Ryuken aux Enfers ! Acte Deux !

Mon deuxième voyage en Enfer. Et certainement pas mon dernier à en croire mon mode de vie. De toute façon, je traversais la Porte du Désespoir avec la ferme intention de quitter ce monde temporaire et de revenir aux affaires rapidement. Mon agenda était véritablement chargé: non seulement, il y avait pleins de gens que je devais tuer mais je devrais aussi assumer ma responsabilité en me faisant gentiment enguirlander par mes maîtres. J’avais désobéi à un ordre, j’avais manqué de respect à un supposé dieu et donc je devrais certainement en payer le prix. Ça ne me dérangeait pas plus que ça car je n’étais pas le genre d’homme à mentir pour me trouver des excuses. Et, surtout, il fallait absolument que je mette un terme définitif à cette légère et frustrante impression de manque. Quelque chose n’allait vraiment pas. Mais je ne savais pas du tout quoi. Comme si je devais simplement pousser une porte en bois mais que je n’y arrivais pas. Et absolument sans savoir ce qui se trouverait derrière. Donc, en gros, un beau voyage vers l’inconnu. Avec, en prime, ce dernier sentiment que tout se conclurait pour moi si je l’ouvrais. Bref, normalement, un véritable casse tête si je devais prendre un tant soit peu le temps de réfléchir. Pourtant, je ne suis pas du genre à me poser des questions métaphysiques: je fonce dans le tas et je vois après ce qui se passe. Je fais ce que je dois faire sans me poser de questions. C’est plus simple comme ça.


En attendant, dans ma tête, je venais d’ajouter un morceau de viande à abattre. La liste venait de s’allonger. La traque prendrait du temps mais, dans cet océan d’impulsivité et de fureur, je devais bien admettre que prendre mon temps pour mettre un terme à la vie d’un charlot agonisant n’était pas un véritable problème pour moi: ça pouvait même être divertissant. j’étais un peu pressé de tuer certaines personnes. Embouteillages en perspective et j’y serais pour beaucoup de choses. Alors que je me trouvais devant l’Achéron, j’attendais patiemment que le Passeur vienne pour m’amener au Tribunal et que le Juge me fasse son speech comme la dernière fois. Il me posera vraisemblablement une énigme, j y répondrais, je reviendrais à la vie, je passerais le clair de mon temps à récupérer et après je vaquerais à mes occupations.  Je me ferais disputer, on va m’envoyer une malédiction, on va me punir, et comme
d‘habitude, parce que je suis une sacré tête de mule, je dirais rien, je laisserais passer l’orage et quand ce serait terminer, j’irais régler ces petits soucis qui me taraudent l’esprit. Mais, il va bien falloir que j’ai une sérieuse entrevue avec ces trois Olympiens. Je n’ai jamais apprécié les Olympiens mais j’ai le devoir de servir Arès et ses deux Fils. Alors, je fais gré contre mauvaise fortune et je fais le job comme on dit. J’attends simplement d’eux qu’ils me rendent plus forts et qu’il m’aident à devenir ce que je suis destiné à être: ni plus ni moins qu’un véritable déicide en puissance.  Après tout, je n’étais pas dupe sur ce point: Cronos m’a formé et entraîné à être un Tueur de Dieux. Pour la simple et bonne raison que tout humain servant une divinité porte lui en le germe de pouvoir tuer les dieux et de mettre un terme définitif à leur existence. Simplement, je n’ai pas encore pris le choix de le devenir: est-ce obligatoire de servir les divinités de ce monde ou bien est-ce une nécessité de les exterminer afin de rendre le pouvoir définitif aux humains ? Cela supposait une profonde réflexion sur moi-même et sur le monde qui m’environnait. Tout le problème était de savoir si j’avais vraiment envie de réfléchir à tout cela…

Parmi les morts, j’attendais que la Passeuse fasse son arrivée. Bien que la file soit bien longue, le trépas ne m’empêchait pas d’accomplir mon bon vouloir au grand dam des âmes errantes qui peuplaient cette berge obscure. En effet, dans mon esprit, bien que décédé, j’avais encore cette volonté de quitter ce lieu au plus vite afin de revenir rapidement aux affaires.  Au diable le reste ! J’avais affronté un dieu et j’avais perdu. Logique. Par contre, dans mon esprit, si encore j’en avais un, il était évident que je me vengerais et que je m’occuperais de son cas. Ça serait sale ! Injuste ! Blasphématoire au possible ! Je m’arrangerais pour qu’ils se souviennent de moi et je lui ferais gentiment comprendre qu’il ne vaut absolument rien du tout.  Dans le genre plat qui se mange froid, il était sûr que je n’étais pas du genre à connaître la limite de la décence envers les dieux. Comme je ne les respecte pas, je n’ai aucun problème à les considérer comme des détritus. Oh oui ! Il se souviendra de moi ! Et tellement bien que quand il me croisera la prochaine fois, il connaîtra l’effroi sinon une terrible appréhension.


Quand vint le moment de monter sur la barque, je ne fis qu’incliner la tête silencieusement. Je m’installais dans un coin et regardais droit devant moi. Je devais absolument trouver ce qui me manquait. Ce petit sentiment de manque était comme une petite aiguille qui agaçait trop mon doigt de pied. Je pouvais m’en moquer mais à la longue, ça m’ennuierait. Et j’avais l’impression que ce ressenti avait une réelle importance pour moi. À bien y réfléchir, ça devait sûrement avoir un lien avec Cronos. Quand j’y repense, il m’a tellement enseigné de chose alors que je n’ai même pas eu la possibilité de m’en servir. Il n’a pas fait que m’entraîner, il m’a complètement guidé. Du début jusqu’à la fin. Des fois, je me dis que c’est implanter dans ma mémoire ou quelque part et que ça sortira bien un jour ou l’autre. La question était de savoir si j’en avais vraiment envie ou pas: après tout, quand on reçoit quelque chose du Roi des Titans, on doit toujours s’attendre à lui offrir quelque chose en retour. Mais bon, il était sûr que j’étais à un carrefour de ma vie. Et,  alors que je déposais les pieds de l’autre côté de la berge, saluant le passeur d’un simple hochement de la tête, je me demandais  si tout ça en valait la chandelle.