Chapitre 1 : La naissance
9 Septembre 1726
-Cela fait maintenant dix ans que je suis arrivé en Egypte afin d'étudier les vestiges de cette civilisation en avance sur son temps. L'archéologie fut toujours le principal but de ma venue en ces terres arides, autrefois décrites comme un gigantesque oasis nourrissant et protégeant les habitants de Gizeh, véritables havre de paix ayant vu naître des Hommes devenu dieux de leur vivant jusque dans leur mort. J'ai pu découvrir, avec fascination, à quel point ce peuple chérissait leurs défunts et croyait fermement en cette vie après la mort. Je ne puis d'ailleurs que m'y référer moi-même...
-Dix ans, dix ans à étudier les pyramides, leur histoire, le savoir qu'elles ont transmis à travers les siècles...rien de bien compliqué à celui qui sache déchiffrer, presque aussi facile à lire qu'un livre ouvert attendant que l'on s'y plonge avec intérêt et concentration.
Non ! Ce qui me pousse à rester et écrire, soir après soir, mes journées à suffoquer sous ce soleil de plomb, est cette tête de Pharaon dont le reste du corps est enfuie dans le sable chaud de ce désert.
Nos moyens restent obsolète face à ces tonnes de sables, forçant la manœuvre ouvrière à creuser à la pelle, peine perdue... Et pourtant, je rêverais de voir ce qu'il s'y cache... Il semble s'y dissimuler des réseaux sous-terrains menant à un gigantesque Temp..........................*** TAC ***Le campement n'avait connu pareil nuit depuis longtemps. Le vent soufflait, se déchaînait même par certains moments, faisant claqués les toiles tendues des tentes positionnées près de la gigantesque tête faite de calcaire. Parmi celles-ci, seule l'une d'entre elle illuminait la nuit noir par la flamme d'une bougie vacillante. Une tempête approchait, faisant hurler le vent, traversant les plaines désertiques de Gizeh, tournoyants et semblant danser les chants des esprits des vestiges à proximité. Ce ne fut pas la première fois que l'archéologue posa sa plume entre les pages de son carnet afin d'écouter ce phénomène aussi fascinant qu'horrifique. Mais cette fois-ci, le vent chantait des complaintes....oui c'était cela, des complaintes proches d'un enfant pleurant, perdu dans la nuit hostile du désert égyptien. L'homme releva brièvement la tête, interpellé, et enfila alors sa longue toge afin de s’abriter du sable qui fouettait maintenant les tentes déjà bien malmenées par le vent.
Lorsqu'il sorti, un bruit effrayant s'engouffra dans son capuchon, résonnant dans sa tête, tels celui qui se tenait aux portes des enfers ! Mais parmi le glas de la tempête, une voix lointaine, quasiment effacée perçait jusqu'à ses tympans. Il s'approchait, avançant et s'éloignant pas après pas de sa tente qui lui offrait la seule source de lumière dont il disposait. Les ténèbres s'offraient désormais à lui, les cris se faisaient de plus en plus audibles, attirant l'homme habité d'un courage immense pour porter secours à ce qui ressemblaient de plus en plus aux pleures d'un jeune bébé...
« OUIIIIIIIIIIIIIIIIIINNNNN ! OUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIINNNNNNNNNNNNN !!! »
L'homme accélérait son pas, titubant de gauche à droite dans un sable qui devenait de plus en plus fins sous ses pied. Celui-ci s’essoufflait, craignant même pour sa propre vie, il eut un bref regard derrière lui cherchant sa tente qui apparaissait et disparaissait entre chaque bourrasque de vent qui emportait le sable avec frénésie. Lorsqu'il se tourna de nouveau, c'est la gigantesque silhouette de la tête du Sphinx qui l’accueilli de son regard impartial, le corps enseveli, trônant tel une divinité parmi la tempête, abritant sous lui un bébé dans son couffin fait d'osier, drapé d'un voile blanc immaculé. Quel ne fut pas son étonnement...un bébé, ici, perdu au milieu du désert en pleine nuit et en pleine tempête. Qui avait bien pu l'abandonner ? Mais l'heure n'était pas aux questions, il fallait s’abriter au plus vite au risque de perdre la vie tous les deux ! Il agrippa alors le couffin et rassembla toutes ses forces afin de rentrer au plus vite au campement. La tempête ne faiblissait guère, le sable frappait le visage de l'archéologue, ce dernier comme hypnotisé par ce qu'il tenait dans ses bras. Lorsqu'il parvint à sa tente, il déposa le couffin sur son lit de fortune et s'écroula sur le sol, épuisé et complètement about de force...
Chapitre 2 : La malédiction du Sphinx
9 Septembre 1742
-Cela fait maintenant seize ans que nous sommes ici. Les travaux avancent péniblement autour de l'édifice. Chaque effort, chaque coup de pelle la journée, se voit recommencer le lendemain ! Les nuits sont dures avec nous... C'est comme si le désert ne voulait pas nous laisser voir ce qu'il a englouti au fil des siècles. Certains parlent d'une malédiction...
-Je pense plutôt que nous devrions nous concentrer sur l'entrée un peu plus au nord. Si ses croyances s'avèrent exactes, la galerie souterraine nous y conduira. Mais il ne m'écoute pas ! C'est comme si il était hypnotisé par ce monument enseveli, ordonnant travaux insensés et interminables aux pieds de celui-ci. Tant pis, je travaillerai seul de mon côté.
-Aujourd'hui, j'ai réuni ma petite équipe afin de m'y afférer. Nous avons entamer une brèche et consolidé le sable épais. Cela ne fut pas si simple, mais les ouvriers me font bien plus confiance qu'à mon père, malgré mon jeune âge ! Ho, je ne lui en tient guère rigueur...il m'a tant appris. Il m'a transmis toutes ses connaissances, déchiffrer les hiéroglyphes les plus antiques, comment établir et mener un chantier à bien, me défendre, affronter le danger comme un homme empli de courage...et puis............*** TAC ***Le jeune homme posa alors sa plume et tourna la tête vers un coin de la pièce où une harpe traditionnelle égyptienne reposait, cadeau de son père provenant d'un vestige ancien. Plongé dans ses pensées l'espace de quelques instants, il semblait heureux, son visage arborant un léger sourire semblant être le reflet d'une âme apaisée.
Comment aurait-il pu en être autrement ? Ce jeune garçon avait connu une enfance heureuse auprès de gens chaleureux. Il avait appris de ceux-ci, chacun ayant une chose à lui transmettre. Les arts, la musique, les mathématiques, les hiéroglyphes, l’archéologie, le travail manuel, le sport... Toutes ces choses, il s'y était investi à son maximum, cherchant à être le meilleur parmi les meilleurs de sa ville natale. Cependant, ce qu'il voulait par dessus tout, c'était rendre fière son père avec lequel il travaillait dés qu'il en avait l'occasion. Les chantiers lui procurait de l'adrénaline et après tout, il avait grandi parmi les vestiges de l'Egypte antique, et par conséquent était devenu l'un des meilleurs archéologue de son époque à tout juste seize ans. La lumière du soleil irradiait sa longue chevelure ébène, perçant ses grands yeux dorés, laissant entrevoir l'apparence d'un ange plongé dans ses songes. Une voix familière le sorti alors de sa torpeur.
« NASHKA ? Où es-tu mon garçon ?
Regarde ce que nous venons de trouver ! »
Le jeune homme sursauta et ferma hâtivement son carnet avant de se diriger rapidement dans le couloir d'où provenait la voix de son père. Lorsqu'il lui fit face, le visage du père était égayé d'un large sourire, un morceau de pierre sculptée entre ses mains. Lorsque le regard de Nashka se posa sur le vestige que tenait son père, ses sourcils se froncèrent sévèrement.
« Qu'y a-t-il ? Ne trouves-tu pas ça magnifique ?
C'est un des vestiges des pattes avant du Sphinx que nous tentons de libérer depuis tant d'années !
OUI mon fils ! C'est bel et bien un Sphinx géant qui se cache sous ces tonnes de sables ! J'en suis certain !
Je suis sûr que mes calculs sont exactes ! Même si il me faut sacrifier ma vie entière, je découvrirai ce qu'il s'y cache !
Allons qu'as-tu ? C'est splendide non ? »
Alors que les paroles de son père coulaient dans son esprit, un étrange sentiment envahissait Nashka. Ce sentiment était à la fois un mélange de colère, de peur, d'émerveillement, de jalousie...comme si cette pierre à elle seule enfermait un lourd passé qui semblait éveiller quelque chose chez le jeune garçon. Après quelques secondes, il cligna plusieurs fois des yeux avant de reprendre ses esprits.
« C'est merveilleux... Je ne sais quoi dire Père... »
L'archéologue éclata de rire, laissant transparaître un certain sentiment d'accomplissement sur son visage.
« Celui-ci est pour toi... Ceci est ton cadeau pour tes seize ans !
Bon anniversaire mon fils !!! »
Il tendu alors la roche de ses deux mains, sous le regard ébahit du jeune Nashka qui semblait être encore chamboulé par la sensation que lui procurait cette pierre sculptée. Mais avant qu'il n'aie pu reprendre la parole, ses mains s'étaient déjà saisie du vestige au pouvoir si étrange.
« Merci..Merci Père...Elle est si fant..astique ! »
Le vieil homme avait remarqué l'attitude étrange de son fils, celui-ci toujours fixé sur la pierre. Le soleil n'allait pas tardé à se coucher et il fallait retourner au chantier. Le père de Nashka fit un signe à son fils, arborant fièrement un sourire, avant de se retirer. Lorsque la porte claqua, Nashka se rua dans ses appartements. Ce soir là, le jeune garçon n'en était plus sorti. Personne ne le dérangea, même pas son père et encore moins les domestiques de cette gigantesque demeure de la bourgade de Gizeh.
Un éclair déchira le ciel, de grosses gouttes tombaient sur le sol sableux de la cour, tandis qu'un vent puissant prenait le dessus sur la brise chaude venue du désert. Nashka, dans le noir complet, complètement seul dans sa chambre, n'avait toujours pas bougé d'un poil, ses yeux encore rivés vers cet éclat de roche mystérieuse. Il était comme vidée de toutes émotions, une coquille vide restant là à observer de ses yeux dorés rayonnant dans la nuit noir, ses cheveux ébène dansant au gré de la brise qui s'infiltrait par la fenêtre entrouverte.
Un deuxième éclair venait d'éclairer le ciel sombre, laissant apparaître brièvement une silhouette au-dessus de la pierre, un pentacle violet se dessinant sur celle-ci. Le jeune homme restait pourtant stoïque tel un pantin ne pouvant agir à sa guise. C'est à cet instant que l'ombre prit forme concrètement avant de prendre la parole d'une voix grave et autoritaire.
« Nashka... Tu n'es pas celui que tu crois !
Il y a seize ans de cela, celui que tu nommes Père, t'as recueilli au pied de notre caveau.
Il t'a recueilli...avant que nous puissions nous réunir à nouveau !
Nashka...
Le Sphinx nous attend ! Il se tarde de nous revoir en son sein !
Tu dois atteindre le coeur...afin que nous puissions de nouveau ne faire qu'un !
NASHKA !
NOUS NE SOMMES PAS ENTIER ! SA MAJESTE HADES NOUS ATTENDS !!! »
Les mots résonnèrent une dernière fois avant que la silhouette ne disparaisse dans la pierre, emportant le pentacle violet avec elle. Lorsque le calme reprit ses droits, le jeune garçon s’effondra dans un lourd sommeil forcé, bercé par les gouttes de pluies qui perlaient le long de la vitre usée de sa chambre.
Chapitre 3 : L'éveil du PharaonLe jour venait de se lever sur la bourgade de Gizeh, laissant place aux chauds rayons du soleil, baignant les habitants déjà bien affairés à leurs tâches quotidiennes. Bruits et vacarmes animaient déjà la place marchande, faisant sortir de son sommeil le jeune Nashka. Les ouvriers se préparaient à leur journée de labeur, rassemblant outils et machine de bois, vivres et eaux pour faire face au climat rude du désert, sous les directives de l'archéologue. Celui-ci jeta un coup d'oeil vers la chambre de son fils, toujours sur le pied de guerre, ce n'était pas à son habitude d'être en retard ! Mais impatient de reprendre les fouilles au pied du Sphinx, il plia bagage et entama la route accompagné de ses ouvriers, laissant bruits et vacarmes s'estomper peu à peu, tandis que Nashka se levait enfin de son lit. Sans un mot, il enfila un sac avant d'emmener sa vieille harpe et la pierre avec lui.
Il descendu, passa devant les domestiques qui le saluèrent sans qu'il ne réponde, d'un air dédaigneux, il continua son chemin et entreprit la route de son chantier plus au nord.
Une heure plus tard, il arriva enfin aux portes du chantier dont il en était le dirigeant. Ses ouvriers étaient déjà à pied d'oeuvre, déblayant les quelques débris des fortifications ayant subit la fougue de la tempête de cette nuit. Depuis cette nuit, il ne semblait plus lui-même aux yeux de tous... Son regard était sévère, la tête haute, se tenant fièrement droit comme un roi devant son peuple, ne prenant la parole que pour donner des ordres clairs et concis !
« Ecartez-vous et prenez congé !
Si vous croisez mon « Père », vous lui direz que je travail seul sur les hiéroglyphes de cette porte !
Me suis-je bien fait comprendre ?! »
Les ouvriers n'osèrent guère discuter les ordres de Nashka. Certains d'entre eux hésitèrent à partir, mais en quelques minutes, tous avaient prit le chemin de la ville. A peine eurent-ils quittés les lieux, il posa le sac contenant la précieuse roche avant de s'en saisir et de reprendre.
« Si ce que tu as dit est vrai...cette porte est tout ce qui nous sépare.
Qui es-tu réellement ? »
La pierre resta silencieuse, vide, inerte comme toutes roches. Il se répéta alors une nouvelle fois, mais rien de plus ne se produisit. Une coquille vide ne pouvait avoir accès à cette connaissance si facilement. On l'avait guidé, c'était désormais à lui de prouver qu'il était bien la partie manquante.
Il déposa alors la roche mystérieuse et sa harpe auprès de lui, avant d'entamer à déchiffrer les hiéroglyphes de la lourde porte. Ceux-ci mentionnaient un rite de passage vers l'au-delà imageant le célèbre jugement des morts par la plume de Maât. Plus bas, légèrement abîmé par le temps, les hiéroglyphes faisaient mention du Sphinx, protecteur du savoir du sombre monarque. C'est la première fois qu'il voyait ce genre d'inscription gravé sur le calcaire. Tout aussi étrange, cela se poursuivait :
« Toi qui pénètre ce lieu, la mort sera ta renaissance !
Tes yeux ne jugeront plus, seul la plume de Maât jugera.
Que ta note soit belle pour le sombre monarque.
Que ta puissance et ta connaissance soient à la hauteur du grand Sphinx ! »
Des heures durant, il réfléchi sur le lien que les dires de l'Ombre pouvaient avoir avec les inscriptions de cette porte. Il tournoyait devant celle-ci tel un lion en cage, une bête prise au piège. Il savait qu'il était trop tôt pour franchir cette porte. Il se devait d'en savoir plus, mais ne pouvait se résigner à tourner les talons. Quelques minutes plus tard, il n'eût d'autres choix que de replacer la pierre dans son sac, se saisir de sa harpe et de quitter les lieux sans se retourner. Une colère immense l'envahissait ! Il se devait de savoir si la silhouette disait vrai...Etait-ce cela ? Etait-il un enfant recueilli ? Etait-il si spécial que la silhouette le disait ? Dans un moment d'incompréhension et de haine intense, et ce sans même interrompre sa marche, il frappa de son poing l'un des rochers qui bordait le chemin du retour, marquant l'empreinte de celui-ci dans le calcaire blanc. Lorsqu'il fit quelques pas de plus, la roche se désintégra littéralement faisant rayonner la pierre qui se trouvait au fond de son sac. Il n'était plus le même.... En une nuit, il était devenu un autre, comme une pierre manquante à un édifice qu'il ne pouvait retrouver ! Sa colère et sa frustration devant l'échec ne pouvait se traduire que part un regard fermé, froid et autoritaire, loin du visage apaisé qu'il arborait à l'accoutumée. Il prit alors la décision de ne pas retourner en ville, disparaissant dans un nuage de sable fin.
Chapitre 4 : La renaissanceDouze longues années venaient de s'écouler depuis la disparition de Nashka. Son père avait entreprit des recherches pharaoniques afin de le retrouver, mais en vain ! Les gens de la ville racontaient que la malédiction du Sphinx l'avait emporté dans l'autre monde, ce qui eût pour effet de ralentir considérablement les fouilles proches du monument antique. Rares étaient ceux prêt à sacrifier leur vie pour retrouver un mort dans le désert, et encore plus rare étaient ceux à se risquer à une malédiction des esprits des vestiges... Le vieux archéologue était désormais quasiment seul, continuant inlassablement ses recherches, accompagné de quelques ouvriers attirés par l’appât du gain. Il s'était résout à la mort de son fils adoptif, mais ne pouvait se résoudre à abandonner son unique but dans la vie. Il avait passé trente-huit ans au pied de ce Sphinx soi-disant maudit, il n'allait pas renoncer d'ici peu, pas avant d'avoir réussi à pénétrer les lieux. La porte dont Nashka avait fait la découverte et se chargeait n'existait plus. Elle avait disparue du site comme par magie, ne laissant qu'un trou béant fait de sable d'où émergeait quelques bouts de bois épais qui servaient à consolider les fouilles douze ans auparavant. Pour le vieil homme, les journées étaient de plus en plus longue et les nuits encore plus, ne pouvant trouver le repos dans sa demeure désormais bien vide. Les jours se suivaient et se ressemblaient...jusqu'à ce qu'une nuit :Décembre 1954
-J'ai du mal à trouver le sommeil...une fois de plus. C'est désormais la main tremblante que j'écris ces lignes, las et fatigué de courir après un but inaccessible... Je ne veux pas renoncer mais cela devient de plus en plus difficile de poursuivre mon rêve. Les quelques hommes qu'il me reste ne sont là que pour le salaire qu'ils perçoivent, je ne suis pas dupe. Loin est le temps des Hommes voulant s'enrichir en découvrant l'histoire. Loin est le temps de ceux qui avaient soif de connaissance ! J'ai parfois l'impression d'être le dernier... Nashka, tu me..............*** TAC ***Le vent souffla une note de harpe venue de loin, avant de mourir noyé par d'autres sons qui habillaient la nuit. Le vieil archéologue l'avait clairement entendue. Cette note lui était bien trop familière pour qu'elle passe inaperçue. Et lorsque le vent souffla de nouveau une seconde note, et puis une autre, il se rua à sa fenêtre pour observer d'où elles provenaient. Son regard filait de gauche à droite, de bas en haut, lorsqu'il s'arrêta sur la vue du Sphinx qui baignait sous le clair de lune. Ces notes provenaient du monument, plus loin dans le désert, semblant appeler le vieil homme à les suivre. Le coeur battant, il enfila une longue toge et accouru dans la cour de sa battisse avant de prendre le chemin de son chantier, haletant tout poumons dehors.
La nuit était chaude, le désert calme, le son de harpe se faisait maintenant clairement entendre berçant les environs d'une magnifique mélodie enivrante... Chacune des notes pressait le pas du vieil homme, l'attirant inlassablement vers le site de son chantier. Lorsqu'il arriva enfin sur les lieux, il toussa d'épuisement, les mains posés sur ses genoux, tentant de reprendre son souffle. Il avait couru sans s'arrêter et lorsqu'il releva la tête lentement, ses yeux déroulant le gigantesque buste du trésor égyptien, il aperçu une silhouette scintillante, reflétant les couleurs de la nuit, posté sur la tête de l'impressionnant édifice ! Les notes firent alors place au silence...
« Tant......d’années.......perdues. »
Une voix douce et froide à la fois résonna dans la nuit.
« Tant d'années perdues à chercher qui j'étais.
Tant d'années à survivre...à maîtriser ce don des dieux...
Que dis-je ? Ce don de Sa Majesté. »
Alors qu'il terminait sa phrase, l'homme vêtu aux couleurs de la nuit écarta son bras droit de son corps, dévoilant un objet au creux de sa main encore indescriptible aux yeux du vieil homme.
« Si tu n'avais pas été là...je ne serais pas ici en train de jouer les funambules ! »
Un bref mouvement de la main suffit à expulser l'objet qui vint s'écraser lourdement dans le sable, juste aux pieds de l'archéologue qui tentait encore de reprendre son souffle.
« La reconnais-tu, vieil homme ? »
Le regard du vieil homme était ancré sur l'objet qui venait d’atterrir. Il ne lui fallu pas longtemps avant de comprendre. Cette pierre ! Il s'agissait du cadeau offert à Nashka pour ses seize ans ! Le premier éclat des pattes avant du Sphinx, trouvé douze plus tôt. Le vieil homme tomba à genoux, une larme perlant le long de ses joues, suivant les sillons que dessinaient ses rides, avant de venir mourir sur le sol sableux du désert de Gizeh.
« Nash...Nashka ?
Est-ce bien toi mon fils ? »
La silhouette baissa alors son bras lentement, son poing se serrant aussi fort qu'elle le pouvait.
« Ton fils ?! Ton FILS ?!
Mes véritables parents sont certainement morts à l'heure qu'il est !
Quelque part, cela m'arrange. Je n'aurai pas à ôter la vie à ceux qui me l'ont donné.
Ils ne devaient pas être si idiots, pour m'avoir abandonné, finalement !
Mais c'était sans compter sur l'âme charitable d'un pauvre...archéologue, n'est-ce pas ?! »
L'homme, genoux au sol, restait spectateur, abasourdi par les paroles de celui qu'il avait élevé comme son propre fils.
« Il y a douze ans, tu as éveillé le mal qui sommeillait en cet édifice que tu chéris tant.
L'âme protectrice du Sphinx résidait en ce lieu, attendant la venue de son nouvel hôte.
Hôte que tu t'étais permis de prendre seize ans auparavant, comme cette pierre, que-dis-je, cet édifice que tu t'es accaparé !
Cet esprit m'a guidé vers la connaissance.
Une porte, que seul moi pouvait ouvrir, était la seule frontière qui me séparait de ma moitié.
Chaque jour, je m'évertuais à comprendre.
Seul face à tous, j'ai survécu jusqu'à aujourd'hui grâce à ma force.
J'ai appris, chasser, grandi et évolué de moi-même, toujours guidé par cette étoile. »
Il pointa alors une étoile qui brillait bien plus que les autres.
« Ce soir, elle scintille de mille feux en mon honneur !
Pendant ces longues années, j'ai découvert un pouvoir incommensurable en moi.
Le cosmos. Véritable petit univers habité d'un pouvoir divin, concentré en un seul et unique être.
Mais pour maîtriser celui-ci, mes yeux devaient ne plus juger.
Mon cosmos et ma puissance augmentait au fil du temps où j’apprenais à ne plus voir comme un homme quelconque, transformant mon corps et mon esprit en véritable arme.
Mais ce ne fut pas si facile ! Pour maîtriser pleinement celui-ci, il me fallu un canalisateur. »
Il se saisit alors d'un objet avant de le tendre au clair de lune, laissant se dessiner la silhouette d'une harpe traditionnelle égyptienne.
« Ma note sonnait désormais juste.
Je n'avais plus à pourfendre de mes mains. Seule ma vieille harpe était mon arme.
Je contrôlais l'esprit de mes opposants, contrôlant ainsi leurs corps.
Douze longues années à parfaire ma connaissance et ma puissance, comme la porte me l'avait prédit...
J'ai enfin pu retrouver ma moitié, au sein même de ton rêve ! »
Nashka brisa alors sa vieille harpe faites de bois, laissant les morceaux dégringoler la haute sculpture de pierre. L'archéologue ne pouvait en croire ses oreilles. Il ressentait une profonde colère envers ces paroles, ces actes. Comment pouvait-il avoir changé à ce point ? Le vieil homme ne put s'empêcher de l'interrompre.
« Comment...comment oses-tu ?!
Tu profanes des injures à mon égard, moi, qui t'ai sauvé d'une mort certaine.
Tu m'as abandonné... Je ne suis pas responsable de tes choix !
Tu as tellement changé...Tu es rempli d'arrogance...Tu...TU N'ES PLUS MON FILS ! »
Le cri du vieil homme fit écho.
« Je ne l'ai jamais été ! »
Nashka se tourna alors face à son père adoptif avant de faire un bon majestueux dans les airs et d’atterrir sur le sol, faisant voler le sable fin, obscurcissant la vue du vieil homme ayant protégé ses yeux de ses avants-bras. Le clair de lune dévoila enfin son corps vêtu d'une armure ébène aux couleurs de la nuit, froide, mais scintillante comme une étoile. Ses paupières s'ouvrirent, dévoilant des yeux dorés perçant, et dans sa main droite, une magnifique harpe semblant être un prolongement de son armure fait dans les mêmes matériaux.
« Je suis Nashka du Sphinx, Spectre de l'Etoile Céleste de la Bête.
Protecteur des connaissances, au service de Sa Majesté Hades. »
Le vieux archéologue était en état de choc, apeuré, peinant à comprendre ce qu'il se produisait sous ses yeux. Son fils était devenu une sorte de monstre au service du Dieu des Enfers. Ses connaissances sur le sujet ne lui faisait pas défaut, mais il n'aurait jamais cru que mythologie devienne réalité sous ses yeux ! Il se tourna, gémissent de peur, à quatre pattes, tentant de fuir l'atmosphère devenue oppressante emplie d'une odeur épaisse de mort !
Le cosmos pourpre de Nashka surgit alors de son corps, s'enflammant de toute sa splendeur macabre, illuminant les environs et faisant danser les ombres comme des âmes perdues entre le monde des morts et celui des vivants !
« Tu te croyais digne de pouvoir accéder en son sein !
Digne de poser les yeux sur la chambre centrale de mon édifice !
Te voici à la merci de son pouvoir...
Cependant, mes yeux ne te jugeront pas, seule la plume de Maât décidera de ton sort... »
Son cosmos s'intensifia alors, tandis qu'il commença à jouer de sa harpe. Un son calme et envoûtant s'en dégageait, les notes semblant fusionner avec sa cosmo-énergie. Sur un ton des plus calme, il prononça alors ces mots :
*** BALANCE OF CURSE ***
L'homme fut fixé sur place, pétrifié par une force qu'il ne pouvait combattre. Cette mélodie que Nashka jouait, semblait pénétrer au plus profond de ses entrailles, le faisant hurler de douleur ! Son coeur s'accélérait, palpitant à la limite de la crise cardiaque, semblant vouloir déchirer sa poitrine pour en sortir.
Les mains du Spectre du Sphinx continuait de caresser délicatement les cordes de sa harpe, les notes devenant de plus en plus agressive. Le vieil homme continuait de hurler, alors qu'au même moment, sous ses yeux, apparaissait des hiéroglyphes représentant la scène du jugement des morts.
Le coeur du vieil homme s'arracha de son corps, encore palpitant de vie, et vint se poser sur la balance face à la plume de Maât !
« Il serait hautain de ma part de t'expliquer le fonctionnement du jugement de l'âme par la plume de Maât, n'est-il pas ?
Mais, comme je doute que ton âme soit pure et que d'ici quelques secondes, ton coeur fasse pencher la balance vers lui, je vais te raconter ce que tu aurais pu trouver dans cet édifice . »
« De long couloir somptueux, labyrinthique, ornés des plus belles dorures et couleurs que tu n'as jamais eu l'occasion de voir.
Des connaissances à perte de vue peintes à même le mur.
Chacune des petites sales renferment des objets antiques qu'aucun humain n'a eu l'occasion de voir ! Et, enfin, dans la salle centrale patientait mon Surplis du Sphinx !
Là, majestueux sur son socle fait d'un marbre noir, il m'attendait. »
La balance venait de pencher vers le coeur du vieil homme, déchirant celui-ci, lui faisant rendre son dernier souffle. Lorsque les notes s'arrêtèrent, tout disparu, l'ambiance du désert reprit ses droits dans la nuit calme et paisible. Seul le bruit du corps sans vie de l'archéologue qui frappa le sol se fit entendre.
« Tu es celui qui m'a éveillé.....moi, un Spectre. J'étais persuadé que ton coeur ne pouvait être pure !
Tu n'avais donc aucune chance ! »
Le Spectre du Sphinx venait d'user d'un stratagème machiavélique. Cependant, il n'avait pas menti et n'avait donc aucunement perturbé l'équilibre de Maât... Ses yeux n'avaient jugé, sa note avait été parfaite, sa puissance et sa connaissance avait attiré la mort, ce qui était pour lui, signe de renaissance.
Lorsqu'il disparu dans un halo pourpre, le sourire encore aux lèvres, il ne laissait derrière lui qu'un cadavre sur un sol poussiéreux, satisfait de pouvoir enfin rejoindre son Dieu.