Hermès de Myst, Dieu des Voleurs et de l'Eloquence

La psychologie d'Hermès ? Si vous vous posez la question c'est que vous n'avez pas lu les lignes précédentes... Et bien disons que le mot qui pourrait vous revenir le plus souvent serait "facétieux". Libre à vous d'en conclure ce que vous voulez.

Par où commencer ? Bon, faisons comme si j’étais humain. J’adore ça. Mon père est Zeus, Roi des Dieux, maître de la Foudre, et tout un tas de titres ronflants qu’il énumère bien mieux que moi. Ma mère s’appelle Maïa. Mon grand-père est donc Atlas, pour les connaisseurs. Très tôt, j’ai été… disons créatif. En même temps, n’est pas « le premier tourment des hommes et des dieux » qui veut. Mais tout cela est bien réducteur. Je ne suis le tourment de personne. Disons simplement que je ne suis pas très friand des gens qui sont imbus d’eux-mêmes, trop pénétrés de leur propre importance. J’aime assez les ramener à la réalité, et je suis sûr que ça leur rend service. Après tout, à quoi sert un bouffon si ce n’est à éviter que son Seigneur ne pêche par orgueil ?

Si je devais avoir une tare, ce serait sans doute une tendance compulsive à emprunter durablement le bien d’autrui. J’ai commencé très tôt, avec le troupeau de mon frère Apollon. Du coup je ne suis pas pressé outre mesure de son réveil…

Cela dit, j’aime bien mon frère. En fait j’aime bien tout le monde, un peu trop même selon l’avis de ma sœur. J’ai eu, de mémoire, de multiples enfants, toujours des esprits créatifs et libres, comme Pan.

Comme il se trouve que je me promène un peu partout sans être vu ni inquiété, sans doute du fait de ma bonhomie, les dieux m’ont fait le cadeau de faire de moi leurs messagers. Tant mieux, j’adore avoir les nouvelles à la source ! Et je m’acquitte, je crois, de mon office avec soin. Il m’est même arrivé de conduire les âmes des défunts chez mon oncle, un homme raffiné mais tellement sectaire !

Muni de mes sandales et de mon caducée, je parcours le monde, toujours avide de découvertes et de rencontres.

C’est d’ailleurs tout à la fois la raison de mon sommeil et de mon réveil. Je me suis endormi quand trop l’ont fait, quand le monde est devenu trop rigoureux, trop terne. Mais l’époque actuelle… si pleine de vie, de création… Le léger don de préscience accordé par papounet me laisse entrevoir un avenir radieux, bourré d’idées et d’innovation, et il est temps pour moi de venir voir de quoi il en retourne. Et puis, la situation a l’air pleine de promesses, avec tous ces dieux qui se regardent en chien de faïence en attendant que l’un d’eux éternue pour déclencher une guerre sanglante. AHAH !

Mais il me fallait un humain. J’aime m’incarner. Je me choisis un humain, et j’évolue parmi eux. C’est à mon sens ce qui manque à beaucoup de mes pairs : la capacité à s’extasier devant l’audace humaine. Finalement, nous n’existons que parce qu’ils nous vénèrent, donc qui a le pouvoir sur l’autre ? Ils ont le libre-arbitre, et en font bon usage. J’ai souvent voulu, d’ailleurs, créer ma propre caste de chevaliers, mais je crois que papa ne serait pas d’accord. Mes oncles et ma sœur y ont droit, mais pas moi. Tant pis.

Cette fois-ci, j’ai choisi Kleftis, un bandit à la petite semaine. Je l’avais marqué dès sa naissance, en prévision de ce jour, et parce que je savais qu’il serait un bon hôte. Fils d’un pâtre et d’une lavandière, élevé dans le dénuement, je ne crois pas l’avoir vu voler que pour ramener de quoi manger chez lui. Et comme nécessité fait loi, ses parents ne l’ont réprimandé que par pure forme. Pas méchant pour un sou, plutôt un tire-laine qu’un coupe-jarret. Pas bien grand, maigre comme un chat efflanqué, des cheveux bruns bouclés et la bouille timide d’un adolescent de nature à plaire aux hommes comme aux femmes. Musculeux, d’une musculature sèche qui n’altérait pas sa silhouette maigrelette, des yeux gris étrangement tristes, il avait tout pour me plaire, malgré un menton légèrement prognathe et un accent de Sparte insupportable.  Je le suivais depuis un moment quand il s’est fait tomber dessus par la garde de Sparte. Ni une, ni deux, je me suis incarné à ce moment précis. Un coup de rein rapide, hop, me voilà dans le dos d’un garde, à tirer la ceinture de ses chausses. Un souffle, et me voilà la lance d’un autre en main, en train de la briser sur mon genou. Encore un mouvement, et je suis derrière le troisième, en train de frapper son fessier rebondi de la hampe de la lance.
« Daimonas, daimonas ! » hurlaient-ils en s’enfuyant. Je vous fais grâce de la traduction. Amusant. Mais l’heure était venue de me présenter.

- Bonjour Kleftis
- Qui êtes-vous ? Qui me parle ? Je ne vois personne.
- C’est-à-dire qu’en réalité je suis dans ta tête…
- Mama va encore me fâcher… J’ai dû abuser du…
- Du vin résiné, en effet, l’une de tes tares ou de tes charmes, avec les femmes, mais non, c’est bien moi.
- Êtes-vous un démon ? quelque esprit malicieux ?
- Pour la première, Papounet me préserve, non ! Pour le second je serai plus réservé. Sache que j’ai nom Hermès, messager des dieux, inventeurs des mesures, gardiens des routes et des carrefours, des voyageurs, du commerce et des voleurs. Et non, la connexion n’est pas aussi logique qu’il le parait entre les deux derniers. Je suis aussi le guide des défunts, mais c’est un autre sujet.
- Êtes-vous venu me punir ?
- Ah mais enfin pour qui me prends-tu ? Pour l’un de mes oncles ? Non, je suis venu te dire que tu es désormais mon réceptable.
- Je ne comprends pas…
- Et bien disons que désormais ton corps véhicule nos deux âmes. Tant que je le veux bien, tu le comprends. Je te regarderai vivre, conquérir, séduire, profiter. Et moi, de mon côté, je t’amènerai en des lieux magiques et extraordinaires, même si parfois, hélas, je devrai t’emprunter ton corps pour mener mes petites affaires. Mais je te le rendrai intact, et jamais je n’en userai très longtemps.
- C’est-à-dire que je tiens à ma liberté et…
- Liberté que je viens de sauver, oui je le sais bien. Je pourrais te dire que tu n’as pas le choix, et c’est un peu vrai, mais le fait est, mon cher ami, que tu n’auras pas à t’en plaindre. Pour l’instant, allons voir tes parents, veux-tu ?

Et c’est ainsi qu’après avoir remis à ses parents une belle poignée de drachmes sortis de mon intarissable bourse d’argent, je partais avec mon nouvel ami, à pieds et en charrue, vers la demeure de Papa. Il était grand temps que j’aille lui faire une petite bise matinale.

Papa l'a voulu ainsi... Et je n'aime pas désobéir à Papounet. Ou alors pas trop. Du coup j'aime bien l'Olympe. Mais l'Eden... Comment dire... C'est la liberté. Et les autres sont tellement plus amusants...