que tu n’as toujours pas compris mes leçons, Jacky. Un petit coup du « Doigt Pourfendeur » devrait de rafraîchir la mémoire, jeune requin ! Ne t’ai-je donc pas appris qu’un Chevalier se devait d’être compatissant et protecteur ? Tu seras privé de dessert pendant deux mois, puisque tu t’obstines à me désobéir.
– Je vous remercie, vieil…
– Ici, nous nous tutoyons. Que nous soyons nobles ou paysans, cela n’a aucune importance. A présent tu survivras sur cette île, en notre compagnie. Avec un peu de chance, tu pourras t’accoutumer au climat et à notre mode de vie. Nous sommes les deux seuls occupants de cette terre impitoyable bande de terrer. Tu ferais bien d’abandonner ton nom et en adopter un nouveau. C’est une nouvelle vie qui t’attends. Au fait, appelle-moi Lulu le Merlu. Et ce crétin, là, c’est Jacky la Mitaine, mon disciple.
– C’est une plaisanterie ? Vous êtes tombés sur la tête ou quoi ? Quel est ce numéro …

Lulu le Merlu exécuta des mouvements amples avec ses mains, à quelques centimètres de moi, et une demi-seconde plus tard, je me retrouvai à valdinguer dans les airs, puis à retomber lourdement sur le sable. Je venais alors de comprendre que je mettais les pieds dans un tout nouveau monde.

Les premières semaines sur l’île furent les plus difficiles. J’appris essentiellement à survivre. Autrement dit trouver ma nourriture (ce qui signifiait apprendre à grimper aux arbres pour en cueillir les fruits, chasser, et surtout pêcher). Ayant une peur bleue de l’eau, il ne fut pas évident de m’initier à ces pratiques tout à fait exotiques pour moi. Chaque jour, Jacky la Mitaine prenait un malin plaisir à me malmener. Et dès que son mentor le remarquait, il lui infligeait de sévères corrections. Parmi ces terribles châtiment, on retrouvait la classique privation de dessert, le bonnet d’âne ou encore la fessée cul-nu. Heureusement, Lulu le Merlu (drôle de sobriquet au passage), m’avait intégré comme membre à part entière de cette famille artificielle bien étrange. Et lorsque je demandais la raison de leur présence au milieu de l’Atlantique, la réponse était toujours éludée.

Un jour, nous vîmes un espèce d’énorme cachalot à quelques cinquantaines de mètres du bord. Ni une ni deux, Jacky plongea dans l’eau encore glacée, et rejoignit l’impressionnant animal. Il se livra alors à un duel homérique, dont seul lui et Lulu avaient la raison précise du combat. Lulu avait remarqué ma mine interrogative, et sans aucune question de ma part, il fournissait des éléments de réponse :

– Je suis l’ancien détenteur de l’Armure d’Argent de la Baleine. Tu ignores probablement ce que sont les armures, n’est-ce pas ? Il s’agit d’artefacts protecteurs, qui permettent de protéger les Chevaliers, leurs détenteurs. Ces derniers ont juré protection à la déesse Athéna, en échange de pouvoirs extraordinaires. Jacky est le prétendant de l’Armure d’Argent de la Baleine, et par conséquent mon disciple. Mais je l’ai enfermée dans le ventre de ce cachalot, Doby Mick. Cet animal féroce a une puissance incroyable, et je l’ai élevé au combat depuis sa plus tendre enfance. Pour obtenir l’armure, il faut vaincre cette bête. Tu sais tout maintenant.

Tout ? Pas vraiment. Cette explication sans queue ni tête me poussa à poser de nouvelles questions chaque jour. Et petit à petit, Lulu le Merlu me fournissait des réponses de plus en plus détaillées. Il me montra les fabuleux pouvoirs dont il était investi, le fameux « Cosmos »… Ses techniques reposaient sur l’eau et l’humidité dans l’air, lui permettant de créer des courants et des impacts surpuissants à distance. Cela sortait de l’ordinaire. Et comme le vieillard voyait que je m’endurcissait que je m’étais fait à cette existence insulaire, il me prit en tant que second élève, ce qui ne fut pas du goût de Jacky la Mitaine. J’abandonnai pleinement mon ancienne identité de noble français. J’étais désormais Gallion, nouvel apprenti de Lulu, et décidé fermement à endosser le rôle de Chevalier d’Argent de la Baleine. Notre mentor nous berçait chaque soir des histoires et des légendes chevaleresques, et aussi des guerres divines menées aux côtés de la déesse, la chose la plus pure en ce monde. Il y avait bien d’autres dangers en ce monde, comme les Titans, les Berserkers du dieu Arès ou encore les ténébreux Spectres d’Hadès … Le monde n’était plus ce qu’il était à mes yeux.

La rivalité avec Jacky nous poussa mutuellement à nous surpasser. J’appris peu à peu à éveiller mon Cosmos, et en quelques années, nous fûmes à égalité, moi et Jacky, lors de nos simulations de combat. Fier de nos progrès, Lulu pouvait espérer ce qu’il y avait de mieux pour l’avenir de la constellation de la Baleine. Mais il n’y avait qu’une armure, et nous étions deux. Après dix années passées sur l’île, le monstre Doby Mick fit de nouveau une apparition. De concert, Jacky et moi nageâmes jusqu’à l’animal, où nous livrions une terrible bataille. A mains nues, épuisés et blessés, nous parvînmes à ouvrir le ventre de l’animal pour en extirper la précieuse armure.

Pour en départager le possesseur, Lulu le Merlu nous intima l’ordre de faire un combat singulier sur la plage, dès que nous avions rapporté la grande boîte renfermant notre graal. Suite à ce combat, je fus déclaré vainqueur, car Jacky la Mitaine avait triché. Et même s’il était plus puissant que moi, l’armure ne lui revint pas de droit. Ainsi, j’étais devenu un chevalier. Et quelques semaines plus tard, mon maître me permit de quitter l’île à dos de baleine à bosse, direction l’europe. Le sanctuaire attendait son nouveau Chevalier d’Argent. Je remerciai mon bienfaiteur, et adressai un dernier message à Jacky la Mitaine.

– Jacky la Mitaine, mon rival, mon opposant, mon jumeau maléfique, mon ennemi juré, mon clone méchant, mon côté obscur incarné … Nous nous reverrons. Et si tu tiens à reprendre cette armure, il faudra d’abord me passer sur le corps. Adieu les amis, je promets d’être un bon Chevalier, et je ferai bien mes devoirs.

Sur ce, je pris la mer. De l’autre côté de cette étendue bleutée, m’attendait mon destin …

MES INFOS +

Gallion est à proprement parler un très nouveau chevalier. Il ne connaît que très peu de choses concernant la chevalerie d’Athéna, si ce n’est l’essentiel, grâce à l’enseignement de son maître, Lulu le Merlu. Ce qui peut donc conduire à des situations coquasses étant donné la naïveté qui en découle.

Pour le Chevalier de la Baleine, sa fonction est primordiale, car Gallion est un homme de principe, qui souhaite avant tout appliquer une justice non pas « juste », mais impitoyable. Car pour lui, seule la violence peut combattre la violence. De ce fait, malgré sa candeur, Gallion peut se montrer froid, cruel, et peut se montrer capable d’accomplir les actes les plus ignobles dans le simple but d’aider sa propre cause. De temps à autres, il semble divaguer dans ses discours (probablement dû à l’isolement de dix ans sur une île de l’océan atlantique) et fait quelques fixations saugrenues sur des éléments de langages, tels que les « bobos », les « couteaux à beurre », les « nanto de fourrure », ou les « tétons ». Il recèle aussi bon nombre d’expressions qui lui sont prorpes et qu’on ne retrouve nulle part ailleurs comme la légendaire : « par ma barbe que je n’ai pas ! ».

Physiquement, Gallion est un colosse qui avoisine les deux mètres de haut. Il est aussi musclé de gaillard, ce qui en fait un Chevalier plutôt intimidant au premier abord, même s’il est très chaleureux et serviable avec ses congénèreS ; Son corps est parcouru de petites cicatrices, causées par son entraînement intensif par Lulu le Merlu. En secret, Gallio nourrit une rivalité sans bornes avec l’autre prétendant à l’Armure de la Baleine : Jacky la Mitaine, n’hésitant pas, parfois, à le mentionner inutilement dans quelques conversations.